|| Chapitre 7: Katsumi ||
- Et pourquoi on ne passe pas par l'entrée principale ? m'enquis-je d'un ton las, en suivant mon frère qui s'évertuait à bidouiller les fils électriques de la porte de service.
Il tira sur un dernier câble, l'air concentré, la langue tirée comme à chaque fois qu'il était focalisé sur quelque chose, et la porte s'ouvrit. Il m'adressa un sourire insolent en faisant la révérence pompeusement, pour me laisser passer, avant de se redresser en voyant que je ne bougeais pas.
- Figure-toi surette que passer par cette porte nous évite un long détour et par conséquent la transformation de mes doigts en glaçons ! m'apprit-il en me montrant fièrement ceux-ci qu'il avait volontairement transformés en stalactites.
Je regardai un instant ses ongles emprisonnés sous la glace, et ses mains couvertes de givre. Lasse, je fis apparaître une flamme au bout de mes doigts qui eut vite fait de faire fondre toute trace de froid sur ceux de mon frère.
Sans faire attention à l'air boudeur qu'il affichait, je me faufilai par la porte et retins mon souffle en voyant s'étaler une bien curieuse scène devant mes yeux.
Je plaquai une main vivement sur la bouche de Katsuro, qui allait manqué de lâcher un cri. La surprise s'affichant sur son visage fut vite remplacée par une concentration et une détermination qui me plut davantage. Après avoir échangé un regard entendu, j'enlevais ma main délicatement, et nous nous faufilâmes au plus près du lieu de bataille.
Se séparant de moi, mon frère s'agrippa au mur et l'escalada, prenant avec une vitesse folle de la hauteur et surplombant la scène. Puis il se rapprocha d'un des deux mastodontes, celui qui maintenait Abygaëlle.
Quant à moi, je m'avançai nonchalamment vers le deuxième colosse. Une fois à sa hauteur, je ne fis pas dans la finesse et appuyai sur sa jugulaire brusquement. Son corps musclé à l'extrême s'effondra sur le sol dans un fracas assourdissant qui fit se retourner tous les figurants de cette étrange scène, sauf mon frère naturellement.
Celui-ci, profitant de leur inattention, bondit et s'accrocha au dos de l'agresseur d'Abygaëlle. Apeuré, l'homme se débattit grossièrement, sans aucune technique. Ignorant ses gestes inutiles, Katsuro bloqua sa nuque entre ses cuisses musclés d'un étau de fer et, comme son confrère, le colosse bascula en avant.
Pas surpris pour un sou, le vainqueur se laissa tomber avec lui et se réceptionna par une roulade gracieuse avant de se relever à mes côtés, étincelant d'insolence.
Il fallait avouer que j'étais plutôt fière de lui. Il avait un style de combat très différent du mien, mais il faisait d'énormes progrès. J'étais heureuse que notre complicité d'antan se reconstruise peu à peu. Il fallait dire que les frasques que vivent presque tous les adolescents s'étaient plus apparentées à des délits et des crimes pour lui. Cependant, ce temps-là était totalement révolu.
Du moins je l'espérais...
- T'étais obligée de me voler la vedette avec ta démonstration exagérée ? soupirai-je, Ton goût de la mise en scène finira par jouer contre toi, je te l'ai déjà dis !
Je le vis me dévisager de ses yeux noirs et laissai mes lèvres s'étirer en un sourire en coin malicieux, dont je savais qu'il serait le seul à déceler, mes expressions faciales étant presque invisibles.
- Show is show sister ! s'exclama-t-il, provoquant en mimant une révérence.
J'eus un rictus qui était l'équivalent d'un fou rire avant de rediriger mon attention vers notre dernier ennemi : pas le plus effrayant, mais le plus susceptible de nous mettre des battons dans les roues par sa panique et l'otage dont il pouvait faire n'importe quoi.
D'un mot dans ma langue natale, j'ordonnai à Katsuro de s'occuper de la jeune métisse, qui, jusqu'à là, nous fixait, de l'admiration dans ses yeux bleus, mais dont le poignet de la même couleur devait lui faire souffrir le martyre.
Je toisai mon adversaire, impassible. C'était un adolescent blond, de taille moyenne, pas gros, pas maigre, mais assez « costaud » pour se battre et gagner contre la plupart des personnes. Un ennemi facile en somme. Une personne banale.
Néanmoins, paniqué, il posa son pied sur la gorge de sa victime et y imprima une pression qui fit suffoquer le bel adolescent. C'était exactement ce genre de réaction qui le rendait dangereux. Tentant d'être menaçant, le blond lança, des tremblements dans la voix :
- A-Approches-p-pas ! Ou j-j'le b-bute !
Les rouages de mon cerveau se mirent à tourner à une vitesse affolante. Très vite, une esquisse de solution s'imprima dans mon esprit. Mais allais-je seulement y arriver ? Je n'avais pas le temps d'y réfléchir plus réalisai-je avec horreur : le visage du métisse avait perdu ses belles couleurs, et son torse ne se soulevait plus que faiblement.
Je reculai les mains en l'air, de la même façon que j'aurais dressé un drapeau blanc, sous le regard inquisiteur et apeuré de l'agresseur blond.
Enfin, je fus assez proche de ce qui allait être l'élément principal de mon plan : une sorte de muret minuscule qui précédait le vrai mur du gymnase. D'un bond, je fus dessus et de deux autres, j'étais agrippée à la goutière, surplombant la scène à quelques mètres de hauteur. L'opération n'ayant pris que quelques secondes, le blond avait toujours les yeux fixés sur l'endroit dont je venais de disparaître.
Pendant son temps de réaction, je bondis pour la dernière fois, les pieds en avant. Le contact avec son torse fut si violent que je fus emporter dans sa chute, sans parvenir à l'amortir. Heureusement qu'il n'était pas tout mince : sa corpulence venait sans doute de le sauver de deux ou trois fractures.
- Good job sis' ! fit Katsuro en applaudissant mollement, tout en s'approchant de la scène avec nonchalance, suivi d'Abygaëlle qui se jeta auprès de son frère.
Sous notre regard étonné, elle se mit à chercher son pouls avec précision et assurance. Elle poussa un petit soupir agacé puis se mit à effectuer un massage bien précis sur le torse du métisse avant de souffler de nouveau, semblant exaspérée. Sans que l'on s'y attende, elle se retourna vers nous, et, plantant son index dans mon thorax, m'ordonna de faire du bouche à bouche à son frère.
Katsuro ricana nerveusement tout en me regardant lâchement me décomposer sous les yeux inquisiteurs de la jolie brune.
- Allez Katsumi, tu voudrais pas avoir un mort sur la conscience n'est-ce pas ? rajouta mon frangin, un sourire narquois aux lèvres.
Je dus bien me rendre à l'évidence : la situation était critique, pas la temps de tergiverser. Sans plus réfléchir, je m'agenouillai et me mis à faire du bouche à bouche au jeune métisse sous le regard attentif de sa sur, et celui moqueur de mon frère.
Enfin, l'adolescent se mit à respirer de nouveau, à notre plus grand soulagement.
- Qu'est-ce que... Qu'est-ce qu'il s'est passé ? murmura-t-il d'une voix rauque, encore étouffée.
Je ne pus m'empêcher de remarquer que ses joues avaient pris une jolie teinte pourpre en se rendant compte que ma bouche était sur la sienne, quelques secondes auparavant.
- Tu as seulement fait un malaise bien flippant après que le crétin blond ait appuyé son gros pied sur ton petit corps fragile un peu trop fort ! l'informa Katsuro d'un ton docte, Mais ne te fais pas de bile, on s'est occupé de son cas !
Maël resta quelques instants interdit devant l'explication fumeuse de Katsuro, et enfin ses yeux s'allumèrent de telle sorte que j'eus presque l'impression qu'une ampoule brillait au dessus de sa tête, comme dans un cartoon.
- Je... Merci, balbutia-t-il en plantant ses iris– magnifiques venais-je de remarquer – dans les miens.
Je fus étonnée d'y voir tant d'innocence. Il n'avait donc jamais rien vécu pour paraître si pur ? C'était à la fois reposant, et assez énervant. J'eus presque envie de le secouer pour le sortir de son monde de bisounours.
- Ce fut un plaisir, annonçai-je d'un ton froid en me relevant, Est-ce que tu es capable de rentrer chez toi avec l'aide de ta sur, ou on doit t'accompagner ?
Il me sourit doucement et m'indiqua qu'il pouvait se débrouiller seul, tout en me remerciant encore une fois. Comment un garçon pareil pouvait-il exister ? N'importe qui se serait vexé à l'entente du ton désagréable que j'avais utilisé inconsciemment, pour le faire réagir sans doute. Mais cela ne semblait avoir aucun effet sur lui.
- C'était cool de voir qu'il t'a attribué tout le mérite, grogna mon frère tandis que nous marchions vers notre maison.
Sans rebondir sur sa remarque boudeuse, je lui demandai s'il pourrait me trouver des informations sur cette fratrie que nous venions de sauver de justesse.
Après quelques secondes à pianoter sur son portable tout en continuant à marcher dans un silence total, il m'apprit que les deux métisses vivaient seuls avec leur mère, qui était infirmière. L'adolescente avait la particularité de multiplier les séjours à l'hopital depuis son plus jeune âge.
- Elle était casse-cou, c'est vrai, et il y a aussi pas mal de ses nombreuses frasques qui l'ont conduite là -bas, mais ce qui revient le plus souvent dans les rapports, ce sont des « crises » , développa Katsuro.
- Je m'en doutais... Continue. Qu'est-ce que tu as d'autre sur eux ?
Focalisé sur son écran, mon frère m'apprit qu'ils raflaient à eux deux presque tous les prix de la région dans énormément de disciplines.
- Maël a même égalisé le record du monde de la dictée de...
- Pas intéressant ! Quoi d'autre ? l'interrompis-je.
- Oh !
Alerte, je me retournai vers Katuro qui avait arrêté de marcher soudainement, les yeux exorbités.
- Ils s'appellent Baker ! Comme Joséphine Baker !
J'eus l'impression qu'on enfonçait un pieu dans mon cur. Mes pires craintes s'avéraient être réelles avec cette affirmation. Je regardai mon frère, hagarde, dans l'espoir vain qu'il démentisse.
- Quoi ? Pourquoi tu fais cette tête ? s'enquit-le lourdeau en face de moi.
- Amaël Baker, ça te rappelle rien ? C'était un des meilleurs amis de papa.
- Et alors ?
- C'est aussi le fils de Koffi Baker : l'homme qui a fait enfermé notre père, Katsu. lui rappelai-je d'un ton dur.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro