Je reviens dans la chambre et laisse mes yeux scruter la pièce de haut en bas. Il y avait des sous-vêtements sur le sol, un soutien gorge en dentelle bleu clair et une culotte assortie. Ainsi que quelques sachets de préservatifs vides.

J'ai dû passer une nuit torride.

Je m'étire longuement, faisant de mon mieux pour ne pas aggraver la sensation de marteau piqueur qui semble s'être déclenché dans ma boîte crânienne.  Je fixe les sous-vêtements éparpillés sous le sol, recherchant par la même occasion mon propre boxer.

Je ne comprends pas où je suis ni comment j'ai pu atterrir là. Je trouve mon boxer sur le sol, il est vraiment dans un sale état, mais ai-je réellement le luxe de faire le difficile? Absolument pas, à moins que cette fille - car d'après les sous-vêtements, je me trouve chez une femme-; n'ait une collection de boxers à disposition, je suis forcée de porter ce caleçon, témoin de mon excitation de la veille.

Lorsque je sors finalement de la chambre, habillé tant bien que mal, je ne reconnais toujours pas l'endroit qui m'entoure et je me sens très vite comme un explorateur en terre inconnue, sauf qu'en général, l'explorateur sait au moins pourquoi il est là, moi pas.

"C'est quoi ce merdier encore?" Je grommelle en m'avançant vers ce qui me semble être le côté de la cuisine, une odeur de cannelle envahie mes narines, et c'est la seule chose qui me marque vraiment, tout le reste semble normal dans cet appartement.

Sur le réfrigérateur, des photos sont accrochées à l'aide de magnets qui semblent venir des quatre coins du monde, Berlin, Chicago, Tokyo, et même Sydney. Sur les photos, je reconnais le visage de la fille que j'ai rencontrée la veille dans le bar, celle que j'avais déjà aperçue dans le café. Je serais donc chez elle? Intéressant.

Un mot est posé sur le plan de travail, un mot qui semble m'être adressé, même si mon nom n'est pas mentionné dessus, je ne vois pas pour qui d'autre il pourrait être.

Je suis partie au travail. Il y a de quoi petit-déjeuner  dans les placards.

Mais pas de quoi passer toute la journée ici.

Bonne journée.

Même pas son prénom? Rien d'autre? Juste un vulgaire mot pour m'annoncer qu'il vaut mieux pour moi que je quitte son appartement avant qu'elle ne rentre ? Je serais donc un si mauvais coup que ça? Ou peut-être que je lui ai vomi dessus avant qu'elle ne se soit couchée à mes côtés? Vu le mal de tête qui me torture depuis mon réveil et ma bouche pâteuse, c'est une option que je garde sous la main, une possibilité que je ne peux qu'envisager.

Je regarde partout autour de moi, rien de bien intéressant à me mettre sous la dent. Tout ce que je peux apercevoir, c'est des paquets de produits bio, bien loin des céréales dont j'ai besoin le matin. Je jette un coup d'œil à l'horloge numérique du four, 9h56. A cette heure-là, les cafés servent encore les offres spéciales petit-déjeuner, non?

"J'espère au moins que le fait que j'utilise sa douche ne la dérangera pas davantage." Je marmonne en attrapant une poignée de raisins sur mon passage.

*

J'ai rapidement repris mes esprits après cette soirée arrosée et je n'ai pas entendu parler de cette fille depuis. Cependant, après avoir discuté de ce réveil en terre inconnue à mon collègue, je me suis rappelé des doutes qu'avait éveillé en moi cette première rencontre, au café avec cet homme qui avait l'air dans tous ses états.

Si je la retrouve, je pourrais peut-être enquêter sur elle en lui vendant un reportage sur les femmes? Sur la femme dans le monde du travail, elle travaille après tout non? Et c'est une femme? Ce plan ne pourrait que fonctionner?

"Will, c'est possible que je te parle deux minutes?"

Je me tourne mon siège étonné, Louise se tient debout dans l'encadrement de la porte de mon bureau, je soupire en la voyant entrer sans même y avoir été invitée. Je ferme le dossier qui été jusqu'à présent ouvert, ouvert et inactif depuis plus de deux heures maintenant.

"Qu'est-ce que tu veux?"

"Y a une fille en bas qui cherche à te voir, elle dit qu'elle t'a sauvé la vie et qu'elle aimerait savoir si tu vas bien."

Son air faussement agacé et jaloux, comme si je lui appartenais et qu'elle avait tous les droits sur ma personne et sur mes fréquentations m'insupporte au plus haut point. Je roule des yeux, pour ma part, sincèrement agacé, tellement agacé que j'en oublie même ce qu'elle m'a dit.

"Louise, je vois pas à quel moment ce que je fais te regarde."

"J'ai jamais dit le contraire." Elle répond en miaulant presque, tentant sans aucun doute de m'amadouer. "Tu ferais mieux de ne pas la faire attendre. A croire que tu n'as jamais su t'y prendre avec les femmes."

Ne pas s'enflammer.

Elle est juste blessée parce que je n'ai pas donné suite à ses avances la manière dont elle aurait voulu que je le fasse. 

Je la déteste, comment j'ai pu me dire à un moment donné que notre relation aurait pu se développer à quelque chose de plus long et de plus durable? Je suis vraiment bizarre parfois c'est dingue.

Et voilà que je me suis encore perdu dans mes pensées.

"Sors s'il te-", le temps que je tente de sortir les mots, elle est déjà partie. 

Et ma petite brune antipathique a pris sa place, un faux sourire radieux plaqué sur ses lèvres.

"Je vois que tu n'es pas toujours prêt à vomir toutes tes tripes. C'est bien."