Chapitre 5
À mon réveil, il faisait nuit noire dehors, les cinq lunes étaient déjà hautes dans le ciel et la neige tombait en masse. Il était par conséquent évident que j'étais de retour chez les sorciers. Je me redressai pour voir où je me trouvais précisément mais une douleur commençant sur mon omoplate et continuant jusqu'en bas du dos se manifesta. Je grimaçai avant de me lever. Pourquoi depuis que je suis ici, je traverse toutes sortes de douleurs plus insupportables les unes que les autres ? Étant dans le renfoncement d'une pièce, je traînais des pieds jusqu'au centre pour voir où je me trouvais. Je vis Xero dans un coin, travaillant sur un livre.
- Tu es levée ? Nous pourrons commencer à étudier ton cas alors.
- Ça ne peut pas attendre plus tard ? J'ai mal partout à cause du canapé sur lequel j'ai dormi.
Il leva les yeux vers moi avec un regard me faisant clairement comprendre que je n'avais pas le choix. Je m'assis sur une chaise proche de son bureau puis le regardai en attendant qu'il ait fini ce qu'il faisait.
- Qu'est-ce que t'attend ?
- Hmm ? Je ne sais pas, à ton avis ? lui répondis-je énervée par ma mauvaise "nuit".
- T'attend la nouvelle lune ? Dis-moi ce que tu as appris avec B-Joo.
- J'ai appris que je ne pouvais rien dire.
- Ne te moque pas de moi.
- Pour une fois ce n'est pas le cas. Je ne peux vraiment rien dire. La dernière fois que j'ai essayé, j'ai failli brûler vivante. Pouf, barbecue !
- Brûler ? Intéressant. Continue.
- T'as pas entendu ce que je t'ai dit ? Quand je parle de cette chose qui est en moi, je suis en danger.
- Donc c'est vivant. Pourquoi en danger d'après toi ?
- Tout simplement parce qu'il ne veut pas être découvert.
- Une chose venant de notre monde viendrait sur Terre, prendre racine dans l'âme d'une humaine, qui plus est, pas vraiment exceptionnelle, dans le seul but de se cacher ou de la torturer de l'intérieur ? Trop étrange pour être croyable. déclara le mage en notant ce qui lui venait à l'esprit.
Tout à coup, mes mains recommencèrent à être douloureuse et devinrent rouge vif.
- Xero, ça recommence... l'informai-je paniquée.
- Enfin il se manifeste ! Ne fais rien, je veux voir ça ! dit-il en les regardant.
Mais rien ne se produit, mes paumes perdirent leurs couleurs pour reprendre leur pâleurs d'origines.
- C'est tout ? m'étonnai-je face à la situation.
- Tu as mal au dos c'est ça ?
- Oui mais je ne vois pas le rapport avec la situation actuelle.
Xero me tourna dos à lui et remonta mon haut jusqu'à mes omoplates.
- Non mais je peux savoir ce que tu fais !? Déshabille-moi tant que tu y es, je ne dirais rien !
- Fumier de dragon ! Il t'a marqué.
Xero se dirigea subitement vers son atelier et concocta une potion avec plusieurs herbes qu'il avait sous la main.
- Qu'est-ce que j'ai ?
- Regarde par toi-même ! m'annonça-t-il en faisant apparaître une paroi de glace.
Je levais une nouvelle fois mon haut pour voir mon dos et y vis une petite tâche couleur jade dessinée près de mon épaule et de long traits devenant progressivement fins au fur et à mesure qu'ils s'éloignaient de leur base s'étendaient tout le long de mon dos tandis que d'autres remontaient vers ma nuque.
- C'est quoi ça !?
- Hier, tu te rappelles ce que tu as fait après la réunion ?
- Je... je n'arrive pas bien à me rappeler.
- Moi je vais te dire ce que tu as fait. Tu t'es fait avoir par une enflure de dragon égoïste ! Je ne sais pas pourquoi il a fait ça mais pour faire simple, P-Goon t'a imposé sa marque de soumission. Il a fait de toi sa chose.
- Quoi !? Ce n'est pas vrai, tu rigoles ?!
- J'ai l'air de plaisanter ? Ça réduit de moitié l'intégralité de tes capacités. Pouvoirs, autodéfense, endurance, régénération, tous ! Et ça lui permet aussi de connaître tous tes faits et gestes ainsi que tous ce que tu dis et penses. Donc s'il te plaît soit gentille, pendant que j'essaye de te l'enlever, reste tranquille.
Quelques minutes plus tard, Xero arriva vers moi et essaya plusieurs sortilèges pour retirer cette marque mais la puissance des dragons était énorme face à la sienne et il échoua plus d'une fois.
- Laisse tomber Xero. Tu n'y arriveras pas.
- Je peux le faire, je dois juste savoir comment ! s'énerva-t-il. - Si je ne te la retire pas, il me sera impossible d'étudier ton cas !
- Je suis fatiguée de tout ça, et j'ai mal...
- Ça ne fait qu'une heure que tu es levée et tu es déjà fatiguée ? Tu peux dormir si tu veux mais moi je travaillerai jusqu'à ce que ça disparaisse.
- Et comment !? Tu me brûles littéralement la peau ! me plaignis-je en remettant mon haut correctement.
- Ferme la tu veux. Retirer une marque de dragon est un véritable défi, tant pis si tu y laisses la vie, je veux réussir. déclara Xero en gelant mon corps pour que j'arrête de bouger.
Je le vis relever la tête de son grimoire et compris qu'il allait retenter quelques choses. Mais le sourire qu'il affichait ne m'annonçait rien de bon et la peur m'envahit complètement. J'essayai de me dégager pour fuir mais impossible, j'étais totalement pétrifiée par sa glace. Il posa sa main sur la marque et récita une incantation tout en appuyant avec ses doigts autour de la marque. Je le senti ensuite enfoncer ses doigts dans ma peau faisant ruisseler mon sang le long de mon dos et de son bras, provoquant une douleur indescriptible. J'avais l'impression de devenir folle, une vraie torture, son sortilège me découpait la chair, me rongeait les muscles, me brisait les os. Je voulais me débattre, crier ma douleur, fuir mais impossible de faire le moindre mouvement. Bien évidemment, Xero n'en avait rien à faire, il voulait juste finir ce qu'il avait commencé. Soudainement, il retira sa main puis s'éloigna, le regard rivé sur moi. Mon corps retrouva sa température habituelle et je pus de nouveau bouger. J'essayai de faire un pas mais mes genoux lâchèrent me laissant tomber au sol. Toute mon énergie m'avait abandonnée, j'étais faible.
- J'ai fini. Soignes-toi et va-t'en.
- Et comment ?! me crispai-je, la voix encore tremblante.
- Ce n'est plus mon problème.
Xero me tourna le dos et partit, me laissant seule, le dos ensanglanté. Je m'aidais d'une chaise pour me relever et marchait difficilement jusqu'au laboratoire de B-Joo. Je n'eus que le temps de franchir la porte avant de m'écrouler sur le sol et m'évanouir.
À mon réveil j'étais dans mon lit et B-Joo était assis à côté de moi. Lorsqu'il me vit ouvrir les yeux, il saisit ma main et me sourit tendrement comme à son habitude. Je tentais de me redresser mais il m'arrêta et m'obligea à rester allongée.
- Ta blessure est encore ouverte, tu dois éviter un maximum les mouvements. Mais dis-moi, que s'est-il passé ?
- Demande à ton prof de sorcellerie. Il a complètement perdu la tête.
- Xero ? Il ne ferait jamais ça...
- Et pourtant. Ce type a un sérieux problème, c'est pas possible.
- Je ne comprends pas, pourquoi s'en serait-il pris à toi ? Ça n'a aucun sens !
Alors que j'allais tout expliquer, Xero entra sans gêne et s'en chargea.
- Je lui ai retiré une marque de dragon, ce qui est, soit dit en passant, mission impossible. Et pourtant, j'ai réussi ! Tu devrais être fier d'être mon assistant très cher B-Joo. Je suis un génie ! M'enfin, tout ça n'a pas beaucoup plu à madame qui préfère être l'esclave de stupides reptiles plutôt qu'être libre. Après c'est son choix mais j'ai préféré l'aider à rompre l'asservissement. Voilà ce qui s'est passé.
- Tu es sérieux ? Tu m'as brûlé la peau et tu m'as planté tes doigts dans le dos ! Je n'appelle pas ça aider mais torturer !
- Arrête de te plaindre, c'est déjà fini, regarde. déclara-t-il en agitant ses doigts dans ma direction, faisant disparaître la douleur.
- C'est parti ?! Comment t'as fait ça ?
- Je t'ai gelé le peu de cerveau qui se trouve dans ta boîte crânienne pour que t'arrêtes d'y penser. À ton avis ? Je t'ai guéri. Ne me remercie pas surtout. dit-il en sortant de la chambre.
- Il a vraiment retiré une marque de dragon ? Il est génial. s'extasia B-Joo en se retirant à son tour.
- Ah ok... Ça ne choque que moi que je me fasse torturer ? Je retiens ! Je me vengerai vous entendez ! criai-je en espérant qu'ils y croient un minimum.
Je croisai les bras et boudai inutilement sur mon lit quand une idée me traversa l'esprit. Pour être sincère, j'étais reconnaissante envers Xero d'avoir rompu l'asservissement mais j'avais ma fierté et son comportement méritait des représailles. Je décidai donc de m'introduire dans le laboratoire de B-Joo pour lui emprunter pour une durée indéterminée quelques-unes de ses magnifiques fioles gorgées de magie en tout genre. Il y avait de tout, des sorts de transformation, de destruction, de guérison, de protection mais impossible de trouver quelque chose d'utile. Il me fallait un sort discret mais il fallait croire qu'il n'en avait pas. J'allais abandonner quand je trouvai une toute petite partie de l'armoire consacrée aux sorts d'illusions. Et bah voilà, j'ai trouvé. Je pris le flacon renfermant le sortilège d'invisibilité temporaire et l'utilisai sur moi. Xero, tu vas regretter ce que tu as fait. Je me faufilai jusqu'à la bibliothèque où il était censé faire des recherches, comme à son habitude. Je le trouvai dans un fauteuil, endormi, un livre de psychologie sur "Comment se débarrasser des gens gênants" sur les genoux. Je vois qu'il travaille dur... Mais je le prends comme un compliment d'être aussi gênante pour lui. Je profitai de son sommeil pour mettre en marche mon terrible plan vengeur.
Après plusieurs dizaines de minutes à tout mettre en place, je reparti, le sourire aux lèvres. Dans le couloir je croisai Hansol qui me regardait bizarrement.
- Qu'est-ce que tu faisais ? me demanda-t-il perturbé par mon comportement.
- Tu me vois ? Mais j'ai utilisé un sort d'invisibilité...
- C'est un des bonus à travailler avec Hojoon, on devient moins sensible aux illusions. Mais je peux savoir pourquoi tu fais la tête de quelqu'un qui a fait une bêtise et qui a été pris la main dans le sac ?
- Elle est où ?! hurla Xero en sortant en trombe de la bibliothèque. - Si je la trouve, je lui arrache tous les os les uns après les autres et je l'enterre vivante !
Hansol explosa de rire en voyant la tête de Xero. Ses magnifiques cheveux ondulés étaient devenus complètement plat, sans forme et n'étaient plus châtain mais orange carotte. Je l'avais également maquillé avec des poudres que j'avais trouvé dans le laboratoire et à en voir à sa tête, ça ne partait pas.
- Elle a osé toucher à tes cheveux ? Je la béni pour ça parce que je ne l'aurais jamais fait, j'aurais eu trop peur des représailles. rit Hansol en faisant semblant de ne pas savoir où je me trouvais.
- Je te promets, elle le regrettera ! jura-t-il avant de prendre une grande respiration. Lorsqu'il ferma les yeux, ses racines récupérèrent leur couleur naturelle suivi par les pointes.
- Pourquoi t'énerves-tu ? C'est déjà fini.
- Hansol, d'après toi, quel est le plus douloureux, être brûlé à chaud ou être brûlé à froid ? J'hésite entre les deux...
Alors que Hansol s'apprêtait à répondre, je vis Xero tourner la tête vers moi. Je regardais mes mains et constatais que je commençais à réapparaître. Xero arbora un sourire sadique comme si une idée de vengeance était née dans son esprit. Je compris qu'il était temps pour moi de fuir, et vite, si je ne voulais pas avoir à subir ses foudres. Je partis à toute vitesse me perdre dans les différents couloirs de la bâtisse suivie de près par ce sociopathe souhaitant probablement ma mort. Heureusement pour moi, la poudre que j'avais utilisé avait la capacité de bloquer les pouvoirs magiques de quelqu'un pendant plusieurs minutes donc Xero n'usa pas de sa magie pour m'arrêter, à la place, lui aussi courait. Voyant que j'arrivais dans un cul de sac, je me précipitai vers des escaliers pour monter tout en haut du manoir. Je rentrai dans une salle aléatoire, ouvris la fenêtre qui s'y trouvait puis je m'assieds sur le rebord de cette dernière. Je regardai vers le bas pour évaluer la hauteur qui était de plusieurs étages. J'avais l'habitude de faire ce genre d'escalade alors j'étais assez à l'aise malgré la grande distance qui me séparait du sol. Quand Xero entra dans la pièce, je me précipitai dehors et courus sur le toit en direction d'une autre fenêtre. Erreur de ma part, je n'avais pas pris en compte le froid et je glissais sur une plaque de glace me faisant dégringoler des tuiles. Xero accouru à moi et m'attrapa la main, me laissant pendre dans la vide.
- Je t'en supplie, ne me lâche pas ! l'implorai-je terrifiée en serrant sa main.
- Alors à une condition.
- Tout ce que tu veux mais ne me lâche pas !
- Tout ? Whoua, tu vas regretter d'avoir dit ça. rit-il en attrapant mon autre main sans pour autant me remonter. - Ma première condition est que tu te teignes les cheveux en, laisse-moi réfléchir... en bleu. Ça me parait bien, un beau bleu pastel. En plus de cela, tu t'occuperas de faire le ménage pour moi dans mon bureau, de m'apporter ma nourriture, de me cirer les chaussures trois fois par semaine et de me masser les épaules quand elles deviendront douloureuses. Et puisque je suis quelqu'un de généreux, qui t'a sauvé de l'emprise des dragons, tu coopéreras avec moi sans broncher dans les recherches sur ta magie.
- Quoi ?! Et puis quoi encore ?!
Il sourit puis me lâcha, me laissant glisser le long d'une plaque de glace qu'il venait de créer. Visiblement, la poudre ne faisait déjà plus effet. Il sauta à son tour pour me rejoindre en bas puis me tendis sa main pour signer notre accord. Je finis par me résigner et lui serrai la main. Quand nos doigts se touchèrent, un petit frisson parcouru ma main et un bracelet apparut autour de mon poignet. Il était entièrement fait de glace, plusieurs flocons de neige l'ornaient le rendant d'autant plus beau. Mon regard était bloqué sur ce bijou. Si on le fixait suffisamment longtemps, des reflets, tel des aurores boréales y apparaissaient, noyant nos yeux dans une danse de lumières célestes. Le mariage du bleu turquoise et du vert printemps rejoint par une touche de mauve offraient un spectacle pouvant nous transporter dans n'importe quel univers, à travers le temps et l'espace. Surprise par ce présent, je relevais les yeux vers Xero attendant qu'il prenne la parole pour s'expliquer.
- C'est une protection contre les sorts de dragons. Et il me permet de te localiser si tu as un problème. Bien-sûr, cela ne fonctionne que si tu le désires. Vois ça comme une façon de me faire pardonner pour hier soir. Tu as encore mal ? me demanda-t-il, une légère gêne dans la voix.
Alors là, j'étais vraiment étonnée. Lui qui parlait de moi comme d'un objet et qui n'en avait rien à faire si je venais à mourir il y a quelques heures à peine me demandait maintenant si j'allais bien. On marche sur la tête. Dans ce monde, trop de choses sont invraisemblables et inexplicables, beaucoup de questions tournaient dans ma tête. Pourquoi moi ? Qu'est-ce que j'ai de si spécial qui mérite toutes ces souffrances ? Je n'avais aucune réponse à ces questionnements et c'est la raison qui me poussais à rester, pour comprendre, pour comprendre pourquoi moi et pas une autre personne, comprendre pourquoi je suis ici, comprendre ce qu'on attendait exactement de moi. Mais un sentiment profond me laissait penser que tout cela était voulu. Le hasard n'existe pas dans un monde comme celui-là, tout est réfléchi minutieusement, dans les moindres détails pour éviter l'erreur fatale. Si mon destin est d'être ici, alors je resterai et j'accomplirai ce que le ciel a choisi pour moi. Pas que je sois croyante en une quelconque religion mais dans cette situation, je ne pouvais que croire à une force supérieure, peut-être divine, ou peut-être pas. Seul le temps nous le dira, lorsque nous aurons élucidé le mystère de la magie m'habitant.
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