Chapitre 48
« - Dépêches-toi, on va nous repérer sinon.
- Yah, je t'y verrais toi ! Il fait nuit je te rappelle. Et je ne vois pas dans le noir !
- Dommage, ça nous serait utile si tu pouvais... AÏE !
- C'était un avertissement. La prochaine fois, cela sera entre tes jambes.
- Qu'est-ce que j'ai fait pour être tombé sur toi ? »
Dans un gémissement plaintif, le plus vieux du duo se massa l'épaule gauche tout en fixant son cadet en face de lui, les mains posées sur les hanches, il avait un regard strict posé sur le corps de son camarade. L'aîné ne put cacher son petit rictus en découvrant son ami dans une telle pause : il le trouvait adorable ainsi en essayant de paraître plus fort qu'il ne l'était. Tout en partant dans un léger fou rire, le penseur attrapa le poignet de son petit ami, qui s'énerva un peu, puis il le tira dans les longs couloirs ivoires en quête de leur porte de sortie tout en ignorant ses plaintes.
L'obscurité n'était pas totale car, cette nuit, la lune brillait d'un superbe éclat argenté permettant aux garçons de discerner les lieux bien que l'astre d'Apollon était absent. La Reine de la nuit était dans son premier quart mais ses compagnons stellaires l'accompagnaient chaque soir afin d'amplifier son éclat afin d'éclairer les égarés dans les ténèbres du Royaume de Nyx. Les chouettes hululaient tout en cherchant des mulots car leurs petits ne cessaient de quémander un peu de nourriture : leur petit ventre de nouveau-né n'arrêtait pas de se tordre à cause de la faim.
Semblable aux deux ombres qui gambadaient dans les couloirs du palais de Zéphyr, les rongeurs couraient dans les champs d'herbes hautes tout en restant sur leur garde : le danger était imprévisible et imminent. Dans les ombres se camouflaient d'imposants prédateurs prêts à bondir sur leur proie afin de la dévorer, la déchiqueter et la réduire à un tas d'os impersonnel. Les mains emmêlaient, les garçons fuyaient ce lieu où la menace se cachait au bout de chaque couloir, derrière chaque porte. Ils leur fallaient fuir, au moins pour quelques heures, afin de souffler un peu dans ce monde étouffant.
« - On y est. Accroupis-toi.
- Pourquoi toujours moi d'abord ?
- Les femmes d'a... OH PUTAIN !
- Je t'avais prévenu que c'était entre les jambes cette fois. »
Plié en deux, les mains entourant son bas ventre, le plus vieux se laissa tomber à genoux sur le sol alors que son jeune ami ouvrait les portes du petit buffet avant de s'engouffrer à l'intérieur afin de prendre l'échelle menant à un tunnel secret.
« - Bon, tu me rejoins ou tu continues à geindre ?
- J'ai mal par ta faute, abruti !
- Roh ! Ça va, lança le petit ami en arrivant au bout de l'échelle. Ce n'est pas comme si je t'avais castré. Tu ne vas pas mourir d'un petit coup de pied dans les bourses, si ?
- Tu as intérêt à courir vite, Dongju. Quand j'arrive en bas de cette échelle tu es mort. »
Ce furent les menaces de Geonhak alors qu'il fermait le buffet tout en posant son pied sur le premier barreau de fer. Le prince Son blêmit soudainement en ouïssant les paroles de celui qui était son mari et Dongju ne se fit pas prier en prenant immédiatement ses jambes à son cou puis courir vers la sortie sans se retourner : s'il l'attrapait, alors il passerait un très mauvais quart d'heure.
Les pieds du Tokësor foulèrent vivement la terre poussiéreuse tout en se guidant dans ce dédale terreux grâce à la lueur de la Lune mais aussi l'odeur d'humus qui se dégageait de la forêt bordant la sortie du tunnel. Les fragrances de verdures ainsi que de fleurs lui titillaient les narines en plus de naturellement l'attirer, hélas, il n'avait pas le temps de s'attarder sur ces succulentes senteurs puisqu'il entendit des pas pressés se rapprocher de lui : Geonhak était en train de le courser.
Les poils de Dongju s'hérissèrent tout comme les petits cheveux bordant sa nuque, son sang ne fit qu'un tour dans son organisme et il accéléra sa course en passant du trottinement à un sprint intense jusqu'au bois. Les muscles de ses jambes poussèrent vivement sur le sol pour que le garçon puisse aller le plus vite possible. Sa respiration se raccourcit, ses poumons devinrent douloureux et son souffle était bien plus chaud que quelques minutes avant mais le Son n'eut pas le temps de se préoccuper d'une telle chose car son époux le poursuivait et il voulait clairement se venger.
« - Reviens là, Son Dongju ! Ne fuis pas.
- Dans tes rêves, le poussin !
- Yah ! Tu es un homme mort ! »
Déglutissant tout en souriant, car Dongju adorait embêter son aîné, le jeune prince originaire de Gaïa réussit finalement à sortir du tunnel en un seul morceau. Néanmoins, il ne s'arrêta pas de courir pour autant, au contraire. Une fois plongée dans la forêt, le Tokësor sentit ses forces se restaurer et sa respiration se calma tandis que ses foulées s'agrandirent, créant un gouffre de plus en plus important entre lui et Geonhak. Le plus vieux sortait à peine de la caverne cachée que son mari s'était déjà enfoncé profondément dans les bois : il ne discernait plus que sa longue chevelure platine voler au détour d'un virage.
« - Tu veux jouer ? On va jouer. »
Un petit rictus prit place sur le visage du Ajri qui avait fait une courte pause afin de souffler un coup avant de s'aventurer, à son tour, dans les bois qu'il avait appris à connaître au fil des sorties faites avec son jeune ami. Après leur aventure à Aral et sa rencontre avec Hwanwoong, un des proches amis de Dongju, le futur de Roi de Zéphyr avait mis en place une petite routine où lui et son époux s'éclipsaient quelques heures du palais à la nuit tombée. Ce petit temps, rapidement devenu aussi sacré qu'un rituel millénaire pour Geonhak, permettait aux deux garçons de souffler un peu, d'oublier leur obligation et devoir. Mais aussi, cela leur permettait de se rapprocher davantage tout en apprenant un peu plus de l'un et l'autre.
Zigzagant entre les racines noueuses, esquivant les branches un peu trop basses, Geonhak suivait parfaitement Dongju à la trace puisque ce dernier n'était pas très discret. Du moins, le Kim arrivait toujours à le retrouver, comme si un sixième sens lui permettait de suivre la piste de son époux. Les oiseaux nocturnes hululaient, les renards ricanaient après avoir volé la proie d'un des rapaces et le pauvre rongeur succombait dans les crocs du mammifère qui gambadait jusqu'à son terrier afin de pouvoir ramener sa prise à ses petits affamés.
« - Trouvé, souffla Geonhak en discernant l'élégante silhouette du Tokësor. »
Brusquement, le vent se leva autour du plus vieux qui souriait tout en fixant son objectif. La pression augmenta, les arbres se mirent à bouger tout comme l'herbe qui se pliaient dans le sens du mini cyclone que le Kim formait. Dongju était, pendant ce temps, innocemment camouflé dans un buisson près d'un point d'eau tout en reprenant son souffle en fixant le petit point d'eau où fleurissait des lotus : il ne s'attendait pas à la suite des évènements.
Tendant le bras vers son mari, Geonhak guida le flux d'airs vers ce dernier et il l'entoura brusquement ce qui fit hurler de surprise le plus jeune. Ce dernier se débattit tant bien que mal dans l'amas venteux mais la pression était trop intense, son corps se fatiguait bien trop vite et il était impuissant contre cet ennemi invisible qu'était le vent. Incapable de fuir, Dongju put simplement regarder avec horreur Geonhak qui l'attendait de pied ferme au côté d'un chêne centenaire et le cadet déglutit face au sourire de son époux : il allait clairement se venger de son coup en traître.
« - Tout juste, petit Lotus. Je te l'ai dit, tu es un homme mort.
- O-on... On peut discuter ? Une conversation mature entre adulte et...
- Je suis un poussin je te rappelle, lui lança Geonhak avec un rictus en coin. Donc, pas de discussion. Assume tes actes et paye le prix de ces derniers. »
Dongju était en face de son aîné qui avait forcé le vent à le déposer à terre. Le Ajri avait transpercé la barrière venteuse afin d'attraper fermement son jeune compagnon avant de calmer son mini-cyclone qui se désagrégea en un claquement de doigt de sa part. Ses yeux nuageux se plantèrent dans ceux onyx du plus petit qui avait de plus en plus de mal à déglutir à cause de la tension entre eux deux : c'était fou comme le cœur du Son battait vite à cet instant.
Geonhak monta sa main droite le long de la colonne du petit prince prisonnier dans ses puissants bras, ses doigts longèrent doucement l'os de son dos créant un frisson dans l'échine du plus petit qui avait l'impression d'étouffer. Dongju avait chaud, très chaud et cela devait être visible sur son visage : ses joues devaient être couleur coquelicot. Puis, ses yeux se fermèrent d'un coup alors que Geonhak arrivait à sa nuque qu'il caressa de manière aérienne faisant vriller l'esprit du plus petit qui se sentait partir. Que lui arrivait-il ? Il se sentait si bien dans les bras de son aîné, son âme avait l'impression d'être en sécurité contre son torse et elle semblait aussi plus... Légère. Ses maux, ses questions, son enquête... Tout s'était évaporé au délicat toucher de Geonhak.
« - Geonhak... »
Le plus petit soupira alors que son mari remontait ses doigts sur sa mâchoire afin de la détailler avec minutie : le Kim avait l'impression d'être en possession de la plus belle des pierres précieuses. Sa timidité, sa pudeur et tout embarras quelconque avait déserté le corps de Geonhak qui laissait son instinct guider sa main. La peau de Dongju était douce, incroyablement soyeuse et agréable lorsque la pulpe de ses doigts la frôlait. Chaque caresse effectuée donnait un léger mal de ventre agréable au plus âgé qui continuait son chemin en s'attardant sur la pommette de son cadet qu'il dévorait du regard : il en avait tant envie.
Avec tendresse, sa main quitta la joue de Dongju pour venir à la commissure de ses lèvres, et, à l'instant où son pouce entra en contact avec la bouche du plus petit que le souffle des deux se coupa. Le temps se figea, leurs cœurs loupèrent un battement tandis qu'un étrange sentiment se déversa dans leur organisme. L'entièreté de leur poil se dressèrent dans un frisson soudain, leurs yeux se fermaient fortement comme si un sentiment puissant les prenait et qu'ils avaient du mal à le canaliser. C'était intense, d'une puissance jamais connue pour les deux nobles qui étaient plongés dans leur monde.
« - G-Geonhak, souffla-il d'une voix tremblante d'émotions.
- Oui Dongju ?
- J... J-je... »
Le plus jeune cherchait ses mots dans son esprit mais il n'arrivait pas trouver de phrase ayant de sens : tout semblait si irrationnel dans sa tête. Son cerveau était embrouillé, ses pensées se mêlaient pour s'entrechoquer créant un immense cafouillis ne lui permettant pas de trouver ses mots. Il avait pourtant sa réponse sur le bout de la langue, ce qui le frustrait énormément.
« - Que veux-tu me dire ? »
La voix grave de Geonhak n'était qu'un souffle doux mais revigorant. Un frisson parcourut à nouveau le corps du plus jeune qui se sentait défaillir, ses pupilles se dilatèrent alors qu'il plongea son regard noir dans celui orage qui le tenait toujours par la taille. Dongju se perdit dans l'étendue de ses prunelles, c'était un véritable ciel qui semblait infini. Tel des nuages, des milliers de teintes coloraient les yeux de Geonhak et ces dernières modulaient en fonction de l'éclairage mais aussi de ses émotions.
Ce soir, pour la première fois, Dongju voyait un tel dégradé dans les yeux de celui qui était devenu un ami au cours de ces longs mois. Il s'agissait d'une couleur extrêmement douce comme les cumulus lors des prémices d'une pluie diluvienne. Un gris perle à la limite de l'argenté, cependant, la teinte principale était tachetée de touches plus claires encore qui était limite blanche : cette peinture oculaire était l'une des plus belles vues par Dongju, il ne voulait plus quitter des yeux Geonhak.
« - Tes yeux sont encore remplis d'éclat rose, susurra le plus vieux en bougeant son pouce afin de caresser la commissure de lèvres de Dongju qui sourit en soufflant.
- Tes prunelles sont les plus belles que j'ai pu voir de ma vie. »
Soudain, un éclair de lucidité s'empara de Dongju. Son esprit était toujours embrouillé, ses réflexions n'avaient plus de sens et pourtant il avait su dire à voix haute ce qu'il pensait tout bas sans bégayer. Il n'avait pas réfléchi avant de parler, il l'avait juste laissé prendre le dessus : lui, son cœur. Fermant les paupières un moment afin de trouver un peu de courage, le plus petit battit des paupières tout en prenant une inspiration avant de mettre des mots aux paroles que lui chantaient son cœur scellé depuis des années, ou plutôt, depuis la mort de Giwook il y avait cela onze ans.
« - Geonhak ?
- Oui ? Tu as trouvé tes mots, Dongju ? »
Le prince du Lotus hocha presque imperceptiblement de la tête puis il sourit de manière sincère tout en fixant son aîné.
« - Apprends-moi à t'aimer, Kim Geonhak. »
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