Chapitre 2
Théodore prit une profonde inspiration pour se donner du courage et hocha la tête, sa main griffue bien serrée autour de la poignée de sa valise. Alika ouvrit alors la porte avec entrain et pénétra dans la chambre comme un prince. Théodore resta sur le pas de la porte en attendant d'être invité à entrer. Il avait l'impression de s'introduire dans la demeure de quelqu'un déjà bien installé, et pas dans un endroit qui attendait un nouvel étudiant.
— Salut les gars ! Je vous ai manqué ?
— Essaye de repartir quelques heures et je te redis ça.
Le nouveau glissa timidement la tête à l'intérieur pour tenter d'identifier à qui appartenait la voix grave qui venait de s'exprimer. Il trouva rapidement l'étudiant, occupé à résister à une tentative de meurtre de la part d'Alika. Cheveux roux décoiffés, yeux d'argent scintillants, sa peau blanche et parsemée de discrètes taches de rousseur détonnait contre le tissu noir du canapé. Théodore déglutit en le voyant se redresser, dans cette position il pouvait réaliser à quel point il était grand, peut-être bien une demi-tête de plus que lui. Intimidé, il fit jouer ses doigts sur la poignée de sa valise et grimaça en les sentant devenir moites de stress. Théodore resta dans la même posture, sur le pas de la porte, incertain. Même si cette chambre était la sienne à partir de maintenant, il avait la sensation d'être de trop et il n'osait pas interrompre les chamailleries de ses nouveaux colocataires.
— Ne reste pas là, entre.
Le jeune homme sursauta et ses écailles se hérissèrent sur l'ensemble de son corps. Il en sentit même certaines apparaître sur son visage, là où elles se faisaient généralement discrètes, et il eut envie de disparaître. Les pointes noires aux bordures d'or formèrent des plaques rigides et espacées sur l'ensemble de son corps, comme pour le protéger d'une menace. Théodore se tétanisa, l'horreur se lisant dans son regard. Il avait fait de son mieux au cours des dernières années pour ne laisser personne voir le monstre en lui et à quel point il pouvait être physiquement repoussant. Il savait l'image qu'il devait renvoyer, alors il s'attendait à des cris d'horreur à tout instant. Les larmes lui montèrent et il enfonça la tête dans les épaules, un moyen dérisoire pour échapper au flot de critiques qui allait s'abattre sur lui d'un moment à l'autre.
— C'est trop cool Théo ! s'extasia Alika. Comment tu fais ça ? Je veux le faire aussi.
— Doucement l'excité, c'est pas un tour de magie, je crois que Thalion l'a effrayé en sortant de nulle part.
Théodore souleva une paupière, étonné de ne pas être traité de monstre. Aucun des trois étudiants ne paraissait dégoûté ou effrayé par son apparence, et il s'en retrouva décontenancé. Les prunelles noires d'Alika brillaient de curiosité, mais il n'y trouva aucune once de rejet. De même dans les yeux du rouquin qui paraissait plus ennuyé par la situation qu'autre chose. Le dernier membre du trio, un garçon qui semblait un peu plus âgé que les deux autres et à l'étonnante chevelure blanche comme la neige, le dévisageait de ses orbes bleus inexpressifs.
— Je suis désolé de t'avoir fait peur, s'excusa-t-il, je croyais que tu m'avais vu approcher. Je m'appelle Thalion, on va partager le même dortoir pour le reste de l'année.
Une présentation rapide et succincte qui laissa Théodore perplexe. Il se racla rapidement la gorge tout en triturant la poignée de sa valise qui commençait à se déliter à force qu'il la griffe.
— Théodore.
— Je sais.
Théodore jeta un regard de détresse vers les deux autres étudiants qui continuaient de se chamailler un peu plus loin pour il ne savait quelle raison. Il n'était pas très détendu avec Thalion, le jeune homme semblait aussi à l'aise avec les conventions sociales que lui et un silence embarrassant commençait à s'éterniser entre eux.
Thalion finit par lui tendre la main pour le saluer et Théodore déglutit nerveusement, il hésita une poignée de secondes à la lui serrer. Les doigts de Thalion étaient blancs comme de la neige et fins comme des roseaux, à l'opposé total de sa main griffue et hâlée. Il craignait de lui faire mal juste en le touchant ou que ses griffes suscitent un mouvement de rejet.
— Il n'est pas en sucre, intervint Alika, on ne dirait pas comme ça parce qu'il a des airs de poupées, mais Thalion fait partie des plus forts de notre section. Il ne faut pas se fier aux apparences, ce mec est une arnaque.
— J'ai hérité ce physique de mes parents, s'il te déplait tu peux toujours essayer de les contacter, souffla Thalion en retirant sa main.
Théodore fut embarrassé de ne pas avoir été capable de le saluer correctement et il baissa les yeux vers ses chaussures. Il n'avait jamais eu besoin de se présenter lui-même, quelqu'un s'était toujours chargé de l'introduire quand il rencontrait une nouvelle personne mais, cette fois, il se retrouvait seul devant des inconnus et Alika ne semblait pas se rendre compte de sa panique naissante. Thalion haussa les épaules, son visage de poupée n'exprimant aucune émotion, et il s'éloigna pour s'isoler sur le petit balcon de la chambre. Théodore écarquilla les yeux quand le vent frais vint jusqu'à lui.
— Ne le prends pas mal, Thalion n'est pas méchant, mais il te manque une paire de seins, de longs cheveux noirs et de jolis yeux verts pour que tu puisses avoir son attention plus de trois minutes, précisa Alika qui avait vu son expression déconfite.
— Il ne va pas être malade ? s'inquiéta-t-il. Il n'a même pas pris de veste.
— Ne t'en fais pas pour lui, Thalion est à moitié lorialet, ce n'est pas une petite brise qui va lui faire quelque chose, intervint Sirius.
Le cœur de Théodore s'emballa à la réponse. Sirius parlait de la nature de Thalion avec tellement de décontraction, mais il n'était pas sûr d'avoir le droit de savoir. En plus il n'avait aucune idée de ce qu'était un lorialet, même si cela paraissait évident pour les autres.
— Tu as le droit de me dire ce qu'il est ?
— Pourquoi on ne pourrait pas ? sourit Alika. On va être colocs toute l'année, il faut bien qu'on sache avec qui on est.
— Madame Fei m'a dit de ne pas parler de ma nature aux autres étudiants quand elle est venue me chercher, expliqua Théodore, pas vous ?
Un ricanement échappa à Sirius et Alika lui enfonça son coude dans les côtes pour le faire taire. Le rouquin roula des yeux, un sourire malicieux courbant ses lèvres.
— J'en connais un qui devait garder aussi le secret, mais il a tenu quoi ? Trois jours ?
— Quatre d'abord, et c'était un accident, ronchonna Alika.
Perplexe, Théodore regarda sans intervenir les deux étudiants qui se chamaillaient de nouveau. Il se doutait qu'ils faisaient référence à un événement en particulier et que son guide était impliqué, mais pour le reste il n'y comprenait pas grand-chose. Sirius fut le premier à reprendre son calme et à tenter de lui expliquer la situation.
— Alika devait aussi garder le secret sur sa nature à la base, comme tous ceux de la classe élite en vrai, mais il n'a même pas réussi à la cacher pendant une semaine complète. Tu n'imagines même pas le bazar que ça a causé. Si la directrice n'avait pas plaidé sa cause et ne s'était pas portée caution pour lui alors il aurait été viré sur le champ, voire pire.
Théodore jeta un regard au brun qui roulait des yeux en grommelant. Alika passa une main dans ses légères ondulations et redressa le menton dans une attitude subtilement hautaine.
— En même temps, si quelqu'un m'avait expliqué que dire que j'étais un démon risquait de me faire perdre la tête peut-être que j'aurais été plus prudent. Surtout que personne ne m'a prévenu que j'étais le seul du secteur, je pensais trouver d'autres gens comme moi ici. Je ne pouvais pas le savoir.
— Madame Fei a dû te l'expliquer, elle l'a fait pour nous tous, contra Sirius. Tous les étudiants de la classe élite ont interdiction de parler de leur nature et en plus tu sais très bien pour quoi, heureusement que tu n'as pas balancé cette partie du secret.
— Mais tout le monde sait que je n'écoute jamais Feifei !
Théodore resserra sa prise autour de la poignée de sa valise, le cœur tambourinant dans sa poitrine. Un démon. Alika était un démon, pas du tout une nymphe ou une sirène. Très rapidement, il s'en voulut de craindre le garçon qui s'était montré sympathique avec lui, mais il avait lu trop de choses dans les livres pour ne pas ressentir d'appréhension. Le jeune homme se força à expirer lentement et il ferma les yeux quelques secondes, le temps de se reprendre. Il s'était fait la promesse de se montrer moins peureux pour enfin vivre une vie décente, il ne pouvait pas abandonner sa résolution dès le premier jour.
Une autre information le percuta avec force et il sentit le sang quitter son visage. Son rythme cardiaque augmenta et il vacilla.
— Tu as failli mourir ? couina le jeune homme.
Alika hocha rapidement la tête, mais ne perdit pas son sourire, les faits remontaient à quelques années et il n'y accordait pas une grande importance. Théodore en eut un vertige, il ne pouvait pas croire qu'il y avait des gens qui pouvaient discuter d'une expérience de mort imminente sans broncher. Lui ne pouvait pas le faire sans être à deux doigts de fondre en larmes et il en faisait encore des cauchemars, quand ce n'étaient pas de violentes crises d'angoisses.
— Un de nos profs est un exorciste, un sorcier spécialisé dans l'éradication des démons. Quand il a su que j'étais un incube, il a voulu m'exorciser. C'est la directrice qui lui a expliqué que c'était impossible puisque je suis né démon, je n'ai pas été possédé par un esprit.
— Tu fais des choses mauvaises ?
Théodore se recroquevilla sur lui-même alors qu'Alika roulait des yeux et soupirait dramatiquement. Il se sentait un peu ridicule de demander cela, encore plus à une personne qu'il ne connaissait pas réellement, mais il se raccrochait à la moindre chose pouvant le rassurer.
— C'est dingue que les gens pensent ça quand même ! Je ne sais pas pour les autres démons, mais j'ai été élevé comme un humain je rappelle, alors j'imagine que je ne suis pas plus mauvais qu'un autre.
— Tant qu'on ne parle pas de ses notes, j'imagine que c'est la vérité. Théo, ne t'en fais pas pour ça, tu ne crains vraiment rien avec Alika. La chose la plus affreuse qu'il fait dans la chambre c'est se balader nu et ronfler, pour le reste il est plutôt normal.
L'intervention de Sirius fit rire le nouvel étudiant, d'autant plus que le démon ne contredit aucune des informations. Imaginer Alika se promenant nu comme un ver sans être gêné le moins du monde anéantissait son aspect effrayant. Le démon lui sourit joyeusement et pointa le visage de Théodore.
— Enfin ! Tu sais que tu es dur à faire sourire ? T'es super mignon comme ça, tu le sais ?
— Alika ! gronda Sirius en lui frappant la cuisse.
Théodore rougit jusqu'au bout des oreilles et ses écailles se firent plus nombreuses. Le regard rivé sur ses chaussures, il ne vit pas les deux autres se chamailler.
— Qu'est-ce que j'ai encore fait ?
— Calme tes pulsions de séducteur, tu vois bien qu'il n'est pas à l'aise avec ça. Tu ne peux pas te tenir correctement deux minutes ? Va donc voir les nymphes, ça te refroidira.
Alika ronchonna et Théodore se sentit désolé pour lui. Ce n'était pas la première fois que des gens réprimandaient son guide devant lui, et il avait l'impression que c'était en partie de sa faute. Parce qu'il était trop introverti, trop pudique pour vivre en société sans avoir l'air étrange.
Sirius se leva du petit canapé dans lequel il était allongé depuis le départ et passa une main dans ses cheveux roux qui restèrent partiellement dressés sur son crâne. Il poussa Alika qui se trouvait sur son chemin et se positionna devant Théodore, juste assez loin pour que celui-ci ne se sente pas envahi. Le nouvel étudiant esquissa un sourire timide auquel Sirius répondit plus franchement.
— Je vais te montrer ta chambre pendant que Ali ronchonne, tu seras avec moi pour le reste de l'année. Je t'ai laissé une partie de l'armoire pour que tu puisses y mettre tes affaires.
— Ah, mais tu savais qu'il y avait un nouveau dans le dortoir ? s'étonna le démon. Pourquoi je n'étais pas au courant moi ? Je l'ai découvert en voulant le conduire à sa chambre.
— Parce que tu ne regardes jamais le panneau avec les infos, c'est affiché depuis déjà deux jours, soupira Sirius.
Alika hocha la tête d'un air sérieux, piquant ainsi la curiosité de Théodore. Depuis son arrivée il ne comprenait que la moitié des choses, mais il avait très envie d'en savoir plus, tant que ça ne devenait pas dangereux pour lui. Il se demandait ce qu'était la fameuse classe élite, quels genres de créatures étaient présentes dans l'école, quels cours il allait suivre... mais il se retenait pour le moment. Il se doutait qu'il obtiendrait les informations en temps et en heure.
Sirius l'invita à le suivre et Théodore lui emboita le pas en direction de l'une des trois portes qu'il pouvait voir. La première pièce du dortoir était un salon plutôt simple, avec un canapé, deux fauteuils, une table basse et quelques meubles supplémentaires. Il avait déjà repéré la petite bibliothèque dans un coin de la salle et la grosse bonbonnière colorée. Il ne savait pas si les deux étaient libres d'accès, mais il comptait bien poser la question à Sirius.
Ce dernier le précéda dans la première chambre, avant de se déplacer sur le côté pour le laisser entrer à son tour. Théodore balaya la chambre du regard et se dirigea naturellement vers le lit qui semblait inoccupé. La pièce était comme séparée en deux, avec de chaque côté un bureau, une petite poubelle, un lit et une penderie dans le fond. À droite, il était évident que quelqu'un avait déjà investi les lieux. Des vêtements traînaient sur le sol devant la couchette, la porte entrouverte de l'armoire laissait voir différents accessoires et un tas de feuilles en désordre était posé sur le bureau. Sirius grimaça tout en essayant d'arranger un peu le bazar.
— Désolé, l'année dernière c'était l'autre personne de la chambre qui la maintenait ordonnée, j'ai tendance à m'étaler un peu même si ce n'est pas au niveau d'Ali. J'espère que tu n'es pas un maniaque du rangement, tu vas être malheureux dans ce dortoir sinon.
Théodore haussa les épaules. Il n'était pas la personne la plus ordonnée au monde, mais tant qu'il retrouvait ses affaires sans problème il imaginait que ça passait. Il passa une main sur les draps frais et tirés à quatre épingles de son lit. Sirius s'avérait moins bavard qu'il ne l'avait pensé et il se mordit la lèvre, en quête d'un sujet pour lancer la conversation. Une remarque que son guide avait faite plus tôt lui revint en mémoire et il osa poser une question sur l'ancien occupant des lieux.
— Loune, c'était le nom de la personne qui était ici avant moi, c'est ça ? Vous vous entendiez bien ?
Sirius se figea et ses yeux gris miroitèrent étrangement. Théodore rentra la tête dans les épaules. Il avait l'impression d'avoir dit une bêtise et cette sensation ne s'arrangea pas en voyant la grimace qui tordit le visage de son camarade de chambre ou lorsqu'il entendit la sonorité glaciale qu'avait prise sa voix quand Sirius reprit la parole. Il regretta aussitôt d'avoir amené le sujet, même s'il ne l'avait pas fait avec une mauvaise intention. Il avait dû appuyer sur une corde sensible.
— Ouais, Loune. Je ne savais pas que tu le connaissais.
— Je n'ai aucune idée de qui il est, avoua rapidement Théodore en agitant les mains devant lui. C'est juste Alika qui a mentionné son nom tout à l'heure, je ne voulais pas me mêler de ce qui ne me regarde pas. Je suis désolé, je ne suis pas très doué pour parler avec les gens alors j'ai parlé sans réfléchir, je ne sais même pas pourquoi j'ai fait ça.
Sirius soupira et alla chercher un cintre dans l'armoire du côté encore vide de la chambre. Le nouvel étudiant vit qu'il y avait plusieurs uniformes suspendus côte à côte, entièrement noirs avec juste un écusson doré brodé sur la poitrine. Sirius tendit l'uniforme à Théodore puis alla s'asseoir sur le rebord de son lit.
— Ali et sa grande bouche, soupira dramatiquement le rouquin, j'aurais dû me douter que c'était lui. Bref, pour te la faire courte Loune est mon ex et ça ne s'est pas très bien fini entre nous alors j'ai un peu de mal quand on parle de lui. Ce n'est pas contre toi, mais si on pouvait éviter de le mentionner j'apprécierais.
— Promis, je ne dirai plus jamais son nom ! s'engagea aussitôt Théodore en mettant une main devant la bouche.
Sirius lui sourit gentiment en lui assurant qu'il ne pouvait pas savoir et qu'il se remettait bien de cette rupture, juste que la manière dont ça avait été fait lui laissait un goût amer. Théodore se sentit obligé de s'excuser encore une fois. Même s'il n'avait jamais été en couple de son existence, qu'il ne savait pas ce qu'une personne ressentait à ce moment-là, il avait conscience que ça avait dû être une période douloureuse pour Sirius. Il s'en voulait d'avoir amené le sujet, même si ce n'était pas parti d'un mauvais sentiment.
— Ce n'est pas grave, vraiment, lui assura le rouquin. Disons qu'on est à une erreur chacun, je ne me suis même pas présenté. Je m'appelle Sirius et je suis étudiant en troisième année à l'académie. Je suis un être du néant.
— Je croyais que tu n'avais pas le droit de le dire, hoqueta Théodore en mettant une main griffue devant sa bouche.
— Je n'ai pas le droit d'en parler à ceux qui ne font pas partie de la classe élite, sourit malicieusement Sirius. Bienvenue parmi nous Théo.
Son camarade de chambre le laissa seul dans la pièce pour lui permettre de se changer sans regard posé sur lui et Théodore lui en fut reconnaissant. Sirius tapota sur son épaule en quittant la pièce et, si Théodore se tendit, il fut surpris de ne sentir aucune écaille se hérisser au contact. Il posa rapidement une main sur son épaule, incrédule, mais ne sentit que de la chair tiède et tendre. Même les écailles qui ne s'étaient pas résorbées de la journée n'étaient plus là sur cette partie de son corps.
Le jeune homme enfila l'uniforme qui lui avait été donné et fut surpris de le sentir s'adapter à sa morphologie. Il avait cru qu'il serait trop grand pour lui, mais il tombait parfaitement bien. Le tissu noir était doux et fluide, il lui permettait de bouger librement sans lui coller à la peau. Timidement, Théodore s'approcha de la fenêtre qui lui renvoya un faible reflet. Ainsi habillé, il ressemblait à un véritable étudiant prêt à entamer une année scolaire comme n'importe qui d'autre. S'il n'y avait pas ses yeux dorés fendus et les écailles sombres parsemées sur sa peau, personne n'aurait été en mesure de deviner qu'il était un monstre.
Un petit coffret scellé attira son attention du coin de l'œil et il se rendit jusqu'à son armoire pour s'en emparer. La boite n'était pas très grande, mais elle était décorée et son nom était gravé dessus. Curieux, Théodore l'observa sous tous les angles sans oser l'ouvrir pour en inspecter le contenu.
Sirius l'appela de l'autre côté de la porte pour l'inviter à les rejoindre s'il était prêt, et Théodore se résolut à se rendre dans le salon, l'étrange petit coffret sous le bras. Aussitôt son regard se posa au centre de la pièce, là où se trouvaient les assises et la table. De la nourriture était disposée sur la table basse, quelques sandwichs et des boissons principalement, alors que ses colocataires parlaient, assis dans les fauteuils. D'un geste de la main, l'être du néant lui désigna un des fauteuils vides dans lequel Théodore s'empressa de s'asseoir. Il se sentait plus à l'aise assis que tout seul debout, mais ça ne l'empêcha pas de triturer la boite pour se donner contenance.
— Ah, tu as trouvé tes pierres de neutralisation ? s'enquit Sirius pendant que le démon s'empiffrait.
Théodore baissa les yeux pour regarder le coffret sur ses cuisses. Son camarade ne semblait pas agacé, au contraire, et cela le rassura un peu. Il n'avait pas fait d'erreur en touchant à quelque chose d'interdit. En revanche, il ne savait pas de quelles pierres parlait Sirius.
— C'était dans le fond de l'armoire, mais je ne l'ai pas ouvert.
— Pourquoi ? s'étonna Alika. C'est à toi, tu peux en faire ce que tu veux. Allez, ouvre-le ! Je veux savoir dans quelle classe tu es.
Le rouquin roula des yeux et se cala plus profondément dans le canapé alors que Théodore hésitait. Il se doutait que ce n'était pas dangereux si ça avait été posé dans sa chambre, mais tout de même. Il finit par prendre une profonde inspiration et souleva le couvercle. Contrairement à ce qu'il avait imaginé, le coffre n'était pas scellé mais simplement fermé. Théodore glissa doucement la main à l'intérieur et la pulpe de ses doigts frôla une surface froide et dure. Un frisson le parcourut et il hésita à refermer la boite.
— Allez, ouvre, insista Alika qui s'était déplacé pour se mettre derrière lui.
Théodore céda et offrit le contenu de son coffre aux regards de ses camarades. Des pierres noires et scintillantes ornaient ce qui semblait être un collier, des bracelets et des manchettes. Perplexe, le nouvel étudiant attrapa l'une de ces dernières et la fit rouler entre ses doigts. Une exclamation euphorique échappa à Alika qui se mit à sautiller sur place, un sourire éclatant sur son visage.
— Sirius ! Sirius ! T'as vu ? Il est dans notre classe, c'est trop bien !
— Je sais Ali, j'étais là quand ils ont déposé ses affaires. C'est pour ça que j'ai pu lui parler tranquillement de la nature de Thalion, par contre toi, tu n'as pas réfléchi une seconde avant de révéler la tienne.
La compréhension se fit dans l'esprit de Théodore et il observa le rouquin sous un nouvel angle. À la première impression, il avait cru qu'Alika et Sirius étaient faits du même bois, mais en réalité le dernier était bien plus observateur et réfléchi. Moins impulsif peut-être.
— Tout le monde sait que je suis un démon. Si je ne le lui avais pas dit, quelqu'un d'autre l'aurait fait demain, se dédouana Alika en haussant les épaules.
— Sirius, l'appela doucement Théodore, c'est ça une pierre de neutralisation ?
Le géant bloqua la bouche du démon de sa main pour avoir un peu de silence et hocha positivement la tête.
— Oui, je pense que Célesta t'expliquera mieux que moi demain toutes les subtilités de la chose, mais pour résumer c'est une pierre qui va t'aider à contrôler tes pouvoirs. La couleur noire veut dire que tu es dans la classe élite, donc celle où on est avec Thalion et Alika, Célesta que tu n'as pas encore rencontrée y est aussi.
— Il y a aussi Dohwan que tu as vu tout à l'heure. La sangsue aigrie et sexy, intervint le démon en récupérant brièvement la parole.
Théodore porta la gemme sombre jusque devant ses yeux et distingua quelques points argentés qui dansaient dedans. Un mouvement qui semblait aléatoire tout en étant absolument fascinant.
— Il y a des cercles complexes magiques enfermés à l'intérieur, ils permettent qu'aucun de nous ne perde le contrôle de sa force et ne blesse quelqu'un, continua Sirius.
— C'est déjà arrivé ?
— Pas notre génération, mais il y a des histoires qui courent. Avant que ce système ne soit mis en place il y aurait eu des accidents. Des étudiants qui auraient perdu le contrôle de leurs pouvoirs à cause d'une émotion forte et qui auraient causé des dégâts. C'est aussi pour ça que les murs de l'académie sont renforcés.
— Et cette pierre est censée empêcher tout ça ? demanda Théodore qui avait du mal à comprendre comment une si petite chose pouvait accomplir une fonction si extraordinaire.
— C'est le but en tout cas, mais ce n'est pas infaillible alors il faut quand même faire attention. La pierre n'aide qu'à contrôler. Si quelqu'un veut volontairement se servir de ses pouvoirs alors elle ne servira pas à grand-chose.
Fasciné, Théodore serra la pierre dans sa main et sentit le tumulte magique en lui s'apaiser. Ses yeux s'écarquillèrent.
— C'est calmé, souffla-t-il d'une voix incrédule.
Cette magie furieuse qui grondait en lui depuis des années et le terrorisait, cette force qui menaçait d'exploser à tout instant pour ne laisser que des ruines et de la désolation, elle s'était enfin tue. Il la sentait toujours au fond de lui, il la sentait revenir lorsqu'il desserrait les doigts autour du joyau, mais un élan d'espoir gonfla son cœur. Il avait appris à l'enfermer au plus profond de son être pour qu'elle ne puisse jamais éclater, mais pour la première fois il n'avait pas à faire cet effort et un poids quitta ses épaules.
Thalion revint dans la pièce principale et mit fin à l'ambiance étrange qui régnait. Toujours aussi inexpressif, il haussa un sourcil en balayant ses camarades du regard.
— Vous êtes étrangement calmes. Qu'est-ce que vous avez encore fait ?
Les deux plus anciens étudiants nièrent être à l'origine d'un quelconque plan machiavélique pouvant leur attirer des ennuis, mais Thalion ne parut pas convaincu.
— C'est ce que vous dites à chaque fois et, juste après, une catastrophe se produit dans l'école, je vous connais depuis le temps. Allons nous coucher, au moins quand vous dormez vous ne risquez pas de causer des ennuis.
Théodore récupéra ses affaires et un sandwich avant de suivre sagement Sirius jusqu'à la chambre qu'ils partageaient. Il n'en avait pas eu conscience jusqu'ici, mais la journée avait été intense et la fatigue rendait ses paupières lourdes. Il espérait pouvoir dormir un peu avant d'attaquer une nouvelle journée qui s'annonçait tout aussi riche en informations et découvertes.
Nda :
Voilà, c'était le chapitre 2 de ADP ! Je vous partagerai encore une autre partie avant de m'arrêter ^^" N'hésitez pas à faire des retours <3
Dalion~ Kiss :3
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