Eva avait grandi.

A 19 ans, en 2048, cela faisait huit ans qu'elle n'avait plus touché un ballon de football et n'était plus allée voir un match. Cette attitude engendrait des questions de la part de la plupart des gens, à part pour ceux qui connaissaient la famille Kringler depuis longtemps. La jeune fille, en grandissant, était devenue de plus en plus marginalisée parce qu'elle n'avait pas le même but que tout le monde : le football.

Mais un jour, le monde morose d'Eva changea de couleurs. Des yeux marrons, un sourire large et sincère, Rafaël captura son cœur. Elle se laissa tenter et alla observer ses entraînements. Il la remarqua, l'invita et c'est ainsi qu'elle revint sur le terrain, après huit ans d'absence.

Ils se marièrent, il joua son match en or et ils filèrent un amour parfait. Eva pensait de temps en temps à son match en or, mais se disait qu'elle avait le temps. « Plus tard » disait-elle. Elle n'eut pas le temps. En 2050, le gouvernement réduisit le nombre de participants à tous les jeunes de 19 ou 20 ans à cause du trop grand nombre de candidatures. Eva avait 21 ans et se voyait privée de son match en or.

Mais elle n'eut pas vraiment le temps de regretter car bientôt, un heureux évènement l'occupa entièrement : elle était enceinte. Quelques mois plus tard, elle tenait son fils dans ses bras. Il avait une tête un peu ronde, était encore totalement chauve mais il avait aussi deux immenses yeux brun chocolat qu'il cachait sous deux paupières pâles. Les petits doigts de son fils émerveillaient Eva dont le cœur se gonflait de joie à chaque fois qu'elle observait son fils, c'est-à-dire à peu près tout le temps.

Rafaël se sentait fondre devant un bébé si fragile. Son fils.

Le sourire des parents était si rayonnant que le médecin face à eux s'en voulait de gâcher ce bonheur. Il se racla la gorge pour avoir l'attention du couple :

« J'ai... je dois vous annoncer quelque chose. Votre fils... montre une malformation des hanches et des jambes. Il ne pourra jamais marcher. Je suis désolé. »

Devant l'annonce du médecin, les parents ne savaient plus quoi penser et les mines réjouies avaient disparu. Se concentrant à nouveau sur son fils qu'elle tenait au creux de ses bras, Eva lui chuchota à l'oreille :

« Ne t'en fait pas, Marco, je vais me battre pour toi, ton père aussi pour que tu puisses avoir une place dans cette société malgré tout. Tu verras, on va se battre pour toi et ton avenir quoiqu'il arrive. »

A ces mots, le bébé ouvrit de grands yeux vers sa mère, comme s'il avait compris.