Chapitre 5
"Une jeune fille qui veut plaire en se faisant intéressante plaira surtout à elle-même." - Sören Kierkegaard
Je suis dans ma voiture, mon premier cours magistral ne tardera pas à commencer, un cours d'Histoire. Je pousse un bâillement et une douleur s'éveille sur ma joue gauche. Je m'observe alors dans le miroir et fais un triste constat. J'ai toujours une large tâche ayant tourné au violet sur ma joue gauche, juste en bas de mon œil. J'approche ma main de ma blessure et tente de la tâter.
— Fait chier!
La douleur est encore bien vive et paralyse le côté gauche de mon visage. J'aurais bien mis du fond de teint afin de camoufler les dégâts mais je n'en possède pas chez moi. J'espère qu'on ne me posera pas de questions. Je n'ai pas envie d'avoir à expliquer qu'une fille que je trouve jolie a provoqué un combat entre moi et un inconnu afin de prendre la fuite. Je cherche dans ma boîte à gants et y dégote des lunettes de soleil, elles pourraient me permettre de ne pas attirer l'attention. Je regarde à travers mon pare-brise, le ciel est couvert sur la ville de Denver, il fait gris et il ne tardera sûrement pas à pleuvoir. Elles ne m'aideront pas à passer inaperçu. Je les repose et pince mes lèvres, c'est partit.
Je sors de ma voiture, enfonce ma capuche et récupère mon sac sur le siège arrière. Je marche à travers les allées du campus, sans vraiment faire gaffe aux personnes que je croise puisqu'elles dévisagent pour la majorité mon bleu.
— Martin?
Je me retourne malgré moi et croise le regard de Monsieur Caruso mon professeur de littérature. Au départ, il ne voit pas l'éléphant dans la pièce, il ne voit pas mon hématome mais une fois qu'il le fait, il ne peut défaire ses yeux de cet éléphant. Je fais un sourire poli à l'homme ayant la quarantaine et déjà une calvitie totale.
— Oui Monsieur Caruso?
— Tout va bien?
— Oui... je soupire. J'ai juste été mêlé à un combat, à cause... je me stoppe n'ayant pas pour souhait de me confier à mon professeur.
— À cause d'une fille? Je suis passé par là...
Je serais prêt à parier qu'aucune fille n'a été jusqu'où Malibu a été avec moi mais qu'importe.
— Vous vouliez me demander quelque chose?
— Il y a un festival de documentaires qui se tiendra bientôt à Denver, il explique. J'ai cru comprendre que tu aimerais plus tard réaliser des documentaires...
— Oui... mais je ne voudrais pas en faire mon métier. Je voudrais juste en réaliser un afin d'exaucer un rêve de gosse.
— Ça je l'ai bien compris, il hoche la tête. Une délégation d'étudiants d'ici ayant réalisé un documentaire sur l'évolution des représentation de la femme s'y rendra. Le truc c'est qu'il faudrait quelqu'un à l'aise devant un public de plus de mille personnes soit deux mille yeux, afin de présenter le documentaire, la démarche adoptée... j'ai pensé à toi.
— Mais je n'ai pas réalisé ce documentaire, je m'étonne, je n'ai pas vraiment envie d'en prendre tous les honneurs.
— Je ne te demande pas de prendre les honneurs Martin, je te demande juste si tu serais intéressé quant à l'idée de faire un discours là-bas, tu pourrais ensuite profiter de la journée pour découvrir de nombreux documentaires qui je l'espère t'inspireront. Qu'en dis-tu?
— Je devrai écrire le discours?
— Oui, mais tu t'assureras ainsi quelques crédits.
— D'accord, je finis par lâcher.
— C'est génial, je t'enverrai toutes les informations par adresse mail. Merci encore Martin.
Je rejoins enfin l'amphithéâtre dans lequel sont déjà installés de nombreux élèves alors que le prof demeure absent. Je m'assois à ma place habituelle, c'est-à-dire près de Timothée. Il commence par me dévisager, comme pour signifier qu'il n'est même pas surpris de me retrouver dans un tel état.
— Nouvelle mode?
— Non, je grommèle.
— Content de constater que tu es toujours d'aussi bonne humeur, il baille en se focalisant sur l'écran de son ordinateur.
Timothée, c'est la première personne à qui j'ai adressé la parole dans cette université. Nous ne nous connaissions pas et ne fréquentions pas le même lycée. Nous avons deux vies diamétralement opposées, pourtant tellement similaires. Nous sommes tous deux sans nouvelles de notre père. Son père à lui est décédé lors d'un accident de moto. Sa mère a tout essayé afin de grimper l'échelle sociale et sortir son fils de la misère quotidienne, en vain. Elle travaille en temps que femme de ménage chez ND Corp, mais selon Timothée, elle devrait être celle assise dans le grand bureau du grand patron qu'elle nettoie matin et soir. La vie n'est pas souvent juste pour les braves.
Sans que je m'y attende, le brun aux cheveux longs, au corps svelte et au regard enfantin se retourne vers moi.
— Oui? Je prends les devants.
— Ça marche cette technique avec les filles?
— Quelle technique?
— Je veux dire, ça plaît aux filles de faire le mec froid et maussade? Plus j'y réfléchis et plus je me dis que oui. Elles doivent se mettre en tête qu'elles veulent être la raison pour laquelle on sourit. Imagine le bonheur qu'une fille ressent quand elle est la première à décrocher un sourire à un mec... m'explique-t-il en tapant des mots sur son clavier.
— Qu'est-ce que j'en sais?
— Eh bien, ta "funiude" n'est pas ta principale caractéristique... je veux dire t'es un peu du genre maussade, à te braquer pour un rien... Mais ça n'empêche que tu plaises aux filles.
— Pourquoi tu me demandes ça Tim? Je fronce les sourcils.
— Tu vois... tu te braques, encore.
— Pas du tout... je me racle la gorge. Enfin... peut-être un peu... mais, tu me demandes ça pour une fille en particulier?
— Non, il secoue la tête. Je te demande ça pour toute la gente féminine. Par exemple, ce weekend, j'étais à une soirée, chez un ami. J'ai bien passé trente minutes à discuter avec une fille lambda, je lui faisais quelques blagues et nous rigolions. Alors j'ai tenté de l'embrasser et malgré l'alcool qu'elle devait avoir dans le sang, elle n'a pas hésité à me rejeté. J'ai vraiment l'impression de toujours passer à côté d'un truc. J'essaie de les faire rire et ça marche plutôt bien... je crois qu'il me manque un truc...
— La séduction Tim... la séduction. Je hoche la tête.
— Et comment est-ce que je deviens un bon séducteur? Comment dois-je séduire? Il me presse.
— En restant toi-même.
— Hein? Mais ça n'a aucun sens ça Martin. Ça fait bien vingt ans que je reste moi même et ce sont aussi vingt années de célibat. Il se plaint.
— Peut-être alors que tu ne vas pas vers des filles qui te correspondent...
— Attends, tu veux dire quoi par-là? Tu veux dire que parce que je suis moche je dois sortir avec des moches?
— T'es pas moche Tim et ce n'est pas ce que j'ai dit. Il n'y a pas que le physique qui compte, si tu discutes avec une fille avec qui ça pourrait peut-être marcher, tu sens un truc.
— Ma bite qui se tend face à sa poitrine? Il pouffe de rire.
— Peut-être que si tu voyais l'amour pas uniquement comme un truc sexuel, tu aurais une petite-amie. Ce n'est pas un truc physique dont je te parle mais quelque chose à l'intérieur de toi qui te pousse à vouloir la connaître... en tous cas, c'est comme ça pour moi.
— Avec qui? Il sursaute.
— Quelqu'un.
— Je la connais?
— Non, je ne pense pas. Je dis en me rappelant des mots de Laury.
— Elle est à l'université?
— Oui, d'ailleurs, j'y vais. J'annonce en me levant dramatiquement.
— Tu vas où?
— Je vais la voir. Tu ne saurais pas par hasard où se trouve le bâtiment réservé aux arts?
Il m'explique de façon très enthousiaste, fronce les sourcils quand il réfléchit, revient sur ses explications mais à la fin, j'obtiens un schéma clair du chemin à emprunter. Je me dirige alors vers les escaliers et les descends rapidement, faisant gaffe à ne pas me ramasser.
— Monsieur Brand, je vous autorise à vous rasseoir.
A l'entente de mon nom, je lève la tête et constate que ça y'est, mon prof d'histoire est arrivé, plus important encore, je ne peux pas partir à la rencontre de Malibu. Enfin, pas maintenant. Je fais donc demi-tour et retourne m'installer à côté de Timothée qui se moque silencieusement de moi.
Le cours porte sur une analyse précise du discours des 14 points de Wilson, prononcé par le président du même nom. Nous traitons des répercutions de ce discours dans la société américaine de 1918 à nos jours. En soit, c'est totalement le genre de cours qui m'intéresserait sauf qu'aujourd'hui, j'ai bien du mal à me focaliser dessus, à prendre des notes. Je dois copier un bon nombre de fois sur Tim afin d'être à jour.
J'entends bien les mots du professeur mais c'est comme si mon cerveau avait cessé de les retranscrire en tant qu'information. Je préfère égarer mon regard dans l'amphithéâtre, observer les tables en bois, les coiffures diverses, variées et originales de mes camarades.
— T'es stressé? Chuchote Tim.
— Je crois, ouais...
— Pourquoi?
Pour toute réponse, je lui montre mon hématome. Il pouffe de rire, éjectant une masse de postillons sous le regard électrique du professeur.
Les trois heures de cours sont enfin terminées, j'attrape mon sac à dos et m'en vais rapidement saluant rapidement Tim au passage. J'ai lu sur le tableau qu'un cours d'arts-plastiques terminait à 11 heures, j'espère qu'il s'agit du cours de Laury et donc du cours de Malibu.
Beaucoup d'étudiants sortent également et les allées se retrouvent rapidement bondées. Certains se préparent à aller déjeuner, d'autres se pressent afin d'arriver à l'heure à leur cours suivant et d'autres prennent leur temps, créant des ralentissements. Et puis il y a moi, pressé, me faufilant à travers les universitaires afin d'aller retrouver une fille.
Je repère Maë, mais il est déjà trop tard, je ne peux changer de chemin. Au lieu de ça, on se regarde comme deux parfaits inconnus. Elle porte son classeur bordeaux dans ses bras et est vêtue simplement, un pull-over, un jean et des baskets. Une de ses amies lui tapote le bras et je l'entends dire :
— Hé! Y a Martin, ton ex.
Je détourne immédiatement les yeux et me concentre sur les arbres bordants les allées. Et oui c'est toujours aussi gênant entre nous.
J'essaye cependant de pousser cet événement et cette personne de ma mémoire à mesure que je m'approche du bâtiment d'arts. Je reste sur mes gardes et observe attentivement chacune des filles se trouvant dans les parages mais aucune d'entre elles n'est Malibu.
— Salut Martin! Laury s'approche de moi en souriant.
— Hey Laury, ça va bien?
— Oui merci. Et toi? Qu'est-ce que tu fais près du bâtiment des arts?
Je garde un œil sur Laury mais elle n'est pas le centre de mon attention. Je cherche encore Malibu. D'ailleurs j'hésite à l'avouer à la brune... bien qu'elle pourrait certainement m'informer.
— Enfaite, je cherche Malibu, tu ne l'aurais pas vue par hasard?
— Malibu... elle se racle la gorge avant de regarder autour d'elle. Non, aujourd'hui elle n'est pas là, elle est malade, une grippe je crois.
— Ah, je vois. Je hoche la tête. Merci en tous cas.
Elle monte sur la pointe de ses pieds et dépose un baiser sur ma joue. Je la regarde ensuite de haut en bas, perplexe et elle s'en va.
Je suis certain qu'elle me ment. Ce n'est pas logique. Moi, lorsque quelqu'un qui suit habituellement le même cours que moi est absent, je ne le remarque même pas. Alors elle qui n'est pas amie avec Malibu et qui serait pourtant au courant de l'état de santé de cette dernière me paraît plus que louche.
J'attends que Laury se soit vraiment éloignée de moi, pour me rendre dans le bâtiment d'arts. Je longe un couloir décoré d'une longue fresque murale. Une odeur de peinture se fait ressentir alors je suppose que je ne suis plus très loin.
Signe que j'ai bien fait de ne pas faire confiance à Laury, je trouve Malibu, les mains encore pleines de peinture dans une salle, discutant activement avec ce que je déduis être sa prof. Elle ne me voit pas et c'est très certainement préférable, elle choisirait sinon sûrement de s'échapper par la fenêtre.
Je patiente donc le dos adossé à la fresque durant un peu moins de cinq minutes, veillant sur la porte. Porte par laquelle vient tout juste de sortir Malibu. Elle ne m'a pas vu, je crois et je la suis en direction de la sortie du bâtiment.
Elle n'est pas habillée simplement comme bon nombre de filles ici qui se contentent d'un top et d'un jean lambdas. Elle porte une jupe crème à carreaux avec un top noir moulant et plutôt pas mal transparent puisqu'il laisse entrevoir son soutien-gorge. J'en viens à me demander comment ne l'ai-je pas repéré plus tôt si elle s'habille toujours de la sorte. Je détaille ses jambes fines supportées par ses Dr Martens et demeure subjugué par leur longueur.
Je dois cependant bien me résoudre à l'interpeler, puisque je ne compte pas être là tel un psychopathe à l'observer sans rien dire :
— Malibu!
Je sais qu'elle m'a entendu puisqu'elle a sursauté mais ce n'est pas pour autant qu'elle se retourne, elle continue de marcher et accélère légèrement sa cadence. J'en fais alors de même et resserre progressivement l'espace entre nous.
Pour une raison que j'ignore, elle se stoppe soudainement, je ralentis mes pas et finis par m'arrêter à mon tour. Elle est à deux mètres de moi, me donne son dos, cependant je constate qu'elle tient une bouteille de gouache bleue dans une de ses mains.
Elle se retourne lentement vers moi, les yeux grands ouverts et un sourire hésitant. Elle marche jusqu'à moi et je la regarde faire sans rien dire.
— Bonjour Martin.
Elle dit dans un souffle m'offrant la possibilité d'enfin découvrir sa voix. Une voix est toujours difficile à décrire, surtout quand on a eu l'occasion de n'en entendre que très peu mais je dirais qu'elle a une voix aiguë qui reste douce.
— Tu ne m'en veux pas si je prends ça, hein... je ne veux pas que tu m'attires de nouveaux problèmes. Je fais tout en m'emparant de la peinture.
— Je suis désolée pour... ça. Elle pointe mon bleu en grimaçant.
— Ce n'est rien, j'essaie de lancer une nouvelle mode.
— Ma cousine, Bruna, qui adore la mode te répondrait que si c'est ta conviction ça marchera forcément. Elle me regarde, me sourit puis détourne le regard.
— Et toi? Que me dirais-tu Malibu?
— Je te dirais que d'ici quinze jours tu n'auras plus rien, que ta mode sera plus éphémère que... elle réfléchit. Flappy Bird.
— Flappy Bird? Je répète.
— Oui, le jeu où il fallait faire passer un oiseau entre des tuyaux, le tout avec un bruitage super agaçant. Tu ne connais pas?
— Oui, je connais, je la rassure. C'était quoi ton meilleur score toi?
Le visage de Malibu se transforme rapidement, elle perd son sourire et ne prend pas la peine de répondre à ma question. J'hésite alors sur l'attitude à adopter puisque jusque là nous discutions tranquillement. Je crois que je ferais mieux d'ignorer son coup de mou et de relancer la discussion sur un autre sujet :
— Je dois faire un discours sur...
— Désolée Martin... je dois y aller.
Elle récupère sa peinture et s'en va, se mêlant rapidement à la foule d'élèves. Quant à moi, je choisis de ne pas la suivre parce que je ne saurais quoi lui dire. Je la laisse donc tranquille, pour aujourd'hui.
"Martin (s'observant sur la caméra) : Outch, c'est vraiment pas joli à voir. T'as vu les bleus sur mon torse?
Maë (inquiète) : Tu as mal?
Martin : Je t'ai répondu il y a deux minutes, non bébé, je n'ai pas mal.
Maë : J'en reviens pas qu'Allan t'ait infligé tout ça... juste parce qu'on sort ensemble.
Martin (mentant) : Je te jure... je ne l'ai pas reconnu, je lui ai simplement avoué pour nous et il a pété un plomb.
Maë : Tu n'es pas triste?
Martin : Pourquoi le serais-je?
Maë : Tu as perdu ton meilleur ami.
Martin : Tu en vaux tellement le coup... Alors si tu te demandes si je regrette, la réponse est non, ça va peut-être vite entre nous mais depuis petit tu me plais... tu me rends fou et ouais, je crois que c'est de l'amour."
*******
Hey!
J'espère que vous allez bien,
Et que ce chapitre vous a plu!
C'était le dernier avant ma rentrée ! Je pleureee! J'espère tellement que je pourrai vous sortir des chapitres à un rythme régulier ! J'ai déjà un bon stock de chapitres écrits mais je rentre en prépa et je ne sais pas à quelle sauce je serai mangée ! Enfin bon, je ferai au mieux mais je préfère vous avouez que je privilégierai ma prepa, je crois que c'est normal... enfin bon nous n'en sommes pas encore là mais je peux déjà vous dire que vous aurez un chapitre par semaine au moins jusqu'aux prochaines vacances !
Sur ce, je retourne embrasser mon poster de Peter Kavinsky!
Cœur cœur ❣️
Noémie =)
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