Chapitre 64
Ce fut avec une boule au ventre que le jeune couple débarqua dans le Royaume de l'Air. Dongju, à peine arrivé, avait naturellement fermé ses paupières en s'étant collé au torse de son époux qui le serait fortement dans ses bras comme s'il craignait qu'on vienne lui arracher le Tokësor. Les amants tremblaient légèrement, l'angoisse se métamorphosant dans leur gorge afin de la serrer douloureusement et l'appréhension dû face à face avec le souverain tyrannique était tétanisante.
« - Il n'y a personne. »
Ce fut dans un souffle difficilement prononçable que Geonhak prononça ces quelques mots en analysant la pièce dans laquelle il se trouvait. Personne n'était venu les accueillir, leurs bagages traînaient sur la plateforme d'arrivée et le panneau de contrôle était déserté : tout ceci ne plaisait guère au prince.
En effet, ce dernier était mal à l'aise et son étreinte se renforça tout comme son mauvais pressentiment qui gagnait en puissance dans son for intérieur : Youngjo, Seoho et Wooseok devaient être encore dans leur cachette, voilà pourquoi ils n'étaient pas là pour les accueillir.
« - J'ai peur, Geonhak.
- Moi aussi... Moi aussi, Dongju. »
Les amoureux fraîchement confessés n'osaient pas bouger, ils craignaient qu'en mettant un pas hors de la cabine de téléportation l'autre disparaisse à tout jamais. Le plus jeune avait des yeux larmoyants, son cœur tambourinait dans sa poitrine si fort que le Ajri pouvait sentir le rythme cardiaque décadent de son mari. Ses bras se desserrèrent légèrement afin qu'il puisse se reculer de quelques centimètres dans le but d'atteindre le doux visage du Son qui l'observait à la fois confus et consumé par une angoisse bien trop discernable.
Le futur Roi de l'Air monta une de ses mains vers le menton de l'autre, il l'attrapa délicatement avec ses doigts avant de cueillir les croissants de chair de celui qu'il aimait tant. Ce baiser était tendre et réconfortant, le cœur de Dongju se sentit apaisé à ce contact et les battements d'angoisse s'atténuèrent pour laisser son organe vital avoir un rythme plus reposant.
La terreur qui retournait les boyaux des deux époux fut remplacée par un envol de papillons tandis qu'il savourait cet échange amoureux. Les lèvres se mouvaient, les soupirs de soulagement s'échappaient de leurs narines tandis que les mains de l'un et l'autre serraient les habits de chacun.
« - Tant qu'on sera ensemble, tout ira bien. »
Geonhak voulait être confiant pour la première fois de sa vie, il voulait espérer et être optimiste. Cette fois-ci, ce fut le plus jeune qui vint cueillir les bouts de chair de son mari dans un geste désespéré car le pessimiste envahissait son enveloppe : le prince du lotus se doutait que jamais il ne les laisserait vivre en paix et heureux.
« - Dongju.
- Hm ?
- Je t'assure que tant qu'on sera ensemble, tout se passera bien. »
Il voulait le croire, réellement. Hélas, Dongju savait ce dont il était capable. Son pouvoir de persuasion, son aura étouffante, ses mots blessants touchant toujours des points sensibles et ses gestes d'une violence inouïe. Le Son n'arrivait pas à croire son mari, pourtant il le voulait mais sa promesse semblait inatteignable : il était faible face au tyran.
Le câlin se termina, le temps d'échange arriva à son terme et le couple alla chercher leurs sacs afin de rejoindre leur chambre. Mais, cette fois, Geonhak avait demandé que Dongju vienne vivre avec lui, dans ses quartiers. Le Ajri ne voulait plus jamais le quitter des yeux, ne serait qu'une seconde, dans cette demeure maudite.
Le Son n'avait même pas hésité un instant, sa tête s'était secouée positivement et son cœur était légèrement soulagé à l'idée qu'il ne dormirait pas seul dans son lit avec la peur que le monstre s'introduise dans sa chambre le soir dans le but de l'annihiler.
En dehors de la salle de téléportation, c'était désertique. Pas de servants, pas de mouvements, pas de bruits : juste le vide. Les murs d'un blanc immaculé étaient devenus source d'angoisse pour Geonhak après avoir vécu ces quelques jours à Gaïa, là où tout était coloré et chaleureux. Il avait d'un coup envie de retourner dans le monde de la Terre où tout semblait plus vivant.
Le bruit de pas des amants vint briser le calme plat qui régnait dans le palais, l'ambiance était asphyxiante à cause du manque de mouvement. Où étaient-ils tous passés ? Du coin de l'œil, l'enfant du Lotus crut voir une ombre au détour d'un couloir. Elle s'était faufilée à une vitesse ahurissante derrière le mur comme s'il devait disparaître et ne jamais être vu par personne.
Peut-être qu'il s'agissait d'un fantôme errant dans les couloirs sans vie du palais Ajri ? Essayant de passer outre ceci, Dongju tenta de se concentrer sur lui et cette main qu'il serrait : le garçon avait l'impression de défaillir en ces lieux. Sa respiration se faisait brouillonne tout comme sa vue qui se floutait à cause des larmes d'appréhension qui venaient embrumer son champ de vision. Que s'était-il passé dans ce château pendant leur absence ?
« - Je n'en sais rien.
- Hein ?
- Tu pensais à voix haute, éclaira Geonhak.
- Oh ! Je comprends mieux, j'ai bien cru un instant que tu arrivais à lire dans mes pensées.
- Tss... Ne dis pas de bêtise voyons. Si j'étais capable d'une telle prouesse, crois-moi que je le saurais. »
Ce fut avec un maigre sourire détendu que les deux amoureux poussèrent la porte de la chambre du successeur royal. Leurs yeux étaient plongés dans les prunelles de l'un et l'autre alors qu'ils faisaient leur premier pas dans la pièce : ce voyage les avait tant rapprochés, ils s'aimaient tellement maintenant.
« - Comme c'est mignon. »
Les amants sursautèrent en ouïssant cette sordide voix, leur sens furent aux aguets et leurs têtes se tournèrent immédiatement en direction de la source de ces mots : c'était lui. Le tyran, le monstre, la figure du Malin, le Diable en personne... Bref, le Roi Kim était debout devant le lit de Geonhak avec un sourire immonde dessiné sur son visage tiré par la colère : l'acte rebelle de son enfant l'avait réellement mis en rogne.
Instinctivement, Geonhak se mit devant Dongju afin de faire bouclier entre lui et son géniteur : il ne voulait pas que son immonde père puisse déposer son regard de serpent sur le corps du Son. Le Ajri était prêt à en découdre afin de protéger celui qui avait volé son cœur et ses yeux prirent une teinte obsidienne montrant sa rage ce qui fit sourire son géniteur.
« - Tu penses réellement pouvoir me résister Geonhak ? Tu es mon fils, je t'ai conçu et donné la vie. C'est moi qui t'ai élevé en te donnant l'éducation la plus parfaite qu'il soit : je suis ton créateur.
- Cesse de te prendre pour un Dieu, grogna le fils.
- Mais je suis un Dieu, Geonhak. Je domine ce Royaume tout en ayant un contrôle total sur celui de Zjarr et Aral. Et, grâce à toi, j'ai enfin une manière d'oppresser Gaïa en ayant un de leur descendant sous la main. Ouvre les yeux, je contrôle ce Monde.
- Jamais vous ne toucherez à mon Royaume, hurla Dongju en sortant du dos de son époux. Je ne vous laisserais pas faire et ma famille ne vous permettra jamais de telles choses.
- Penses-tu réellement, gamin, que je vais attendre ton accord pour faire ce qu'il me plait ? »
Le ton sombre du Roi glaça le sang du plus jeune. Les iris infernales du tyran plongèrent dans celles de Dongju qui sentit la terreur se faufiler dans ses veines comme le ferait un poison lent et douloureux.
Les ailes corbeau du souverain bougeaient légèrement le faisant monter de quelques centimètres au-dessus du sol ce qui renforça sa position de domination : Dongju n'était qu'un vulgaire parasite à ses yeux.
« - Cesses. »
Geonhak s'était à nouveau placé devant son époux tout en le collant à son dos afin qu'il ne puisse plus voir son géniteur. Le prince était furieux et haineux, il ne souhaitait qu'une chose actuellement : tuer son père.
« - Allons, ne me regarde pas ainsi. J'en aurais presque peur, rit jaune le Roi tout en ayant un sourire tordu par le sadisme sur son visage. Tu penses réellement pouvoir me tuer ?
- Ne me tentes pas, tu risques de le regretter. »
Les iris de l'enfant étaient semblables à un ouragan dévastateur. Le noir qui composait sa prunelle était d'une intensité inouïe créant une profondeur vertigineuse dans son regard devenu si sombre. Ses mains tremblaient de haine, son cœur palpitait d'excitation dans sa poitrine et l'adrénaline se diffusait dans son organisme faisant gonfler son envie d'abattre son géniteur.
« - Si tu fais cela, alors tu dis adieu à tes trois compagnons. »
À cette phrase, Geonhak se sentit se figer alors que la fenêtre de sa chambre s'ouvrit brusquement faisant qu'un courant d'air glacial se diffusa dans la pièce. Les mains de Dongju vinrent serrer le haut de son mari tandis qu'il fermait fortement ses paupières d'où s'échapper quelques larmes traîtresses : ses doutes se faisaient réalité.
« - Eh bien ? Tu n'as plus envie de me tuer d'un coup, se moqua le Roi. Apprendre que ton pathétique frère et tes deux minables serviteurs sont en danger semble t'avoir bien refroidi, mon fils. Je me demande qui est le plus pitoyable entre toi, perdant tes moyens face à cette nouvelle, ou bien eux tentant de se rebeller lorsqu'on les a capturés alors qu'ils fuyaient dans les bois. »
Le monde du prince semblait se briser. Alors qu'il était en train de profiter de la vie à Gaïa en découvrant ce qu'était l'amour maternel et la vie de famille, ses amis avaient été faits prisonniers et amenés il ne savait où. Le Kim se doutait bien que son père ne les avait pas enfermés dans les prisons du palais, cela aurait été trop simple et « gentil » de sa part.
Non, ils devaient être dans l'un des camps aériens qu'il ne pouvait atteindre à cause de ses ailes manquantes. Plongé dans ses pensées, Geonhak sentit le désespoir l'envahir tandis qu'un sentiment de défaite se propageait : il avait encore échoué à protéger ceux qu'il aimait.
« - Comme tu es pathétique. Regarde-toi, tu t'es décomposé en apprenant la nouvelle. Tu pensais réellement qu'ils pourraient m'échapper ? Je te l'ai dit, je suis un Dieu et j'ai tous les pouvoirs dans ce monde. Retrouver trois gamins est d'une facilité déconcertante pour moi.
- Comment ? Comment as-tu fait pour cacher la disparition de Seoho au peuple ?
- Voyons, il n'y a rien de plus simple que de tromper ces pitoyables Ajri. Ils ont immédiatement cru au fait que ton frère était en déplacement pour plusieurs semaines, voire mois, pour des raisons politiques. Il gobe la moindre de mes paroles.
- Normal, tu leur inflige un règne de terreur. Tu les forces à se soumettre à toi sous peine de mourir.
- Je suis un Dieu, ils me doivent le respect. En échange, je leur permets de vivre sur ces terres sacrées.
- Tu es complètement malade.
- Et toi inconscient à me parler de la sorte. »
Les yeux du père et du fils se croisèrent, l'un était apeuré mais remonté tandis que l'autre l'observait avec dureté. Cependant, une autre lueur brillait dans ses prunelles strictes et sadiques, un éclat que Geonhak n'appréciait guère mais il n'arrivait pas à comprendre l'origine de celle-ci.
« - Tu n'aurais jamais dû me défier, Geonhak. J'étais prêt à vous laisser un minimum de liberté mais tu ne me laisses pas le choix : il faut tout reprendre à zéro avec toi. »
L'enfant pencha légèrement la tête sur le côté tandis que ses sourcils se froncèrent d'incompréhension. Mais, avant qu'il ne puisse dire quelque chose, il sentit ses mains et poignets être entourés par des fils invisibles tandis que la porte s'ouvrait derrière eux. Le prince voulait bouger, se retourner afin de voir qui rentrait mais il ne pouvait rien faire à cause de ces liens.
« - Lâchez-moi ! »
Le cœur du Ajri se serra brusquement, ses yeux s'écarquillèrent d'horreur alors qu'il sentit les mains de Dongju quitter sa prise au niveau de ses habits. Le plus âgé tenta de se débattre, comme devait le faire son petit-ami actuellement, mais l'emprise des fils était trop importante : son père avait une force déraisonnable, même pour lui.
« - Arrête, cria Geonhak. Ne le touche pas ! Lâche-moi, laisse-moi te combattre ! Ne sois pas lâche ! AH ! »
Les liens tirèrent sur ses poignets le faisant tomber la tête vers le sol. Son corps s'écroula contre sa volonté, son nez frappa le carrelage et il commença à saigner : Geonhak était devenue la marionnette de son paternel.
Parterre, il pouvait voir les soldats maintenir Dongju bien que ce dernier se rebellait comme un forcené, ce qui semblait ne pas plaire au Roi puisque ce dernier s'approcha du plus petit. Le prince de Zéphyr voyait clairement la peur dans le regard de son amant, sa terreur ne cessait de grandir à chaque pas du tyran dans sa direction mais le plus jeune ne se laissa pas abattre.
Ses coups de pieds étaient féroces, son torse gesticulait dans l'espoir que cet excès de mouvement puisse lui faire se libérer un bras afin de frapper l'un de ses assaillants. Hélas, le garçon était encore bien trop faible physiquement et l'aura écrasante du souverain le faisait lentement plonger dans ses jeunes traumatismes.
« - Jamais tu ne pourras t'enfuir. »
Le Roi souffla ses mots au creux de l'oreille de Dongju tout en faisant longer ses doigts le long de la nuque du prince Tokësor qui s'était brusquement arrêté de bouger : la tétanie s'était emparée de son être. Une larme roula sur sa joue, c'était plus fort que lui.
« - Personne ne pourra t'aider. Tu es seul contre moi et tu le sais mieux que quiconque : jamais tu ne gagneras. »
Dongju tremblait alors que des sanglots le secouaient vivement : en quelques mots le Roi avait à nouveau brisé le garçon. Il s'était fallu d'un échange de trois phrases pour que les mois de combat de l'enfant du Lotus finissent par voler en éclat. Dans le jardin royal de Gaïa, les fleurs de Lotus avaient subitement fané ne laissant que quelques rares survivantes qui avaient perdu en éclat de vie.
« - Ne le touche pas ! »
Geonhak sembla se réveiller bien qu'il était toujours prisonnier de ce cauchemar. Il ne pouvait plus mouvoir ses bras et jambes comme il le souhaitait mais sa langue lui appartenait toujours : le prince pouvait encore s'insurger et hurler à sa guise.
« - Penses-tu pouvoir m'arrêter ? Tu es à terre sous mon emprise, Geonhak. Tu ne peux rien faire, tu ne peux pas l'aider car tu es faible. Tu l'as toujours été et cela ne risque pas de changer : ton règne sera pitoyable comme ton existence. »
Alors que le garçon s'apprêtait à répliquer, un lien vint entourer sa nuque tandis que le Roi vola un baiser à Dongju pour prouver à son fils qu'il était incapable de protéger son mari. Les sanglots du Tokësor devinrent plus importants tandis qu'un sentiment d'humiliation mais surtout de dégoût s'empara de lui.
Geonhak quant à lui, sentait l'étau se resserrer autour de son cou ce qui l'étrangla légèrement mais cette douleur semblait bien plus supportable que celle qui déchira son cœur en lambeau : son père était un monstre.
« - Vous n'êtes rien. »
Ce furent les mots du Roi alors qu'il ordonna aux hommes de ramener Dongju dans sa chambre et de l'y enfermer à double tour tout en s'assurant qu'il n'y avait rien à sa disposition pour mettre fin à ses jours : le souverain voulait avoir un contrôle absolu sur le garçon, il voulait même être celui qui décidait de sa mort.
Une fois seul avec son fils, le Kim regarda de haut son descendant qui pleurait de haine sur le sol avec toujours l'impossibilité de bouger à cause de ces liens le contrôlant. Le souverain s'approcha de son enfant puis s'accroupit devant lui tout en attrapant ses cheveux pour lui relever la tête puis il lâcha, avec un sourire sadique.
« - Tu aurais dû obéir à ton père. Regarde ce que tu m'obliges à faire.
- Je te hais.
- Oh, je le sais très bien. Cependant, tu n'as pas le choix que de faire ce que je te dis Geonhak. Je t'ai donné la vie, tu me dois obéissance. Je pensais avoir été assez clair durant ton éducation mais, de ce que je vois, la présence de ton stupide servant ainsi que celle de ton frère et de Dongju t'ont fait pousser des ailes. Enfin... »
Le Roi pouffa tout en fixant d'un air moqueur la zone dorsale dénuée de plumes.
« - Il est temps de reprendre tout à zéro, Geonhak. Si tu es assez sage et obéissant, peut-être que je pourrais être conciliant avec tes trois compagnons. Mais si tu ne fais pas d'effort... Eh bien, j'espère qu'il ne sera pas trop dur pour toi de vivre avec leurs morts sur la conscience. »
Et sur ces mots, le Roi relâcha les cheveux de son fils avant de se lever pour quitter la pièce tout en fermant toutes les ouvertures à doubles tours et en déliant les mains de son enfant qui, une fois seul, se recroquevilla sur lui-même en geignant douloureusement. Pourquoi était-il tombé dans cette famille ?
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