Eva se souvient des longs moments que son frère passait seul, dehors. Souvent sa mère s'inquiétait pour lui, craignant qu'il ne lui soit arrivé quelque malheur. Elle connaissait la nature humaine assez bien pour savoir que son fils courrait un danger s'il rencontrait quelques fanatiques de football dans cette ville. L'environnement était dangereux, mais que pouvait-elle faire ? Déménager aurait été la meilleure solution pour sauver son fils, mais son mari n'aurait jamais accepté. Et comme elle ne pouvait pas enfermer son fils dans sa chambre pour sa sécurité, elle restait à la fenêtre, derrière le rideau, un œil toujours sur la rue sans jamais avouer à son fils le sang d'encre qu'elle se faisait chaque fois qu'il partait. Mais cela, Eva le voyait, observatrice silencieuse des drames familiaux silencieux.

Le silence collait à l'ombre de chacun dans cette maison. Il n'y avait plus aucune communication entre les deux hommes et le fils rejetait toute l'attention de sa mère. Entre les deux époux, le sujet des enfants était presque interdit, sauf quand il s'agissait d'Eva. La petite sœur était la seule à pouvoir encore échanger quelques mots avec son frère, mais le dialogue était difficile.

Aurélien aurait bientôt vingt et un ans et cela faisait deux ans que pas un rire n'avait raisonné entre les murs de cette maison. Elle semblait condamnée à un silence oppressant qui poursuivait la plus jeune des membres partout, jusque dans l'enceinte bruyante de son école.

Les jours s'écoulaient, identiques à eux-mêmes, gris, silencieux et monotones. Il ne semblait pas y avoir d'issue à cette situation.