2 : Ouvrir les yeux sur ses amitiés
(13.10) à peu près rien (?)
JE T'AIME JSQ LA LUNEEEEEEE (-Clare)
...
Seulement une dizaine de jours qu'il n'avait pas vu Clare, et Justin n'arrêtait pas de penser au moment où il allait la retrouver tout à l'heure. Cette fille était devenue une vraie drogue pour lui, et s'il en fut effrayé le temps d'une seconde il remplaça vite cette pensée par l'excitation qu'il avait de la revoir. Chaque fois qu'il la voyait, il avait un véritable feu d'artifice qui éclatait dans son ventre. Elle était plus jolie chaque fois, plus intelligente chaque fois, plus surprenante chaque fois. Il n'arrêtait pas de tomber amoureux de Clare, encore et encore.
-Enfin prêt, ou monsieur a besoin d'encore vingt minutes pour arranger son faciès déjà pas très ouf ? retentit une voix sarcastique à la porte.
-C'est gentil de proposer mais ça ira, dit Justin en se retournant.
Il s'immobilisa et porta ses doigts à sa bouche pour la siffler, tel un gars des rues. Elo était moulée de haut en bas dans une jolie robe noire en laine à col roulé, agrémentée d'une grosse ceinture marron et de cuissardes claires en daim. Sa bouche était relevée avec un rouge à lèvres prune et elle portait des créoles en or qui brillaient chaque fois qu'elle tournait la tête.
-Waouh, depuis quand t'es belle toi ? commenta-t-il avec sarcasme.
-Depuis que je fais mes fringues moi-même. T'aimes ? questionna-elle.
Même si son ton détaché ne laissait rien paraître, Justin la connaissait par cœur et savait que son avis était très important pour elle. De manière générale, Elo ne montrait jamais quand quelque chose comptait vraiment pour elle. Elle se contenait de le suggérer avec un regard, un geste. Pas de mots. Trop compliqué, les mots.
-C'est canon. Fin', ma sœur l'est encore plus mais le bout de tissu est pas mal, dit-il avec un sourire moqueur.
Elo sourit, puis détourna le regard. Justin n'insista pas sur le vêtement, car il savait qu'Elo rêvait depuis petite de créer sa propre collection. Cependant, elle n'avait pas réussi à trouver de stage et, dans moins d'un mois, elle serait forcée de changer d'école si elle ne se dépêchait pas. Ces pensées n'étant pas très agréables, et il voulait éviter de lui gâcher la soirée avant même qu'elle ne commence.
-Dans ce cas, on y va, déclara Elo en disparaissant dans l'escalier.
Justin enfila sa veste en cuir et éteignit les lumières avant de quitter de la chambre à son tour.
-Vous sortez ? résonna la voix de leur mère de la cuisine alors qu'Elo était en train d'ouvrir la porte d'entrée.
-Maman, on t'a déjà prévenue que le samedi soir on était rarement là, dis-je alors qu'elle nous rejoint dans l'entrée, un torchon dans les mains.
Elle nous regarde avec un regard triste et pose une main sur ma joue, un sourire nostalgique aux lèvres.
-Qu'est-ce que vous êtes grands, dit-elle alors.
Je sens Elo se tendre à côté de moi. J'ai toujours été plus à l'aise qu'elle pour exprimer mes sentiments, et pour donner de l'amour. Du coup, je suis aussi plus apte à le recevoir. Elo, quant à elle, n'a jamais été douée pour ça malgré tous ses efforts.
-Prends bien soin de ta sœur, dit alors ma mère en reculant d'un pas.
-T'en fais pas pour ça, son Léo d'amour est là aussi, dis-je d'un ton moqueur en serrant la main de ma mère dans la mienne.
Elle a l'air crevée ces temps-ci, et sa main est si frêle dans la mienne que j'ai presque peur de lui casser un doigt. Je me demande le temps d'un instant si elle mange assez, si elle dort assez. Si elle prend soin d'elle autant qu'elle essaye de prendre soin de nous, des fois.
-Justement, dit-elle avec un sourire. Ça ne rassure pas trop une maman de savoir que sa fille est avec un garçon.
-Si tu t'inquiètes pour le sexe, t'en fais pas : ils l'ont déjà fait, déclaré-je avec un grand sourire.
Elo est cramoisie.
Et oui la ptite, tu croyais que je ne voyais pas Léo entrer en douce par la porte de la cuisine lorsque les parents étaient en dîner d'affaires ? Pire : que je ne vous entendais pas faire des bruits si glauques que je devais en mettre mes écouteurs ?
-Je vais te tuer, murmure-t-elle si bas que je suis le seul à avoir entendu.
-Vous faîtes ce que vous voulez avec vos petits-amis et petites-amies, déclare ma mère, rouge elle aussi. Mais par pitié, protégez-vous. Je n'ai pas encore l'âge d'être mamie.
Je pense soudainement à Noam, que je n'ai pas revu depuis deux semaines. Il est resté cloîtré chez lui, prétextant devant les gars une maladie contagieuse. Bien sûr, je n'ai rien dit à Arthur et Fran. Noam gère tout ce merdier comme il se souhaite, et je ne compte pas le lui enlever. Après tout, c'est la seule chose qu'il peut encore contrôler.
-Bonne soirée, me glisse ma mère quand je la serre dans mes bras.
-Surtout toi.
Elle se recule et me lance un sourire empreint d'une tristesse infinie avant de s'approcher d'Elo. Maladroite, celle-ci tente un câlin, mais sans grand résultat. Ensuite, Elo et moi quittons la maison et nous glissons dans la voiture.
-Tu trouves pas qu'elle a l'air fatiguée ? demandé-je en ajustant les rétroviseurs.
-Qui ça ? demande distraitement Elo, déjà accoudée à la portière et le regard rivé sur le paysage.
-Maman, idiote.
Elo marque une pause comme si elle y réfléchissait, puis se contente de répondre :
-Hum.
Ça, c'est le signal pour couper la conversation. Et, puisque je n'ai pas envie de m'engueuler ce soir, je décide de prendre sur moi, et je me réduis à monter le son de la radio. Elo chantonne chaque chanson qui passe -elle connaît toutes les paroles par cœur, c'est dingue- tandis que je me concentre sur la route, le joli visage de Clare partout dans ma tête. Je sais qu'une fois qu'elle sera contre moi, tout ira mieux.
-J'savais pas que c'était ici, dis-je en me garant à l'adresse indiquée par le GPS.
Devant moi se trouve l'immeuble parisien dans lequel je m'étais engueulée très fort avec Clare, l'année dernière. Elle avait fini en pleurs dans la chambre avec Elo, et j'ai cru que j'étais sur le point de la perdre. C'était l'une des soirées les plus pénibles de ma vie.
-Moi non plus, murmure Elo.
Vu son ton, cette soirée n'a pas du être de tout repos pour elle aussi.
Après avoir décliné nos identités dans l'interphone, la porte automatique s'ouvre dans un grésillement et nous nous engouffrons dans l'ascenseur en silence. Un petit 'ding' les informa qu'ils étaient arrivés, et ils marchèrent jusqu'au cent-douze, tous les deux sur la réserve. Les amis parisiens de Clare vivaient dans un monde spécial, et certains semblaient être déconnectés de la réalité.
Comme cet imbécile de...
-Salut salut !
... Sofiane.
Immense sourire de connard, fossettes de connard, yeux sombres de connard, cheveux frisés de connard : aucun doute, c'était bien lui qui était en train de faire semblant d'être heureux de les voir.
-Salut, dit froidement Justin.
Elo posa gentiment sa main sur son bras, comme pour lui intimer de se détendre. Justin prit une grande respiration intérieure, juste pour se retenir de ne pas donner deux ou trois claques à ce gars.
-Waouh, Elo ! T'as mis le paquet, dit alors le brun avec un clin d'œil charmeur.
Ma meuf, et maintenant ma sœur ? Non mais je rêve ! pensa Justin, les dents serrées.
-Trop sympa, dit Elo avec un sourire que Justin connaissait très bien.
Il signifiait : 'je souris pour être polie mais je ne t'aime pas'. Justin n'avait jamais été aussi heureux d'être aux côtés de sa petite sœur.
-Bon, Léo doit m'attendre, ajouta-elle en se glissant à l'intérieur.
Justin se retrouva donc face à Sofiane, et un silence pesant s'installa dès qu'Elo eut disparu au bout du couloir et qu'ils n'avaient tous deux plus rien sur lequel se concentrer. La musique retentissait dans l'appartement et la fête semblait y battre son plein, et voilà qu'ils restaient dans l'entrée sans rien dire.
-Par contre ça n'a pas l'air d'aller, toi, dit alors Sofiane d'un air compatissant. Un problème, vieux ?
Le 'vieux' eut une envie irrépressible de lui coller une droite bien placée. Comment Clare pouvait-elle supporter cet idiot manipulateur au sourire hypocrite et aux manières insupportables ?
-T'en fais pas, tout va très bien quand je retrouve ma copine, dit-il en insistant bien sur le dernier mot. D'ailleurs, je vais la rejoindre. À plus, vieux.
Justin se félicita mentalement d'avoir eu autant de répartie et rejoint la pièce principale, qui était toujours aussi grande et moderne. Les immenses fenêtres qui donnaient sur l'immense balcon avaient été décorées avec des guirlandes de lumière, et la pièce était remplie de nourriture de tous les côtés.
Il regarda plusieurs fois autour de lui, mais Clare ne semblait pas être dans les parages. Un sourire se dessinait progressivement sur son visage alors qu'il la cherchait un peu partout, simplement heureux à l'idée de la retrouver. Il jeta un coup d'œil sur les canapés, sur le balcon, et même dans la cuisine mais il n'y trouva qu'Inaya et Gab -le seul pote masculin de Clare plutôt acceptable- qui remplissaient des bols de gâteaux apéros.
-Hé, salut ! dit Inaya en le voyant entrer.
-T'es venu nous filer un coup de main, trop gentil, dit alors Gab en lui donnant deux petites claques sur la joue.
Évidemment, ce geste n'était pas innocent : Justin avait maintenant de la sauce Bénédicta étalée sur la joue. Sourire aux lèvres, il s'essuya avec le premier bout de tissu qu'il trouva.
-C'est mon sweat, ducon ! s'exclama Gab en le voyant.
Justin et Inaya éclatèrent de rire avant qu'elle ne lui tende un sopalin pour arranger ses bêtises.
-Vous n'auriez pas vu Clare, par hasard ? demanda alors le brun.
-Non, et c'est bien dommage, dit Inaya en ouvrant un nouveau paquet de chips. Elle nous as forcés à acheter des...
-T'étais même pas là toi, laisse-moi raconter ! la coupa Gab. Donc elle nous as obligés à acheter des concombres et des tomates pour, je cite 'rendre l'apéritif un peu plus healthy', et maintenant on se retrouve comme des cons à devoir tout couper sans elle.
Amusé, Justin décida de les aider et passa vingt bonnes minutes à éplucher et préparer tous les légumes choisis par Clare. Il se sentait en quelque sorte responsable de ce qu'elle pouvait faire, comme si les actions de la jeune femme était aussi les siennes.
Après avoir joué au parfait commis de cuisine, Justin se lava les mains et partit véritablement à la recherche de Clare. Il fit encore le tour du salon deux fois, mais n'arriva qu'à trouver Sofiane qui charmait une malheureuse à côté de la cheminée et Elo et Léo qui enchaînaient fou rire sur fou rire près du buffet. Justin arpenta alors l'appartement, qui était encore plus grand que ce qu'il croyait.
Comment est-ce qu'un gars de dix-huit piges peut-il se payer ça ? pensa-il, un peu jaloux dans le fond.
Il regarda dans une chambre et une salle de bain, mais elles étaient vides. Il attendit même quelques minutes devant les toilettes, espérant de façon débile qu'elle était peut-être à l'intérieur. Mais lorsqu'il tomba nez à nez avec un couple visiblement débraillé qui quittait les chiottes, il se trouva vraiment découragée. Clare était ici, puisque ses amis l'avaient vue en début de soirée. Alors pourquoi est-ce qu'elle était introuvable ? Était-elle partie sans le prévenir ?
Alors qu'il avait tout simplement une furieuse envie de rentrer chez lui et de dormir jusqu'à la fin de la semaine, Justin aperçut enfin Clare, qui rentrait dans l'appartement par la porte d'entrée en riant aux éclats.
Un grand sourire illumina le visage du garçon... jusqu'à ce qu'il aperçoive Arthur derrière elle. Le brun avait même poussé l'audace jusqu'à poser une main sur l'épaule de la jeune femme.
C'est une blague ?!
-Justin ! dit Clare en s'approchant de lui, visiblement très heureuse de le voir.
La jeune femme le prit dans ses bras et l'embrassa chastement, son parfum à la rose montant délicieusement aux narines de son copain. C'était si bon de la retrouver.
-Justin ! s'exclama Arthur à son tour en imitant la blonde d'une voix exagérée.
Les lèvres de Clare quittèrent aussitôt celles de Justin, et elle pinça le bras d'Arthur en se défendant :
-Je n'ai pas du tout cette voix !
-Euh, bien sûr que si, dit le brun en se moquant d'elle.
Justin les regarda se chamailler sous ses yeux, comme un vieux couple ; vieux couple qui était en train de lui tordre le cœur dans tous les sens.
-Vous étiez où ? demanda-il alors en leur coupant la parole à tous les deux.
-On discutait sur le palier, dit gentiment Clare.
-Ouais, on parlait d'animaux. Est-ce que tu savais que le rêve de cette folasse c'est d'avoir un chat ? Genre, qui préfère les chats aux chiens sur cette planète ? ironisa Arthur.
Et voilà, c'était reparti.
Justin était si excédé qu'il s'éclipsa et se dirigea jusqu'au buffet, où il avala deux shots d'une traite. Même pas une heure qu'il était là et cette soirée s'était déjà transformée en cauchemar, quel enfer.
-J'sais pas si tu comptes te bourrer la gueule mais ça c'est de l'eau, du coup.
Justin jeta un regard méprisant à la fille qui venait de lui adresser la parole. Il mit quelques secondes à reconnaître la blonde qui avait pris sa place sur la banquette du bar, l'autre soir.
-V-o-d-k-a, épela Justin en brandissant la bouteille sous les yeux de la blonde. T'as sauté le CP ?
-Pas totalement, je me suis pas fait le professeur.
Justin reposa la bouteille en retenant un rire. Même si elle était assez chiante et qu'elle lui prenait sa place sur la banquette au bar, il fallait reconnaître qu'elle était assez drôle.
-Donc c'est de l'eau, ton bail, ajouta-t-elle en lui fourrant dans les mains une autre bouteille.
Il approcha la bouteille de ses yeux pour mieux lire l'étiquette.
-De l'eau de vie ? lut-il alors.
-Bien joué, champion.
-Désolé d'avoir du mal à lire, c'est un peu écrit en russe, dit-il en plissant les yeux.
-C'est parce que je l'ai achetée en Pologne, quand je suis allée voir mes grands-parents. Ils savent faire la fête, là-bas.
Son sourire n'avait rien d'innocent, et Justin détourna le regard sur la bouteille qu'il dévissa en un rien de temps pour remplir deux verres.
-Dans ce cas, à la tienne, dit-il alors en lui tendant un shot.
Elle cogna son verre contre le sien et le but en même temps que lui. Pour le coup, elle n'avait pas blagué : son alcool était si fort que la langue de Justin se mit aussitôt à le brûler.
-C'est affreux ton truc ! s'écria-il, lui qui tenait pourtant très bien l'alcool.
-C'est du pipi de chat, ça ! J'ai déjà bu deux fois pire, je t'assure qu'en un verre j'étais déjà allongée sur le sol en train de réciter mes dernières volontés.
Justin se mit à rire, et n'aperçut pas Clare se planter devant eux en fronçant les sourcils.
-Vous vous amusez bien dis donc, dit-elle en essayant d'avoir l'air la plus détendue possible. Amanda, c'est ça ? ajouta-elle, les yeux désormais posés sur la blonde d'un air inquisiteur.
Celle-ci, toujours en face du garçon, hocha la tête et répliqua d'un air moqueur :
-Super, je suis famous.
Justin remarqua que Clare était agacée par la blonde, et bêtement, il sentit son cœur se réchauffer un peu. Peut-être qu'elle comprenait un peu mieux ce qu'il ressentait depuis le début de la soirée, maintenant.
-Ouais, super, dit alors la blonde d'un ton expéditif. On y va ? demanda-elle en se tournant vers Justin. Je voudrais rentrer.
-Déjà ?
-Oui, dit-elle de façon claire, nette et précise. Il y a trop de monde, je crois que certaines personnes qui n'étaient même pas invitées se sont rajoutées.
Sa pique était très clairement dirigée contre Amanda, qui arqua un sourcil en rétorquant :
-C'est Léo qui m'a invitée, en fait.
-Je ne parlais pas de toi ; mais attends, tu t'es sentie visée ? répliqua Clare d'un ton si sec qu'il cloua aussitôt le bec de la blonde.
Justin ne l'avait jamais vue comme ça. La Clare douce et inoffensive qu'il connaissait était gentille, calme et réservée. Elle prenait sur elle quand quelque chose l'énervait, et quand elle n'en pouvait vraiment plus elle craquait et se mettait à pleurer dans son lit, pas en étant agressive avec une inconnue.
-Ok, on y va, déclara Justin avant que les dommages collatéraux n'empirent.
-Je vais chercher mon sac, annonça Clare en s'éloignant dans le couloir, non sans avoir jeté un dernier regard peu amical à Amanda.
-Dommage ; on s'amusait bien, dit alors la blonde une fois que Clare avait bel et bien disparu.
-Ouais. Une autre fois, peut-être.
-Avec plaisir.
Elle ponctua sa phrase d'un clin d'œil, que Justin ne lui rendit pas. Il se contenta d'un minuscule sourire empli d'embarras avant de rejoindre Clare, qui l'attendait dans l'entrée.
-Elo dort chez Léo, pas besoin de la ramener, annonça-elle quand il arriva à sa hauteur.
-D'accord.
Ils quittèrent l'appartement dans un silence pesant, et ce jusqu'à la voiture. Finalement, quand Clare boucla sa ceinture, Justin décida de craquer le premier.
-Bon, qu'est-ce que t'as ? Tu fais la gueule ?
La blonde secoua la tête sans même le regarder.
Quelle tête de mule ; pas étonnant qu'elle soit comme cul et chemise avec Elo, pensa-t-il non sans esquisser un sourire.
Justin décida d'y aller franco et de faire le mec macho pour la réveiller, ce qui n'y manqua pas.
-Alors quoi, t'as tes règles ? dit-il en arquant un sourcil.
-Sexiste ! le gronda-elle avec son regard le plus sévère. En plus j'ai pas mes règles, si tu veux vraiment le savoir. Elles sont finies depuis mardi.
-Merci pour cette précision.
Les joues de la blonde s'empourprèrent, comme chaque fois qu'elle parlait sans réfléchir et qu'elle disait quelque chose qu'elle jugeait idiot. Pourtant, Justin adorait lorsqu'elle faisait cela. Sa bouille lorsqu'elle était gênée était tout simplement adorable.
-Je... J'ai pas... Oh, tu m'énerves, dit-elle en croisant les bras.
Justin se mit à sourire malgré lui et attrapa ses mains, qui était aussi froide que d'habitude. Si Justin avait naturellement le corps chaud, Clare était toujours glacée comme un iceberg. Son plaisir le plus coupable était d'emmêler ses jambes froides à celle de son copain pour se réchauffer, plaisir coupable que le jeune homme appréciait moyennement. Il joua avec quelques secondes puis déposa un bisou sur le haut de ses mains avant de dire :
-Alors quoi, on se fait la gueule toute la soirée ?
-C'était le plan, oui.
Justin poussa un soupir et s'enfonça dans son siège.
Et c'est parti, pensa-t-il.
-Je t'ai cherché pendant une heure, et quand je tombe enfin sur toi tu es avec Amanda ! dit Clare calmement mais d'une voix suintante d'agressivité. Je trouve pas ça super cool de ta part.
-T'es gonflée ! s'exclama Justin. Je t'ai cherchée partout comme le plus gros des idiots, et j'ai fait le chaperon pendant que tu taquinais avec Arthur juste sous mes yeux !
-J'ai plus le droit de parler à tes potes, maintenant ? rétorqua la blonde en croisant les bras.
-C'est ton ex, Clare, corrigea-il en lui décochant un regard sévère.
-C'était d'abord ton pote.
Justin la fusilla du regard, et la blonde poussa un petit soupir sans insister sur le sujet. De toute façon, elle savait parfaitement que sur ce point, elle avait tord.
-Depuis quand vous vous reparlez, d'ailleurs ? demanda Justin, soudainement très agacé par ce renouveau dans leur relation.
-Moins d'un mois si tu veux tout savoir, dit la blonde, les yeux plissés. On est amis maintenant, ok ? Rien de plus.
-Encore heureux, grommela Justin en prenant un air boudeur.
Il y eut un léger silence pendant lequel les deux étaient en train de réfléchir à leurs futurs arguments, puis d'un seul coup ils commencèrent à parler en même temps. Ils s'interrompirent en même temps, puis Justin déclara :
-C'est bon, toi d'abord.
Clare ne se fit pas prier.
-Tu avais dit que tu serais là à vingt heures, et je t'ai attendu. J'ai poireauté pendant une heure, jusqu'à ce que je croise Arthur. On a juste commencé à discuter sur le palier, et j'ai pas vu le temps passer. Et quand je t'ai trouvé, t'es parti je sais pas où fricoter avec Amanda !
-Je 'fricotais' pas, remarqua Justin sans pouvoir retenir un sourire.
-Ça te fait rire ?! s'exclama Clare, les yeux écarquillés.
-Fricoter, Clare ! Même mon arrière grand-mère ne dit plus ça !
-Elle n'est pas censée être morte ? questionna Clare, ses sourcils froncés lui donnant un air adorable.
-Si. Elle le dit encore moins qu'avant, du coup.
La blonde roula des yeux, un sourire se frayant un chemin sur son visage.
-Tu es fort à ce jeu, mais je ne craquerai pas, dit-elle alors en croisant fermement les bras. Au-delà de traîner avec cette fille qui te drague comme pas possible alors que je suis dans les parages -arrête de sourire !- tu pourrais au moins être respectueux envers Elo. C'était son amie l'année dernière, et elle l'a laissée tomber pour une raison débile.
-Je savais même pas qu'elles se connaissaient, répondit Justin.
-Bah oui, tu vois.
Il y eut un nouveau silence, mais Justin se prit à bien aimer ce répit. Il regardait Clare en souriant, attendri.
-Espèce de petite jalouse, dit-il alors en lui pinçant la joue.
-Je suis pas jalouse, rétorqua Clare sur un ton dédaigneux en écartant sa main.
-Mais oui.
Ils se regardèrent tous les deux en souriant, puis Justin proposa :
-On n'a qu'à faire un pacte. Je tiens mes distances avec Amanda, et tu ne t'approches plus de Sofiane.
Un pli barra le front lisse de la blonde, visiblement contrariée.
-Je peux pas faire ça, dit-elle tout bas.
-Pourquoi ? répliqua Justin, agacé. Il arrête pas de te draguer, lui aussi !
-Je t'en prie ! On est juste amis. Depuis qu'il a essayé de m'embrasser, j'ai mis mes...
-Attends, quoi ? la coupa Justin d'un ton bourru. Depuis qu'il a quoi ?
Clare se mordit la lèvre. Visiblement, c'était sorti tout seul.
-Tu plaisantes j'espère ?! rugit Justin.
-Je savais que tu réagirais comme ça, dit-elle en gesticulant. C'était rien, ok ? Il a juste essayé de m'embrasser, je l'ai repoussé, et il m'a dit qu'il n'y avait aucun problème et puis basta, punto.
-Il a 'juste' essayé de t'embrasser ?! 'Juste' ?! dit Justin, devenu rouge de colère.
Il était complètement hors de lui. Et dire qu'au début de la soirée il avait une fois de plus pris sur lui, et avait été cordial avec ce connard. Il aurait bien mérité une ou deux droites pour se remettre les idées en place.
-C'était y'a longtemps, il a tourné la page ! se défendit Clare.
-Ah bon, quand ça ?
Clare se recroquevilla sur son siège, et Justin sut aussitôt que la réponse n'allait pas lui plaire.
-Combien de temps, Clare ? demanda le brun d'un air sévère comme lorsqu'on tente de faire avouer une bêtise à un enfant.
-Avant l'été, dit-elle dans un murmure.
Quelque chose explosa à l'intérieur de Justin. Peut-être sa colère, peut-être son estime de Clare, peut-être son cœur, il n'en avait aucune idée. Tout ce qu'il savait, c'est qu'il allait bientôt devoir frapper dans quelque chose s'il ne voulait pas se mettre à tout casser.
Il ouvrit aussitôt la portière et quitta l'habitacle de la voiture, la rage le consumant comme une flamme. Clare, sous le choc, mit quelques secondes à réaliser et se précipita hors de la voiture pour le suivre.
-Réagis pas comme ça ! dit Clare d'une voix désespérée, presque implorante. Je ne voulais pas te faire de peine, c'est pour ça que je ne te l'ai pas dit.
-Tu sais ce qui me gonfle le plus, là ?! s'exclama Justin en se retournant vers elle. Ce n'est pas que ce triple imbécile de mes couilles ait essayé de t'embrasser, ou que tu aies continué de traîner avec lui même après tout ça. Ce qui me fait totalement sortir de mes gonds, c'est que tu n'as même pas eu l'honnêteté de me le dire.
-C'était totalement inutile de te le dire, dit Clare, les yeux maintenant humides. Regarde, ça te fait juste mal.
-Ça me fait mal parce que tu me l'as pas dit, putain ! Et ça veut dire quoi, hein ? T'avais peur que je t'empêche de le voir ? Et si c'est le cas, pourquoi est-ce que ça te dérangerais de ne plus le voir ?!
Clare n'avait plus de mots. Elle était là, plantée face au brun, minuscule dans sa grosse veste en fourrure. Elle sentait qu'elle allait bientôt pleurer si Justin ne se calmait pas. Elle n'avait jamais su rester de marbre quand il était en colère contre elle.
-Je voulais pas créer de disputes dans mon groupe d'amis, dit-elle alors tout bas. J'ai pas envie de... Je... Je veux pas qu'ils me rejettent.
Justin écarquilla les yeux, se passa une main dans les cheveux puis soupira. Pourquoi est-ce qu'en une phrase elle arrivait à déconnecter les bons fils pour empêcher la bombe qu'était devenue son copain d'exploser ?
-Ils vont pas te rejeter parce que tu veux plus traîner avec Sofiane, répondit Justin en fronçant les sourcils, les mains dans les poches.
-Mais j'en sais rien, moi ! Je suis pas comme toi, moi, dit-elle alors en baissant les yeux sur ses chaussures. J'ai toujours été en binôme avec Elo et c'est la première fois que je me fais d'autres amis. J'essaye de lâcher prise avec eux un peu plus tous les jours, d'oser dire tout ce que je pense et de ne pas avoir l'impression qu'ils vont forcément me laisser tomber au moindre faux pas mais c'est difficile, ok ?
Justin affronta son regard une minute, puis murmura :
-Viens.
La blonde n'attendit pas une seconde de plus et se blottit contre lui, la tête dans son cou. L'un contre l'autre, ils étaient enfin en paix.
-Je parie que s'ils voyaient entièrement qui tu étais, ils t'aimeraient encore plus, murmura alors Justin sans pouvoir se retenir de la rassurer.
-Je suis pas sûre, dit-elle d'une petite voix.
Elle se recula un peu, le regarda dans les yeux puis déposa ses lèvres sur les siennes. Ils s'embrassèrent avec ferveur quelques instants, puis Justin attrapa ses doigts gelés puis l'entraîna de nouveau jusqu'à la voiture pour la forcer à se réchauffer. Une fois à l'intérieur, elle déclara d'une voix ferme :
-J'ai compris le message. Plus de Sofiane dans ma vie.
-C'est pas ce que je te demande, dit-il en secouant la tête. Ce que je te demande, c'est de prendre suffisamment tes distances avec lui pour qu'il comprenne véritablement qu'il n'a aucune chance. Parce que vu son attitude, il a encore l'air de croire qu'il lui reste de l'espoir.
Clare hocha vigoureusement la tête, visiblement prête à tout pour se faire pardonner.
-Par contre, évite de le laisser te raccompagner chez toi ou de t'isoler avec lui. Si tu as besoin d'un chauffeur, je veux bien venir jusqu'ici où te payer un taxi.
Clare, attendrie, se pencha pour poser sa tête sur son épaule. Le brun se laissa aller contre elle et posa une main protectrice sur sa cuisse, un peu apaisé.
-Je t'aime, murmura-elle.
Justin se contenta d'un moi aussi, mais en réalité c'était bien plus que ça.
Il l'aimait depuis toujours, et il sentait au fond de lui qu'il allait l'aimer jusqu'à la fin de ses jours. Son amour pour elle comme repère dans la tourmente qu'est la vie, un repère fixe qui serait là du début à la fin pour lui rappeler qu'aux côtés de la blonde, il avait été l'homme le plus heureux du monde.
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