Chapitre 3
Sebastian réussit tant bien que mal à garder un visage impassible et retint un soupir de frustration. Voilà deux heures qu'il était en réunion avec la présidente, le vice-président et les membres du Conseil de Sécurité de l'ONU. Et plus le temps passait, plus les pulsions de meurtre étaient dures a contrôler.
Ces politiques qui vivaient dans du coton commençaient vraiment à l'emmerder. Ils étaient censés prendre des décisions mais au lieu de ça, ils n'allaient nulle part.
« Major, -il leva le nez- vous venez donc de dire que vous n'aviez aucun résultat pour le moment ?
-Oui Mme la Présidente. »
Comme les 127 fois précédentes.
La femme aux cheveux gris hocha la tête et le Vice président nota quelque chose sur une feuille.
« Pourtant, ajouta le premier ministre britannique, elle ne peut pas s'être volatilisée.
-Je sais M. le Ministre. Croyez bien que mes agents font tout leur possible et...
-Avez-vous interrogé son otage ? »
L'homme ne put s'empêcher de crisper ses doigts sur sa cuisse, mais répondit calmement :
« Bien sûr. Mais il se réveillait d'une commotion cérébrale, et était encore sous le choc. Il n'a pas encore donné d'informations utiles, mais je le réinterrogerai lorsqu'il sera rétabli. »
Au moins, cela laissait du repos à Markus- euh ! A l'agent Engen.
Le président français jeta un œil à un dossier avant de demander :
« Nous avons pourtant cru comprendre que votre agent -Engen, je crois- était très ami avec la suspecte.
-Que voulez-vous dire? répliqua un peu trop sèchement Sebastian.
-Eh bien.... Peut-être en sait-il un peu plus qu'il ne veut en dire.
-Et il a également laissé échapper la suspecte, Alexie Shepperd, ajouta le vice-président.
-Êtes-vous en train d'accuser mon agent ? »
Un silence lourd plana une seconde. Barnes se mordit violemment la joue pour ne pas leur hurler dessus. Il déglutit pour chasser le goût métallique que le sang dans sa bouche lorsque la présidente parla :
« Personne n'accuse personne, Major. Nous émettons juste quelques... suppositions.
-Avec tout le respect que je vous dois, Mme la Présidente, j'ai une totale confiance en l'agent Engen. Je pense que ses états de services parlent pour lui. Il est dévoué à son métier et à la cause américaine. Certes, il n'a pas arrêté la coupable, mais comme vous l'avez si justement remarqué, ils étaient amis. C'est très probablement la raison pour laquelle il n'a pas pu la neutraliser complètement.
-Votre agent a donc laissé ses sentiments empiéter sur son devoir d'après vous ?
-Je dirige des êtres humains, pas des machines. Cet agent est un des meilleurs, et je l'estime grandement. Je le réinterrogerai plus tard, ne vous souciez pas de ça. Maintenant, si vous n'avez plus rien à me dire, je pense que cette discussion est terminée. »
Un silence tendu pesa, pendant lequel les politiques se lancèrent des regards en coin. Puis la Présidente se leva et déclara, solennelle comme à son habitude :
« Bien. Je ne vois pas non plus de raison de vous retenir Major. La séance est levée.
-Merci, Mme la Présidente. »
Sebastian accompagna ses mots d'un hochement de tête. Il éteignit l'écran en face de lui puis se laissa tomber contre le dossier de son siège. Le Major prit son visage entre ses mains et soupira.
Il était épuisé. Il gérait cette affaire depuis presque 48h, et la seule pause qu'il s'était accordée avait été pour aller voir Markus. Il refusait d'aller dormir, bien que la fatigue se fasse sentir et que Karen le harcèle pour qu'il aille se reposer.
Mais Barnes ne le pouvait pas. Il devait retrouver cette femme le plus vite possible. Le gouvernement allait très vite perdre patience, et Sebastian savait parfaitement ce qui se passerait. Markus deviendrait le suspect n°1 en raison de ses liens avec la criminelle et le Major n'aurait pas d'autre choix que de le livrer aux Forces Spéciales du Gouvernement.
Avec un frisson, il se dit que ce n'était pas acceptable. Tous les suspects récupérés par les Forces Spéciales avaient mystérieusement disparus de la circulation, et il était hors de question que Markus en fasse partie.
Des éclats de voix le tirèrent de sa réflexion. Il reconnut la voix de Karen et de... Markus ?
Sourcils froncés, il se leva pour aller voir de quoi il s'agissait lorsque la porte s'ouvrit vivement. Karen annonça, mi-énervée mi-désolée :
« Major, l'agent Engen veut absolument vous voir, malgré votre interdiction...
-C'est bon Karen, faites-le entrer. »
La secrétaire hésita, étonnée, puis obéit. Le jeune homme entra et le Major resta figé une seconde. Son agent portait un slim noir, une veste en cuir bordeaux et un T-shirt noir. Il retira ses lunettes de soleil, haletant légèrement à cause de sa course, et écarta quelques mèches de ses yeux. Il déclara d'un ton ferme :
« Major, je sais que je n'ai pas à être là, mais je dois vous demander quelque chose...
-Fermez la porte. »
Markus obéit après avoir esquissé un petit sourire. Il avait bien vu le regard insistant de son patron lorsqu'il était entré. Il avait remarqué l'attitude de Sebastian à son égard, ses coups d'œil, ses petits sourires face aux plaisanteries... Le jeune homme savait exactement quoi faire pour être sûr d'être affecté à la mission.
« Major, je...
-C'est non, agent Engen.
-Je n'ai rien dit.
-Mais je sais ce que vous allez me demander. Et je ne peux pas accepter. »
Markus se mordilla la lèvre, comme un enfant déçu, geste que Sebastian trouva mignon et sexy. Il se gifla mentalement avant de se rappeler à l'ordre :
Reste concentré Sebastian ! On est en situation de crise, à quoi tu penses bordel ?
Le blond passa sa main dans ses cheveux et s'approcha du bureau en déclarant :
« Je connais Alexie mieux que personne, elle est comme ma sœur...
-Et c'est justement pour ça que je ne peux pas vous laisser la pourchasser. Vous connaissez le protocole.
-Je suis le seul à pouvoir comprendre son fonctionnement, et je crois avoir une idée sur ses motivations. »
C'était un semi-mensonge. S'il était probablement le plus apte à comprendre Alexie, il ne savait absolument pas pourquoi elle agissait comme ça. La femme qu'il avait vu n'avait rien à voir avec son ami d'enfance.
De son côté, Sebastian lança un regard inquiet à l'agent. Il avait appris que lorsque celui-ci voulait quelque chose, il l'obtenait, même s'il devait utiliser des moyens détournés et non officiels.
Le brun soupira et répondit le plus calmement possible :
« Vous êtes encore en état de choc et...
-Je sais contrôler mes émotions, Major, je ne suis pas un gamin. Vous ne pouvez pas vous passer de moi là dessus...
-Je sais ce que j'ai à faire, merci agent Engen. »
Le Major avait répondu plus sèchement qu'il ne l'aurait voulu. La fatigue et l'agacement commençaient à faire effet, il se sentait las. Il voulait plus que tout s'allonger et vider son esprit, mais il ne pouvait malheureusement pas.
Il soupira lourdement avant de répondre :
« Engen, je sais ce que vous ressentez et...
-Non. »
Le ton froid du jeune homme lui fit lever le nez, surpris. Le regard de Markus s'était durci, mais, lorsqu'il s'avança vers le bureau, il reprit d'une voix égale :
« Je vous respecte. Je vous apprécie. Je comprends pourquoi vous essayez de m'empêcher de faire ça. Mais n'imaginez pas un seul instant comprendre ce que je ressens à cet instant. »
En effet, à cet instant, sous son habituel masque d'assurance et de sérieux, le châtain se sentait perdu, désespéré et affreusement seul. Il ne pouvait pas rester plus longtemps inactif sachant que la personne à qui il tenait le plus était quelque part dehors, en plein délire.
Il était temps d'agir, et plus de marchander à droite à gauche. Il posa ses mains sur le bureau de Barnes, le regarda droit dans les yeux et prit son ton le plus ferme :
« Major, pour la dernière fois... »
Sebastian abattit ses mains sur le bureau, faisant sursauter Markus.
« Pour qui vous prenez vous, Engen ? Vous êtes au bord de l'insubordination !
-Je...
-Fermez la! »
Le Major craquait sous le poids de la fatigue et du stress. Il en avait assez qu'on lui dise comment gérer son équipe. Les deux hommes se fixaient, prêts à bondir.
Soudain, alors qu'il s'apprêtait à déverser sa colère, le chef sembla réaliser qu'il était beaucoup trop proche de son agent. Son regard fut aimanté par les lèvres entre-ouvertes du châtain et il ne put s'empêcher de se pencher légèrement.
Markus esquissa un sourire machiavélique. Tout se passait pile comme il l'avait prévu. Il réduit encore la distance entre eux et murmura d'une voix presque sensuelle :
« Sebastian, je demande à être affecté à cette mission... »
Mais le cerveau du Major n'était pas apte à gérer quoi que ce soit en dehors des lèvres de Markus.
Ce dernier se pencha encore, sans quitter son petit sourire, et posa ses lèvres sur les siennes. Sebastian se sentit fondre à l'instant même ou leurs lèvres furent en contact et laissa Markus dominer le baiser.
Les mains de Markus rejoignirent rapidement les cheveux de son Major alors que celui-ci agrippait maladroitement son col. Les gestes de Markus, calculés au millimètre près, étaient d'une finesse et d'une agilité surprenante pour le Major. Sa bouche contre la sienne le déstabilisait. Il réprima un gémissement alors que Markus enfonçait ses dents dans sa lèvre inférieure. Et alors qu'il espérait sentir leurs langues se rejoindre, Markus stoppa leur échange. Il se décolla lentement, frôla les lèvres de son supérieur avant de s'écarter.
Le jeune homme laissa le Major se rasseoir sur son siège, haletant. Puis il tourna les talons en annonçant de sa voix la plus polie :
« Je savais qu'on tomberait d'accord, Major. »
Sebastian déglutit difficilement, tremblant de tous ses membres. Il inspira profondément pour se calmer. Il avait encore le goût et la sensation des lèvres de l'agent sur les siennes, comme une marque au fer rouge. Il soupira en rejetant la tête en arrière et jura.
Bien sûr, en temps normal, il aurait dû virer l'agent sur-le-champ, après une de ces engueulée mémorable dont il avait le secret. Mais, concernant Engen, il en était incapable. Parce que s' il s'était si facilement fait avoir, c'était à cause de ses réactions d'adolescent sous hormones dès qu'Engen se trouvait dans la même pièce.
Il passa sa main dans ses cheveux d'un geste fatigué. A ce stade là, mieux valait suivre les conseils de Karen : aller prendre une douche, manger quelque chose et dormir quelques heures. Peut-être pourrait-il ainsi oublier son moment de faiblesse.
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