
Chapitre 4
J'ouvris un œil, le refermai aussitôt, la lumière du soleil m'éblouit. Une fois habituée, j'ouvris définitivement les yeux et, en me redressant, aperçus un cadre à mon chevet. Je le pris et vis qu'il y figurait un homme moustachu et bien en chair. Il avait les cheveux plaqués et un sourire arrogant. C'était la première fois que je voyais une photographie en couleurs, je pris le temps d'observer les différentes nuances de cette image. Cet homme devait être plutôt riche.
Petit à petit les souvenirs de la veille me revinrent. Les pièces du puzzle venaient de s'emboiter. Les larmes me montèrent aux yeux.
Mé et Cha veulent donc me marier où plutôt devrai-je dire me vendre. Comment peut-on permettre à des parents de vendre leur enfant ? Comment peut-on en venir à vendre son enfant ? Et comment peut-on acheter un enfant pour en faire son amant ? Il suffit d'être riche pour avoir un pouvoir sur la vie des autres ? Si les richesses du monde étaient mieux partagées peut-être les heureux seraient plus nombreux, mais pourquoi les riches n'y pensent pas, à partager? Leur argent est à leur yeux tout ce qui à de plus important ? Et les plus défavorisés, pourquoi ne se font-ils pas entendre? La société les a tellement écrasés, leur a fait comprendre, à eux, grande partie de l'humanité qu'ils n'étaient rien, ou très peu.
"Quand le dernier arbre aura été abattu, quand la dernière rivière aura été empoisonnée, quand le dernier poisson aura été pêché, alors on saura que l'argent ne se mange pas." Geronimo.
Les enfants sont donc devenus de la marchandise, des objets qui permettent de gagner de l'argent? Il est donc permis d'avoir des enfants et, de s'en débarrasser quand ils deviennent moins "rentables"? Tout adulte a déjà été enfant. Alors pourquoi certains ne pensent pas à ce que c'était, l'enfance, période pourtant si importante de la vie ? Pourquoi ne se demandent-ils pas ce que cela leur aurait fait quand ils avaient encore besoin de la protection parentale? Ils pensent peut-être que ce temps est révolu, qu'une fois adulte on est libre de faire ce qu'on a envie, tout ce qu'on a envie, en oubliant que les enfants ont des sentiments, et que eux aussi ont le droit de prendre le temps de grandir.
La colère emporte mes pensées, tant de pourquoi, trop de questions. Des idées contradictoires se mélangent dans ma tête, à quatorze ans, mon esprit est bouleversé.
Me marier avec un homme qui doit avoir bien trente ans de plus que moi, qui pourrait être mon père est donc le destin qu'on m'impose? J'ai souvent voulu partir, mais pour découvrir le monde, pas pour me retrouver enfermer en Chine en tant que femme au foyer, sous les ordres d'un homme que je ne connais pas et qui est prétendu être mon époux. Mé et Cha n'ont donc pas d'autre solution que de vendre leur fille, moi qui est tant travaillé pour eux aux théiers? Qu'il y ait du soleil ou de la pluie, des journées entières hors d'haleine. Eux qui m'ont vu naitre, ils vont donc m'envoyer en Chine telle une marchandise. Ne dit-on pas qu'aucune somme d'argent, ni aucun bien ne vaut le temps passé avec sa famille?
Trop d'émotions s'entremêlent, se croisent et tourbillonnent dans mon esprit. L'inévitable amour que l'on a pour ses parents mais aussi, une colère que je ne me connaissais pas. J'envoyais valser le cadre à l'autre bout de la pièce tandis qu'un flot de larmes déferlait sur mon visage d'enfant. Bà apparut dans l'embrasure. -Lien, enfin tu te réveilles! Le soleil est au zénith, tes parents et ton frère travaillent déjà depuis un long moment. Vas les aider veux-tu. -A quoi bon? Ils veulent me vendre Bà, me vendre! -Lien, beaucoup de jeunes filles comme toi ont été achetées et... -C'est encore pire! Où sont nos droits? En avons nous seulement?! -Lien, calme toi et écoutes! J'ai moi même été vendu. Mais à ce moment là, la guerre a éclaté. Certes cette guerre a fait des ravages, j'ai donc fui avec mes frères mais, si cette guerre n'avait pas eu lieu, mon mariage forcé n'aurait pas été annulé, et , surtout, je n'aurai pas fait dans cette fuite la plus belle rencontre de ma vie, ton grand-père Lien. Par la suite, mes deux frères se sont fait arrêter mais heureusement ton grand-père était là pour supporter le poids de ma tristesse. Si nous avons pu de Saïgon aller jusqu'à Dalàt pour rejoindre tes arrières grands-parents, c'est uniquement parce que nous étions deux, assez discrets et rapides pour éviter les policiers en faction, ce que nous n'aurions pu faire avec le reste de la famille trop nombreuse sinon quoi nous nous serions tous retrouvés enfermés. Alors chance ou malchance nul ne le sait Lien. Tes parents t'ont écrit un destin, mais il n'est pas scellé, maintenant à toi de savoir si tu suis les lignes ou si tu en sors. Mais n'oublie jamais, tes parents t'aiment et ne cesseront jamais de t'aimer peu importe les événements.
"Grandir c'est accepter la vie telle qu'elle est et non comme on voudrait la voir et non comme on voudrait la voir, laisser faire ce qui se fait en dehors de notre volonté tout en ayant le courage de changer ce qui est en notre pouvoir."
Bouche-bée par tant de révélations, je parvins tant bien que mal à prononcer qui ne demandaient qu'à sortir:
-Bà, comment as-tu réagi quand tes parents t'ont annoncé le mariage? -Tu sais, j'étais au départ, comme toi, révoltée, j'en ai beaucoup voulu à mes parents. Mais ensuite la guerre ne nous a pas laissé le choix et j'ai compris que l'on ne faisait pas toujours ce que l'on voulait, qu'on avait pas toujours le choix, même avec les choses qui nous tiennent le plus à cœur, surtout quand on est des plus démunis.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro