Blanche-Neige
Le 22 mai 1533, les cloches des églises luthériennes du compté de Waldeck tintent pour la naissance d'une petite fille, née le matin même, à la pointe du jour.
La jeune accouchée, encore faible, ordonne qu'on ouvre la fenêtre de la chambre parentale de la maison Waldeck, dans laquelle elle vient de donner la vie.
En ce mois de mai, on étouffe déjà comme au plus fort de l'été.
Elle écoute le carillonnement des cloches célébrer le fruit de son travail, célébrer la nouvelle née.
Et elle pleure: elle pleure de ne pas avoir pu donner à Philippe un héritier.
Elle pleure d'avoir mis, en plus, au monde une fille dont la constitution chétive et la pâleur ne présage rien de bon.
Elle pleure parce qu'elle sait que ce premier enfant sera aussi le dernier: elle sent ses derrières forces s'épuiser.
La mourante mande son époux.
« -Marguerite, ma chérie, comment vous sentez-vous ? S'enquiert celui-ci en entrant.»
Marguerite ne répond pas. C'est inutile: ses yeux ont perdu leur éclat ; son teint cadavérique promet un dénouement funeste.
Le visage de Philippe est bientôt baigné de larmes. Il n'a jamais pleuré avant ce jour. « Un homme ne pleure pas », lui a-t-on enseigné. Mais, en cet instant, plus rien n'a d'importance mis à part sa femme.
Marguerite l'invite d'un infime signe de la main à s'approcher. Il s'empresse de lui obéir.
« - Ne pleurez pas, je vous en prie, parvient-elle a articuler contre l'oreille de son mari.
-Comment ne pas pleurer tandis que de par votre silence je comprends que vous me quittez sous peu ! »
Elle lui sourit.
« - Comme j'aurais aimez être la femme qui vous donne un fils ! avoue-t-elle dans un souffle.
- Ne dites pas cela, voyons ! la gronde-t-il gentiment. Vous m'offrez une fille qui hérite de votre beauté...
- Cette petite ?! Quelle pâleur ! s'exclame-t-elle attristée. Je crains qu'elle ne me rejoigne très vite auprès de Dieu ! »
Philippe ne relève pas. Il le craint également: la pâleur de sa fille égale la blancheur de la neige.
Paradoxalement, des lèvres rouges sang trônent sur son visage exsangue tandis qu'on devine quelques cheveux couleur d'ébène à la cime de son crâne.
« - Pourrais-je la voir ? demande la mourante, tirant son époux de ses réflexions. »
Mais ce sont là ses ultimes paroles.
Ainsi, en ce 22 mai 1533, une Marguerite de Waldeck s'éteint tandis qu'une autre naît.
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