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18.

Il tremblait.

Il refusait de me regarder.

Assis sur une chaise de l'infirmerie du bâtiment principal, trempé de la tête aux pieds, Kim Taehyung fixait le vide comme s'il était absent à lui-même. Il faisait peine à voir ainsi et je tentais de trouver les mots, peu importe lesquels, à dire pour le rassurer. Mais rien ne venait.

Je demeurais incapable, ainsi debout et inutile, alors que mon irritation ne faisait qu'empirer.

-Mr Kim, vous m'entendez ? le héla l'infirmière en blouse blanche, est-ce que vous avez des vêtements de rechange dans votre casier ?

-Je vais aller lui en chercher, affirmai-je.

Elle hocha la tête et je déposai en premier lieu les deux boîtes de bentos non entamés sur une petite sellette près d'un lit, avant de me dépêcher de me rendre dans mon casier. Je devais avoir un cours de sport dans deux heures, ainsi mon uniforme sportif était à sa place, propre, généreusement lavé par ma génitrice et disponible dans mon casier.

Alors que je revenais avec mes affaires, je trouvai dans l'infirmerie deux de nos professeurs dont un que j'aurais bien aimé ne pas revoir avant demain : Young, le professeur d'écritures chinoises.

-Vous devriez être en cours, me somma-t-il.

-C'est moi qui l'ai accompagné jusqu'ici, j'ai le droit d'être là.

-La priorité est à vos notes.

-La priorité est à l'empathie, cinglai-je.

-Ne commencez pas à me parler sur ce ton-là... siffla-t-il.

-Ils seront convoqués ? assénai-je durement.

-Qui ?

-Les quatre qui ont fait ça.

Il eut une petite moue condescendante, comme si je l'emmerdais particulièrement avec mes questions :

-Non, nous devons en discuter avec le directeur adjoint.

-Je les ai vus, je vous ai dit de qui il s'agissait ! Ce n'est pas compliqué d'aller leur demander des comptes, non ?

-Calmez-vous, Mr Min, et parlez-moi sur un autre ton, asséna-t-il.

-Nous n'allons pas intervenir simplement uniquement sur votre simple témoignage, lança à son tour le professeur de littérature coréenne.

D'une quarantaine d'années, maigre et sec, les yeux fades et les cheveux taillés en brosse, Mr Moon ne m'était pas non plus sympathique mais, jusque-là, il ne m'avait pas paru totalement inutile.

Tous une bande d'imbéciles incapables.

-Il y avait d'autres témoins, tout l'étage de première année presque ! m'écriai-je. Comment vous pouvez fermer les yeux devant un tel acte ? C'est du harcèlement !

-Mr Kim, lui, n'a pas décidé de porter plainte contre ses assaillants et sans son témoignage, rien ne se fera.

-Donc vous vous en lavez les mains ?

-Non, évidement que non, asséna Young. Nous allons interroger les élèves qui ont pu faire ça.

-Et ? Quelles seront les conséquences ?

Mon ton était monté et vu le frémissent de narines du professeur insupportable d'écritures chinoises, le sermon n'allait pas tarder.

-Nous convoquerons leurs parents dans un second temps, répondit Moon d'un air aimable.

Je ricanai froidement :

-C'est tout ? Vraiment ? C'est tout ce que vous avez à faire ? Convoquer leurs parents et quoi, régler ça par un discours moralisateur alors qu'il s'agit de quelque chose de grave ?

-Avez-vous les vêtements ? s'enquit l'infirmière en revenant vers moi.

Je lui tendis et fis quelques pas en direction de Kim, sifflant à qui pouvait l'entendre :

-Vous êtes minables.

-Vous aurez vous-même une retenue, Mr Min, si vous continuez ainsi.

-Allez-y.

Moon semblait prêt à s'offusquer mais son collègue de dix ans son aîné l'arrêta :

-Ne rentrez pas dans son jeu.

J'avais encore une fois envie de dégobiller ce système scolaire de merde mais pour l'instant, il y avait plus important que de régler mes comptes avec le système éducatif de ce pays. Je devais savoir comment allait Kim.

En revenant vers la chaise qui demeurait à présent vide, j'aperçus que l'infirmière l'avait envoyé dans la salle de bain qui juxtaposait la pièce et ses petits lits alignés.

Les deux professeurs sortaient à présent et le calme revenait dans l'infirmerie alors je toquai doucement à la porte :

-Kim, c'est moi. Je... est-ce que tu as besoin d'aide ?

L'eau coulait comme s'il prenait une douche et j'attendis, sans obtenir de réponse, seulement le silence qui semblait parler à sa place. Enfin la porte se rouvrit et tel un zombi il marcha jusqu'au petit lit avant de s'y assoir. L'infirmière arriva à son chevet :

-J'ai tenté de joindre vos parents mais le numéro indiqué sur votre dossier scolaire ne semble plus exister...

Kim ne répondait toujours pas, son visage faisait peur à voir. Il semblait presque aussi transparent qu'un fantôme et je marmonnai alors :

-Je vais rester auprès de lui.

Elle acquiesça doucement :

-Pas longtemps, vous devez retourner en cours. Qu'il se repose surtout.

Elle tira le rideau qui séparait les petits lits des uns des autres et j'avisai le tabouret roulant pour m'y installer. En relevant les yeux vers le visage du gosse, je me rendis compte qu'une larme avait coulé sur sa joue. Son visage était si visible maintenant avec ses cheveux coupés que ça me marqua durement.

Je le voyais.

C'était pourtant un constat simple mais qui prenait à présent toute une nouvelle dimension. Ses harceleurs le voyaient-ils aussi ? La coupe de ma génitrice avait-elle eu plus de conséquences que ce que j'aurais pensé ?

Si c'était le cas, j'allais me sentir affreusement coupable.

-Tu ne vas pas me laisser tranquille, hein ? marmonna-t-il soudainement d'une voix rauque.

-Je ne crois pas.

-Pourquoi tu ne me laisses pas mourir, maintenant...

Les larmes débordèrent et Kim referma les bras autour de sa tête après avoir remonté ses cuisses le long de sa poitrine.

Encore une fois, la parole me manqua. Je n'infligeais qu'un silence lourd de sens, chargé de non-dits. C'était terrible d'être à cette place, d'être garant de la vie de quelqu'un comme si j'étais responsable de ses malheurs. Responsable de ce que l'existence lui infligeait.

-Pourquoi tu les dénonces pas, ces trois types ? questionnai-je le plus délicatement possible.

Il renifla et il fallut un long moment avant qu'il ne tourne la tête vers moi :

-Ça sert à rien, de toute façon il ne se passera rien...

-Pas si on se bat pour qu'ils soient virés.

-Ils ne le seront pas et tu le sais, je le sais, tout le monde le sait.

C'était bien là tout le problème.

Je relevai le menton, les sourcils froncés :

-C'est pas la première fois, hein ? Qu'ils te font ça ?

Il se figea, déglutit d'abord puis sa lèvre fut mordue avec violence avant que son visage ne vienne se cacher soudain dans ses bras.

-Pourquoi ils font ça ? insistai-je.

-Tu crois qu'il leur faut une raison ? répliqua-t-il d'une voix étouffée par la barrière qu'il avait érigée autour de son visage.

Je soupirai lourdement avant de poser les coudes sur mes cuisses et de me frotter le visage de manière contrariée.

-Ils sont dans ta classe, non ? Le gamin, le dernier, je sais que je le connais ou qu'Hoseok le connait, Park quelque chose...

-Jimin.

Il releva la tête et me jeta un coup d'œil impossible à déchiffrer.

-Tu veux que j'aille lui casser la gueule ?

Kim eut un hoquet d'un rire étranglé :

-C'est toi qu'ils vont virer à ce stade.

-Alors dénonce-les, répétai-je.

Il n'eut aucune réponse.

-Kim, m'énervai-je, tu ne peux pas laisser faire les choses comme ça.

-Tu ne comprends pas...

Je plissai de yeux après un temps de silence :

-Tu as peur d'eux ou tu les défends ?

-Je ne les défends pas !

Cette fois, ça sembla le mettre hors de lui, son corps s'était même relevé de sa position de repli pour élever la voix.

-Alors quoi ? l'interrogeai-je.

-C'est plus compliqué que tu l'imagines !

J'attendis. J'attendis longtemps mais rien ne venait, aucune explication, aucun argument. Ses pupilles tremblotaient comme s'il était un animal pris au piège.

-Tu les connais depuis longtemps ? demandai-je en changeant mon approche.

Sa réaction m'étonna. Il détourna le regard, visiblement ça devenait sa spécialité dans tous les sens du terme.

Bingo.

-Lequel ? Park ?

-Peut-être...

-Et ça lui donne quoi ? L'immunité ?

-Non...

Je soupirai bruyamment avant de me lever et de faire quelques pas puis de me rassoir.

-C'est à cause de lui que tu veux mourir ?

Kim secoua la tête puis redéposa son visage sur ses bras mais cette fois incliné vers moi. Il n'avait jamais paru aussi maigre et vulnérable.

-Rien ne changera tu sais, chuchota-t-il. Je vais rester comme ça pour toujours. Ça fait partie de moi... Je me sentirai toujours aussi mal... Pourquoi je dois continuer cette existence, encore ?

-Pour comprendre pourquoi tu es dans cette existence, justement.

Il ricana alors :

-T'es censé me dire que ça s'arrangera avec les années.

-Ce serait te mentir, avouai-je honnêtement, je suis le parfait exemple d'un raté.

Cette fois nos regards se croisèrent, et mes épaules s'abaissèrent après un long soupir :

-Tous les autres ont eu l'air heureux en vieillissant... Comme si l'âge apportait une certaine stabilité, un certain calme. Il n'y avait que moi qui ne l'étais pas. Je les ai haïs pour ça, je les ai jalousés, j'ai tout détruit car ça m'était insupportable qu'ils soient heureux et pas moi...

Il ne répondit pas mais me fixait avec insistance alors j'avouai à demi-mot :

-Je ne sais pas si ça s'améliorera, Kim, je ne peux rien te promettre mais ce que je sais c'est que... si on ne fait rien, c'est sûr que ça s'améliore pas.

-C'est tellement difficile de faire quelque chose parfois...

-C'est la règle du jeu, je suppose, ricanai-je. On nous avait prévenus que ce ne serait pas simple mais c'est à croire qu'on le découvre à chaque fois

-Tu es naze pour remonter le moral de quelqu'un.

Cette fois, je m'arrachai un sourire :

-Littéralement.

Pourtant Kim avait meilleure mine mais je n'étais pas certain que cela soit grâce à moi. J'approchai le fauteuil à roulettes un petit peu plus du lit en chuchotant :

-Tu veux rentrer chez toi ce soir ?

Il détourna le regard, et ses dents commencèrent à tirer sur les petites peaux de ses lèvres desséchées.

-Tu peux venir à la maison aussi, proposai-je.

-En milieu de semaine ?

Je haussai les épaules :

-Qu'est-ce que ça change ?

-Tu fais ça par pitié !

Il s'était redressé et son regard m'envoyait des éclairs. Finalement, le côté animal sauvage n'était jamais bien loin, me fis-je la remarque. À croire que, lorsque j'avais l'impression de progresser et de faire trois pas vers lui, il reculait immédiatement de trois pas pour m'éloigner.

-Bien sûr que non.

-Alors quoi ? cracha-t-il.

-Par amitié ? hasardai-je simplement. J'ai envie de t'aider alors arrête de me rejeter !

Le rideau se tira brusquement derrière moi, nous faisant sursauter, et l'infirmière m'annonça :

-Mr Min, vous devriez retourner en cours maintenant.

-Cinq minutes, quémandai-je, s'il vous plait et ensuite je m'y rends.

Elle hésita avant d'hocher la tête et je récupérai les boites à bento sur la petite sellette :

-Dors un peu et mange aussi. Je repasserai à la fin des cours. Si tu as envie de rentrer avec moi, on fera le chemin ensemble.

-Tu es persistant, siffla-t-il avec une moue contrariée.

Je tentai un sourire :

-Tu peux dire chiant, tu sais

-Alors tu es chiant.

-Bon appétit Kim, à tout à l'heure, le saluai-je.

Je quittai l'infirmerie, le ventre vide et fis quelques pas dans les couloirs avant de grimper jusqu'à l'avant dernier étage. Le professeur de mathématiques ne tiqua même pas en me voyant arriver au milieu de son cours. En m'asseyant sous les regards curieux de mes camarades, j'aperçus Jaehyo qui articulait silencieusement à quelques tables de moi :

« Tu étais où ? »

J'étais très certainement là où il faudrait que je sois toutes les prochaines années à venir.

Plusieurs heures plus tard, en quittant mon dernier cours après avoir salué les trois huluberlus habituels, au lieu de me diriger vers la bibliothèque, je m'hasardai, sans aucune arrière-pensée, dans le couloir des deuxièmes années. Trainant autour de la classe D qui se vidait peu à peu alors que le ménage de la pièce était en train de se réaliser, au milieu du couloir, une petite bande riait à des blagues grotesques proférées par un gamin aux grosses joues et lorsque je m'approchais, il eut l'air tout sauf heureux de me voir.

-Min Yoongi, le saluai-je, le hyung d'Hoseok. Ma gueule te revient ? Oh attends, bien sûr, on s'est croisés à midi, tu sais, quand tu sortais des toilettes après avoir harcelé et jeté de l'eau sur un de tes camarades de classe.

Les rires de ses amis s'estompèrent et le dénommé Park Jimin fit la grimace :

-Je m'en souviens parfaitement. Qu'est-ce que tu veux ?

Le culot du plus jeune me cloua quelques instants sur place avant de me faire soupirer longuement :

-Ce que je veux ? Ça ne t'effleure pas l'esprit ?

-J'ai des choses à faire donc abrège, sunbaenim.

J'allais lui ramasser la gueule à ce gosse, il allait comprendre mes propos.

-C'est quoi le but de la manœuvre, qu'est-ce qu'il vous a fait ? Est-ce tu te rends compte de tes actes au moins ?

-Je fais ce que je veux et c'est tout, répliqua-t-il d'un air suffisant.

-Personne ne veut d'un pervers taré comme lui dans notre classe. Il a osé se montrer irrespectueux, il a osé nous montrer son sale visage alors on lui fait payer, cracha l'un d'eux.

Il me fallut quelques secondes de sidération totale pour entendre ce qui venait d'être dit.

-Wow, admis-je avec sarcasme, vous êtes vraiment des sales petits enfoirés, vous savez ça ?

Park Jimin me regarda de haut en bas, peu impressionné, et ses amis derrière lui, un peu plus grands que sa personne, ne semblaient pas apprécier que je leur parle ainsi.

Tu m'étonnes.

Son sourire et ses grosses joues m'agaçaient. Mais ce qui paraissait insupportable, c'était son positionnement, comme s'il était le roi de tout un monde. Il n'avait pas besoin de me parler, ses larbins derrière lui le faisaient à sa place. Je n'en doutais pas un instant, c'était lui le responsable. Lui qui avait de l'influence sur les autres. C'était quoi ce gosse ? Un futur dictateur en culotte courte ? Un leader charismatique qui finalement se révélait être un vrai connard ? Un gamin mal aimé qui ne savait pas agir autrement que par le rejet et la violence ? Un individu qui ne se construisait et n'existait que par destruction de l'autre ? Un gosse qui reproduisait lui-même la violence qu'un de ses parents lui infligeait ?

Tout ça à la fois ?

-Je t'ai dénoncé, et je compte tenir bon pour que tu sois puni à la hauteur de ce que tu fais subir, annonçai-je durement.

Il ricana par défiance.

-Tu crois que tu seras heureux en te comportant ainsi ? maugréai-je en m'approchant de lui. Mauvaise pioche. Faut vraiment avoir un grain et être foncièrement malheureux pour s'en prendre comme ça aux autres...

Touché.

Je sentis soudain une main me reculer brusquement et tournai la tête vers Hoseok qui me fixait, choqué.

-Hyung ? Qu'est-ce que tu fais là ? Qu'est-ce qui se passe ?

-Je résiste à l'envie d'encastrer ton hoobae contre un mur, ou de le castrer tout court d'ailleurs.

-Quoi ?

-Ils harcèlent Kim Taehyung.

Les yeux d'Hoseok s'écarquillèrent alors qu'il pivotait vers les deuxièmes années. Cette fois, ce fut saisissant la manière dont ils baissèrent la tête et où le dénommé Park Jimin, monstruosité sur pattes, eut l'air de sentir coupable. J'ignorais s'ils faisaient tous partie du même club de danse ou s'ils connaissaient tous Hoseok plutôt parce qu'il s'investissait beaucoup dans les rapports sunbae-hoobae au sein du lycée. En tout cas, mon ami avait soudain deux fois plus d'autorité que moi en cet instant.

-Jimin ? C'est vrai ce qu'il dit ?

-Désolé, hyung, ça ne se reproduira pas...

Hoseok le fixa avant de me regarder puis de le regarder à nouveau. Il fit ça pendant quelques secondes avant de me dire :

-Tu peux me laisser hyung ? Je vais régler ça avec eux.

Je fixais ces gamins et une pulsion me prit de vraiment leur en coller une. De régler ça définitivement, de leur montrer œil pour œil dent pour dent ce qu'ils faisaient subir aux autres et ce que ça faisait, de ressentir la même chose.
Mon poing se serra et je pris une grande inspiration.

Est-ce que ça changerait vraiment quelque chose ? La plupart étaient des suiveurs, ils resteraient dans le déni de se croire harceleurs et mon acte les ferait passer pour des victimes.

L'engrenage de la violence me débectait.

-Je dois passer à l'infirmerie toute façon...

Je reculais doucement, méfiant. Ce n'est pas comme ça que les choses devaient se régler et pourtant, naïvement, j'avais envie de croire à l'idée qu'Hoseok puisse les raisonner. Mais au moment où j'allais tourner le pas, je croisai instantanément le regard et la figure bouffie de ce petit con de Park Jimin.

Ses yeux étaient cruels derrière son air innocent et il s'arracha un demi-sourire dans ma direction, loin de toute culpabilité. Un sourire qui voulait dire :

« Cause toujours. »

-Je t'avais dit que ça ne changerait rien, souffla Kim Taehyung après que je lui ai raconté l'entrevue qui avait eu lieu quelques minutes plus tôt.

-Et ça ne t'énerve pas ? m'emportai-je. Ce type est un futur psychopathe en puissance !

-Tu exagères...

La bonne blague.

-Pourquoi tu le défends encore ?

-Je ne le défends pas, je suis parfaitement réaliste, répondit-il.

Assis sur le petit lit de l'infirmerie, il enfilait ses chaussures qui avaient à peine séché le temps de quelques heures. Je me massai les temps, soudain fatigué :

-Tu fais quoi ? Tu rentres ou tu viens avec moi ?

Il se releva et détourna le regard avant de marmonner d'une voix inaudible :

-Jeviensavectoi.

-Tu peux articuler tu sais, ricanai-je.

-Tu as parfaitement compris !

-Alors on y va, je vais prévenir ma génitrice par message.

On quitta le lycée ensemble et le trajet se passa le plus silencieusement possible. Kim portait un sac plastique dans lequel se trouvait son uniforme à peine sec et moi je transportais les bentos. Il avait finalement mangé les deux pour ne pas « gâcher » la nourriture selon ses dires. Après tout, il faisait l'épaisseur d'une brindille mais semblait étrangement vorace. De mon côté je mourais de faim et mon ventre ne cessait de faire des siennes au point où ça en devenait ridicule. Il eut la décence de ne pas se moquer de bruits d'orchestre créés par mon estomac.

Sur le trajet, ma génitrice répondit à l'affirmative par message et je filai le téléphone à Kim pour qu'il puisse lire.

-Elle est gentille, avoua-t-il.

Puis il hasarda un regard en coin :

-Pourquoi tu l'appelles « génitrice » ?

-Tu m'as déjà posé cette question.

-Je te la repose.

-Si tu ne me dis rien à propose de toi et de tes parents ou même de de cet abominablement laid Park Jimin, je ne vois pas pourquoi je te répondrai.

-Il n'est pas laid.

Je me figeai et il lui fallut un pas pour se rendre compte que je m'étais arrêté.

-Ce type te harcèle avec ses amis, dans les toilettes au point où tu as envie de mourir et toi, tu me dis qu'il n'est pas laid ! cinglai-je.

Kim Taehyung fit une drôle de tête :

-Je fais un constat, c'est tout.

-Ah ? Parce que tu le trouves à ton goût ?

Il changea soudain de visage, il parut complétement paniqué et je clignai plusieurs fois des yeux sans comprendre sa réaction :

-Je dis ça pour te faire réagir, Kim, pourquoi tu paniques ?

-C'est toi qui dis des choses bizarres !

-Que Park était moche ?

-Change de sujet ! hurla-t-il soudainement.

Il avait serré le poing et sa respiration s'était instantanément fait irrégulière et puissante.

-Tu veux savoir pourquoi je l'appelle génitrice, je veux voir des choses sur toi, c'est donnant-donnant, repris-je après un silence.

Il me fixa, horriblement, comme si j'étais soudain responsable de toutes ses peines avant d'arguer :

-Va te faire foutre.

-Toi d'abord.

On reprit notre marche dans un silence pire que jusqu'à présent. Je le sentais hostile et moi je me trouvais trop énervé pour lui parler correctement.

J'essayai d'aider ce gamin mais il n'avait visiblement pas envie que ce soit le cas.

Il faisait chier, tiens.

Encore une fois il me rejetait alors que je tenais de manière désespérée de faire un pas vers lui. Comment pouvait-il rejeter cette aide ? Ce qu'il vivait était horrible, ça devait être puni. Est-ce qu'il avait peur ? Ou est-ce qu'il y avait un secret qu'il n'osait pas me révéler ?

Je fixai son profil et il hasarda un coup d'œil agacé.

-Ne me regarde pas !

-Je te regarde si je veux. Je te rappelle que tu es invité chez moi, tu devrais être un minimum aimable.

-Aimable ? C'est vraiment la poêle qui se fout du chaudron, rétorqua-t-il.

-Je peux toujours te demander de rentrer chez toi alors ne commence pas ! m'insurgeai-je

-Tu ne le feras pas !

Mais qu'est-ce qu'ils avaient tous à me faire chier aujourd'hui ?

D'un ton froid comme voulant me défier, il argua :

-Tu aurais trop peur de ce que je pourrais faire sans moyen de me joindre.

Je m'arrêtai à nouveau alors qu'il ne restait que deux cents mètres avant la maison :

-Ça, c'est petit.

-Tu as cherché, aussi.

Je ressortis mon téléphone et assénai, l'appareil en main :

-Tu sais quoi, je vais demander un autre téléphone à mon anniversaire et te filer celui-là. Mieux, te l'enchainer autour du cou comme ça tu pourras répondre dès que je chercherais à te joindre !

-Tu vas quoi ? répéta-t-il, ahuri.

-Tu as bien compris !

-Tu vas me donner ton téléphone ? Est-ce que tu es fou ? Ça coûte beaucoup d'argent ! J'en veux pas !

-C'est un cadeau, tu ne peux pas refuser.

-Tu le fais par pitié !

Je fonçai droit sur lui et il prit peur car il recula maladroitement de quelques pas :

-Je le fais pour ma santé mentale. Ça t'amuse de jouer à ça ? Pas moi. Ma vie aussi est en jeu, Kim.

Il chuchota alors, coupable :

-Je veux pas de téléphone.

-On verra.

On se regarda avant de recommencer à marcher et il finit par dire, tandis que j'ouvrais le petit portail qui menait au chemin jusqu'à la porte d'entrée :

-Ton anniversaire, c'est demain...

-Yep, admis-je d'un ton détaché.

-Donc tu as déjà décidé pour le téléphone, je suppose.

-Exactement.

-Tu es chiant, siffla-t-il.

Je lui jetai un coup d'œil à moitié arrogant :

-Tu n'as pas idée.

-Tu pourrais demander plein d'autres choses, rétorqua-t-il, c'est ta majorité !

-Demander quoi ? répondis-je, la main sur la poignée de la porte d'entrée. Des objets ? De l'argent ? Un chien ? Toi et moi savons ce qui est le plus important et ce n'est pas tout ce matériel... On a déjà répondu à mon souhait, c'était celui de revenir.

Le silence se fit et il fut déstabilisant tant il demeura soudainement plus calme, presque moins poisseux et moins chargé de tension. Et c'est dans cette atmosphère-là, comme si tout d'un coup nous nous étions compris, alors j'abaissai la poignée.

Plusieurs heures plus tard, alors que l'aiguille avait dépassé les vingt-trois heures, les cheveux encore trempés de ma douche je les séchais maladroitement sans vraiment faire attention à mon geste. Kim était parti se laver les dents maintenant que la salle de bain était libre et ma génitrice regardait la télévision au rez-de-chaussée tandis que mon géniteur dormait déjà.

Mes yeux parcouraient mes fiches de révisions éparpillées sur le bureau à présent inaccessible maintenant que le matelas de Kim se trouvait ente mon lit et le meuble. Ma tête était pleine d'informations, de cours, de la tension de la journée et puis de ça...

Du reste.

De tout le reste.

Certes, dix-neuf ans c'était rien mais finalement, dans le parcours de ma vie, ça représentait quelque chose.

-C'est quoi ?

Je sursautai furieusement, lâchant la serviette qui épongeait mes cheveux, et me retournai pour voir Kim derrière moi dans un de mes pyjamas à manches longues.

-Tu m'as fichu la trouille, je t'ai pas entendu rentrer.

-C'est quoi ? insista-t-il.

-Une chronologie.

Il fronça les sourcils en se penchant en avant.

-La chronologie de mes souvenirs liés à ma vie, ajoutai-je. Là, c'est le jour où je suis revenu, là, c'est la rencontre avec Kim Namjoon. Toi, le match et ton saut du toit.

-Pourquoi y a une grande bande noire, là ? interrogea-t-il en montrant de l'index le trait épais tiré au marqueur.

-C'est la fracture de mon existence.

Il se retourna vers moi, interloqué, et je soupirai doucement :

-C'est là où tout va changer, du moins c'est ce que je crois.

-Parce que ça n'a pas déjà changé ?

-Oh non... C'est bien là toute l'ironie de la chose, raillai-je.

La pièce n'était éclairée que par ma modique lampe de chevet sur le petit meuble auprès de mon lit et je me sentais harassé. La douche brûlante m'avait fait du bien mais m'endormais au fur et à mesure des minutes. J'avais encore accumulé trop de tension. Est-ce que j'allais dormir cette nuit encore ?

-C'est le jour où mon géniteur va nous abandonner et ne jamais revenir, avouai-je.

Kim me fixa longuement et tout d'un coup j'eus encore cette sensation, comme devant la porte d'entrée plusieurs heures plus tôt. Comme si quelque chose de plus fluide, de plus compréhensif s'émanait de lui, ou de moi.

Comme si on se comprenait.

Et c'était incroyablement apaisant.

-Quand ?

-C'est ça le problème, je ne me souviens pas de la date, soufflai-je. Très probablement en été ou au printemps, un jour où il fera beau...C'est flou dans ma tête. Je me reproche cette époque-là ou rien n'importait, où je ne faisais que m'amuser avec mes amis, je jouais aux jeux vidéo, je lisais des mangas et je commençais à regarder du porno. Les problèmes d'adultes ne me concernaient pas, comme si j'étais au-dessus de ça. Les responsabilités, ça viendrait plus tard après le lycée... au final c'est venu avant et je n'y étais pas préparé.

Je secouai la tête :

-Mon géniteur a une aventure avec une autre femme.

Le gosse demeura pétrifié, un peu abasourdi, et je poursuivis platement :

-Kim Namjoon a dit que ça ne pouvait pas changer, comme si j'étais condamné à devoir revivre cet événement sans pouvoir rien y faire. Comment ça pourrait être différent si ça ne change pas ?

-C'est pour ça que tu l'appelles géniteur ?

-Ça met à distance le fait que ça ne soit pas un père, marmonnai-je. J'ai pris cette habitude il y a vraiment très longtemps maintenant...

-Et elle ? Ta mère ?

Cette fois-ci les mots ne sortirent pas, ou du moins difficilement mais je parvins à articuler :

-C'est encore plus compliqué. Quand un de nos parents s'en va on le hait, mais on remporte aussi toute sa rage sur le parent restant qui n'a rien fait pour arranger les choses...

Les souvenirs affluèrent et je fis la grimace en passant les doigts dans mes mèches encore trempées.

-Tu as raison, répondit doucement Kim Taehyung, les appeler ainsi ça met à distance. Je n'ai donc pas de mère mais une génitrice.

Je tournai le regard brusquement vers lui et il hasarda, maladroitement comme s'il tentait de ne pas montrer ses émotions :

-Les parents qui abandonnent leurs enfants, ce sont toujours les pires, hein ?

J'acquiesçai doucement. Encore une fois les mots venaient à manquer comme si ne nous savions pas nous parler. Je désirais en savoir plus et ce, même si je comprenais le sens de sa phrase. Mais je n'étais pas prêt à révéler plus de moi-même alors je ne pouvais exiger qu'il le fasse.

Je rangeai la frise chronologique derrière les livres de cours et me mis au lit tandis qu'il faisait de même. Je pris un bouquin à lire et lui, il continua les deniers tomes de Slam Dunk.

-J'éteins, l'informai-je une demi-heure plus tard, ou tu veux lire encore un peu ?

-Je vais lire encore.

Je refermai mon livre et m'enfonçai sous les couvertures en cherchant une position confortable avant de fermer les yeux.

Je m'endormis aussi rapidement qu'un clignement de paupière, j'étais bien incapable de contrôler ce qui se passait sous mon crâne et pourtant je fus en partie éveillé lorsqu'on s'approcha de la même scène.

Tout se déroulait comme si j'étais sur la même scène d'un film en boucle, encore et encore. La foule, la rue, la nuit, Seoul, la voiture, le crissement des pneus. Je m'extirpai du sommeil le plus violemment possible pour empêcher les choses d'arriver et réussis à émerger en tremblant. La pièce était sombre et la lumière de la rue filait à travers les volets mal refermés.

Mais plus que la paralysie du sommeil habituelle qui me remplissait d'angoisse comme si j'étais prisonnier de mon corps, j'éprouvais la sensation d'un poids supplémentaire à ma gauche et je bougeai en grognant

Le sommeil tentait de me happer, et si je clignai des yeux, la scène, la foule, la rue, la nuit, Seoul, la voiture, le crissement des pneus, se trouvaient à nouveau devant moi, comme mis sur pause.

-Tu fais un cauchemar, murmura, une voix tout près de moi.

Je tâchai de garder les yeux ouverts, en vain, et je sentis une main s'enrouler autour de mon poignet.

-Ça va aller, ça va passer.

Je tournai la tête avec un effort qui me parut incommensurable, pour voir Kim allongé tout près de moi ; il n'était pas avec moi sous la couette, il avait pris la sienne et s'était calé dans le microscopique espace de mon petit lit à ma gauche.

Je bougeai, me décalai. Le rêve s'enfuyait, disparaissait dans les volutes de mon subconscient mais la fatigue pesait sur mes paupières et mes yeux se refermaient à nouveau.

-Qu'est-ce que tu fais là ? baragouinai-je sans parvenir à articuler. Retourne au... lit.

-Tu fais des cauchemars à chaque fois, plutôt que de me relever et dormir sur les genoux pour te tenir la main, je préfère faire comme ça. C'est mieux, tu verras. Maintenant dors, il est tôt.

Je bougeai encore, sans comprendre, me calant contre le mur, lui laissant de l'espace.

Je ne pouvais pas comprendre, ni mesurer ses propos, ils disparurent aussi rapidement que je les avais entendus. Une seule pensée demeura alors, celle de savoir si Kim Taehyung dormait vraiment dans mon lit pour me calmer moi.

Ou pour se calmer lui ?


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C'est une fiction mais ça reste un sujet difficile à traiter.

Je mets ici le numéro vert pour le harcèlement scolaire : 3020 , parce qu'il est important de ne pas rester seul avec ça.
Prenez soin de vous~

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Chapitre corrigé par automnalh

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