1.
Mes yeux s'ouvrirent brusquement et je me relevai d'un coup en prenant une inspiration impressionnante. Je me mis à respirer fort et vite, comme essoufflé, en proie au cauchemar et à l'horreur et mes yeux s'agitèrent de frayeur, balayant mon environnement.
L'hôpital.
Cette pensée me calma brusquement. J'étais à l'hôpital. C'était reconnaissable par ses petits lits alignés, séparés par des rideaux, par son plafonnier, ses meubles incolores et ses odeurs de désinfectants.
Tout y était.
Le soulagement me prit violemment, comme une impression de tomber d'un ravin, comme un lâché de cœur.
J'étais vivant.
Mon regard se posa sur mon bras plâtré et ma main valide tâtonna mon corps avec appréhension. Seulement, mon soulagement fut de très courte durée car mon esprit, lui, se réveilla aussi rapidement que s'il était sorti d'une simple sieste. Plusieurs choses me passèrent par la tête en même temps.
Comment avais-je fait pour survivre alors que j'étais persuadé d'avoir clamsé ?
Comment pouvais-je m'en sortir qu'avec un seul bras cassé alors que j'avais l'impression que mon corps entier avait éclaté ?
Quel jour on était et depuis combien de temps est-ce que j'étais là ?
Mon esprit complètement perturbé reprit ses bonnes vieilles habitudes, à savoir : calculer.
Il fallait que je visualise les frais, multipliés par le nombre de jours, pour savoir combien ça risquait de me coûter.
C'était ça alors, le prix de mon dernier désir ? Vivre encore un peu mais en m'endettant encore plus ?
Le rideau près de mon lit se tira brutalement dans un bruit strident qui me fit sursauter et un homme d'une trentaine d'années portant une blouse blanche me fit un grand sourire :
-Ah, monsieur Min est réveillé ! Comment ça va ?
-Je...
Ma voix avait pris un coup, je la sentais aiguë, tremblante et instable.
-Tu as fait une sacrée chute, mon grand, reprit-il. C'est un miracle que tu ne t'en sortes avec un bras fracturé.
« Mon grand ? »
Qui, au juste, appelait-il comme ça, exactement ?
Mes sourcils se froncèrent automatiquement :
-Pardon ?
Le médecin me toisa avec un sourire honnête et presque sympa, son stéthoscope en avant comme pour m'ausculter.
-Une sacrée chute ? Elle est bien bonne, j'ai eu un accident de voiture quand même ! cinglai-je, en me laissant tout de même faire pour l'examen médical.
La tête du médecin se releva et ses sourcils se froncèrent :
-Un accident de voiture ?
Je le toisai :
-Oui, un accident de bagnole. On m'a renversé ! Quelqu'un m'a poussé ! Depuis combien temps est-ce que je suis là ?
-Doucement, mon garçon.
-Qui est-ce que vous appelez comme ça, au juste ? rétorquai-je, piqué au vif.
Ce mec était plus jeune que moi, comment osait-il me parler comme si j'étais un gamin ?
Il sembla très étonné de ma remarque et sa mine perdit son enthousiaste avant qu'il ne prenne une figure plus sérieuse :
-Vous m'avez l'air confus.
-Confus ? répétai-je avec hargne.
Il ne répondit pas et poursuivit son examen rapidement :
-Vos constantes sont bonnes.
Il parut hésiter, comme s'il mesurait ce qu'il allait dire.
-Je vais dire à vos parents que nous allons vous garder un peu plus longtemps que prévu en observation. Même si vous n'avez pas de signe de trauma crânien, je vous trouve désorienté.
-Mes parents ?
Que venait-il de dire ?
Ma voix avait perdu en hargne pour laisser place à la surprise la plus totale.
Je secouai la tête :
-Non mais attendez, il doit y avoir erreur sur la personne, pourquoi vous me parlez de mes parents ?
-Parce qu'ils attendent dehors, me répondit-il simplement.
Le choc provoqué par cette phrase dut se lire sur mon visage parce qu'il fronça davantage les sourcils.
-Vos parents, monsieur Min. Vous voyez de qui je parle ?
-Oui... avouai-je, abasourdi. Mais mes parents ne peuvent pas être là.
-Et pourquoi cela ?
Ça n'allait pas. Quelque chose clochait.
-Écoutez, soufflai-je en me pinçant l'arête du nez, il doit y avoir un malentendu, docteur, parce que...
Mais il ne m'avait pas écouté. Il était déjà sorti hors de mon champ de vision et je l'entendis revenir aussitôt, mais accompagné cette fois, car plusieurs chaussures foulèrent le sol dans ma direction.
Le rideau se tira davantage et mes yeux s'ouvrirent sous la violence du choc.
J'eus l'impression de mourir une seconde fois.
Mon corps se figea puis trembla abruptement. La nausée me saisit, l'horreur aussi.
Impossible.
-Yooni, mon chéri, est-ce que ça va ?
J'encaissai son accolade maladroite et sa tentative de me remettre mes cheveux derrière mes oreilles comme si j'étais une fille. Ce geste m'énerva tout autant qu'il me rappela des souvenirs.
D'anciens souvenirs.
Sauf que là, je nageais en plein délire, en plein rêve éveillé.
Mes parents se tenaient là.
Jeunes et présents.
Vivants.
-Qu'est-ce qu'il y a ? s'inquiéta tout de suite ma mère. Yooni, tu es tout pâle, tu ne te sens pas bien ?
-Votre fils, Mme Min, semble avoir des moments de confusion, répondit le médecin en me faisant me rallonger contre le matelas tandis qu'un haut le cœur me prenait. Nous allons encore le garder un moment.
-Il s'est pris un coup à la tête ? demanda mon père de sa voix rauque.
-C'est ce que nous allons vérifier. Pour le bras, c'est une fracture simple. Il faudra qu'il garde le plâtre environ huit semaines.
Mes yeux balayaient les visages de mes parents et je me pinçai horriblement la cuisse jusqu'à à me faire mal.
C'était impossible.
Comment pouvais-je voir ça ?
Mes parents étaient décédés depuis des années. Je le savais, puisque j'avais dû organiser moi-même les funérailles.
Tout ça, c'était du délire.
Ou alors j'étais tombé en enfer.
J'eus un vertige suivi d'un haut le cœur et le médecin demanda à ce que mes parents sortent. Il les raccompagna alors que ma génitrice enchaînait une bonne dizaine de questions inquiètes. Je l'entendis tenter de rester à la porte avant de m'annoncer qu'elle reviendrait avec des affaires. Allongé sur le matelas, la respiration coupée, l'envie de dégueuler, je ne parvenais pas à contrôler le tremblement de mes mains.
L'angoisse me saisissait tout entier et je crus que j'allais m'étouffer jusqu'à ce que le médecin revienne en m'informant qu'il allait envoyer une infirmière pour m'administrer un calmant.
Mais je ne l'écoutais déjà plus.
Nom de dieu de bordel de merde.
Qu'est-ce qu'il se passait ?
Est-ce que j'avais des hallucinations ? Pourquoi ? Pourquoi était-ce ainsi ? Est-ce que je rêvais ?
J'essayais de réfléchir, en vain. Dans ma tête, c'était le chaos. La terreur consumait toutes mes réflexions cohérentes.
Puis soudain, un doute.
Un doute ridicule, stupide.
Un doute fou.
Une idée que je ne pouvais plus arrêter sans l'avoir au moins vérifiée.
Mon souffle se calma et mes membres bien que chevrotants furent un peu plus solides. Je sortis des draps, supportant sans mal la fraicheur du sol, et cherchai la salle de bain. Je ne fis pas attention aux autres lits alignés dans la pièce et hagard, je m'engouffrai dans le petit cabinet de toilette qui jouxtait la chambre. Par miracle, il n'y avait personne dedans et j'allumai la lumière à la recherche un miroir.
Mais mon reflet me fit reculer furieusement contre le mur. Je dus lutter pour ne pas tourner de l'œil.
Bordel de merde.
Ma main valide se plaqua sur ma bouche comme pour empêcher un cri d'en sortir.
J'étais devenu fou, il n'y avait pas d'autres explications.
J'étais Min Yoongi, quarante-huit ans, endetté jusqu'au cou.
Mais la personne dans le miroir était bel et bien moi mais avec des années de moins.
Beaucoup d'années en moins.
Soit j'étais en train de devenir cinglé, une bonne fois pour toute.
Soit je rêvais.
Soit j'étais mort et en enfer...
Soit j'avais remonté le temps.
*******
Chapitre corrigé par automnalh
*******
Merci d'avoir lu ce début d'histoire, n'hésitez pas à me faire part de ce que vous en avez pensé. J'espère vivement que ça vous plaira ❤️
A très vite~
Artémis
*******
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro