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22.

J'avais mal dormi, comme je l'avais prévu. Vers ce qui m'avait semblé quatre heures du matin, le père de Kim était rentré et s'était écroulé comme une masse dans le futon près de nous. Il sentait tellement fort l'alcool que ça m'avait pris au nez mais je n'avais pas pu voir à quoi il ressemblait, j'avais seulement entendu ses ronflements le reste de la nuit jusqu'à ce que le jour se lève et qu'un réveil sonne.

Kim et moi nous étions levés sans un mot, nous n'avions pas déjeuné, seulement enfilé nos uniformes, puis avions pris la route jusqu'au lycée. Quarante-cinq minutes de bus et de marche à pied.

Visiblement, Kim ne semblait pas vouloir parler et je n'étais moi-même pas d'humeur à prononcer un mot. En arrivant au but, j'étais déjà fatigué par le trajet mais avec le peu de monnaie que j'avais sur moi, je pris un beignet à la pâte d'haricot rouge à un stand de rue et en offrit un à Kim qui déclina d'abord, mais tenté ensuite par mon insistance, il finit par l'avaler d'une traite. On arriva in-extremis à l'heure de la sonnerie et je le laissai dans l'escalier qui menait au deuxième étage tandis que je montais quatre à quatre les marches qui me guidaient au troisième niveau.

Je me sentais presque étranger à moi-même. Entre la réalité et les cauchemars, comme un entre-deux où j'ignorais si je devais me réveiller ou fermer les yeux.

Garder les yeux ouverts toute la journée pour écouter les cours se révéla une torture insoutenable. Je finis par clairement tout abandonner durant les deux dernières heures et m'assoupir, le nez sur mes notes.

Enfin, quand la journée se termina, je n'eus aucune envie de rester à la bibliothèque étudier. Je n'avais ni le cœur ni la tête à ça. Sur le seuil du portail de l'établissement je me résolvais alors à devoir rentrer au domicile familial.

Mes pas furent lourds et trainants, indécis et inquiets, et j'osai croire, dans un espoir fou et naïf, qu'en arrivant mon géniteur serait toujours là. Malheureusement, ce ne fut pas le cas et ma déception fut douloureuse lorsque se referma derrière moi la porte d'entrée et que je constatai un vide à l'emplacement de ses chaussures. Ma génitrice accourut en m'entendant arriver, elle portait encore et toujours son tablier :

-Yooni ! J'étais si inquiète ! J'ai appelé le lycée, ils ont dit que tu étais en cours...

-Désolé, éludai-je sans relever le regard, dans la contemplation du vide.

-J'ai essayé d'appeler ! Je ne savais pas où tu étais, passer la nuit dehors c'est...

Alors il était vraiment parti, n'est-ce pas ? Tout ce dont je me souviendrais alors, ce serait ce sac de sport débordant d'affaires jetées à la va-vite. Un dernier souvenir peu réjouissant. Ma génitrice dut suivre mon raisonnement parce qu'elle s'exclama rapidement :

-Je prépare le dîner !

-Écoute, tentait-je, il faut qu'on parle de...

-Non !

La force de sa voix me fit sursauter et me réveilla soudain de mon état transitoire.

-Non, non, non et non ! asséna-t-elle. On ne parlera pas de ça.

C'était si typique d'elle. Pourquoi alors en étais-je si surpris ?

-Il n'y a pas à nous inquiéter, ton père va rentrer.

Je levai un sourcil sceptique mais elle fit mine de ne pas le voir.

-Il va revenir.

Elle semblait sûre d'elle et c'était ce qu'il y avait de pire. Quand nous étions convaincus d'avoir raison, rien ne pouvait nous faire changer d'avis, n'est-ce pas ?

-Il revient toujours, c'est juste une dispute, une passade, rien d'alarmant.

Pourtant, ça l'était.

Toujours dans l'entrée, mes chaussures à peine enlevées, je contemplais le décor avec amertume. Alors ça y est, le temps s'était refermé sur moi et tout recommençait ?

-Dis-moi plutôt où tu as passé la nuit, tu n'as pas dormi dehors tout de même ? s'inquiéta-t-elle.

-Non, j'étais chez Taehyung.

-Oh, il est gentil ce garçon, admit-elle d'un ton maternant. Tu devrais l'inviter à dîner en remerciement. Je préparerai un repas et lui ferai un gros gâteau, qu'en penses-tu ?

-Tu sais, marmonnai-je d'un ton de voix éteint, il faudra qu'on en parle à un moment...

-J'ai dit non, Yoongi ! insista-t-elle implacablement, nous n'avons pas besoin de parler de quelque chose qui va s'arranger.

J'étais harassé par cette journée, par toute cette charge mentale que je ne parvenais pas à évacuer. Je n'avais pas le cœur à me prendre la tête avec elle ce soir, ni créer une dispute qui n'aboutirait à rien. Je gravis alors les escaliers en direction de ma chambre puis, en jetant mon sac contre ma chaise de bureau, envoyai un message à Kim l'informant qu'il pouvait venir quand il voulait.

Je me laissai tomber dans mon lit, gardant un œil sur mon sac de classe dans lequel les documents n'avaient pas bougé.

S'arranger, hein ?

Rien n'allait s'arranger, je le crains.

*******

Mon géniteur avait abandonné notre foyer depuis plus d'une semaine à présent.

Comme à l'époque.

À ceci près, qu'à présent j'avais parfaitement conscience de son absence, je ne me laissais pas ni rassurer, ni influencer par le discours de ma génitrice. Elle essayait, elle, par toutes les manières de relativiser la situation et surtout, de trouver un moyen de fuir en coupant la conversation lorsque je souhaitais l'amener.

Je restais démuni face à ça.

C'était comme si tout ma hargne, ma colère, ma rancœur m'avait abandonné, je restais comme un simple spectateur, sans aucune autre alternative que celle d'attendre.

Attendre quelque chose qui n'arriverait jamais.

L'histoire de ma vie avait redémarré, s'était ralliée au récit principal et tout se déroulait à présent exactement de la même manière. Je ne ressentais rien, mais j'ignorais si je m'efforçais de ne rien ressentir ou si toutes mes émotions s'étaient vraiment éteintes.

J'étais au croisement de ma vie à présent. Je me dirigeais droit vers l'accident.

Je me trouvais presque découragé. J'avais du mal à suivre mes cours, mes notes d'examens commençaient réellement à baisser, je me démotivais, ne parvenant pas à réviser, et j'arrivais moins à rire et passer du temps avec mes camarades.

Pourquoi me battre alors que tout finira de la même manière ?

Après tout, maintenant que tout semblait être revenu dans l'ordre avec Jaehyo et que je m'efforçais de passer du temps avec Minho et Wooji, tout aurait pu s'avérer bénéfique pour l'avenir. Mais ce n'était pas le cas.

Je m'effaçais.

J'avais tenté de lutter, j'avais l'impression de m'être battu avec bien plus fort que moi et d'avoir perdu. Mon géniteur était parti, ma génitrice s'enfermait dans le déni, le suneung qui serait là dans moins de cinq mois s'annonçait perdant.

La seule chose qui restait, c'était Kim Taehyung.

Il revenait à mon domicile, faisant la joie de ma génitrice car après tout, avec un camarade présent, il était d'autant plus impossible d'avoir une conversation sur le sujet tabou.

Lui, il se montrait étonnement solide dans cette situation.

Il avait pourtant été, et resterait, la tangente la plus imprévisible de mon parcours. Celle qui semblait toujours sur le fil du rasoir et pourtant j'étais rassuré de le voir aussi présent. Aussi solide près de moi. Il parlait toujours aussi peu, il peignait et dessinait toujours autant. Il couvrait son bras brûlé par la cigarette par des manches longues alors même que tous les élèves du lycée avaient troqué leur uniforme d'hiver pour celui d'été. La chaleur de l'été atteignait déjà des hauteurs insupportables.

Parfois, je me rendais compte qu'il n'allait pas bien, comme si une ombre passait sur son visage. Je me doutais aussi que cet insupportable Park Jimin devait avoir trouvé d'autres moyens pour l'intimider mais il était impossible d'en parler avec Kim.

Ma génitrice avait son sujet tabou, lui avait le sien et j'étais exclu des deux.

Pourtant il ne s'isolait plus, ne s'enfermait plus, il n'en parlait pas mais il restait là, près de moi alors que je me trouvais bien incapable de l'aider. J'avais voulu tout contrôler, sa vie, la mienne, et à présent je ne pouvais faire ni l'un ni l'autre. J'étais complètement démuni. Telle une coquille vide.

Oui, je m'effaçais de cette vie, mes pensées, mes émotions, tout s'annihilait pour se recaler sur celui que j'avais été. Bientôt, allais-je oublier tout ce qui s'était passé ?

Cette idée m'effrayait.

En me réveillant ce samedi matin-là, un mois après l'absence de mon géniteur, je trouvai la main de Kim posée sur mon poignet tandis que lui dormait, à plat ventre sur le futon, presque collé aux pieds de mon lit. À croire qu'il essayait toutes sortes de positions possibles et inimaginables dans son sommeil.

C'était devenu habituel.

J'avais remarqué que lorsqu'il était là, je faisais toujours autant de cauchemars mais au moins, je parvenais à faire des nuits complètes. Par contre, cette fois il n'avait pas grimpé dans mon lit pour dormir à mes côtés. C'était toujours aussi gênant pour lui comme pour moi de nous réveiller l'un en face de l'autre.

Il semblait dormir profondément actuellement et je bougeai lentement pour laisser sa main glisser sur les couvertures et sortir délicatement de mon lit sans le réveiller.

Le soleil paraissait éclatant dernière les stores et filtrait par intermittence le décor de ma chambre d'adolescent. Sur mon bureau trainaient des révisions non abouties et, cachée derrière des livres, se trouvait la frise chronologique que j'avais tenté de réaliser sur les événements de ma vie.

Tout ça paraissait dérisoire à présent.

Voilà un mois que tout s'était enclenché et je ne parvenais pas à ressentir la moindre émotion. Les jours passaient dans une passivité totale comme si j'étais l'observateur d'un film.

Le mien.

Pourtant il me restait une dernière étincelle, un dernier regain de bataille avant de pleinement abandonner la partie. Je pris quelques vêtements rapidement et sortis sans un bruit, profitant d'abord du fait que la salle de bain soit libre. Puis, une fois pleinement réveillé je m'assis sur la première marche de l'escalier. J'avais presque une vue sur l'entrée de là où je me trouvais et j'entendais distinctement les bruits dans la cuisine. Ma génitrice était déjà aux fourneaux.

Je restais à écouter les bruits de cet endroit, me rappeler de tous ses détails, ses odeurs. J'avais le sentiment que ce serait ma dernière journée au calme, dans cette maison. Ma dernière journée sans responsabilités d'adulte.

J'espérerais m'en souvenir avec nostalgie, bien des années plus tard.

Je me relevai sans un bruit et tirai sur la chaise qui se trouvait dans un coin, près de la porte de la salle de bain. Je visai un endroit particulier du plafond, là où se trouvait une plaque qui menait aux combles non-aménagés de la demeure. Je me hissai puis me surélevai légèrement pour soulever la petite trappe.

C'était ma cachette à moi, celle de mon enfance. J'y mettais mes jouets la plupart du temps ou les bonbons que ma mère ne voulait pas que je mange. Je ne l'avais plus utilisée depuis des années, mais ces dernières semaines j'y avais refourgué le contrat de divorce. Je l'avais fait presque avec une volonté enfantine de cacher quelque chose à mes parents, notamment cet objet abandonné qui avait provoqué tant de disputes. Objet qui était à la fois un fléau et la clef de la réussite de ma famille.

Je le récupérai lentement puis remis la chaise à la place. Alors enfin, après une grande inspiration, j'empruntai l'escalier.

Comme prévu, ma génitrice était dans la cuisine, dans son éternel tablier de couleur pastel. Je tirai une chaise et posai le contrat sur la table. Elle m'entendit et se retourna en souriant :

-Oh Yooni, tu es réveillé. Taehyung dort encore ? Je vais te servir le déjeuner...

Furent alors déposé devant moi un bol de riz, de l'omelette et quelques carrés de pastèque découpés. Elle, elle souriait mais quand ses yeux tombèrent sur le contrat de divorce posé près de ma main, son sourire dégringola.

-Pourquoi tu as ramené ça ici ?

-Est-ce que tu peux t'assoir et...

-Donne-le-moi, je vais nous en débarrasser.

Je tirai les documents vers moi en fermant les yeux doucement. Ma respiration me paraissait étrangement calme.

-Maman, s'il te plait, assieds-toi.

Je ne sus pas si ce fut mon ton soudain solennel, ma manière de l'appeler « maman » comme si j'avais oublié quel effet cela faisait ou le fait que je prenne cet air suppliant qui l'a fit flancher. Elle demeura hésitante, sur la défensive mais consentit à s'assoir.

-Yooni, ce sujet est clos. Je ne signerai pas ça, ton père va revenir tu sais.

-D'accord, consentis-je avec difficulté. Admettons qu'il revienne, mais quand ? Dans combien de temps ? Et que vas-tu faire en attendant ?

-Qu'est-ce que tu veux dire ? Pourquoi tu me demandes ça ? s'étonna-t-elle en se crispant.

-Ça fait déjà un mois, on est à présent en juillet. Son salaire a dû tomber, as-tu vérifié les comptes ?

Elle parut désemparée par ma question, comme si elle ne s'était pas attendue à ce que je puisse avoir pensé à ce genre de chose.

-Les comptes ? Yooni, ne te préoccupe pas de ça...

-Si son salaire n'est pas tombé, que devrons-nous faire ? Y as-tu réfléchi ?

-Il va tomber, ne t'en fais pas, il doit seulement avoir un peu de retard...

-Maman.

Elle s'arrêta et je pris une grande inspiration.

-Et s'il ne tombe pas ? Et si les suivants n'arrivent pas sur votre compte commun ?

-Il va tomber ! insista-t-elle durement comme si ainsi elle voulait clore le sujet.

-Oui mais s'il ne tombe pas, répétai-je avec calme. Que va-t-on faire ?

Elle parut complétement décontenancée mais son expression devenait de plus en plus sévère au fil des minutes qui passaient. Elle avait cette lueur dans le regard, une lueur farouche qui impliquait qu'aucune autre réponse que la sienne ne serait entendue.

-Il va tomber ! Ça ne sert à rien de parler de ça. Ton père va rentrer et tout reprendra comme avant.

Je repoussai un peu vers le centre de le table les documents du divorce et je crus qu'elle allait me les arracher de mains pour les déchiqueter avec violence. Elle parvint à se retenir mais ses yeux me jetèrent des éclairs.

-Écoute-moi, s'il te plait. Si d'ici un mois il ne revient toujours pas et que son salaire ne tombe pas non plus, il faudra prendre une décision. Tu pourras toujours croire qu'il reviendra mais en attendant il faudra quand même payer le prêt de la maison, les factures d'électricité, d'eau, les courses et tout le reste. Sans son salaire on peut y arriver mais pas longtemps.

Elle commença à ouvrir la bouche mais d'un geste qui me surprit à être aussi calme, je l'arrêtai doucement.

-Il y a les économies, je m'en doute, mais combien de temps est-ce qu'on pourra vivre avec ? Six mois ? Un an ?

-Ça ne te regarde pas, Yooni ! s'écria-t-elle en se levant. Pourquoi tu me parles de compte et d'argent tout d'un coup ? Il y a bien assez pour vivre et le salaire de ton père va tomber.

J'avais les mains posées sur la table et ça me rassurait de sentir la surface dure sous la nappe. Ça me rappelait que j'étais dans la réalité et non dans un rêve. Je pris une grande inspiration à nouveau.

-Je te laisse les documents, fais-en ce que tu en veux.

Elle parut particulièrement satisfaite de ma réponse et tendit les mains pour les attraper pourtant je n'avais pas fini de parler :

- Je veux que tu saches que je vais tout faire pour avoir mon suneung, je ne vais pas me laisser envenimer par cette histoire.

-C'est parfait mon chéri.

Elle s'était remise à sourire.

-Ensuite, je m'en irai de la maison.

Elle se figea, ce fut si brusque que ses yeux manquèrent de sortir de leur orbite.

-Quoi ?

-Je m'en irai. J'irai faire mes études ailleurs, je veux quitter la maison. J'irai à Seoul, Busan, peu m'importe. Je ne resterai pas.

-Mais qu'est-ce que tu racontes ? lança-t-elle dans un cri en se rasseyant brutalement sur sa chaise.

Puis elle se reprit, se relevant aussi soudainement qu'elle s'était assise, posant les mains sur la nappe avec force :

-Pas question. Tu ne vas nulle part ! On a une université à Daegu, pourquoi veux-tu aller ailleurs ?

-Parce que je veux être indépendant. Je fais le choix égoïste de vouloir croire en mon avenir plutôt que de tout faire pour t'aider, toi.

-Ce que tu dis n'a aucun sens !

Mon cœur se serrait d'une douleur si terrible que je devais me retenir pour ne pas pleurer furieusement.

-Tu sais combien de petits boulots il faut faire pour obtenir le salaire de papa ? Sans lui, sans son travail, as-tu une idée de tout ce qu'il faut comme argent pour payer le prêt, les factures les courses, les objets de la vie courante ? Moi, je sais. Il faut au moins quatre petits boulots. Personne ne peut avoir quatre petits boulots tout en faisant ses études. Même si je vais à l'université, que je trouve un travail et que je t'envoie un peu d'argent chaque mois, ça ne sera jamais suffisant.

-Je ne te demande pas de faire ça, s'exclama-t-elle brusquement.

-Alors que feras-tu ? répondis-je. Ou trouveras-tu l'argent ?

-Ton père va ren-

-Maman, la coupai-je une nouvelle fois. Je veux aussi croire au fait qu'il rentrera à la maison mais j'ignore combien de temps ça prendra. On ne peut pas attendre sans rien faire. Je n'ai pas envie de t'abandonner mais je n'ai pas envie de colmater son absence. Je ne veux pas devenir « l'homme de la maison » qui ramènera de l'argent pour continuer à vivre cette vie comme si rien n'avait changé...

-Je ne te demanderai jamais de faire ça, s'offusqua-t-elle en posant la main sur le cœur. Mais pour qui exactement à est-ce que tu me prends ?

-Et si on n'a plus le choix ? Si les économies se vident ? Tu trouveras du travail ?

-Du travail ? Je ne travaille plus depuis des années, mon rôle est d'entretenir cette maison. Je n'ai pas l'intention d'avoir une activité, répondit-elle d'un ton aigu comme si elle trouvait mon idée complètement dérisoire. Qui fera à manger et le ménage ici si je ne suis pas là ?

-Comment penses-tu que font les femmes qui travaillent ? l'interpellai-je.

-Ce n'est pas la vie que j'ai choisie. Nous avons convenu, ton père et moi, que je resterais à la maison et lui travaillerait pour nous faire vivre. C'est ainsi que les choses doivent être faites.

-Mais il n'est plus là maintenant...

-Il va revenir ! s'énerva-t-elle brusquement en détachant bien tous ses mots.

Le revoilà, ce visage de rage de colère couplé à cette phrase que j'ai dû entendre un million fois dans ma vie. La réponse qui coupait tout espoir, toute tentative de trouver un compromis.

-Maman, le contrat de divorce permettra de diviser équitablement les parts financières de chacun. Cette maison sera vendue et tu récupéreras la moitié de l'argent. Cet argent ta sauvera, te permettra d'avoir un appartement en ville mais tu ne peux pas continuer de rester ici sans travailler.

-Je ne signerai rien du tout.

-Alors je partirai.

-Mais pourquoi tu me fais ça ? s'écria-t-elle complètement démunie à présent. Tu me punis c'est ça ? C'est ton père ? Il t'a monté contre moi ?

-Non, je ne veux rien avoir à faire avec lui. Je fais ça pour toi, pour te faire réagir, tu ne comprends pas ?

-Évidemment que je ne comprends pas ! Cette maison ne sera jamais à vendre, c'est le symbole de notre famille, l'endroit où ton père rentrera !

-Ce n'est qu'une maison, maman. Pourquoi la conserver si chacun de nous trois s'y trouve malheureux ?

-Personne n'est malheureux.

Je ne savais pas où cette conversation nous menait à présent, mais je ne pouvais pas m'empêcher de la continuer comme je l'avais fait par le passé. Ressasser encore et encore la même chose en espérant secrètement que la fin soit différente.

-Je n'attendrai pas avec toi qu'il entre, soufflai-je doucement, le cœur en peine. Je ne te regarderai pas te fourvoyer dans ce mensonge comme si tu n'avais que ça dans ta vie. J'existe aussi, tu sais. C'est moi que tu dois sauver, c'est moi l'enfant, toi l'adulte, pourquoi ne le vois-tu pas ?

-Bien sûr que je pense à toi, me répondit-elle d'une voix douce, c'est pour toi que je fais ça, mon chéri, on va redevenir une famille.

-C'est pour toi que tu le fais. Tu essayes juste de sauver les apparences.

Elle le prit mal et je la compris. Je dépassais les bornes et cette conversation n'avait plus de sens. J'avais peur de me servir des mots pour lui faire mal. Je me levai durement, me frottant les yeux. J'avais quarante-sept ans, pourquoi était-ce aussi difficile de parler de tout ça ?

Pourquoi je me sentais redevenu un enfant maintenant ?

J'avais encore tellement de choses sur le cœur et, parce que je savais que j'avais attendu toutes ces années pour les dire, ma voix trembla en les prononçant enfin :

-Tu vaux mieux que ça, mieux que d'être une femme au foyer attendant son mari et se préoccupant des ragots du quartier.

-Personne ne sait encore rien, chuchota-t-elle. Ils ne le sauront pas, ton père reviendra et...

-Il n'a jamais été là de toute façon. Tu confonds l'image que tu veux créer et la réalité, et je suis fatigué de me battre avec toi, de me disputer sur ce sujet. Je voudrais tellement que tu te rendes compte du prix à payer pour refuser de constater la réalité mais tu ne le feras pas, tu ne l'as jamais fait.

-Je ne comprends pas ce que tu dis là, je...

-On n'a jamais eu besoin de lui, il n'a jamais vraiment été là mais tu as agi comme si tu ne pouvais pas exister sans lui. Réveille-toi, s'il te plait, rends-toi compte que tu vaux mieux que ça, on vaut mieux que ça. On peut tout changer.

-Rien ne va changer.

Je pris une autre inspiration, chassant la douleur qui me piquait les yeux et faisait mourir mon cœur :

-Je ne resterai pas avec toi pour vivre ça.

Pas encore une fois.

-Je préfère m'enfuir comme un lâche.

-T'enfuir ? Mais enfin Yooni, tu utilises des mots tellement inappropriés... s'offusqua-t-elle.

-- Tu crois ? Alors repense à tout ça, à notre conversation ici quand viendra le moment où tu utiliseras l'argent que tu gardais pour financer l'université. Penses-y quand cet argent servira à payer les factures de la maison parce qu'il n'y aura pas d'autres choix. Penses-y alors.

Elle parut choquée et d'une voix étranglée je marmonnai :

-Il y aurait tellement de moyens d'être heureux, tu sais. Notre bonheur ne se trouve pas dans cette maison. Est-ce que ça vaut la peine de l'attendre toute notre vie alors qu'il ne nous apportera jamais rien ?

Je fis volteface, retournant près de l'escalier. Gravir les marches me demanda un effort pénible et j'arrivai jusqu'à ma chambre comme une âme en peine. Les volets n'étaient pas ouverts mais Kim Taehyung était réveillé, la porte était ouverte et rien qu'avec la gravité qui s'affichait sur son visage, je savais qu'il avait tout entendu.

Je n'avais pas le cœur à lui parler, je tâchai de contrôler mes émotions, mes sentiments en pagaille au fond de moi. Je me laissai tomber sur mon lit de tout mon poids. Si Kim Namjoon m'entendait, je le supplierais de m'effacer la mémoire, de faire en sorte qu'à présent j'oublie tout pour vivre cette vie sans savoir que j'allais souffrir, perdre mes amis, m'endetter, me battre, à peine manger, voir ma mère devenir folle et la dépression la tuer, puis me faire reverser par une voiture pour mourir.

Je voudrais supplier tellement fort.

Mes yeux débordaient à présent et seul le silence me répondait. Personne ne sembla entendre ma supplication.

Les événements de ma vie me revenaient par flash, avec fracas, et je criais silencieusement pour tenter d'en freiner l'avancée. Je ne voulais pas revivre ça, pas une fois encore.

Pourquoi devais-je souffrir ainsi ? Pourquoi ?

Je sursautai furieusement en sentant la main de Kim se poser sur la mienne, il parut mal à l'aise de son geste mais ne retira pas ses doigts des miens. Ses mains étaient grandes, veinées comme celles d'un adulte, tachées de peintures.

Ce geste ne me parut rien et pourtant il me fit un étrange effet.

J'étais censé être celui qui soutenait l'autre.

Kim avait bien plus de problèmes que moi, il était constamment en prise avec ses camarades harceleurs, envahi d'idées sombres, noires comme les ténèbres, avec une mère absente, un père alcoolique, et pourtant il se tenait là, comme s'il avait la carrure pour ça. En posant maladroitement sa main sur la mienne.

Je repensai alors à ce moment, où il avait serré ma main dans la classe d'art, me remerciant seulement de croire en lui.

Le geste m'avait paru étrange mais ça m'avait calmé.

Là, c'était lui qui croyait en moi.

C'était la première fois que ça m'arrivait.

Les larmes arrivèrent, je ne les sentis même pas au départ ; j'eus l'impression que tout glissait sur moi, que je m'effaçais dans la pénombre, disparaissais à travers les interstices de lumière. Ma vie ne changerait plus jamais mais en enfer, j'avais quand même trouvé quelqu'un à qui m'adresser.

Nous étions deux âmes écorchées qui semblaient s'être trouvées.

C'était étrange que ce gosse soit celui qui devait m'apprendre les choses, alors que c'était moi l'adulte. Je me sentis bête un instant puis je me rendis compte que c'était ce que j'étais : un adulte et un enfant. Au croisement de ma vie.

Les larmes se décuplèrent. Bêtement je me retrouvai soudain avec toutes mes émotions retournées, les anciennes, les nouvelles. Ma main dans la sienne, je me mis à m'effondrer pour de bon, à tout lâcher et il resta là à me soutenir.

Comme le tableau qu'il avait peint, cette main tendue vers le ciel. Il était celui qui me rattrapait.

D'accord Kim Namjoon, ainsi doit être ma vie. J'ai compris. Laissez-moi juste quelques instants pour la pleurer et ensuite tout pourra continuer.






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Chapitre corrigé par automnalh

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