Chapitre 1
"Dis-moi... Depuis quand nos relations se sont dégradées comme ça?
-Ferme-la, Markus."
Avec un petit soupir, le garçon baissa les yeux sur les fils électriques qu'il trifouillait. Assise sur une caisse, son amie serrait le manche de son arme, qu'elle pointait sur lui. Elle était plus tendue qu'elle ne voulait le montrer, à l'affût, guettant le moindre bruit. Son regard fuyait un peu partout, et ne semblait pas le surveiller plus que ça. Mais Markus était pratiquement sûr que s'il faisait quoi que ce soit de travers, elle n'hésiterait pas à tirer.
Toutefois, il devait agir. Alexie ne pouvait pas faire péter tout un bâtiment rempli d'honnêtes citoyens et...
Un bref sifflement le rappela à l'ordre.
"Allez allez. Tu n'as pas toute la journée."
La jeune femme le fixait avec un grand sourire, ses doigts tapotant nonchalamment ses cuisses. Le châtain soutint son regard, impassible, jusqu'à ce qu'elle ne lâche, agacée :
"Rah, vas-y fais-moi tes reproches, mais seulement si tu peux travailler en même temps.
-Tu sais qu'on doit déjà être en train de me chercher?" déclara-t-il en continuant à régler la bombe.
Elle sourit et ricana.
"Bien essayé. Mais je suis loin d'être débutante. Je sais que ce matin, tu as appelé ton patron pour lui dire que tu avais une affaire urgente à régler, et que cela te prendrai sûrement la matinée.
-Mais je n'ai jamais..."
Il regarda son amie, perdu, sans vraiment la reconnaître. Puis il soupira encore, mais plus fortement. Il venait de comprendre, non sans une certaine horreur.
Bordel, dites-moi que c'est un cauchemar...
Ce matin, il s'était réveillé, et était descendu dans sa cuisine après une douche rapide, pour préparer son café.
Comme d'habitude.
C'était à ce moment qu'il avait senti une présence. Un étranger s'était introduit chez lui, et sûrement pas avec de bonnes intentions.
Markus s'était vivement retourné pour se défendre. Mais avant qu'il n'aie pu saisir un couteau, ou quoi que ce soit qui pourrait servir d'arme, une décharge électrique avait parcouru son corps, le laissant au sol, à moitié conscient. Une autre décharge l'avait envoyé au pays des rêves.
En résumé : Il s'était fait mettre K.O. Par sa meilleure amie. Avec son taser. Chez lui.
Encore un truc à ajouter à la -trop- longue liste des méfaits d'Alexie.
Mais la jeune femme qui se trouvait à présent devant lui était-elle encore Alexie?
Elle le regarda avec un sourire amusé, comme un enfant fier de sa farce.
"Heureusement que tu es un officier exemplaire. On va pouvoir passer du temps ensemble. C'est chouette, non ?"
Un frisson d'appréhension dévala l'échine du jeune homme. Il n'aimait pas du tout la façon dont parlait son amie : elle lui parlait sur le ton de la conversation, mais sa voix montait souvent légèrement dans les aigus.
Il tenta de masquer le tremblement naissant de ses doigts et lança :
"Pourquoi tu fais tout ça ?
-Tu le sais très bien. Je veux la même chose que toi.
-C'est à dire ?"
Elle poussa un petit soupir déçu et descendit de sa caisse. La brune se dirigea vers Markus et se pencha pour observer ce qu'il faisait.
"T'es vraiment con quand tu t'y mets. On a toujours voulu la même chose. Arrête de trembler! C'est délicat! Je n'ai pas envie d'exploser avec tous ces connards!"
Alexie lui jeta un regard agacé, et il sentit un étau froid lui serrer le cœur.
Une lueur qu'il n'avait jamais vue brillait dans les yeux de son amie. Une lueur qui donnait l'impression qu'elle était complètement détachée de la réalité.
Comment tout avait-il pu déraper en quelques mois ?
"Arrête de me fixer comme ça, et travaille.
-Je continuerai, à une seule condition. Qu'est-ce que tu comptes faire exactement ?"
Elle se mit à rire, d'un rire un peu trop aigu. Puis elle s'arrêta soudainement et colla le canon de son arme sur sa nuque.
"T'as fini de me prendre pour une conne ? Tu t'es cru dans un film ? Tu pensais que j'allais te dévoiler tranquillement tout mon plan ? Tu ne comprends même pas le but de ma mission !"
Markus sentait la rage dans la voix de son amie, et son ventre se tordit un peu plus.
Ça ne ressemblait pas à Alexie de sauter d'une émotion à l'autre. Cette fille n'était pas Alexie. Pas à l'intérieur en tout cas.
Il commençait à comprendre qu'il n'arrivait pas à la raisonner. Pourtant, il ne voulait pas se résigner à croire que son amie avait totalement disparu sous toute cette folie.
"Alexie, je... "
La pression du canon s'accentua et il ne put que baisser la tête.
"Bouge" répondit-elle simplement, d'un ton égal.
Les doigts tremblants, le jeune homme obéit. Il conclut à contrecœur qu'il devait arrêter son amie, même si ça revenait à lui faire du mal.
"Tu ne peux pas me tuer, tenta-t-il, tu as besoin de moi pour ta bombe.
-Tss... Je sais pas si tu es naïf ou juste imbu de toi-même. Je n'ai pas besoin de toi. Je suis allée te chercher uniquement pour qu'on passe du temps ensemble, mais j'aurais pu demander à quelqu'un d'autre.
-Comment ça quelqu'un d'autre ? Tu... Je croyais que tu étais seule... "
Elle afficha un sourire à la fois doux et terrifiant.
"Je ne peux pas m'assurer seule que personne ne sortira avant que tout ne saute."
Markus écarquilla les yeux. Alexie lui avait menti, elle l'avait manipulé. Il sentit ses épaules s'affaisser et la jeune femme pinça les lèvres, l'air vexé.
"Je vois que ça te fait plaisir d'être avec moi... Mais ne t'en fais pas, tu finiras par comprendre. Après tout, on veut la même chose, pas vrai ?
-Mais de quoi tu parles..."
Elle soupira de découragement et secoua la tête.
"Tu comprendras. Continue.
-J-J'ai fini..."
Elle se pencha sur son travail et hocha la tête avec un petit sourire en coin.
"Enfin... Bon boulot, Markus !"
Le cœur du garçon se serra devant le ton excité de son amie. On aurait dit un enfant qui préparait une surprise lorsqu'elle referma la bombe. Elle poussa ensuite le garçon du bout du pied et ordonna, gentiment mais fermement :
"Allez debout, vite !"
Le jeune homme obéit machinalement, réfléchissant intensément au moyen d'arrêter la jeune femme avant qu'elle n'active la bombe.
Ils remontèrent discrètement du sous-sol de l'immeuble pour aller dehors, derrière celui-ci. Alexie sait un talkie-walkie et demanda en tenant toujours Markus en joue :
"Tout va bien là dedans ?
-Nickel, répondit une voix d'homme après un grésillement. Toutes les issues sont verrouillées, et il n'y a eu aucune effusion.
-Parfait. Verrouillez l'entrée principale et rejoignez-nous à l'arrière, porte B.
-Reçu."
Elle raccrocha et se dirigea vers la porte. Elle la ferma et, d'un geste sec, brisa la clé dans la serrure. Le jeune homme haussa un sourcil, intrigué et Alexie expliqua :
"Ces hommes sont des mercenaires, des tueurs, des monstres. Il faut les éliminer eux aussi.
-Les... Mais bordel, pourquoi tu fais ça ? Qu'est-ce que tu veux ?
-Calme-toi, calme-toi. Tu veux savoir pourquoi je fais ça ? Je pensais que tu comprendrais, toi qui t'impliques autant..."
Elle s'approcha, baissant lentement son arme. Un grand sourire s'étala sur ses lèvres quand elle se lança :
"Aide-moi. On a toujours voulu la même chose ! Pourquoi as-tu rejoint les services secrets ? Pourquoi je suis devenue instit' ? C'est tout simplement parce que toi et moi, on cherche la même chose ! Mais je peux pas le faire seule, j'ai besoin de toi. Alors aide-mAH !"
Markus avait profité de son inattention momentanée pour lui envoyer un coup de genou dans le ventre. Il se jeta sur elle lorsqu'elle recula. Elle tira, mais sa balle passa à quelques centimètres de la jambe du garçon. Il la plaqua au sol et lui mit un coup de poing. La tête de la brune alla violemment heurter le bitume et elle sembla sonnée. Le jeune homme fouilla la veste de son amie et en tira des menottes, qu'elle avait utilisées pour l'immobiliser quelques heures plus tôt. Il l'attacha à un lampadaire et partit en courant chercher de l'aide.
"Vite ! cria-t-il à un agent de sécurité stationné en face de l'immense building. Monsieur l'agent, vite ! Il y a une bombe dans ce bâtiment !
-Une bombe ? répéta l'homme imposant. Qu'est-ce que vous racontez, jeune homme ?
-Une.. Une terroriste veut tout faire sauter ! Elle a séquestré tout le monde ! Je l'ai neutralisée, elle s'apprêtait à appuyer sur le...."
Markus blanchit d'un seul coup et murmura d'une voix tremblante :
"Le détonateur... Oh putain non..."
Il l'avait vu tomber durant la bagarre et avait oublié de le ramasser.
Quel con putain, quel con !
Le garçon pivota et courut vers le bâtiment avec l'énergie du désespoir. Il n'était qu'à une dizaine de mètres du building lorsqu'une déflagration fit trembler le sol. Quelques autres suivirent et les vitres de l'immeuble explosèrent. Markus fut expulsé à plusieurs mètres et vit avec horreur le bâtiment s'effondrer sur lui-même. Les sons lui parvenaient étouffés et déformés, et sa vision s'altérait à une vitesse affolante. La dernière chose qu'il entendit clairement avant de perdre connaissance fut la voix presque suppliante de son amie.
Aide-moi.
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