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17.

Ça y est, j'y étais.

Devant moi se dressait le grand panneau d'affichage des classes et tous les élèves du lycée. Une foule s'amassait déjà devant les affiches et je restais en retrait à la fois confiant et nerveux. Une ambivalence qui m'irritait.

Je pensais avoir été débarrassé de tout ça, avec les années, mais j'en étais encore là et finalement la seule chose qui me permettait de conserver sur mon visage une expression impassible venait bel et bien de cette autre vie que j'avais menée. Pour le reste, je restais comme n'importe quel étudiant ce jour-ci, dans cette cour, effrayé à l'idée que mon nom ne soit pas sur les listes, angoissé à l'idée de ne pas m'être assez démené pour obtenir la place que m'imposait le système.

Heureusement ou malheureusement ce fut Minho qui me lança l'info :

-Hé Yoongi ! On a trop de chance, on est encore dans la même classe !

Un soulagement me prit et je soupirai bruyamment.

Mes capacités scolaires n'étaient pas si désespérées finalement.

Néanmoins, cela voulait dire que l'histoire de ma vie suivait son cours.

Si on excluait Kim Taehyung et uniquement lui, rien dans le reste de cette existence ne me paraissait différent et l'approche de cette dernière année me faisait déjà anticiper la suite des choses. Arriverait bientôt la fracture de ma vie, celle qui avait tout bouleversé et qui m'avait mené, des années plus tard à devenir aigri, morose, fauché et malheureux.

Et surtout, celle qui m'avait mené à l'accident.

-T'façon on ne change pas une équipe qui gagne, lança Wooji avec un demi-sourire alors qu'il arrivait près de moi.

Qui disait l'un disait l'autre, à croire que ces deux-là étaient siamois. Je ne les avais finalement jamais vus séparément.

-Tu as vu Jaehyo ? s'étonna Minho en se surélevant légèrement pour observer la foule amassée devant nous.

-Pas cherché, avouai-je en zieutant moi aussi sur les élèves par dizaines.

Le fichu gamin devait être dans le coin lui aussi, non ?

Je n'avais pas revu le première année depuis quelques jours et cela avait été suffisant pour réactiver toutes mes angoisses latentes. Néanmoins je me disais que si j'étais toujours là, dans cette vie, c'était très probablement que Kim Taehyung était toujours de ce monde.

À supposer, évidemment, que son éventuel passage à l'acte m'entraînerait dans une boucle temporelle où je serais amené à devoir tout recommencer. Maudit au point de revivre encore et encore les mêmes scènes. Je n'avais néanmoins aucune preuve soutenant cette théorie.

J'ignorais tout de ce qui pouvait arriver.

J'aperçus sa tête chevelue debout dans un coin, en retrait de tous les autres et je me sentis infiniment plus rassuré mais, alors que j'apercevais un quatuor se détacher d'un groupe et s'approcher de lui avec joie pour lui parler, Jaehyo me coupa la vue. Il avait un de ces sourires bizarres, le genre de grimace représentative d'un état de joie si fort que son expression avait du mal à se contrôler, lui donnant un air benêt qui me fit lever les sourcils.

Il y avait de quoi le charrier à présent.

Son air ahuri n'échappa pas à Hoseok qui nous avait rejoints après s'être plaint que jusqu'au bout il n'arriverait jamais à être dans notre classe.

-Pourquoi tu fais cette tête ?

Wooji le scanna des pieds à la tête avant de s'arracher un rictus :

-Toi, t'as parlé à une fille, pardi.

Il fallait dire qu'en s'amassant devant les affiches, les limites de séparation entre les genres demeuraient plus floues et moins strictement contrôlées en ce jour de rentrée. De quoi rendre heureux certains ou certaines et notamment un dénommé Minho qui n'avait de cesse de regarder autour de lui comme émerveillés parce qu'il voyait.

Jaehyo gloussa ce qui attira totalement l'attention des autres et Hoseok me jeta un coup d'œil avant de se mettre à sourire plus franchement comme si j'avais réussi à lui confirmer ses soupçons rien que par un regard. Seule la grande perche du lot, qui d'ailleurs semblait avoir encore grandi pendant ces vacances d'hiver, demeurait dans l'incompréhension la plus totale.

-Bah quoi ? Pourquoi tu fais cette tronche ?

Jaehyo se passa une main dans la nuque, gêné :

-J'ai dit oui.

Wooji ricana violemment avant de lui donner une tape dans le bras et Hoseok le félicita de vive voix devant l'air éberlué de Minho :

-Dis oui à quoi ?

-À Eunha, reprit notre camarade, à présent en couple.

La mâchoire du plus grand d'entre nous se décrocha et il resta figé pendant quelques secondes, son expression se rapprocha de celle d'un merlu ce qui me fit pouffer de rire. Puis il se reprit et abattit ses mains sur les épaules de Jaehyo :

-Mec, je suis tellement fier de toi, beugla-t-il.

Puis il nous enferma dans une sorte de câlin collectif que chacun d'entre nous trouva gênant et désagréable. Minho était soudain heureux comme s'il s'agissait de sa propre mise en couple qu'il célébrait.

-Les gars cette année ça sera notre année ! Je le sens bien !

J'eus un flash. Soudainement cela m'apparut. Cette sensation de déjà vu fut si violente que j'eus l'impression de passer dans une rivière gelée, torturé jusqu'à la moelle.

J'avais déjà vécu cette scène.

Je secouai la tête. Le sourire qui flottait sur mon visage avait disparu.

Encore une fois rien n'avait changé dans le cours de ma vie et l'angoisse revint. Un frisson me prit et, m'échappant du discours de Minho, je cherchai un regard dans la foule.

J'eus presque l'impression qu'il était là et que son ombre grandissait sur moi. Ce fut comme si les hallucinations auditives et visuelles m'envahissaient à nouveau. De visage en visage, d'expression en expression, de rire en rire jusqu'à la blancheur des affiches aux hanjas imprimés de noir. Je cherchais Kim Namjoon des yeux désespérément, comme une âme en peine cherchant la faucheuse, sentant son pouvoir mais sans jamais parvenir à l'agripper.

-Hyung ça va ? s'inquiéta Hoseok à ma droite.

-Oui, balbutiai-je, je... désolé... je dois aller chercher Kim, je reviens.

Je les abandonnais, m'engouffrant dans la foule contournant les groupes de filles. Je me pris à chercher Kim Taehyung comme si quelque chose d'urgent me poussait à le trouver. Comme s'il était garant d'un changement et que je m'en remettais à lui, à ses choix, à ses agissements pour que le cours de ma vie soit amené à se transformer à tout jamais.

Emporté dans le tourment, je m'infligeais un accablement terrible tandis que je cherchais son regard. En vain.

Hâtivement, les professeurs nous sommèrent de nous rassembler par classe dans le grand gymnase. Comme chaque année la cérémonie officielle commençait et démoralisé je me trainais en suivant la foule. Alignés les uns derrière les autres, filles d'un côté, garçons de l'autre, tout se mettait en place comme une chorégraphie mille fois répétée, mille fois apprise. Je me faufilais à travers les files, cherchant ma classe, me sentant soudain oppressé par l'univers. Comme atteint d'une claustrophobie nouvelle et persécutante qui m'assaillait.

Wooji me tira par le bras et je me retrouvai soudain à la bonne place et il me regarda avec sévérité :

-Qu'est-ce que tu fichais à tourner en rond au milieu des secondes années ?

-Je... je cherchais...

Pourquoi je paniquais ainsi ?

Je me mis droit tandis qu'il restait circonspect en me tournant le dos, mes yeux sautaient de visage en visage sans trouver celui que je cherchais. Bientôt le silence s'interposa aux chuchotements bruyants tandis que le directeur de l'établissement grimpait sur l'estrade et testait le micro.

Entre deux visages, à l'interstice de silhouettes, au loin, j'aperçus la tête penchée et la masse de cheveux mal coiffés de Kim Taehyung et mon cœur se calma enfin.

-Bonjour à tous et à toutes et bienvenue pour les premières années au lycée Sangsuh de Daegu.

Mon cœur commença à battre moins rapidement mais les sueurs froides restèrent, me faisant frissonner dans mon uniforme.

Qu'allait-il arriver maintenant ?

*******

Il y avait quelque chose d'apaisant à la routine.

J'étais de ceux qui en avaient foutrement besoin, même si on pouvait la catégoriser comme « ennuyant », « lassant », « sans fantaisies », « sans originalité », qu'importe, pour moi la routine était rassurante. Il n'y avait rien de mieux, en ce début de troisième année, que de compter sur une routine bien huilée, répétitive pour calmer mes terreurs nocturnes et mes angoisses.

Tout ce qu'il me fallait, c'était m'assurer que le gosse ne tente pas autre chose, continuer à me remettre en conditions scolaires, m'assurer de dormir et de manger correctement pour que s'organise un train-train quotidien grâce auquel je pourrais me sentir calmé.

C'était simple.

Sauf que le gosse n'avait pas envie de contribuer à mon bien-être.

Non seulement il refusait de déjeuner avec mes camarades de classes, acceptant brièvement qu'Hoseok se pointe avec moi lors de nos déjeuners, mais lorsqu'il avait décidé de m'éviter il y parvenait. Toujours.

Il venait un week-end sur deux chez mes géniteurs, s'incrustait dans ma chambre avec la même timidité et la même hostilité, dévorait des films et des livres puis repartait comme il était venu. Nos échanges, eux, restaient limités. Du chiot que je nourrissais il était passé à l'animal sauvage et désagréable, mal peigné qui plus est. J'ignorais littéralement ce que je pouvais faire de plus, c'était pas faute de tâcher de lui faire baisser ses barrières. Rien n'y faisait.

Il me maintenait à distance.

Ou était-ce moi qui me mettais à distance ?

Notre « relation » amicale, si l'on pouvait utiliser ce terme, ressemblait davantage à du bricolage, un arrangement suspect et maladroit, qu'à véritablement quelque chose.

Dans le fond, j'étais divisé. Séparé entre lui et moi. Certes j'allais tout faire pour éviter que la scène du toit ne se reproduise mais en même temps je travaillais d'arrachepied pour moi et uniquement pour moi. Pour que mon avenir soit différent de celui qui m'attendait.

Cette année était décisive et même si Kim Namjoon avait tenté de me faire réfléchir aux changements et aux différences, je restais buté, enfermé dans mon idée.

Je voulais à tout prix tout changer.

Égoïstement, je voulais croire que je n'étais pas revenu en arrière uniquement pour lui. Parfois la nuit je me réveillais, terrorisé, à l'idée de ce que ça allait me coûter, d'agir et de penser ainsi.

Mais le déni faisait bien son job et je me galvanisais de l'idée, presque toute puissante, que j'allais y arriver, que j'allais parvenir à tout réussir sans me planter jusqu'à ce que la vie, cette connasse, me rappelle à quel point le lien entre la mort et elle-même demeurait si fragile qu'il pouvait se briser à tout instant.

Ou se couper.

En ce vendredi soir, la première semaine du mois de mars touchait à sa fin. Il faisait tellement froid que lorsque je terminai mes révisions à la bibliothèque, les flaques de pluie tombée dans la journée avaient gelé le temps de quelques heures. Une vague de froid s'abattait sur le pays et ma génitrice avait bourré ma veste d'uniforme d'hiver de petites bouillotes. Utiles mais sur un temps court et j'en donnai deux à Kim qui marchait à mes côtés.

Le gamin m'avait attendu à la sortie de la bibliothèque. Une première. Il avait tellement pris l'habitude que je vienne le chercher dans sa tour, à la salle d'art au dernier étage, que j'étais presque surpris par ce soudain changement dans sa routine à lui.

Ses doigts étaient tachés de peinture et si j'avais le malheur de l'interroger sur ce qu'elles peignaient actuellement, il m'envoyait rudement chier comme si je cherchais à connaître un secret d'État.

La pénibilité de ce gamin m'irritait toujours autant.

On fit le trajet à pied, jusqu'à la maison de mes géniteurs, en silence, frigorifiés, mais au bout d'une vingtaine de minutes nos corps se mirent enfin à se réchauffer et il fut alors nettement plus facile de déambuler dans les rues tandis que le soir était déjà tombé sur Daegu.

Ma génitrice nous accueillit avec son fameux tablier, un nouveau, mais identique au précédent. Le combo du rose pâle quadrillé avec du marron.

-Bonsoir Taehyung, le salua-t-elle avec enthousiasme, la journée s'est bien passée, Yooni ?

Je grognai en retour, peu sûr de m'étendre sur le sujet.

-Le dîner est prêt, ton père est à une réunion d'entreprise, il arrivera tard. Tu as faim Taehyung ?

Ce dernier acquiesça tandis que nous retirions nos chaussures. Ma peau brûlait avec la différence de température entre l'intérieur et l'extérieur.

Soudain je sursautai, une main était passée dans mes cheveux et mon corps tout entier s'était mis à réagir. À la dernière seconde je me repris, me glaçant littéralement mais ma génitrice sembla ne pas s'en rendre compte :

-Ils sont trop longs, se plaignit-elle, je vais devoir te les recouper, tu ne vas quand même pas avoir les cheveux longs pour le 9.

Il était vrai qu'ils me tombaient devant les yeux depuis quelques temps mais c'était le cadet de mes soucis. Néanmoins, je soupirai :

-Le 9 est un jour comme les autres.

-Bien sûr que non ! s'écria-t-elle.

Puis elle claqua dans ses mains :

-On dîne et je te coupe les cheveux, tu voudras que je m'occupe aussi des tiens, Taehyung ?

La question lancée ressemblait davantage à une injonction et je la comprenais. Les cheveux du gosse m'insupportaient, cette frange si longue qu'on voyait à peine son visage lui donnait un air austère et morose à longueur de temps. Il ne répondit pas mais elle prit véritablement cela pour un oui et nous guida dans la pièce pour diner.

-Il y a quoi le 9 ? demanda Kim Taehyung après le repas tandis que je sortais de la salle de bain, les cheveux encore humides.

Je soupirai :

-Mon anniversaire. Ne t'en occupe pas. Que ce soit elle ou les autres illuminés, tout le monde ne parle que de ça...

Et c'était vrai. On me tannait avec ça.

La fameuse majorité dont j'avais oublié l'existence s'imposait à moi à nouveau et si je me retrouvais relativement nostalgique mais peu intéressé, tous les autres agissaient comme si je devais fêter un événement pareil. D'une année en avance sur eux, ils m'enviaient cet âge soi-disant « magique » comme si cela relevait du passage à la vie d'adulte, à l'autorisation enfin de faire ce que l'on désirait. J'avais envie de rire devant leurs enfantillages.

Je savais qu'avoir dix-neuf ans ne représentait rien de vraiment intéressant. Il n'y aurait ni paillettes à mon éveil le neuf mars, ni trompettes, et le monde entier ne changerait pas, et moi encore moins. C'était simplement une page, un passage. On pouvait se croire les rois du monde mais on n'en demeurait pas moins que rien du tout.

Dans le fond, je me sentais plus concerné par ce qui allait arriver dans l'année que ce véritable symbole de ma « maturité ».

-Rejoins-nous quand tu seras prêt, l'informai-je en prenant l'escalier.

Ma génitrice était ce genre de personne très minutieuse avec les objets. À mon arrivée elle avait déjà sorti sa trousse à ciseaux, son peigne et ce, sans avoir jamais coupé d'autres cheveux que les miens ou de celui qui me servait de géniteur. Je savais déjà ce qu'elle allait me faire comme coupe et je la sommai d'écouter mes directives. Qu'ils soient longs ne me posait pas de problème, je voulais seulement qu'ils ne me tombent pas dans les yeux. Hors de question de les tailler en brosse ou même de les raser.

Évidemment, elle ne m'écouta pas.

Ça aurait été étonnant, tiens.

Sous ses airs de femme au foyer docile et gentille, elle était en réalité vraiment têtue et insupportable dans ce genre de cas. Kim nous surprit en pleine dispute tandis qu'après avoir constaté mes cheveux dans le miroir je me plaignais de tout ce qu'elle avait coupé.

Le gamin ne semblait pas savoir où se mettre et bien que je me doute qu'il n'avait pas forcément envie d'être là, elle ne lui laissa pas le choix et le tira par la manche pour le faire assoir sur un siège.

Je vis les mains du gosse se crisper sur ses genoux avant d'intervenir :

-Cette fois ne coupe pas trop court !

-J'enlèverai juste ce qui est abimé, promis ! clama-t-elle.

Ça voulait dire « cause toujours. »

Je passai un filet d'eau sur ma serviette pour retirer les derniers petits cheveux coincés dans ma nuque mais en revenant dans le salon, je me figeai.

Elle avait osé.

Je croisai le regard terrorisé de Kim Taehyung et pour la première fois, dans son entièreté. Les mèches brunes tombaient autour de sa tête sous les coups des ciseaux qui produisaient une litanie. Son visage m'apparut clairement, comme taillé au couteau, et bien que son expression demeure effrayée comme s'il faisait le constat terrible d'un changement impossible à rattraper, j'aperçus l'ensemble de ses traits.

C'était étrange, j'avais toujours plus ou moins visualisé son visage par ce que j'entrevoyais entre les mèches mais la révélation entière me créait un sentiment d'étrangeté, comme si je côtoyais un nouvel inconnu. Il avait un visage enfantin, ovale, mais sa mâchoire allait sûrement se renforcer avec le temps, ainsi qu'un nez droit. J'étais surpris par la finesse de ses traits. Son visage demeurait moins poupon que la plupart des adolescents de son âge et ses yeux me fixaient, posés au milieu de ces traits symétriques, froids, durs et acérés.

Ma génitrice chantonnait en terminant son œuvre, fière d'elle-même. Dans n'importe quelle situation les choses auraient pu bien tourner mais pas dans celle-ci. Le gosse me paraissait soudain en danger, suffisamment sur la défensive pour que ça tourne mal et quand elle lui tendit le miroir et qu'il passa une main dans frange, tirant sur les mèches devenues trop courtes, ses yeux devinrent plus terribles encore.

Et le miroir explosa contre le sol.

Il déguerpit alors en direction de de l'étage dans un bruit tonitruant, gravissant l'escalier, et je soupirai lourdement en jetant la serviette mouillée sur le dossier d'une chaise.

-Je te l'ai dit !

Elle demeurait frappée et dans l'incompréhension la plus totale, incapable de saisir les évènements et l'ampleur de ce qu'elle venait de commettre.

Comme toujours.

Ça soulevait une rancœur chez moi pour qui ce n'était ni le lieu ni le moment de l'aborder, alors je partis à la suite du gosse qui s'était enfermé dans la salle de bain.

Je toquai doucement, sans réponse de sa part.

Je réessayai une fois, deux fois, trois fois et attendis jusqu'à ce que la porte s'ouvre.

-Ce ne sont que des cheveux, commençai-je platement en me voulant volontairement détaché, n'en fais pas un plat, ça repoussera.

Encore une fois, son visage me frappa comme si je ne l'avais jamais vu jusqu'alors. Il avait pleuré. Sa soudain souffrance me prit à la gorge et d'un ton plus bas, je marmonnai :

-Je suis désolé, j'aurais dû te prévenir, ce n'est pas une coiffeuse expérimentée mais...

-Tais-toi ! Tu ne comprends rien !

-Qu'est-ce que je suis censé comprendre ?

-Elle est folle ! Elle est folle !

-Hé, arguai-je avec force, un peu de respect, je te rappelle qu'elle te nourrit gratuitement depuis des semaines, t'héberge depuis quelque temps sans rien demander ! Elle s'est plantée certes mais elle n'est pas folle.

Est-ce que c'était l'image de moi-même lui hurlant ce mot, des années plus tard qui me revenait et m'irritait à ce point ?

Tout un pan de mon histoire s'ouvrait et je luttais pour ne pas me laisser déborder.

Il sortit de la pièce et fonça vers la chambre, semblant chercher ses affaires et je l'arrêtai en prenant son bras :

-Où vas-tu ?

-Je dois partir, je dois...

-Faire quoi ? Quitter la maison en pleine nuit ? T'es malade ou quoi ? Ce ne sont que des cheveux, tu ne vas pas mourir de ça !

-TU NE COMPRENDS RIEN !

Il me repoussa et j'aperçus qu'il fulminait comme s'il était sur le point d'exploser, ses membres tremblaient d'un trop plein. De quelque chose que je ne comprenais pas.

-Qu'est-ce qu'il faut que je comprenne, putain ? scandai-je, irrité par tous ses secrets.

Il allait hurler, je le sentais, j'ignorais comment et pourquoi, mais je pressentais que quelque chose allait sortir de lui, n'importe quoi. Pourtant il se retint et je n'imaginais pas la souffrance qu'il devait ressentir en réfrénant son propre cri. Il se posa sur le lit et demeura alors figé, tremblant de quelque chose, les yeux écarquillés.

-Kim, l'interpellai-je, Kim, regarde-moi.

Mais il demeurait absent comme s'il s'enfermait à l'intérieur de lui-même. On toqua à la porte et ma génitrice, qui avait enfin enlevé son tablier s'avança, l'espace d'un instant elle ressemblait à une gamine prit en faute ce qui me donnait envie de hurler sur elle et ce fut à mon tour de retenir un cri.

-Taehyung, je suis vraiment désolée, je n'ai pas fait exprès. Tu as un si beau visage c'était dommage de ne pas le montrer. Et puis tu verras mieux comme ça à présent... Je ne pensais pas à mal.

Il l'ignora, ne lui adressant aucun regard mais je vis ses épaules se détendre. Démunie, elle me regarda et je levai les yeux au ciel avant de prononcer :

-C'est pour ça qu'il faut écouter ce qu'on te dit.

-Mais, je pensais que...

-Tâche de te souvenir de mon conseil quand le moment viendra. Tu peux nous laisser, je m'en occupe.

Elle parut choquée mais je ne fis pas grand cas de sa personne. Je me devais de fermer ce soir le pan de ma vie qui la concernait elle. Je n'étais pas prêt, c'était trop difficile de me jeter la tête la première dans ce qu'il y avait de pire en moi.

Elle referma la porte doucement puis il ne se passa rien d'autre au sein de la pièce. Kim resta figé, sans bouger pendant plus d'une heure tandis que j'avais éteint la grande lumière et continuait de réviser sur mon lit. Si une crise avait eu lieu elle était passée.

Pourtant je ne me sentais pas serein, comme s'il s'agissait de prémices de quelque chose d'autre.

C'était complétement aberrant que ce gamin se mette dans un état pareil pour des cheveux coupés, comme, s'il n'y avait rien de plus grave dans le monde.

À moins que quelque chose ne m'échappe à nouveau.

Comme si j'étais condamné à voir les choses m'échapper de toute part.

Deux heures plus tard je m'endormais et Kim Taehyung fit de même mais il ne prononça pas un mot. Ni cette nuit-là, ni le lendemain.

*******

Le mardi, veille de mon anniversaire, arriva.

Une nouvelle semaine avait repris, une nouvelle routine. L'épisode de la coiffure me restait en travers de la gorge comme si quelque chose devait m'interpeller mais que je ne parvenais pas à le saisir dans sa globalité.

Ce jour-ci, j'étais de bonne humeur et ce malgré la mauvaise humeur de Wooji.

La veille, abandonné par Jaehyo qui passait à présent tous ses déjeuners avec Eunha, Wooji que je supposais jaloux comme un pou, me poussait à davantage déjeuner avec eux plutôt qu'avec le gamin, comme s'il se trouvait soudain effrayé que notre groupe se disloque et se perdre et qu'il se trouve tout seul.

Je n'avais pas revu Kim Taehyung depuis dimanche lorsqu'il était parti du domicile de mes géniteurs, enfonçant un bonnet sur sa tête comme une âme en peine et nous offrant le silence comme expression de sa contrariété. Ma génitrice en avait été mal toute la soirée.

Ainsi, en ce mardi midi, j'arrivais avec mes deux boites de repas sous le bras en direction de la salle d'art. Arrivé devant la porte, cette dernière demeurait close et j'attendis patiemment, observant la cour par la fenêtre du couloir. Il n'y avait pas un chat, la froideur de cette semaine ne donnait pas envie à quiconque de braver les températures gelées. J'avais de la peine pour mes camarades féminines dans l'incapacité de mettre des collants selon le protocole scolaire.

Les minutes passèrent et je me demandais ce que Kim foutait.

Hier, j'avais laissé la boite dans son casier et elle m'avait été rendue le soir, vide, sans aucune autre notification.

Bientôt, accoudé au mur, en proie à l'impatience, je m'inquiétais. C'était d'autant plus frustrant que ce gosse n'avait pas de téléphone, j'étais incapable de savoir où il était et comment il allait. Une idée émergea soudainement. Demain, je passerai le fameux cap de la majorité et ma génitrice me tannait avec cette date, me demandant ce que je souhaitais pour ce jour-là. Si je désirais un nouveau téléphone, l'ancien pourrait peut-être convenir à Kim et ainsi régler tous mes problèmes pour le contacter. Là encore, je servais mes propres intérêts mais je repoussai cette idée.

Empressé, je finis par quitter mon poste et descendre les étages. Je devais me résigner à mettre de nouveau la boite dans son casier. M'imposait-il ainsi sa contrariété à nouveau ? Ou me poussait-il à enclencher la discussion et à la chercher comme à l'époque où l'on jouait à cache-cache dans tous les bâtiments ?

Ses vieilles parties de course-poursuite ne m'emballaient pas.

En parvenant au pallier du second étage, celui des classes de seconde année, je fus alerté par un attroupement et m'approchais. Près des toilettes pour garçons, des curieux s'entassaient tandis qu'on entendait distinctement des bruits d'eau qui se déversait sur le carrelage en forte quantité. Le couloir était inondé et quelqu'un chuchotait précipitamment à ses amis :

-Un prof a été prévenu, ils arrivent.

Soudain, détalant des toilettes, un quatuor de quatre garçons en uniforme, hilares, sortaient en poussant tout le monde. Le visage de l'un d'entre eux me fit tiquer, me rappelant que je l'avais déjà vu il y a quelques mois de cela.

D'un seul coup un doute me saisit et je m'engouffrai dans les toilettes inondées, pressé par une inquiétude grandissante. L'eau coulait d'un tuyau utilisé habituellement pour le nettoyage et sous le jet gelé, recroquevillé dans un coin, la tête à côté d'une cuvette d'eau sale se trouvait Kim Taehyung.

Je lâchai les boites maladroitement, les déposant de manière chaotique dans le premier lavabo venu, avant de me précipiter vers lui.

Il grelottait non seulement de froid mais je supposais de bien pire encore. Je le relevai à demi, avant d'éteindre le jet d'eau puis posai une main sur son épaule où il se recroquevilla encore davantage. Son visage à présent visible dépeignait une souffrance terrible.

Je ne réussis qu'à le faire assoir, adossé au mur d'une des toilettes et tandis que je pataugeais et gueulais pour faire dégager les curieux qui s'empressaient de s'agglutiner par curiosité malsaine, il marmonna :

-Je veux tellement mourir.

Et ce fut une litanie incessante sous ses pleurs qui me donna un coup au cœur :

-Laisse-moi mourir, je t'en prie, laisse-moi partir...

Et debout devant son mal-être, le silence et mon impuissance furent rois.





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Chapitre corrigé par automnalh

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