Athéna.

Musée d'Orsay, Paris.

28 mai 2020, 9h50.

Accompagnée de Sarah, mon amie, je me balade parmi les toiles et les sculptures. Une sculpture attire mon attention. Elle représente une déesse grecque, Athéna. C'est un exemple en termes de comportement pour moi, son nom donne ma force.

Les souvenirs de mon enfance remontent, mon père m'emmenait régulièrement dans ce musée pour me parler de cette déesse. C'était important pour lui de m'expliquer pourquoi il tenait à m'appeler ainsi. Je n'y étais pas retourné depuis sa mort.

Je la détaille du regard, elle porte de sa main droite sa lance et son bouclier dans celle de gauche. Le casque fait d'or reflète toute la luminosité de la pièce et fait de la sculpture le centre de celle-ci. On voit dans son regard de marbre de la détermination, de la loyauté et du courage. Les valeurs que cette déesse transmette m'ont aidé à sortir d'une période difficile.

Sarah s'approche de moi et me demande des explications sur cette déesse, car elle sait que je connais sa bibliographie par cœur. Je reste le regard fixé sur cette sculpture et commence mon récit.

- C'est la fille de Zeus et de Métis. Athéna est la déesse de la sagesse, de la stratégie militaire, des artisans, des artistes et des maîtres d'école. Elle était considérée comme la patronne et protectrice de plusieurs cités de Grèce, surtout celle d'Athènes.

Plusieurs personnes s'étaient arrêtées pour m'écouter parler.

- Elle rejoint les divinités olympiennes et est représentée comme la fille préférée de Zeus. Elle protégeait et conseillait les héros.

Sans m'en rendre compte, presque la moitié de la pièce écoutait mon récit. Les guides avaient arrêté leurs visites et les touristes s'étaient tous tournés vers moi. C'est une fois m'être arrêté que je me rends compte du monde autour de moi, la gêne s'installe et je deviens aussi rouge qu'une tomate.

Le silence s'installe dans la salle. Un guide s'approche de moi.

- Où avez-vous appris tout ça ?

- Mon père m'a appris la mythologie grecque dès petite, j'ai continué d'apprendre même après sa mort.

- Vous avez déjà pensé à travailler dans ce musée ? Vous pourrez en enseigner autant aux visiteurs.

- Jamais, j'aimerais beaucoup, mais je ne sais pas où m'adresser.

- Venez à l'accueil à la fin de votre visite, je vous donnerais les informations qui seront nécessaires pour l'entretien d'embauche.

- Merci beaucoup, je viendrais.

La guide s'éloigne et mon amie me prend dans mes bras, elle connaît les raisons pour lesquelles je ne travaillais plus dans un endroit public. Sarah m'a aidé à revenir dans ce musée et à ne plus être casanière. Elle avait beau être un peu éloignée à des moments, elle a vu certains de mes instants de vie que personne n'a vus.

Notre visite continue, je poursuis quelques explications sur certaines œuvres que nous voyons. Nous nous arrêtons devant un immense tableau. Nous ressemblons à de vulgaires fourmis à côté de cet ouvrage. Sarah me fait part de sa frustration envers ce tableau dû à la nudité des protagonistes, elle ne se sent pas à l'aise face à cela. Elle me dit avoir l'impression qu'ils nous regardent, peu importe où nous sommes.

Je trouve, à l'inverse, que l'artiste avait voulu faire vivre ces personnes, ils ont une vue sur la vie entière et voient énormément de monde passer devant eux. Ils prennent vie sans même que nous nous en rendions compte. Ils ont été façonnés par une seule personne qui avait pour objectif de les rendre le plus réaliste et vivant possible.

Mes yeux se posent ensuite sur un tout petit tableau pas loin de ce dernier. Un sentiment de déjà vu s'installe, comme si je connaissais pièce par pièce, coup de pinceau par coup de pinceau ce tableau. Seulement, je n'arrive pas me souvenir pourquoi je le connais. Soudain le nom me revient en tête.

« Londres, le Parlement. Trouée de soleil dans le brouillard » Ma mère avait décidé, un jour, de refaire le tableau de Claude Monet. J'adorais la regarder peindre, j'aurais pu y rester des heures et des jours entiers.

Au moment de poursuivre notre visite, Sarah se tourne vers moi, je la vois avec un visage peureux comme si elle avait vu un fantôme. Elle m'informe d'un bruit que je n'ai pas entendu. C'est alors que je tends l'oreille.

Un bruit

Puis encore un

La lumière s'éteint, les touristes se mettent à crier.

La lumière se rallume, éblouie, j'ai du mal à cerner la situation.

Je discerne quelques personnes cagoulées, ma peur reprend le dessus et mon stress monte en flèche.

Tu aurais dû rester chez toi, maudite voix dans ma tête. Je balade rapidement mon regard dans la pièce à la recherche de mon amie, mais aucune trace d'elle. La perdre de vue fait augmenter mon angoisse. Tandis que la crainte et l'inquiétude s'installent tranquillement, deux des preneurs d'otages nous regroupent dans un seul coin. Par non-volontariat, je me retrouve assise par terre au premier rang.

Je vois, pas loin de moi, une fillette d'une dizaine d'années, pleurée. Elle est seule et cherche ses parents parmi la foule. Elle pleure à chaud de larmes, la voir dans cet état me rappelle de mauvais souvenirs et me donne envie de la prendre dans mes bras pour qu'elle puisse se calmer. Les pleurs de la petite attirent l'attention d'une femme, elle se rapproche pour voir la petite et lui met une gifle.

- Tu vas te taire bon sang ! Crie-t-elle.

- Fais la taire où je m'en occupe, lui hurle un homme châtain clair à l'autre bout de la pièce.

La femme blonde se relève et sors une arme de sa pochette attachée à son jean, elle se retourne vers la petite fille en larmes et vise sa tête. Elle tire en regardant la fillette dans les yeux. Les pleurs s'arrêtent et le silence traverse la salle quand les otages comprennent.

Le corps sans vie tombe à terre.

Le silence est de mise.

Les larmes déferlent sur mes joues, moi qui pensais faire une visite normale. Les ravisseurs se regroupent au centre, l'un d'entre eux semble sensiblement plus énervé. Deux des braqueurs partent vers les portes réservées au personnel avec une guide.

Quelque chose me dit qu'il va avoir des morts en plus et qu'on va rester plus longtemps dans ce musée.