Chapitre 21 : Nouvelles rebutantes
Être une Rêveuse était une vraie malédiction. Lidonna n'arrivait pas à se concentrer sur son entraînement. Sulvan arrivait, pour la première depuis longtemps à la mettre au tapis. Ils avaient décidé d'évaluer ses capacités et découvrir si Harrgos leur avait raconté la vérité. Avait-elle vraiment bénéficié de cette invincibilité ? Il y avait de grandes chances, puisqu'elle ses aptitudes étaient montées en flèche, sans aucune explication.
Mais sans cette invincibilité et la concentration totalement absente, Lidonna se retrouvait les fesses par terre très souvent. Mais Sulvan ne jubilait même pas. Il voyait bien que la jeune femme était absente.
« Lidonna ! Ce n'est pas que je n'aime pas te mettre une raclée, mais comment tu veux que je t'évalue si tu ne t'appliques pas et que tu as la tête ailleurs ? Je sais que ce n'est pas une période facile pour toi, et si tu préfères reporter on reporte, mais ne me fait pas perdre mon temps !
— Désolée... murmura-t-elle en se relevant. Je me concentre. »
Sulvan hocha la tête et n'attendit pas un seconde de plus pour s'attaquer à elle, un sourire aux lèvres. Lidonna fut un peu déstabilisée et encaissa un coup, mais elle canalisa immédiatement ses pensées pour ne penser à rien d'autre que son objectif : battre son maître d'entraînement.
Au fil du temps passé avec lui, Lidonna avait fini par apprécier le garçon. Il était prétentieux et dragueur. Mais dans le fond, il avait bon cœur. Et puis, le battre était assez jouissif. Alors elle se concentra là-dessus.
Son combat fut plus dur, elle le sentit. Ses mouvements étaient moins fluides, moins instinctifs. Elle avait beaucoup de plus de mal à esquiver et anticiper les coups de Sulvan. Mais même sans cette invincibilité elle restait une combattante, et une combattante douée. Alors quand elle répliqua, elle donna du fil à retordre au garçon, et il perdit son sourire taquin pour prendre plus au sérieux le combat.
Lidonna sentit que se battre avait un nouvel intérêt puisqu'elle n'était plus certaine de surpasser Sulvan. Elle fut prise par l'adrénaline des coups qu'elle recevait et de ceux qu'elle donnait. Elle n'avait qu'une envie : prouver qu'elle était digne de son rang de Kilidohana, de combattante et de la confiance qu'on commençait à lui accorder. Elle devait leur montrer que ses capacités n'étaient pas uniquement dues à un sort.
« C'est tout ce que tu as dans le ventre ? » la nargua Sulvan.
Elle souffla du nez face à cette pique. Sulvan était mal en point : essoufflé, visage boursouflé et la lèvre ouverte. Mais cette phrase eut l'effet escompté parce que Lidonna redoubla d'efforts pour le mettre au sol. Et bien que Lidonna intensifia leur combat, Sulvan suivit le rythme. Et à force d'endurance, il réussit à la faire tomber.
Elle se laissa tomber épuisée. Elle s'était bien battue et elle était fière d'elle-même. Mais quand Sulvan lui tendit une main pour l'aider à se relever, elle vit une possibilité se dessiner. Lidonna l'attrapa et tira d'un coup sec pour faire tomber son adversaire et se relever d'un même mouvement.
Il laissa échapper un bruit rauque et quand il tenta de se relever, Lidonna posa son pied sur sa poitrine, triomphante.
« C'est bon j'ai compris ! » marmonna-t-il grognon, plaqué au sol.
La jeune femme retira son pied pour qu'il se remettre debout.
« Tu es impressionnante vraiment. On sent bien que tu as perdu cette invincibilité. Mais nos entraînements n'ont pas été vains. Tu es une très bonne combattante Lidonna. Tu peux être fière de toi.
— Je le suis, répondit-elle tout sourire.
— Moi aussi ! » s'éleva une voix dans leur dos.
Lidonna fit volte-face pour se retrouver nez à nez avec Rordian. Il lui offrit son plus beau sourire ce qui fit fondre son cœur mais fit en même temps remonter les souvenirs de son rêve. Une vraie malédiction.
« Quel rêve ? Quelle malédiction ?
— De quoi ? interrogea Sulvan.
— Tu es attendu. Passe à l'infirmerie d'abord, tu ne peux pas te présenter comme ça devant les Kayoliens. Quoi que... Les gens croiront peut-être que c'est les Ombres. Va voir mes parents.
— Quoi ? Déjà ?! Je n'ai pas vu le temps passer ! »
Sans dire un mot de plus ni poser une autre question, Sulvan démarra au quart de tour et partit en courant.
« Tu me racontes maintenant qu'on est seuls ? »
Lidonna hocha la tête et laissa libre cours à ses pensées et ses souvenirs pour les transmettre à Rordian. Cette technique pour lui donner des informations était vraiment plus simple. Elle ne savait pas exactement ce que voyait ou entendait Rordian quand elle faisait ça, mais elle savait que ça fonctionnait.
« Tu peux me décrire la robe de Raya ?
— Qui ?
— C'est le prénom de la Métamorphose qui a pris la place d'Éthène.
— Elle portait une longue robe, orange, noire et blanche. Elle ressemblait un peu...
— A un papillon ?
— Oui. »
Rordian hocha la tête. Il savait de quel jour il s'agissait.
« C'est le fête de Lidone. Une fête semi-religieuse où l'on fête à la fois la bonté de la Déesse et le renouveau. Une fête où l'on est reconnaissant de ce que l'on a et également de tout ce que l'on va avoir. C'est l'une des cérémonies les plus sacrées. Les Ombres savent qu'on ne peut pas l'annuler...
— Quoi ? Mais on ne va pas avoir le choix là ! Je refuse de sacrifier cette jeune femme parce que vous ne vouliez pas annoncer la mort d'Éthène !
— On en parlera au Conseil mais... il y a de grande chance qu'ils soient tous de mon avis. » répliqua Rordian d'une voix douce.
Contrariée, Lidonna tourna les talons et se dirigea vers la sortie.
« Lidonna...
— Non ! Laisse-moi tranquille. S'il te plaît. »
Si son pouvoir ne servait même pas à annuler cette fête, à quoi bon être une Rêveuse ? Elle se doutait bien qu'ils ne laisseraient pas les Ombres la tuer, mais peut-être que ce serait à cause de tout ce qu'ils allaient mettre en place qu'elle se ferait tuer quand même. Le seul moyen sûr pour que son rêve ne se produise pas, Lidonna en était persuadée, c'était d'annuler cette cérémonie ! On parlait de la vie de quelqu'un tout de même ! D'autant plus que sa mort les mettrait tous dans un réel embarras. Voire même, elle les mènerait tout droit à une guerre directe.
Sur les nerfs, Lidonna se dirigea vers l'infirmerie. Sulvan l'avait bien amochée et elle avait mal. Alors elle voulait qu'on la soigne. Normalement, Camaé l'attendait. Avant chaque entraînement un Soigneur était prévenu pour se tenir prêt en cas de nécessité de soin.
« Vous voilà enfin ! râla Camaé quand la jeune femme en entra. Asseyez-vous sur cette chaise. »
Lidonna obtempéra. Elle savait que se faire soigner était douleur, mais elle serra les dents tout le long de l'opération.
« Vous avez beaucoup de courage.
— De quoi ?
— Vous êtes l'une des rares à ne gémir en se faisant soigner. Et pourtant ces derniers temps, vous n'avez pas beaucoup eu besoin de mes services.
— Je n'ai pas le choix d'être courageuse.
— Je sais. »
Lidonna se tut et ferma les yeux. Même si elle avait pris sur elle, il lui fallait quelques minutes pour se remettre de sa guérison.
« Camaé ?
— Oui ?
— Comment va Loïs ? »
Camaé détourna le regard sans répondre. Elle qui était caractérisée par son franc parler... Lidonna eut soudainement très peur.
« Camaé ?
— Vous devriez aller la voir. Firân et Rivel sont avec elle. »
Elle hocha la tête de manière imperceptible et obéit. Elle entra doucement dans la chambre.
« Lidonna ! » s'exclama Loïs enthousiaste.
Mais son enthousiasme était muselé par son état et par la quinte de toux qui la prit. Ses traits étaient creusés et sa mine montrait les signes d'une fatigue évidente. Elle tentait de sourire, vaguement, mais ses lèvres se muaient en grimace. Et son corps était tellement maigre, ses muscles tellement atrophiés qu'elle ne pouvait plus bouger de son lit.
« Je suis heureuse de te voir, murmura-t-elle.
— Moi aussi. »
Lidonna lui offrit son plus beau sourire avant d'embrasser Firân et Rivel pour les saluer. Elle s'assit sur un fauteuil aux côtés des garçons et commença à prendre part à la discussion.
« Raconte-moi un peu ce qu'il se passe dans ta vie ! » s'enthousiasma son amie.
Lidonna énuméra silencieusement les derniers évènements de sa vie : ses parents étaient morts, Dæxor s'était introduit dans ses rêves, ils avaient tués des centaines de civils, elle avait perdu son invincibilité, bien qu'elle n'en avait pas conscience auparavant, elle avait rêvé de la mort de la remplaçante d'Éthène et elle venait de se disputer avec Rordian. Il valait mieux ne pas évoquer ces sujets, alors elle se contenta de raconter le dernier évènement totalement heureux qu'elle avait vécu :
« J'ai rencontré ma famille. Les Gonzua je veux dire.
— C'est génial ça ! Enfin je crois non ?
— Oui, mais c'est étrange. J'ai gagné une grand-mère et deux frères, dont un frère jumeau.
— Je connais bien Parker, déclara Firân. Il est vraiment gentil et intentionné. Tu es tombée dans une bonne famille. »
Cette remarque, qui se voulait encourageante, eut l'effet inverse. Lidonna ne put s'empêcher de penser qu'une famille, elle en avait déjà eu une... Elle savait que c'était injuste pour les Gonzua qui l'avaient accueillie à bras ouverts. Et dans le fond elle était vraiment heureuse de les avoir mais Willôde et Keitel lui manquaient vraiment terriblement.
Ses yeux commencèrent à s'humidifier alors secoua légèrement la tête pour les faire disparaître.
« Je suis heureuse de les avoir rencontrés. » se força-t-elle à dire.
Loïs déplaça lentement sa main pour attraper les doigts de Lidonna.
« Je suis désolée, les nouvelles ne sont pas très bonnes en ce moment, soupira la rouquine.
— Je sais, ils m'ont déjà tout raconté, répondit Loïs en désignant son frère et Rivel.
— On vient tous les jours pour tout lui décrire en détail, expliqua Firân.
— Tous les deux ? » s'étonna joyeusement la Luminaire.
Imperceptiblement Firân écarquilla les yeux et se mit à rougir.
« On vient entre amis, se défendit Rivel. Firân m'aide à gagner la confiance des Papillons, c'est pour ça qu'on passe beaucoup de temps ensemble. »
Lidonna espérait que le terme « amis » n'était pas indiscutable parce que Firân avait grand besoin d'oublier Sam et d'être heureux, si ce dernier ne se décidait pas. Et au vu du regard qu'elle échangea avec Loïs, son amie était du même avis.
« Ça vous dit qu'on regarde l'annonce ? proposa la malade.
— Alors ça y est... Notre guerre révélée au grand jour. C'est bizarre quand on sait qu'ils ont tout fait pour le garder secret depuis des décennies ! remarqua Rivel.
— Ouais c'est étrange.
— Comment on va regarder l'annonce ? s'étonna Lidonna.
— On a des télévisions pour la diffusion d'annonce comme celle-ci où pour les évènements comme les couronnements. Comme ça toute la population peut être au courant, pas seulement Lidoïlle.
— C'est mieux, pour l'annonce qu'on compte faire il faut que tout le monde soit au courant. »
Alors Firân attrapa la télécommande et alluma l'écran. Le discours avait déjà commencé. La caméra qui filmait la scène était un plan fixe sur la scène où se trouvait les membres du Conseil présent et les Charmeurs des Papillons. Depuis l'infirmerie ils ne voyaient l'étendu de leur public. Sulvan n'avait pas été soigné, comme l'avait suggéré Rordian, et les autres Papillons en retrait portaient les mêmes blessures. Ils contrastaient avec la mine soignée de Méréla, Gia et Careil. L'effet voulut était probablement de prouver qu'ils étaient en guerre et qu'ils étaient du bon côté, mais Lidonna trouvait qu'il n'était pas particulièrement bien réalisé. Mais probablement qu'avec plusieurs charmes puissants, cela fonctionnerait. Mais une question naquit dans son esprit :
« Comment le pouvoir des Charmeurs va-t-il fonctionner à travers un écran ?
— Il ne fonctionnera pas. Ils ne sont là qu'en soutien pour que la foule présente, la population principale de Kayolina soit convaincue. Mais nous disons la vérité et j'espère bien que la majorité des autres Kayoliens nous croient. Bien que nous savons qu'il y aura forcément des sceptiques. »
Ils avaient besoin que les Kayoliens leur fassent confiance... Sinon comment pourraient-ils les protéger ?
Le discours que prononcèrent les trois membres du Conseil ne leur apprit, à eux, rien qu'ils ne savaient déjà. Même Loïs avait eu vent de l'affaire. Ils racontèrent la genèse des Ombres et des Papillons, comment ils s'évertuaient à les protéger, le nombre d'attaques qu'ils avaient réussi à éviter et le nombre de plan qu'ils avaient réussi à déjouer. Jusqu'à cette fameuse attaque qui allait, s'ils ne le faisaient pas en premier, révéler leur existence et pas d'une façon glorifiante. Alors vint l'heure des révélations. Cet horrible crime qu'ils avaient commis. Contre leur gré, certes, mais la culpabilité restait la même.
« La honte qui nous habite aujourd'hui, nous habitera tous les jours de notre vie. Notre serment était de vous protéger et nous avons failli à notre tâche. Mais nous venons ici pour renouveler, devant vous, ce serment. Et aujourd'hui, les Papillons vous font la promesse de vous protéger coûte que coûte. »
Un silence d'étonnement et de surprise suivit immédiatement la fin du discours. Les Kayoliens devaient assimiler toutes ces informations nouvelles. Mais rapidement, la stupeur de la foule s'estompa et des applaudissements se firent entendre.
Mais alors que Lidonna se détendit de soulagement face à la réaction positive des Kayoliens, elle sentit des ongles s'enfoncer dans son épaule. Elle se retourna d'un coup vif vers Loïs. Son amie était en train de s'étrangler et de tousser en même temps. Tout ceci n'était pas normal et la faisait terriblement souffrir.
« Loïs ! s'écria Firân terrifié.
— Je vais chercher Camaé. » s'exclama Rivel avant de sortir de la chambre.
Lidonna resta tétanisée face à la détresse de son amie. Elle la regardait tousser et essayer de cracher. Que pouvait-elle faire ? Mais quand Loïs resserra son emprise sur son épaule, elle comprit qu'elle avait besoin de soutien. Alors elle retira la main de son amie de son bras pour la blottir dans la sienne.
« Serre aussi fort que tu en as besoin. » lui assura-t-elle.
Loïs ne s'en priva mais la douleur que Lidonna ressentait n'était absolument rien comparée à celle de l'Empathe. Firân avait une main sur l'épaule de sa sœur et caressait son bras en signe de soutien de l'autre. Il était tellement inquiet. Sa sœur était tout pour lui, Lidonna le savait. Elle avait déjà failli mourir une fois, et voilà que ça recommençait.
Rivel entra en compagnie de Camaé, au même moment Loïs expulsa un liquide étrange.
« Pourquoi crache-t-elle une sorte de sang violacé ?! » s'écria Firân épouvanté.
Lidonna aperçut Rivel écarquiller les yeux. Mais à part les quintes de toux de Loïs, personne ne disait rien.
« Quoi ?! Qu'est-ce qu'il y a ? s'inquiéta la rouquine.
— C'est les mêmes symptômes que la mère de Nick... murmura-t-il. Mon père a empoisonné Loïs...
— Mais il existe un antidote pas vrai ? »
Il ne réussit à soutenir ni le regard de Firân, ni celui de Lidonna, tous les deux morts d'inquiétude.
« Rivel ! Il existe un antidote ?!
— Oui... finit-il par souffler. Mais seulement un que lui a. »
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Fin de chapitre 🥰
Ça y est, les Papillons ont révélé au grand jour leur existence !
Et pendant ce discours, l'état de Loïs s'est considérablement empiré 😨
Que vous inspire cette nouvelle ? Harrgos a empoisonné Loïs, que ressentez vous ?
Voilà voilà 😁
J'espère que ce chapitre vous aura plu et on se retrouve la semaine prochaine !!
Bisouilles 😘🦋
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