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Chapitre 7

Des gouttes d'eau, formées par la condensation, tombaient sur le sol terreux de temps à autre dans un rythme irrégulier. Changbin était appuyé contre l'une des parois de sa cellule, frissonnant lorsqu'une goutte s'écrasait contre la peau de son cou.

Sa première nuit avait été longue, il n'avait pas réussi à fermer l'œil de la nuit, redoutant qu'un homme vienne le tuer pendant son sommeil. C'était peu probable mais on ne savait jamais ce que les gens pouvaient avoir derrière la tête. Il suffisait qu'un soldat aux pulsions vengeresses ait perdu un ami à cause de la Corée du Nord et Changbin était un homme mort.

Heureusement, personne n'était venu lui rendre une visite nocturne, mise à part quelques souris peut-être. Il ne savait pas quelle heure il était, n'ayant plus aucun équipement et ne savait même pas s'il aurait le droit à quelque chose pour remplir son estomac. Mais le dernier point ne changeait pas trop de d'habitude.

Ses questions ne restèrent pas très longtemps en suspens, des bruits se faisant entendre dans la galerie. Un grand châtain se pointa devant le grillage avec une tasse métallique et un sachet de biscuits secs. Il les fit glisser dans la cellule sans même un regard pour le noiraud et son talkie-walkie se fit entendre.

- Patrouille Alpha, ici lieutenant Bang, on vous attend sur la motte dans dix minutes, terminé.

Changbin avait reconnu la voix de Chan et cela le rassura un peu d'avoir quelque chose de familier ici. Il ne savait pas s'il pourrait le voir aujourd'hui, mais il espérait quand même. Il n'avait toujours pas récupéré ce qui lui servait de petit-déjeuner, attendant le départ du soldat.

- Patrouille Alpha, ici soldat Hwang, bien reçu, terminé.

Le grand châtain allait partir quand le soldat du nord osa lever la voix.

- Excusez-moi... Quelle heure est-il ?

- Six heures moins dix.

- Merci...

Le soldat était parti sans se retourner, ayant sûrement d'autres chats à fouetter. Changbin se rapprocha de la grille afin de se saisir des denrées posées au sol pour essayer de calmer sa faim. Et à peine il trempa les lèvres dans ce qui ressemblait à du café qu'il tira une grimace. Le liquide brun était tiède, amer et fade avec un arrière- goût de carton. Autrement dit, infect.

Les biscuits étaient quant à eux vraiment secs et tout aussi fades que le café. Et pourtant, le noiraud ne fit pas le difficile et finit toute sa nourriture sans rechigner. Il avait déjà bien de la chance d'avoir un semblant de petit-déjeuner alors il n'allait pas faire la fine bouche.

Et les heures commencèrent à défiler, longuement. Il entendait les soldats s'affairer à l'extérieur, saisissant quelques paroles par moment mais sans plus. Compter les insectes n'était pas non plus l'activité la plus passionnante du monde et il s'en lassa rapidement.

Le midi avait fini par sonner et la faim rongeait de nouveau son estomac, ses pauvres petits biscuits n'étant clairement pas suffisants. Il s'attendait à ne pas avoir de repas avant le soir mais un crissement de chaussure le sortit de ses songes. Il vit l'ombre d'un homme se rapprocher et une touffe brune, humide, entra dans son champ de vision.

Chan se tenait devant lui, un timide sourire aux lèvres et une gamelle métallique entre les mains. Les deux se regardèrent silencieusement quelques instants sans dire un mot. Ils se dévisageaient comme s'ils se découvraient pour la première fois.

Le noiraud devait bien avouer que son aîné était plutôt beau garçon en plus d'avoir une belle mentalité, le gendre parfait pour certains. D'ailleurs il se demandait bien si Chan avait une copine ou était même déjà fiancé ou marié. Ça ne l'étonnerait même pas malgré la légère déception qu'il ressentait.

Changbin se secoua la tête pour chasser ces étranges pensées, coupant le contact visuel par la même occasion. Chan sembla sortir de sa transe à son tour et déposa la gamelle ainsi qu'une gourde dans la cellule de Changbin. Celui-ci le remercia à demi-mot avant de prendre son repas pour voir à quelle pitance il avait droit.

Du riz blanc baignant dans un semblant de curry, trois pauvres morceaux de viande se battant en duel. Les plats lyophilisés n'étaient pas toujours des plus appétissants malheureusement, même s'ils calaient l'estomac, ce dont Changbin avait grand besoin.

Chan finit par s'asseoir face à Changbin et sortit des papiers de sa poche ainsi qu'un stylo avant de se mettre au travail. Le Nord-Coréen le regarda quelques instants en papillonnant des yeux, surpris, avant de se mettre à manger silencieusement.

La nourriture manquait terriblement de sel et la viande était très sèche, mais il se retint de grimacer le plus possible et préféra tout engloutir le plus rapidement possible.

- C'est infect hein ?

Changbin avala difficilement sa bouchée en regardant Chan qui n'avait toujours pas levé les yeux de ses feuilles.

- Ouais...

- On a eu la même chose, j'ai l'impression que plus le temps passe, plus ça devient immangeable...

- Je pense que je peux m'estimer heureux d'avoir un repas, mais je ne cracherais pas contre un fruit bien mûr...

- Des légumes frais...

- Une viande tendre...

- Du poisson ferme...

- On est vraiment en train de se faire du mal pour rien ?

Chan étouffa un rire en acquiesçant, laissant apparaître ses fossettes et ses yeux se fermer. Là encore, Changbin se dit qu'il avait tout pour plaire. À moins que c'était lui qui était vraiment en manque de relation, ça ne serait pas étonnant.

Alors que le noiraud avait fini son semblant de repas, le lieutenant eut un petit sourire en coin en le regardant et sortit un Kinder Bueno de sa poche. Les yeux de Changbin se mirent à briller à la vue du sachet et il tira une petite moue suppliante pour essayer d'amadouer Chan.

- Ça sert à rien de faire cette tête...

Le noiraud arrêta alors, déçu, se disant bien que c'était trop beau pour être possible, ils étaient ennemis après tout.

- C'est pour toi que je les ai amenés triple buse...

Le sachet atterrit non loin de Changbin qui hésita avant de le prendre, ne s'attendant pas à cela. Il déchira doucement le paquet avant de prendre une des deux barres chocolatées et de la tendre au brun. Il avait eu la gentillesse de lui en apporter alors la moindre des choses était de lui en donner.

Chan sourit face à ce geste et fut tenté de refuser avant de voir le regard suppliant de son vis à vis. Il avait totalement laissé tomber ses feuilles, préférant savourer la friandise en bonne compagnie.

Il ne pouvait pas se mentir, il commençait à bien s'attacher à cette petite tignasse noire qui semblait aux anges en mangeant le Kinder. C'était fou de voir comment la chose la plus simple pouvait faire plaisir.

Et c'est pour revoir ce genre d'expression sur le visage de Changbin que Chan se promit de recommencer ce genre d'attention.

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