Sacrilège - 11
Uchen trouva l'arme du crime. Après quoi, il ne lui fallu qu'une heure pour organiser un procès, avec le propriétaire de l'auberge en guise de juge et une dizaine de clients pour jury. J'étais assez remis pour venir témoigner à ses cotés : même si j'avais une migraine atroce, j'avais retrouvé ma voix, et les marques de doigt sur mon cou commençaient à virer du rouge au violacé. Tout ce dont nous avions besoin pour notre démonstration.
Les humains étaient installés dans la salle commune. Devant, dans la cour centrale, les dragons attendaient. Nous savions tous ce qui allait se passer, mais tout était ici affaire de forme.
Le spectacle commença, et à mon grand soulagement il fut mené correctement par toutes les parties. Certains membres du jury et quelques spectateurs qui s'improvisèrent avocats estimaient qu'il fallait défendre à tout prix un humain face aux dragons, mais la plupart des gens présents considérèrent que puisqu'il était coupable d'un crime, il devait le payer. Il faut dire que l'attitude haineuse de Brile, crachant sur ceux qui tentaient de le défendre, ne plaida pas en sa faveur. Il fut condamné à "être remis aux seigneurs du ciel qui choisiront la punition appropriée."
A mon grand dégout, de nombreuses personnes se massèrent près des fenêtres pour voir le "second spectacle". Ils eurent leur dose de frissons en voyant trois dragons déchiqueter et avaler le corps du dragonnier comme trois chiens se disputant un steak tendre. Tout autour, les dragonniers regardaient aussi, farouches et satisfaits. C'étaient eux, sans doute, les plus offensés par le geste ignoble de Brile. Une fois la soif de sang de chacun satisfaite, tout le monde rentra chez lui.
Trois jours plus tard, je reçus deux poignées d'or, mesurées par les immenses paumes d'Uchen, et les félicitations personnelles d'Isadora. Je les méritais amplement. Je profitai de revoir Uchen pour lui poser la question qui me travaillait depuis le procès :
"Chance savait, n'est-ce pas ? Il savait avant même que vous interrogiez Brile. C'est pour ça que tous les dragons étaient là.
‒ Chance savait, mais il ne savait pas comment le prouver devant des humains, donc il n'a rien dit. Même à moi ! Je n'avais rien compris, jusqu'à ce qu'il me sorte : "Va aider Loc Reyis avant qu'il ne se fasse tuer !". Comme ça, avec sa voix habituelle. Je lui ai demandé pourquoi, il m'a regardé comme si il se demandait à quoi je servais – c'est horrible, quand ils te regardent comme ça – et il m'a dit que tu étais dans la chambre de Brile. Je suis arrivé à temps, mais de justesse. Je me suis perdu dans l'auberge. C'est un vrai village, cet endroit.
Le colosse eut le tact de paraitre embarrassé puis il me tapa vigoureusement dans le dos en s'exclamant :
‒ Finalement, c'est sur toi qu'il comptait ! Comme Isadora. Ils savent s'y prendre pour juger les gens, n'est-ce pas ? Maintenant, suis-moi, petit fouinard ! Notre chef vénérée veut te voir, et elle va te faire une proposition que tu ne pourras pas refuser !"
Je le suivis sans hésiter. Il y a des propositionsqu'on n'envisage pas de refuser.
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