Chapitre 25
Les jours défilaient, la date fatidique de l'échange des alliances s'approchait un peu plus et l'éclat des chaînes qui allaient retirer la liberté de Dongju scintillait plus fort chaque matin. Le prince avait l'impression de devenir fou, cette épée de Damoclès lui en faisait voir des vertes et des pas mûres rendant son humeur modulable ce qui était difficile à vivre pour son entourage. Une après-midi, on pouvait le retrouver en pleurs sous la douche, ses jambes remontées contre son torse tandis que l'eau perlait sur son corps squelettique puis, le soir-même, le fils du Lotus était la pire des ordures en renvoyant brutalement tout le monde, même son jumeau.
Des éclats de rire aux lamentations torturées, il ne fallait qu'une seule seconde pour que le futur marié puisse passer d'une émotion à l'autre. Néanmoins, il n'avait pas fugué à nouveau : la leçon de Keonhee lui était restée en tête et il n'avait pu fuir une fois de plus ses responsabilités alors que la fin s'approchait. Un autre changement drastique avait été les soudaines confessions de Dongju, ce dernier lançait des « Je t'aime » à son entourage de manière impromptue ce qui avait, dans un premier temps, surpris Dongmyeong car ils s'étaient rarement échangés de telles paroles.
« - Faut que tu manges Dongju, lança Keonhee en entrant dans la chambre de son ami.
- Pas le temps.
- Même grignoter une banane, ça ne te prendrait même pas une minute.
- Hm... »
Le petit noble fit un simple geste de la main en déclinant l'offre, ce qui fit gonfler les joues de l'Amiral qui ne savait plus quoi faire pour soutenir son ami. Depuis son retour, le petit Son arrivait à canaliser ses sauts d'humeur et sa dépression en se focalisant sur ces piles de papiers qu'il étudiait de long en large. Du peu que savait Keonhee, il s'agissait de preuves inculpant le Roi Kim dans des affaires pas très nettes mais rien n'était sûr, les gens n'avaient pas osé croiser les sources de peur que le souverain de l'Air ne mette leur tête à prix.
Enfin, l'enfant du Lotus avait tenté l'interdit : il ne craignait pas cet homme qui s'avérait être un monstre. Toutes ces notes, ces témoignages, ces données dévoilaient une facette tyrannique de ce Roi déjà vu comme strict et vieil école. Son homophobie, son sexisme ainsi que son racisme étaient déjà connus de tous bien que personne n'osait le remettre à sa place : les prisons du Royaume Ajri avaient de mauvaises réputations. Combien de propos déplacés avait-il eu à l'encontre des Djegur ? Combien de femmes avait-il courtisé avant qu'elles ne finissent par disparaître subitement ? Combien de mercenaires avait-il déployé pour éliminer les personnes de même sexe qui s'aimaient ?
« - Trop ! Beaucoup trop de personnes sont mortes par sa faute ! Pourquoi ne joignons-nous pas nos forces pour renverser cette ordure ?
- Ce ne sont que des rumeurs, lâcha Keonhee en déposant ladite banane à côté du prince qui la regarda méchamment tout en la repoussant. Arrête de te faire du mal, tu ne sais même pas si tout ceci est véridique.
- J'ai confiance en mes sources. Ses témoignages sont sincères et j'ai des photos à l'appui ! Ces personnes portent l'emblème royal Ajri et elles sont en train de brûler des corps de jeunes filles. »
Le prince pointa l'un des clichés colorés dévoilant la sordide scène, immortalisée par le clic de l'appareil et le tout était authentique. Pas de retouches, de modifications et la mise en scène semblait complexe puisqu'il s'agissait d'une zone interdite au public. Les dents serrées, Dongju fixait avec amertume cette photo où on observait des filles d'environ seize ou dix-sept ans hurler tout en tendant leurs bras hors des flammes dans l'espoir qu'on finisse par les sortir du brasier. Hélas, les soldats les frappaient plus fortement pour qu'elles ne puissent pas s'échapper et finissent par carboniser : une abomination.
« - Dongju, l'Amiral s'approcha de son ami tout en attrapant son visage afin qu'il puisse le regarder. Arrête de te torturer avec tout ceci. Ton mental est déjà fragile à cause du mariage et de ton départ. Tu passes par toutes les émotions en une matinée, tu te fais du mal en te privant d'alimentation et de sommeil. Tu es en pleine dépression alors effectuer ces recherches ne sont pas bonnes pour toi.
- Ma santé peut passer après, je ne suis pas en danger de mort. Ces gens, si ! Tout le monde ferme les yeux, mon père joue à l'aveugle comme celui de Kevin. Des innocents périssent chaque jour et personne n'agit. Comment veux-tu que je ne fasse rien pour eux ?
- Ce n'est pas ton peuple, tu ne peux...
- SI, s'énerva le plus petit en se redressant brusquement. Si ! C'est mon peuple maintenant. Tu l'as toi-même dit Keonhee, dans quelques jours je me marie. Je vais quitter ces terres pour celle de Zéphyr et je deviendrais la future « Reine ». Ces gens qui sont des inconnus vont devenir les personnes que je dois protéger lorsque le prince Kim prendra la relève. Ils sont mon futur peuple ! »
La détermination brillait au côté de la terreur dans les iris ébènes de Dongju : le fils du Lotus était effrayé à l'idée de partir mais ce qui lui pesait encore plus était son futur statut à Zéphyr. Lui qui avait été écarté du trône depuis son plus jeune âge, lui qui pensait être tranquille à ne jamais porter le poids de la couronne sur sa tête, le voilà à devoir vêtir le diadème d'une royauté qui n'était pas sienne.
Le prince retomba lourdement sur sa chaise tout en camouflant son visage entre ses mains et les premières larmes roulèrent sur ses joues. Qu'est-ce qu'il se sentait pathétique en ce moment ? Il avait beau étudier tous les ouvrages sur Zéphyr, analyser toutes les sources afin de discerner en profondeur qui étaient les Kim, Dongju avait l'impression de stagner au point de départ. Son esprit était empli d'informations sur la démographie Ajri, les fêtes traditionnelles, les problèmes causés par le passé et l'Histoire générale de Zéphyr. Plus il creusait, plus il apprenait et moins il se sentait prêt mais surtout capable d'accomplir son rôle.
« - Arrêtes de te mettre la pression, Dongju. Dans tous les cas, je pense que ton rôle sera principalement de faire le porte-étendard de Gaïa afin d'empêcher la Guerre entre les deux Royaumes.
- Je suis un putain de prisonnier de Guerre, sanglota avec amertume le fiancé. Le Roi Kim me voit simplement comme un trophée, une manière de garder mon père tranquille afin que toutes ses informations, il montra d'un geste de la main la multitude de papiers étalés sur la table de bois, ne soient jamais diffusés. Il se protège simplement en me gardant près de lui... Je suis juste une poupée, une marionnette dans son jeu horrifique...
- Dongju... Je...
- Ne dis rien Keonhee. Je suis même tombé sur un relevé de conversation où il parlait déjà de ce plan pour canaliser Gaïa. »
Le prince tendit une feuille remplie de mots écrit à l'encre noir retranscrivant une discussion qu'avait eu le Roi Kim avec un inconnu. Le contenu de l'échange était sur la manière de garder les Tokësor tranquilles et de les empêcher de déclencher une Guerre contre l'Air. Les interlocuteurs étaient vite venus à l'idée qu'un mariage arrangé serait la meilleure manière d'obliger le Roi Son à garder ses troupes tranquilles.
« - Il avait tout prévu avant même la réunion, s'étonna l'Amiral.
- Ouais... Il leur fallait moi ou Dongmyeong. Si tu continues la conversation, il voulait avoir mon frère car cela conférerait plus de pouvoir à Zéphyr mais mon père n'a sûrement pas laissé passer cela. Et puis, Myeong avait déjà une promise mais ça, personne ne le sait.
- Le Roi a fait un bon choix en camouflant cette information à tout le monde.
- Ouais, cela met quelques bâtons dans les roues du Roi Kim. Hélas, il a quand même réussi à m'avoir dans l'histoire et il va faire pression à mon père comme cela.
- Ça pue tout cela. Je n'aime pas cette histoire et encore moins que tu y sois mêlé. Il prépare un truc avec quelqu'un et on est clairement des adversaires à éliminer.
- C'est pour ça que je vais foutre la merde à l'intérieur de ses rangs. »
Séchant ses quelques larmes, la détermination redevint une lueur unique dans les pupilles du garçon qui était sûr de son plan : il infiltrerait les rangs de Zéphyr et déjouerait les plans du Roi Kim. Reculant de stupeur, Keonhee écarquilla les yeux tout en battant frénétiquement des paupières. Avait-il bien entendu ? Lorsque l'information avait eu le temps de monter totalement à son cerveau, l'Amiral se précipita vers son camarade et il commença à lui secouer les épaules un peu trop violemment.
« - Mais ça ne va pas la tête ! Tu es timbré ma parole ! Tu veux mourir ? C'est cela ? C'est ta dépression qui te fait dire des débilités pareilles. Il n'y a pas d'autres possibilités, de telles pensées suicidaires ne peuvent pas être sérieuses !
- Si ! Je le suis Keonhee. Et tu me fais mal, arrête.
- Non, tu n'es pas sérieux. Tu ne peux pas porter ce genre d'accusation ! Tu n'es même pas sûr de tes preuves.
- Je serai certain de la chose une fois sur le terrain. Je verrais de mes propres yeux ces horreurs si elles existent belles et biens.
- Mais si vraiment ça existe, ils doivent bien faire cela dans des endroits cachés du regard de tous. Tu ne penses pas qu'il serait assez con pour te montrer cela ? Non, bien sûr que non !
- Les oiseaux sont des êtres primitifs, cracha Dongju avec un sourire sarcastique. Leur évolution n'est même pas terminée, les poules n'ont toujours pas de dents. Toujours en train de bouffer leur graine.
- Dongju ! Je suis sérieux, putain !
- Moi de même ! Je ne vais pas les laisser me guider à l'un de leur barbecue humain. J'aurais juste à les suivre, à effectuer mes recherches dans mon coin. J'aurais du temps à perdre de toute façon et...
- Et tu vas être surveillé jour et nuit par des gardes. Tu ne vas clairement pas avoir le droit de te déplacer partout et je ne te parle même pas de sortir du château Ajri. »
Dongju posa ses mains sur les poignets de son ami afin qu'il lâche ses épaules car la pression exercée dessus se faisait douloureuse. Une fois que Keonhee lâcha prise, le petit prince emmêla ses doigts à ceux de son ami tout en plongeant ses iris noires dans celle chocolatées de l'Amiral alarmé par la situation.
« - Keonhee, tu penses réellement que je vais me laisser faire ? Être privé de ma liberté ? Jamais. Tu me connais, tu sais combien je suis têtu.
- C'est bien là le problème... Tu vas t'attirer des ennuis.
- Et je m'en sortirais. Dans tous les cas, le Roi ne peut rien me faire sinon il déclare une guerre directe à notre Royaume.
- Mais la torture ça existe.
- Je sais me soigner et me défendre. Le Lotus est une plante de discrétion, ce genre de méthode barbare est parfaitement contrée par ma plante, ne t'en fais p...
- Bien-sûr que si je vais m'inquiéter ! Tous les jours, toutes les nuits. Comment veux-tu que je sois neutre alors qu'il y a de fortes chances que tu finis par subir une de leur « correction ». Ce n'est pas une blague tout ça Dongju. Les méthodes des Ajri sont les pires, les Djegur n'étaient rien comparés à l'esprit sadique de ces vautours. Tu ne réalises pas dans quoi tu te lances, c'est une putain de mission suicide ! Tu vas y laisser ta peau.
- Si je devais mourir, j'emporterais le Roi Kim avec moi.
- Arrête ! Pourquoi es-tu aussi serein ? Pourquoi tu tiens tant à mourir ? On a fait quoi pour que tu penses ainsi ? »
Soudainement, Dongju donna un petit coup dans le front de son ami avec son index puisque ce dernier commençait à sombrer dans la panique. Le son du choc résonna faiblement dans les allées de la bibliothèque et le soldat écarquilla des yeux après avoir reçu une correction de la part du jeune prince.
« - C'est bon ? Tu t'es calmé ?
- ...
- Keonhee, arrête de bouder. Je sais très bien ce que je fais, où je compte aller et les risques que j'encours. Je ne pense qu'à ça en ce moment, ça trotte dans ma tête tout en m'empêchant de dormir la nuit. La mort me terrorise, c'est pareil pour tout le monde. Je ne veux pas vous quitter, je souhaite passer encore des années à rire avec toi et Hwanwoong, à embêter mon frère et à trouver refuge dans les bras de mes parents. Hélas..., le prince soupira. J'ai un devoir à accomplir.
- Tu n'es pas obligé. Si tu faisais comme si tu ne savais rien, tu...
- Cela serait lâche de ma part et cela ne ferait que retarder la chose. Les tensions entre Gaïa et Zéphyr sont réelles, elles conduiront tôt ou tard à une guerre. Néanmoins, je peux faire de mon mieux afin qu'elle puisse basculer à notre avantage si je mène à bien cette mission que je me suis moi-même donnée.
- C'est du suicide... Vraiment...
- Keonhee, fais-moi confiance. Laisse-moi remplir mon rôle. Laisse-moi être utile à Gaïa. »
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