Mistral, d'humeur taquine, décoiffait les passants de son souffle tempétueux, dérobant les chapeaux ; concurrençant gel, cire, laque, et autres potions pour tenir chignons et houppettes. Certains prenaient le risque de s'y confronter par souci de ré-insuffler à leurs jambes un soupçon de vigueur et de jeunesse: on sautait dans les flaques, s'enfonçait dans la boue ; on s'inventait chevalier un bâton dans la main ou joueur de foot d'un coup de pied dans un tas de feuilles, tandis que des cyborgs en uniforme couraient après Mistral, réparant ses bêtises d'un mouvement de leur bras robotique, au bout duquel un trou béant soufflait en sens contraire.
« Adieu les beaux jours ! » constata une chevelure dont quelques mèches rousses laissaient encore deviner un passé fauve, tarit par les années, les convictions et les projets déçus, et qui se résignaient à un hiver polaire, des photos plein les poches et le porte-feuille : si certaines étaient en couleur, seules quelques unes en noir et blanc avaient le privilège de la pochette en cuir, qui les conservaient aussi jalousement que l'arbre de vie et sa devise républicaine, Marianne ou encore la semeuse.