Un père
Bonjour à tous ! J'espère que vous allez bien !
Voilà un nouveau chapitre de Jusqu'aux Etoiles, confectionné avec soin et attention (et temps, surtout, mais cela en valait vraiment la peine :D)
N'hésitez pas à donner vos impressions et commentaires ! Je suis ravie d'en prendre connaissance !
Bonne lecture !
★
Tordu sur sa chaise, Link réfléchissait comme une locomotive.
Qu'aurais-je fait si tu étais resté à mes côtés ?
Que serais-je devenu, si tu m'avais vu grandir ?
Il n'arrivait plus à s'arrêter. Assis devant son bureau de chêne, il taillait, couche après couche, une statuette de son père, sans parvenir à en saisir les détails. Comme s'il lui échappait ; comme s'il ne parvenait plus à saisir la finesse de son caractère.
Je ne serais pas le même, conclut-il dans un coup de lame sec.
Il cherchait l'inspiration dans les traits fins du bois, les lignes fines et ordonnées, les lambeaux qui glissaient en rouleaux délicats le long de sa lame.
Les copeaux s'entassaient sur sa table avec douceur, comme des cheveux coupés par un coiffeur expérimenté.
Il appréhendait la suite des événements. Et maintenant ? Que va-t-il se passer ?
Tout se déroulait comme un puzzle mis en place avec précision et logique, un tapis se déployant avec lenteur, motif après motif, jusqu'à tisser une mosaïque propre et inégale.
Link n'avait pas parlé de la lettre à Zelda. Il ne voulait pas la mettre au courant de ce terrible présage.
Si Ghirahim était revenu, c'était pour lui, et lui seul.
Il ne pouvait pas y aller seul, cependant.
Tandis qu'il se rongeait les ongles, un plan se construisait dans son esprit. Il avait décidé d'éliminer Zelda du tableau, et tout Célesbourg, d'ailleurs : il était inconcevable de les mettre en danger, dans un combat qui ne les concernait pas. En revanche, il comptait sur les Gorons pour l'aider.
Quant à son père...
Le lien du cœur n'était pas un fil facile à tisser, et le plus difficile était de le maintenir. La colère, la déception, l'abattement, la rancœur, tout cela le rendait plus friable encore, comme une soie tissée par une araignée précautionneuse. Il n'était qu'un pont qui pouvait tanguer, se retourner, se briser planche après planche sous les assauts des émotions contraires, des croyances, des préjugés, des projections sur l'autre.
Le père de Link avait choisi la terre. L'accident de célestrier n'était qu'un prétexte ; en réalité, il avait tenté de reconstruire son royaume. Link lui en avait voulu pendant des années. Comment pouvait-on laisser son enfant seul, sans soutiens, au beau milieu d'une île flottante qui n'était décrite que dans les légendes ?
Et il lui en voulait encore.
De ne pas avoir été un père.
De ne pas avoir été un soutien.
De l'avoir laissé là.
En plan.
Seul.
Père.
Père ?
Père...
Rien ne vint.
Rien ne venait jamais.
Il avait voulu dire la vérité à Zelda, mais avouer l'absence terrifiante de son père était trop difficile. En vérité, il n'avait plus pris contact depuis des années.
Par colère.
Par rancune.
Par honte de ressentir tout cela à la fois.
Il reposa couteau, statuette, et se prit la tête entre les mains, terrifié de ne pas retrouver son contact. Terrifié de devoir partir seul, alors qu'il avait promis à Zelda de ne pas la laisser seule. Il reprochait l'absence de son père, mais il était sur le point de répéter un schéma, de laisser l'histoire se reproduire.
Par protection envers ceux qu'il aimait.
J'ai compris.
Il entra en posture méditative, sans savoir ce qu'il faisait vraiment. Se laissa guider par son intuition.
Il ramena ses pieds sous ses cuisses, souffla fort par les narines, et renversa la tête en arrière pour se laisser baigner par la lumière du soleil. Les poussières en suspension tournoyaient dans les rayons dorés, lui donnant l'impression d'être dans un curieux ballet hypnotique.
« Je suis en colère parce que tu m'as laissé, dit-il à la lumière en murmurant entre ses lèvres entrouvertes. Mais je te pardonne ; pas parce que tu mérites ce pardon, mais parce que moi, je mérite la paix. »
Il inspira et souffla fort par le nez, encore, et encore. Il puisa au plus profond de lui-même pour extraire ce chagrin et cette haine qu'il lui vouait en soufflant, en délogeant cette souffrance accumulée.
Tout cela ne partirait pas en une seule nuit, évidemment. C'était une étape, une marche vers quelque chose de meilleur.
Une réparation.
Une guérison intérieure.
Soudain, il perçut quelque chose. Un minuscule fil...
« Papa », émit-il à travers le lien ténu ; le mot fut aspiré comme dans un vent ascendant.
Il attendit, anxieux.
Le silence vrombrissait autour de lui comme un essaim de mouches. Il était curieux de constater à quel point l'absence de bruit pouvait être tonitruante.
Link attendit encore.
Ses pieds finirent par le démanger furieusement, comme rongés par des vers en colère. Le poids porté sur eux devenait trop lourd. Son dos, peu habitué à cette posture, fit protester ses lombaires, qui encerclèrent ses hanches, puis les ankylosèrent.
Patient, il attendit.
Il attendit encore...
Son regard se perdit dans le vague. Les contours se firent flous, presque indistincts. Il perdait la notion du temps, comme s'il se disloquait dans l'univers entier. Les poussières tournoyaient comme autant de caresses autour de lui, poudre incandescente dans la lumière du couchant.
Link ferma les paupières.
Déplia jambes, bras, dans un mouvement désordonné, fatigué d'être resté si longtemps dans la même posture.
Son père ne l'avait pas entendu.
Il n'aurait pas dû être étonné, pourtant une certaine tristesse s'emparait de lui à présent. Fatalité. Peut-être n'était-il pas destiné à le revoir. Peut-être avait-il ignoré son appel... un fils qui n'avait pas donné de nouvelles pendant des mois, des années, muré dans sa colère, pourquoi lui aurait-il répondu après tout ?
Peut-être avait-il eu peur.
Peut-être était-il mort.
Link sortit de sa connexion et se leva en faisant craquer son dos douloureux. Il se massa les tempes, essuya les larmes qui bordaient ses yeux et se laissa retomber sur le matelas.
Enfin, elles sortirent.
Il ferma les paupières et les laissa couler.
Son corps fut agité de soubresauts nerveux; il en allait ainsi quand il faisait face à une situation difficile ou de grands changements.
Sa relation avec Zelda, puis son absence, son rôle de Maître d'armes, Herenya, l'attaque au réfectoire, le royaume du Levant, Elfy, les Gorons, Ghirahim, et maintenant, son échec complet à contacter son propre père, par sa propre faute, tout cela fut trop pour lui.
Déborda comme une marmite.
Peur, angoisse, haine, culpabilité, honte, générèrent des torrents d'émotions contraires qui le délestèrent d'un fardeau bien trop lourd.
Il se rassit avec lenteur, épuisé d'avoir trop pleuré, et s'essuya les yeux des deux poings.
Une voix, lointaine, résonante, vibrante, éclata dans son cerveau.
« Link.
Heureux de t'entendre enfin. »
https://youtu.be/FtSLgU3aVuQ
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