Depuis que Rordian avait ramené Larisa au Cocon, la petite fille ne l'avait pas quitté. Il avait donc pris l'habitude de tout faire avec elle. Elle parlait peu, elle était discrète, ou plutôt terrifiée, alors personne ne la remarquait. Que ce soit pendant les réunions du Conseil ou pendant ses entraînements. La petite fille refusait de s'approcher des autres enfants, mais elle arrivait à tolérer la présence de Naël quand Rordian passait du temps avec lui. Larisa avait perdu ses parents à peine une semaine auparavant. Elle était traumatisée, rien de plus logique.

« Donc elle va nous suivre partout ? murmura Lidonna.

— Aie un peu de compassion, elle vient de perdre ses parents.

— J'en ai, j'en ai. C'était juste pour savoir. Mais c'est étrange parce qu'elle m'ignore.

— Je sais. »

Elle lui offrit un grand sourire avant de se blottir contre lui en même temps qu'ils marchaient en direction du Conseil. Larisa était donc devenue une extension de son petit ami, elle allait bien finir par s'y habituée. De toute façon, elle ne restait sur Kayolina que pour quelques jours. Ils avaient encore deux planètes à visiter et trois ingrédients à trouver. Mais comme ils avaient décidé de chercher les ingrédients dans l'ordre, le suivant était celui de Gobelina, ce qui posait un réel problème puisqu'ils n'avaient strictement aucun droit de se rendre sur cette planète. Il y avait eu un profond désaccord entre les Gobelins et les autres espèces. Ils n'avaient pas la même vision du partage, pas la même façon de vivre. Alors ils avaient fermés tous les passages y menant.

« Et comment on peut aller sur cette planète s'il n'y a aucun moyen d'y aller ? interrogea Cyn désespérée.

— Harrgos a bien réussi, rétorqua alors Lidonna. C'est qu'il y a un moyen.

— Effectivement. On ne ferait pas cette réunion sinon. On n'est pas là pour savoir comment aller sur cette planète. Mais ce que vous ferez une fois dessus, asséna Careil. Si vous vous faites repérer vous êtes morts. Les Gobelins sont plus grands et plus rapides que nous. Vous aurez beau savoir vous battre vous ne pourrez pas leur échapper.

— Alors on ne peut pas y aller à six.

— Quoi ?! s'insurgea Sulvan.

— Du calme, rien n'a été décidé encore. Mais Rivel a raison. Vous allez devoir être discret, vous ne pouvez pas y aller à six. J'aurai même tendance à dire qu'il faudrait que vous n'y alliez qu'à deux.

— Comment ça à deux ?

— Et qui ira ?

— Est-ce qu'on va envoyer nos Kilidohanas ?

— Évidemment ! Nous aussi on veut se battre !

— C'est notre mission aussi !

— Mais fermez-la ! » s'écria Rordian en prenant Larisa dans ses bras.

Les hurlements qui fusaient dans toute la pièce avaient terrifiée l'enfant qui pleurait silencieusement.

« Vous êtes sérieusement en train de vous battre pour vous faire envoyer à la mort ?

— Je crois que c'est leur spécialité, répliqua Rivel.

— Eh bien si ce n'est que ça, il y a des dizaines de missions suicides ici aussi ! Pas la peine de hurler pour savoir qui participera à celle-là. Vous effrayez Larisa. »

Tous les visages se tournèrent vers lui puis fixèrent la petite.

« Pourquoi il y a une enfant de cinq ans avec nous pendant le Conseil ? » interrogea Cyn.

Rordian lui expliqua alors la situation en leur demandant à nouveau d'arrêter de hurler. Chacun acquiesça et petit à petit Rordian réussit à la calmer. Alors le malaise d'avoir fait pleurer une enfant se dissipa et la conversation reprit.

« Je suis une combattante, murmura Lidonna.

— Pardon ?

— Je ne sais pas simplement me battre, je suis une combattante, répéta-t-elle plus fort. Je dois y aller. Si quelqu'un parmi nous a une chance de s'en sortir c'est moi. Je me bats mieux que vous tous réunis.

— Exceptez-moi, répliqua Sulvan.

— Je suis une Invisible ! surenchérit Cyn. Je serais forcément la plus discrète.

— J'ai un pouvoir qui me permet de leurrer mes ennemis ! » ajouta alors à son tour Sam.

Ils avaient tous quelque chose qui pouvait les rendre utile sur cette mission, c'était d'ailleurs pour cette raison qu'ils avaient été choisi pour récupérer les ingrédients de la potion.

« Cyn, ce ne peut pas être toi.

— Et pourquoi ? s'offusqua-t-elle.

— Ton pouvoir t'épuise rapidement, expliqua Sulvan. Tu ne sais pas combien de temps tu pourrais tenir et personne ne sait s'il ne faudrait pas rester plusieurs jours invisibles. Tu ne pourrais pas.

— D'autant plus qu'il reste trois capes d'invisibilité au Cocon. » ajouta Sam.

La jeune femme ouvrit la bouche pour répliquer, mais elle savait que son ami avait raison. Son argument n'était plus un argument. Elle était hors course.

« J'ai deux raisons pour lesquelles il faut que j'y aille : je suis une combattante et la meilleure Luminaire que vous connaissiez. Je suis celle qui pourra le mieux se défendre.

— On ne sait même pas s'il y a de la lumière sur Gobelina.

— Il y en a, les coupa Careil. C'est grâce à ça que vous pourrez vous téléporter là-bas.

— Ah... Donc un Luminaire est nécessaire ?

— Oui.

— Pourquoi ne pas avoir commencé par là ?

— Parce que vous n'arrêtiez pas de piailler. Bien. Qui ici a des connaissances sur Gobelina ? »

Seul Sulvan leva la main.

« C'est vite réglé, Sulvan tu iras. Avec qui tu te sens le plus à l'aise ? Et pour qui tu seras le plus prêt à mourir ? » continua crûment le père de Rordian.

Instinctivement les yeux du Charmeur se posèrent sur Lidonna. Mais il détourna très rapidement le regard. C'est justement parce qu'il était le plus proche de Lidonna qu'il ne voulait pas qu'elle vienne. Mais bien que furtif, ce regard n'échappa à personne. Alors, il fut décidé que Sulvan partirait avec Lidonna. Personne ne s'offusqua à l'annonce de leurs deux noms, mais quand Careil leur annonça qu'ils devaient partir le lendemain, ils s'indignèrent.

« On vient de rentrer !

— Et vous devez repartir au plus vite. Je suis désolé, mais c'est pour le mieux. »

Lidonna lança un regard désemparé à Rordian. Elle voulait passer un peu de temps avec son petit ami. Elle voulait pouvoir rester dans ses bras sans s'occuper du temps qui passe. Elle voulait pouvoir l'aimer sans peur pendant quelques instants. Elle voulait le retrouver et pouvoir s'oublier avec lui, oublier l'horreur de la guerre autour d'eux, juste le temps d'une nuit, d'une journée... Et peut-être juste faire semblant d'avoir une vie normale l'espace de quelques heures.

Quand la réunion fut terminée, Rordian emmena Lidonna en salle d'entraînement. Il devait y retrouver Loïs pour l'aider à s'entraîner avec sa blessure. D'habitude, c'était Xander qui s'en chargeait, mais aujourd'hui il était occupé avec une mission, alors Rordian avait accepté de le remplacer pour cette séance.

« Lidonna ! Tu es venue voir mes progrès ? Je me bats presque aussi bien qu'avant mon empoisonnement ! Je crois bien que les médecins vont bientôt être d'accord pour que je puisse faire ma première mission !

— Les médecins ? releva la rouquine. Pas Camaé ? »

Rordian et Loïs échangèrent un triste regard.

« Qu'est-ce qu'il se passe ?

— Elle s'est évanoui il y a deux jours... Elle est allongée dans un lit, elle ne tient plus sur ses jambes. Le poison a presque fini son œuvre...

— Je n'arrive pas à croire qu'il n'y a pas si longtemps j'étais dans le même état... Tout ça à cause mon stupide frère. »

Immédiatement, l'Empathe éclata en sanglot. Lidonna se précipita vers elle pour la prendre dans ses bras. Elle savait que sa meilleure amie était en proie à une grande contradiction de sentiments. À la fois elle le haïssait pour avoir choisi les Ombres pour n'avoir eu aucun regret à avoir tenté de la tuer, à la fois tout l'amour qu'elle avait ressenti pour lui n'avait pu s'évanouir, d'autant plus qu'il était mort en sauvant une fillette. Et haïr un mort lui semblait beaucoup plus dur. Sa situation était loin d'être facile, et malgré tout ce qu'il avait de détestable, elle n'arrivait pas à s'empêcher de continuer à l'aimer. Elle devait donc faire son deuil. Et cela pouvait prendre du temps.

« Bon bon. » finit-elle par soufflée en se détachant de Lidonna.

Elle essuya rapidement ses larmes et se tourna vers Rordian.

« Attaque-moi.

— Ok. »

Il laissa Larisa et répondit à la demande de son élève temporaire. Et pendant qu'il la fit tomber au sol, Lidonna alla s'asseoir près de la petite fille.

« Coucou, murmura-t-elle à l'enfant. Ça va ? »

Larisa tourna la tête vers elle. Elle ne répondit pas, mais elle l'avait regardée, pour Lidonna c'était déjà une victoire. La rouquine tenta de lui offrir son plus beau sourire, mais Larisa détourna le regard pour planter ses yeux sur Rordian. Elle ne le quittait pas. Il était devenu la personne qui la rassurait, celle sur qui elle savait qu'elle pourrait toujours compter si elle avait un problème... Puisque ses parents ne l'étaient plus...

« Je comprends complètement que tu ne veuilles pas quitter Rordian. Je veux dire, si je pouvais faire pareil, je le ferais. Malheureusement je ne peux pas.

— Pourquoi ?

— Eh bien il y a ces méchants...

— Ceux qui ont tué mes parents ? demanda-t-elle.

— Oui, eux. Et je dois tout faire pour les arrêter. Alors je ne peux pas rester avec Rordian. Mais toi tu peux. Et il faut que tu prennes bien soin de lui.

— D'accord.

— D'accord. » répéta Lidonna pour elle-même.

La rouquine tourna alors la tête à nouveau vers l'entraînement. Loïs s'était remise si vite. Elle avait réappris à se battre, à compenser sa blessure, c'était presque comme si rien ne s'était passé. Sauf que plein d'évènements affreux étaient arrivés. Mais Loïs était une battante. Elle ne se laissait pas abattre. Et c'était pour cette raison qu'elle était là à s'entraîner plutôt qu'à abandonner.

« Lidonna ! » s'écria Careil.

La Luminaire sursauta. Elle ne l'avait ni vu ni entendu arriver. Elle était trop concentrée sur Loïs qui était sur le point de mettre Rordian au tapis.

« Sulvan va bientôt nous rejoindre. Je veux faire une simulation pour que vous ayez une idée, même vague, de ce que c'est que de se battre contre des Gobelins. »

La jeune femme n'avait visiblement pas le choix. Et en même temps, c'était une bonne idée. Normalement, ils ne devaient pas avoir à se battre, le mot d'ordre de leur mission étant discrétion. Mais ils devaient être préparés à toute éventualité. Alors elle se leva pour rejoindre Careil dans la salle de projection qui se trouvait à l'étage supérieur.

« Ça ne sera jamais pareil qu'en vrai, d'autant plus que je n'ai jamais eu à affronter de Gobelin en vrai, mais je tenterais de faire la simulation au plus près.

— Attendez, vous n'avez jamais affronté de Gobelin, comment votre simulation pourrait-elle être au plus proche ? Comment savoir que vous ne vous trompez pas ? »

Le malaise qu'afficha le père de Rordian était si grand que Sulvan l'aperçut immédiatement lorsqu'il arriva à ce moment dans la pièce :

« Un problème ? demanda-t-il.

— Non aucun. »

Mais l'Empathe savait qu'il mentait alors il se tourna vers Lidonna qui lui expliqua.

« Vous servez à quelque chose sinon ? s'énerva-t-il. Parce qu'à part mal nous informer, mal nous préparer et nous envoyer à la mort vous ne savez rien faire.

— Tu vas baisser d'un ton ! Tu te prends pour qui ?

— Pardon, mais c'est la stricte vérité. On a failli mourir sur Lilipucie parce que vous n'avez pas cru utile de nous dire qu'il existait une loi qui leur donnait le droit de tuer.

— Quoi ?

— Vous ne saviez même pas ? On en revient à ma question de départ : à quoi est-ce que vous servez ? »

Careil serra les poings et devint rouge de colère. Et pourtant il ne répliqua rien. Sulvan aurait-il soulevé un vrai point ? À moins que Careil n'est pas envie de se fatiguer à argumenter avec un adolescent. Mais Lidonna étant d'accord avec son ami, elle penchait plutôt pour la première option.

« Bon allons, mieux vaut votre simulation peut-être inexacte que rien du tout.

— Alors commençons. »

Sulvan ferma la porte, Careil se plaça derrière la vitre de sécurité et il débuta son hypnose.

La session ne dura pas longtemps. Le père de Rordian mit vite fin à l'exercice parce que Sulvan l'avait mis très mal à l'aise. Careil leur fit vivre trois attaques de ces créatures. La première, ils s'étaient fait totalement laminé. Ils avaient été pris au dépourvu par la vitesse de leurs ennemis. Mais rien d'imbattable, alors les deuxième et troisième fois, ils réussirent à contrer les attaques et même à les assommer suffisamment pour s'enfuir la dernière tentative.

Lorsque Lidonna retrouva son petit ami un étage plus bas, il venait tout juste de terminer l'entraînement avec Loïs. Quand la jeune femme s'approche de Larisa, l'enfant glissa sa main dans celle de Lidonna. Pendant quelques secondes elle fut surprise. Elle n'avait adressé que quelques phrases à la petite. Et pourtant, Larisa qui ne lui avait même pas adressé un regard quelques heures plus tôt, venait de lui adresser un geste de confiance qui n'avait pas échappé à Rordian. Il ne put s'empêcher d'afficher un sourire fier et heureux. Larisa s'ouvrait légèrement, et elle avait choisi Lidonna. Et cette information rendait le Liseur vraiment heureux.

Ils passèrent le reste de la journée tous les trois. Presque... comme une vraie famille.

« Tu es prête à être maman dit moi, plaisanta Rordian.

— J'ai dix-neuf ans qu'est-ce que tu racontes ? répondit-elle très sérieusement.

— Et pourtant il y a une enfant, entre nous, qui dort.

— C'est bien vrai ça. Alors ne la réveille pas avec tes bêtises. » le houspilla-t-elle.

Lidonna laissa son regard glisser jusqu'au petit visage paisible de Larisa qui roupillait entre eux. Quand ils étaient revenus de leur journée, la petite avait demandé à dormir dans leur lit, avec eux.

« Je ne veux pas d'enfant, murmura-t-elle.

— Je sais. »

Elle savait que lui ne partageait pas cette opinion et elle en avait conscience. Alors elle releva les yeux vers lui. Le grand sourire rassurant qu'il affichait soulagea légèrement son cœur.

« Je n'ai pas envie de partir demain.

— J'aimerais tellement que tu restes. »

Rordian roula ses doigts autour de ceux de sa petite amie. Elle les ramena à ses lèvres pour y déposer un tendre baiser.

« On a découvert un nouvel aspect du pouvoir de Luminaire, souffla-t-elle soudainement pour leur changer les idées.

— Oui j'ai cru comprendre. C'est quand même fâcheux de le découvrir comme ça.

— C'est sûr.

— Et ça fait quelle sensation d'être chargé de lumière ?

— ça donne l'impression d'être puissant.

— Mais tu es puissante mon ange.

— Il parait. Mais là j'y croyais.

— Lidonna...

— Oui ?

— Tu es exceptionnelle. »

Lidonna baissa les yeux, gênée, mais un sourire heureux s'étira sur ses lèvres. Elle aurait aimé se pencher vers lui pour l'embrasser, mais Larisa qui dormait entre eux la refroidissait légèrement.

« Est-ce qu'il y a quelqu'un ici qui peut l'aider ? souffla la Luminaire en désignant l'enfant.

— Genre un psy ?

— Oui.

— On essaie, mais comme elle refuse de me lâcher, c'est compliqué.

— Pour son bien, faudrait que tu tentes de prendre une heure par semaine, tu sais.

— Oui, je sais. Mais c'est compliqué.

— Je me doute mon cœur. »

Lidonna caressa tendrement la joue de son Protamenté avant de lui souhaiter une bonne nuit. Rordian ne trouva pas le sommeil tout de suite. Il n'arrivait pas à oublier la mission dangereuse dans laquelle sa petite amie allait se lancer. Elle avait failli mourir sur Nainou, une planète relativement sécurisée. Il était déchiré par l'angoisse de la voir partir sur une planète si dangereuse. Mais elle était devenue la plus puissante d'entre eux, c'était certain. Si quelqu'un pouvait les sauver ce serait elle et personne d'autre Rordian le savait. Et si elle échouait, personne ne pourrait le faire...

« Rordian ? »

Des petites mains le secouèrent vigoureusement. Il comprit en se réveillant en sursaut qu'il avait fini par s'endormir sans s'en rendre compte.

« Qu'est-ce qu'il y a Larisa ? demanda-t-il la voix rauque du matin.

— Lidonna... »

Il tourna la tête du côté où la jeune femme dormait. Le lit était vide. Lidonna était déjà partie...

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Fin de chapitre ! 🥰

A peine arrivé qu'il faut repartir pour une nouvelle mission 😩

Confiant de ce qu'il va arriver dans le prochain chapitre ? 🤭

Et que pensez vous de Larisa ? (Moi je l'aime beaucoup cette petite 😇)

Je n'ai pas plus de questions pour ce chapitre
J'espère qu'il vous aura plu !
Et comme d'habitude on se retrouve la semaine prochaine pour la suite !

Bisouilles 😘🦋