A force d'avoir lu la prophétie, Link la connaissait par cœur. Il pouvait même la réciter :

« Deux haches ensemble brandies
Jamais ne fonderont l'Uni.
Mais deux être réunis
Pour en former un seul suffit.

Force, sagesse et courage
Qui brillent en deçà des nuages
Fraieront le chemin
De son destin.

Quand trois seront réunis
Une nouvelle ère commencera.
Les cieux et la terre
En tandem ouvriront la voie
Vers leur avenir longtemps occis
Par les démons d'autrefois. »

Pourtant, lorsqu'ils l'avaient lue pour la première fois sous la cascade, l'hypothèse de la Triforce avait été réfutée. En outre, les vers force, sagesse et courage avaient déjà été validés. Pourquoi, cette fois, la prophétie n'avait pas bronché ?

Étaient-ils tombés sur une fausse piste ?

Herenya avait-elle truffé la prophétie, la vraie ?

Le moment, capta Link subitement. Ce n'était pas le bon moment. La prophétie nous oriente.

Le sens a changé parce que nous avons progressé.

A présent que force, sagesse et courage brillaient d'un éclat plus vif, il sut que la direction à prendre était la bonne.

De toute manière, ils avaient besoin de l'aide des Gorons.

Darunia n'avait pas croisé sa route par hasard.

Tout semblait orchestré par une puissance qui les dépassaient. Celle de la Vie elle-même, celle qu'on ne parvient pas à saisir. C'était plus puissant qu'Hylia ; c'était... le destin.

« Mon cher Link, tu as l'air très inspiré, nota Zelda tandis qu'ils empaquetaient leurs affaires.

— Euh, oui. Je repensais à la prophétie et à la Triforce.

— Pourquoi elle s'est rallumée, hein ? » Zelda renifla. « Ma mère et ses prophéties... On dirait qu'elle cherche à nous perdre.

— Je ne crois pas. Nous devons vivre des épreuves afin de comprendre pourquoi certaines choses étaient nécessaires.

— Si tu le dis...

— Tu n'y crois pas, hein ?

— Peu importe. Je n'aime pas la direction dans laquelle ma mère nous emmène. Elle n'a même pas daigné me contacter.

— Peut-être que c'était nécessaire, avança posément Link.

— Ou peut-être pas, génie. »

L'amertume de Zelda imprégnait l'atmosphère. C'était comme un court-bouillon où l'odeur de poisson subsisterait sans qu'on ne parvînt à l'enlever.

Elle n'avait pas aimé l'enlèvement de son bien-aimé.

Elle semblait déterminée à renverser le cours du destin.

Une fois leurs affaires harnachées sur leurs dos, les célestriers prirent leur envol. Il fallait compter un jour et demi de vol pour atteindre la Montagne.

Ce jour-là, le vent était tellement fort qu'il était impossible de s'entendre. Lancés à pleine vitesse, les majestueux oiseaux fendaient l'air comme des lames de rasoir.

« J'espère qu'ils ne nous donneront pas des cailloux à bouffer, fit Link via le lien du cœur.

— Peuh ! Tu crois quoi ? Qu'ils vont nous dénicher du saumon ?

— Je ne connais pas bien les Gorons. Darunia m'a dit qu'ils mangeaient la pierre, mais peut-être ont-ils d'autres ressources. »

De toute évidence, ils devraient établir leur campement près de la forêt, mais qui sait ? Peut-être que les Gorons mangeaient des fruits exotiques.

Bon, se disait tout de même Link, ce n'est pas très crédible comme option.  

Voilà pourquoi ils avaient pris soin d'empaqueter des provisions sèches ; pâtes, riz et pain aux noix pour le voyage, ainsi que deux grandes bouteilles d'eau. Après étude de la géographie du territoire, une immense carte qu'ils avaient obtenue d'un voyageur chevronné, ils en avaient déduit qu'ils pourraient installer leur camp au pied de la Montagne, où la rivière Set circulait comme un anneau autour des fondations de pierre.

Peut-être que nous ne trouverons pas la Triforce telle quelle, se dit Link. Peut-être est-ce une forme poétique pour dire que les Gorons symbolisent la Force. Courage et Sagesse, ce serait nous en tant que personnes ?

Fort de cette réflexion partagée à Zelda, les deux amis avaient finalement décidé que, quoi qu'il arrive, ils avaient besoin de la force armée de Darunia pour faire tomber Ghirahim.

Combien étaient-ils ? Quelles forces possédaient-ils ?

Quelle est la véritable Triforce ?

Lors de son voyage initiatique pour retrouver Zelda sur Terre, Link avait bénéficié d'une force surhumaine, trouvée dans la Tour des Cieux.

Oui, une telle force existait.

Elle était protégée par les anciens dieux et Hylia elle-même ; c'était quelque chose qui l'avait nourri.

Mais avant d'en arriver là, il avait fallu mener à bien les épreuves des psysalis, des espaces conçus par Hylia pour endurer sa force. Avec la Triforce, il pouvait exaucer n'importe quel souhait.

Mais où était-elle ?

La Tour des Cieux avait été détruite.

Qu'en avait fait Hylia ?

Encore une épreuve, je suppose.

Une fois leur campement établi, les deux compères escaladèrent la Montagne. En plein dans une pente raide, les pierres roulaient sous leurs pieds. Zelda poussa un juron.

« Tu vois, je t'avais dit de mettre les chaussures de rando, l'apostropha Link. Avec tes baskets, tu serais encore tout en bas.

— Mhhouais, réagit Zelda rendue énervée par les chutes de pierre. M'est d'avis que je vais finir par tomber. Et puis il fait chaud !

— C'est un volcan.

— Merci, Link.

— Quand tu veux, princesse. »

Déstabilisée, Zelda manqua un nouveau roulement de cailloux.

« Je vais mourir si ça continue.

— Mourir de quoi, de chaleur ou d'amour ?

— Ha,ha ! Très drôle, M. Charmeur.

— Avance.

— Tu me parles comme si j'étais une mule.

— Tu es ma mule préférée.

— Oh putain ! »

L'invective était destinée autant à lui qu'à une pierre ... Qui souriait de toutes ses dents. Zelda hurla et se cramponna à son bâton de marche, heureusement fermement ancré au sol.

« C'est un Goron.

— Merci, Link, je n'avais pas remarqué. En même temps, si une pierre m'avait souri, je crois que je me serais posé des questions.

— Je n'y peux rien, moi, si tu es tombée sur lui, remarqua Link en riant sous cape.

— Oh, ça va ! Vous allez me rendre folle ! Qu'est-ce qu'il me veut, lui, d'abord ?

— Je suis un Goron, sourit le Goron.

— Mais qu'est-ce que la vie a contre moi ?! »

Link pressa ses épaules pour la calmer. Il ne savait pas trop comment se comporter avec un tel peuple. Après tout, Darunia avait bien failli l'embrocher à coup de sarbacane.

« Bonjour. Excusez-nous, nous cherchons Darunia. 

— L'est à la mine, là-bas, avec les choux péteurs. Attention, si vous tombez sur un, il va vous exploser à la tronche.

— Qui ? Darunia ou les choux ?

— Les deux, répondit patiemment le Goron en se curant la dent avec une pierre.

— Bon, allez, allons-y », trancha Zelda en continuant impatiemment sa route.

Link la suivit. Cette boule de feu sur jambes ne semblait connaître aucune limite. Elle avait râlé, oui, mais elle n'abandonnait pas. Elle semblait déterminée à aller jusqu'au bout de la prophétie, même si elle ne savait pas où elle aboutissait.

Elle doit avoir une totale confiance en Hylia.

Link hésitait. La notion de destin lui était encore étrangère, malgré toute l'aventure qu'il avait pu vivre à "suivre les signes" et "se laisser guider".

Jusqu'où ?

***

« Allez, vous allez me remettre ces deux-là en route, sinon je vous fume ! »

Placé au milieu d'un cercle de pierres, Darunia semblait jouer les gendarmes. Deux Gorons s'étaient arrêtés, fascinés par une opale qui dépassait de leur chargement. La chaleur avait monté d'un cran, mais elle restait supportable.

Comme les deux compères ne réagissaient pas assez vite à son goût, Darunia balança une énorme boule qui explosa à la face des concernés. La déflagration résonna dans tout le tunnel et agressa les tympans sensibles de Link et Zelda.

« Mais il est malade ! s'exclama-t-elle, au bord de l'apoplexie. Il va tous les faire crever !

— Ah, mes chers humains ! roucoula Darunia en se retournant. Si vous saviez comment je serais content qu'ils ne soient que de la grosse caillasse ! Ce serait un véritable festin !

— Il est malade, confirma-t-elle dans un mouvement de recul.

— Calme-toi, je vais lui parler.

— C'est ça, parle-lui... Un de ces trucs, là, va t'exploser à la tronche, et là, bye-bye, le Héros !

— Mais non. Tu vas voir. »

Doucement, Link s'approcha de Darunia. Celui-ci ne semblait pas hostile. Juste un peu frappé.

« Vous avez déjà vu des choux-péteurs ? Non ? C'est très amusant, commenta le chef en en brandissant un autre comme un trophée.

— Link, tu vas mourir, insista Zelda en cherchant des yeux une cachette.

— Mais non.

— Ah, çà, ça vous éclate un humain... soupira Darunia en reposant son trophée, observant la réaction de la jeune femme.

— Bonjour, Darunia. Vous vous souvenez ? Je suis Link, je vous ai rencontré à Firone.

— Oui, je me rappelle, mon frère ! Je croyais que t'étais un de ces sales types du Levant. Tu voulais nous aider à les repousser.

— Exactement. Il y a eu un... contretemps. Connaissez-vous Ghirahim ? »

Les muscles du Goron se contractèrent tant qu'ils semblèrent exploser.

« Ce gringalet a voulu nous chasser de nos montagnes, il y a longtemps, pour le compte d'un type qui se faisait appeler l'Avatar du Néant. Mais il a été vaincu, non ?

— Non. En fait nous... Nous sommes les envoyés de la Déesse. »

Zelda pâlit. Link pria très fort.

« Vous ? lâcha Darunia comme un pet.

— Oui.

— Tu rigoles ? Tu sais voler, peut-être ?

— J'ai un célestrier.

— Nom de nom, ce sont les oiseaux d'Hylia !

— Nous sommes venus chercher la Triforce de la Force. »

D'un coup, le sol trembla. Darunia venait de sauter de son perchoir de tout son poids. Il se cogna le ventre du poing.

« Vous l'avez en face de vous ! Que la guerre commence ! Tout le monde contre Ghirahim ! »

Trop choqué pour répondre, Link vit la cohorte de Gorons lâcher ses chargements et caracoler vers eux comme une seule pers... une seule pierre.

« Link ! Viens t'abriter là ! Tu vas te faire piétiner ! »

Il n'eut pas le temps de réagir que Zelda le tirait en arrière, dans un abri relatif d'une cavité. La poussière soulevée par les Gorons acheva de les rendre complètement aveugles, puis ils toussèrent.

« Je ne pensais pas provoquer une telle réaction, admit-il.

— Mais ils sont complètement cons ! ragea Darunia dans le tapage ainsi créé. Revenez, bande d'abrutis ! Ce n'est pas parce que je pousse le cri de guerre, qu'il faut y aller ! »

Une autre détonation retentit, cette fois beaucoup plus proche. Le tunnel vibra.

« Nom de nom, il va nous tuer sans même s'en rendre compte ! fulmina Zelda. Ça suffit !  »

Une lumière dorée émana de sa main, représentant les trois triangles de la Triforce. Elle dissipa toute la cohorte. Les uns et les autres se regardèrent d'un air contrit. Zelda abaissa sa main, complètement hébétée.

« C'est la fille de la Déesse ! s'extasia Darunia dans le chaos général. Alors vous lui obéissez au doigt et à l'oeil, sinon vous rendrez des comptes à l'Avatar du Néant ! »

Enfin écouté par ses troupes, il rassembla ses confrères et invita les deux humains à sortir de leur cachette. Link remarqua qu'il avait lui-même le même symbole, illuminé comme un phare, sur le dos de sa main directrice. Darunia leva un poing nimbé de la même lumière, quoique plus faible. 

« Ce n'est pas le détenteur de la Triforce de la Force, souffla Link à voix très basse. Ou alors, elle ne lui est pas acquise.

— Comme nous j'imagine. Peu importe. Elle lui est acquise pour le moment. C'est tout ce qui compte. » elle inspira un grand coup et éleva la voix. « Nous devons mener nos actions contre Ghirahim avant qu'il ne soit trop tard ! »

Les Gorons acquiescèrent. Darunia se gratta la tête, sans doute en plein dilemme pour savoir comment gérer ses troupes.

« Hrrrm, bien. La petite a raison. Remuez vos caillasses et allons écraser Ghirahim ! »

Cris généraux. La cavité trembla de nouveau. Zelda leva le poing.

« Nous devons nous organiser afin de ne pas nous laisser surprendre.

— Nous organiser ? Ha ! Vous pensez pouvoir organiser cette bande de cailloux ?

— Oui, même si je ne sais pas comment. Vous devrez suivre les ordres de mon père. Je vais le chercher et je solliciterai tous les chevaliers. En attendant, Link restera ici.

— Hmmffr quoi ?

— Oui, parfaitement, tu resteras ici en cas d'attaque. Il vous protégera. Je ramènerai des provisions. »

Soucieux, Link fronça les sourcils. Zelda se dirigeait déjà vers la sortie.

« Mais toi ? Si jamais tu ne reviens pas ?

— Tu crois sérieusement que Ghirahim se souciera d'une petite blonde sur son célestrier ?

— Si tu repars en célestrier, alors oui. Vole bas, recommanda Link d'un ton inquiet. Sois prudente.

— Je le serai.

— Un instant. Je me propose pour être votre bouc-émissaire. »

Herenya se tenait sur le seuil de la caverne.

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Et voilà enfin la suite de Jusqu'aux étoiles !

Est-ce que vous êtes surpris ? Inquiets pour la suite ? Confiants ?

Que vient faire Herenya selon vous ? :)

Et le père de Link, que pensez-vous qu'il soit devenu ?

Suspense ...