Chapitre 65 (TW)
Trigger Warning : Drogue et mise à mort d'une femme et d'un enfant
Le ciel automnal était subitement devenu hivernal, les froides températures étaient arrivées bien plus tôt que prévu cette année : le climat semblait totalement déréglé. Quelques semaines auparavant, la chaleur étouffante de la fin d'été exténuait les populations en les obligeant à décaler leur rythme de vie mais, aujourd'hui, le froid n'arrêtait pas de mordre vivement leur peau tout en la faisant rougir. Le plafond astral était devenu affreusement monotone, d'un gris dénué de lumière dans les teintes froides qui n'inspiraient guère confiance.
Ce ciel était semblable aux iris sans vie de Geonhak qui marchait à contre-cœur en direction de la salle du trône. Sa tête était basse, ses lèvres formaient une expression d'une neutralité perturbante mais le plus surprenant était son manque de combativité.
Docilement, il avançait avec simplement l'escorte de gradé qui le gardait en joue au cas où le prince venait à se rebeller. Hélas, il n'en avait ni la force ni l'envie à vrai dire. Pourquoi devrait-il utiliser ses forces pour se battre contre un ennemi plus fort que lui ?
Il était faible. Pathétique. Inutile. Oubliable. Comment une personne comme lui pourrait réussir à faire quelque chose dans sa vie ? Faire un coup d'État ? Impossible, il n'avait pas l'intelligence pour élaborer un tel plan : Geonhak était aussi bête qu'un oisillon sortant de l'œuf. Foncer dans le tas et prendre le pouvoir par la force ? Quelle force ? Il n'avait que les bases du combat, jamais il ne pourrait prendre le dessus sur un adversaire ayant suivi la même formation que lui.
« - Tu n'es rien, Kim Geonhak. »
Ces paroles, elles résonnaient dans la boîte crânienne du concerné comme une mélodie entêtante qui ne prendrait jamais fin. Cela était devenu un véritable bruit de fond pour le garçon, une habitude à force de l'entendre une centaine de fois par jour car, après tout, c'était ce qu'il était : rien.
Depuis qu'on l'avait séparé de force de Dongju, le Ajri était semblable à une coquille vide. Tout son libre arbitre avait volé en fumée laissant place à l'application mécanique des ordres qu'on lui demandait de faire. De plus, son esprit était constamment embrumé à cause des produits qu'on lui faisait inhaler quotidiennement lorsqu'il ouvrait à peine les paupières.
Le cycle était similaire à chaque lever de Soleil : le médecin royal rentrait dans la chambre en compagnie d'une servante puis, alors qu'il somnolait encore, on lui injectait un produit inconnu dans le bras à l'aide d'une seringue. Cela devait sûrement être une drogue ou une espèce de tranquillisant permettant à son père de mieux le manipuler par la suite.
« - Ah ! Te voilà enfin mon fils, s'exclama le Tyran en étant assis à la table où était dressé le petit déjeuner. Assieds-toi. »
Sans hésiter la moindre seconde, Geonhak s'exécuta sans prononcer le moindre mot. Sa gorge était affreusement serrée, ses jambes tremblaient de terreur mais le psychotrope embrumé un peu plus son esprit à force qu'il se diffusait dans son organisme. Dans quelques instants, il ne sera plus maître de rien.
« - Nous avons un programme très chargé aujourd'hui. Tu vas venir avec moi dans le camp « Éther » afin de participer au jugement des malfrats mettant le désordre dans les rues si calme de Zéphyr. »
Le prince hocha simplement de la tête sans rien faire d'autre, il n'osait même pas toucher à son assiette puisqu'on ne lui avait pas autorisé à le faire. Ses yeux vides fixaient la porcelaine blanche où trônait un morceau de poisson frais qui avait été grillé et il y avait aussi un pain au grain complet qui accompagnait le mets et sa purée de baies des bois.
« - Ne manges-tu donc pas mon fils, le Roi semblait prendre un malin plaisir à voir son enfant autant sous son emprise.
- J'attends votre accord, père. »
La voix de l'enfant était dénuée de vie, son timbre grave était monotone comme son regard et ses lèvres se mouvaient avec une certaine difficulté comme si cela était prononcé à contre cœur.
« - Je vois, ce produit fait des petites merveilles dis donc. Tu ne peux donc pas manger tant que tu n'as pas eu mon accord.
- C'est cela.
- Pas la moindre résistance de ta part. C'est vraiment fascinant ! Vous avez fait de l'excellent travail messieurs. »
Le tyran se tourna vers quelques hommes qui était un peu plus loin dans la salle à manger. Ces derniers étaient des scientifiques que le Roi payait gracieusement afin qu'ils puissent créer des drogues et divers poisons afin de mieux contrôler ses ennemis : le souverain Kim avait un véritable arsenal biologique sous sa main.
La drogue qu'on injectait à Geonhak était, en réalité, en phase de test et le prince se trouvait à être le premier cobaye humain qui la recevait et les effets étaient extrêmement concluants : le monstre était ravi de son nouveau jouet.
« - Tu peux manger. »
À peine l'ordre fut donné que l'enfant sauta presque sur assiette pour la dévorer en quelques minutes sous le regard amusé de son père : il était réellement sous le charme de cette emprise totale qu'il avait sur Geonhak. L'homme s'imaginait déjà accomplir tout plein d'horreurs avec son fils et ils allaient commencer après ce repas.
La digestion commençait à peine qu'on amena Geonhak vers sa chambre pour se changer puisqu'il sortait aujourd'hui et les prisons royales qui étaient perchées haut dans le ciel. Trois femmes vinrent enfiler les habits du prince qui se laissa faire sous ses mains qui étaient un peu trop baladeuses.
Hélas, il ne pouvait pas les repousser puisqu'il n'avait pas reçu l'ordre de le faire : il était prisonnier de son propre corps. Les domestiques s'extasiaient sur la musculature du garçon, faisant longer leur doigt sur ses abdominaux tout en louchant plus bas mais elles ne purent continuer leur attouchement car un garde leur demanda de se dépêcher.
On enveloppa le corps de Geonhak dans un Hanfu noir, composé de trois pièces, brodé par du fil vermeil. Des arabesques complexes décoraient élégamment les bords du tissu charbonneux tandis que la taille du prince était cintrée par une épaisse ceinture rubis.
On lui arrangea aussi sa chevelure, auquel on lui avait ajouté quelques extensions afin de l'allonger puis on le maquilla avec un fond de teint extrêmement pâle, à la limite de l'ivoire, tandis que ses lèvres étaient teintées de rouge sang : Kim Geonhak était méconnaissable.
« - Suivez-moi. »
Le bras droit du Roi était venu chercher le garçon qui était finalement vêtu de la tête au pied puis il le guida en direction de la salle du trône et, plus précisément, vers une petite pièce uniquement accessible depuis cette salle : les téléporteurs menant aux trois camps de prisonniers.
La lueur de machine de voyage spatiale était carmin, la majeure teinte de cette salle était le noir obsidienne ce qui contrastait drastiquement avec l'ambiance général du palais Ajri. L'endroit avait très peu de détail, simplement des lettres pourpres gravées sur les stèles devant les téléporteurs disant « Éther », « Aura » ou « Sylphe ».
« - Je ne pensais pas que cet ensemble t'irait aussi bien, mon fils. Tu es presque acceptable en étant apprêté de la sorte. Enfin bon, l'heure n'est pas au compliment, nous devons aller à Éther car l'heure du jugement approche. »
Sans tergiverser davantage, le souverain ordonna l'activation de la machine ce qui augmenta l'intensité du faisceau lumineux sanguinolent. Le Roi Kim entra dans la lumière pour disparaître dans une flopée de pixels et, rapidement, son bras droit ordonna à Geonhak de faire de même ce qu'il effectua sans opposer la moindre résistance.
Le monde devint brusquement uniformément rouge, la tête de l'enfant tourna quelques instants et il crut défaillir mais le monde redevint soudainement normal. Son corps bascula en avant, il s'effondra genou contre terre puis bascula sur le dos en toussant brusquement comme si une étrange réaction se faisait dans son corps.
Ses yeux morts se posèrent sur le ciel grisâtre et une larme vint rouler sur son visage, signe qu'une émotion venait de passer la barrière chimique appliquée par la drogue : une première depuis plusieurs jours complètement shooté au médicament.
Hélas, ce court instant de libération fut vite réduit à néant puisque la voix de son manipulateur surgit embrumant à nouveau son esprit. Geonhak eut simplement le temps de penser au prénom de son bien aimé avant que le brouillard ne vienne s'emparer de son esprit.
« - Debout. »
L'ordre était sec et direct, l'enfant ne se fit pas prier en poussant sur ses bras puis en ployant ses jambes pour basculer en position verticale bien que cela lui valait une énergie surhumaine. Pourquoi ce voyage spatial l'avait-il mis si mal ?
« - Dépêche-toi. Nous n'avons pas le temps pour tes moments de faiblesse. Ne soit pas pitoyable, je commençais à penser que tu pourras mettre un minimum utile. »
Des mots froids, c'était tout ce que recevait Geonhak depuis sa tendre enfance. « Tu pourrais mettre un minimum utile », combien de fois avait-il ouïe ces termes de la part de son géniteur ? Des millions de fois. Depuis combien de temps lui disait-il cela ? Depuis qu'il avait poussé son premier cri, cela était certain. Jusqu'à quand cela allait durer ? Quand le Roi Kim sera finalement lassé de son fils pathétique.
« - Garde à vous ! »
Les soldats se mirent droit comme des piquets alors que le Tyran marchait avec son sourire sadique suivit de près par son garçon qui avait la tête haute uniquement parce qu'on lui avait ordonné. Ses sens étaient si perturbés. Son audition ne captait que la voix de cet homme avec qui il partageait son sang. Ses yeux ne lâchaient à aucun instant le dos de son paternel qui était couvert par une cape pourpre. Son odorat suivait à la trace cette fragrance de domination et de terreur qui écrasait les ennemis de son géniteur. Il n'y avait que son père et personne d'autres dans la vie du prince.
« - Geonhak ? »
C'était une voix faible, trop frêle pour briser la carapace médicamenteuse qui enveloppait le garçon. Néanmoins, cet appel avait réveillé deux autres personnes qui avaient tourné leur regard stupéfait en direction du successeur royal : c'était réellement lui.
« - Amenez-moi les condamnés, ordonna le Roi. Et mon katana. »
Hâtivement, les soldats se dépêchèrent d'aligner les hommes, femmes et, hélas, enfants en file indienne. Leurs mains étaient fermement liées, leurs chevilles droites étaient reliées à un lourd boulet de fonte qu'ils peinaient à traîner car leurs corps n'étaient plus que des os enveloppés de peau. La peur se lisait dans leur iris, ils quémandaient tous pardon mais jamais il ne trouverait une telle chose auprès du tyran.
« - C'est l'heure de votre jugement. »
La voix glaciale du monstre résonna dans le petit camp alors qu'on alignait les prisonniers au grillage afin de les obliger à assister aux spectacles. Certains détenus hurlaient à s'en briser les cordes vocales en suppliant le Roi de ne pas tuer leur moitié ou leur progéniture mais ce dernier n'en avait que faire des plaintes de ceux qu'ils voyaient comme une vermine. Puis, dans la foule, ils y en avaient qui fixaient avec stupeur le prince, du moins, ils pensaient que c'était lui mais ce dernier semblait s'être métamorphosé.
« - Qu'est-ce qu'ils t'ont fait, chuchota la voix de tout à l'heure mais son timbre était toujours trop faible. »
Le hurlement d'une femme résonna ensuite, la pauvre était tirée de force hors de la file puis on lui fit plier les genoux devant le Roi qui recevait son katana. Sans hésiter, le souverain retira la lame de son fourreau dévoilant son éclat sanglant aux yeux de tous : elle avait été forgée pour une seule chose, tuer. La pauvre dame supplia en demandant une seconde chance, elle s'excusait mille et une fois mais personne ne pouvait atteindre le cœur de pierre du Roi : ce dernier était sans pitié.
« - Regarde, ordonna-t-il à son fils. Après cela sera ton tour. »
Le katana se leva dans l'air, le reflet de la lame montrait toute la terreur qui se lisait dans les yeux de cette pauvre femme qui avait été faussement dénoncé par sa voisine pour un vol de pain. Une buse survola le camp dessinant son ombre sur le sol et, une fois que l'oiseau eut traversé le corps de la condamner, l'arme s'abattit sur son cou qui fut tranché net. Sa tête roula loin de son corps qui s'était effondré sur le goudron alors qu'une importante mare de sang se formait.
Dans la file, un pauvre enfant hurla. Derrière le grillage, un mari s'agrippa fermement au grillage en se déchirant les cordes vocales tandis que l'effroi se diffusait dans les rangs serrés. La Justice était faite par le souverain Kim à Zéphyr et ce dernier ne prônait par l'impartialité.
« - As-tu tout vu ?
- Oui.
- Bien, c'est à ton tour. »
Un garde amena le garçon ayant perdu sa mère au côté du corps de cette dernière. On l'obligea à s'accroupir dans l'hémoglobine fraîche tandis que le tyran ordonna à son fils de s'approcher tout en tendant son katana. L'arme était tâchée de sang mais la lueur sordide continuait de briller et Geonhak put apercevoir son reflet dans cette dernière : il était méconnaissable. Ses traits étaient tirés en une expression neutre et stricte, ses prunelles étaient inertes tandis que la vie semblait avoir quittée son corps à cause de la pâleur de son teint.
« - Prends. »
Le successeur aurait voulu résister, il souhaitait tellement au fond de lui que ses doigts ne puissent jamais serrer la garde de cette lame si tranchante. Pourquoi ses pieds pivotaient-ils d'eux même en direction de ce pauvre garçonnet sanglotant et tremblant d'effroi ? Pourquoi n'arrivait-il pas à avoir le contrôle sur son enveloppe ? Pourquoi son libre arbitre était-il enchaîné de la sorte ? Il voudrait agir, arrêter ce mouvement qu'il commençait à faire. Le katana se leva dans le ciel, les gouttes de sang tombaient tristement sur le sol tandis que l'enfant couinait en se débattant comme il pouvait mais la terreur le pétrifiait.
Geonhak ne voulait pas être comme son père, il ne voulait pas cela. Le jeune Kim souhaitait être un bon Roi, voulant panser les blessures de son peuple martyrisé par un monstre sanguinaire. Il ne voulait pas tuer, encore moins un enfant qui n'avait encore rien vu de la vie.
« - Fais-le.
- ... »
Geonhak donnait tout ce qu'il pouvait pour que le mouvement ne soit jamais effectué. Il puisa dans ses maigres forces, quitte à le faire tanguer de fatigue, afin que l'inévitable ne puisse pas se produire. Hélas, la voix de son géniteur était si persuasive, il se sentait flancher un peu plus à chaque mot qu'il prononçait.
« - Ne penses pas pouvoir penser par toi-même, lança à voix haute le Roi permettant à toute l'assemblée d'ouïr ses propos. Tu n'es rien, juste un pantin bon à obéir. »
L'homme s'approcha un peu plus de son fils qui tremblait de fatigue et frustration : il aimerait tant avoir le contrôle de son corps pour faire pivoter l'arme en direction de son géniteur afin de lui trancher la tête à lui et non à ce pauvre gamin. Cependant, une main vint serrer son épaule et l'emprise devint si forte que Geonhak crut défaillir.
« - Tue-le. »
La maigre lucidité du Kim vola en éclat, son regard s'embruma sous le regard des condamnés qui furent perturbés par cette scène. Hélas, ils ne purent l'analyser davantage car la lame s'abattit sur le cou de l'enfant dont la tête roula non loin de celle de sa mère. Le pauvre mari s'effondra à son tour, ses mains tombant sur ses genoux alors que des torrents dévalaient ses joues : il avait eu l'espoir que le prince épargnerait son fils.
Toutes les personnes présentes furent choquées par l'acte qui venait de se dérouler sous leurs yeux : le prince Kim Geonhak venait réellement de tuer un enfant. C'était un spectacle choquant, personne n'aurait pensé le futur successeur capable d'une telle horreur. Eux qui avaient cru que le passage de pouvoir amènerait la paix dans le royaume de Zéphyr, eux qui avaient eu l'espoir d'avoir un avenir radieux lorsque le tyran descendrait du trône : ils s'étaient tous trompés apparemment.
« - Geonhak... Pourquoi ? »
Les yeux de Youngjo se posèrent sur le corps de son ami tandis que Wooseok avait mis sa main devant sa bouche afin d'étouffer son cri. Seoho, quant à lui, était statique et son expression était grave : il était le seul à comprendre la raison du changement de comportement de son frère. Défaitiste, l'adopté tourna simplement les talons en serrant ses poings : il avait échoué dans sa quête de protéger son petit frère.
Geonhak était maintenant prisonnier des griffes du monstre.
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