Mais un soir de février, Rafaël n'était pas rentré à la maison. Les pompiers avaient téléphoné alors que les flocons tombaient doucement du ciel. Il était vivant. Sacrément amoché, mais vivant.

Elle avait laissé Marco aux bons soins de la voisine et était partie à pied, sous les tourbillons de flocons et la noirceur de la nuit pour tenter de trouver un bus pour l'hôpital. Sous le manteau et le pull qu'Eva portait, son cœur tambourinait au rythme d'un prénom. Rafaël, Rafaël, Rafaël...

Elle n'était plus vraiment consciente de ce qui l'entourait, se contentant de marcher droit vers un arrêt de bus. Justement, ce dernier s'arrêtait. Elle monta dans une semi-torpeur, s'accrocha à une barre, ne voulant pas prendre le temps de s'asseoir malgré les sièges vides qui l'entouraient. Elle semblait perdue dans sa grande écharpe de laine et les flocons blancs qui commençaient à fondre, formant une flaque d'eau à ses pieds. Un des lacets de ses bottes était mal noué et menaçait de se défaire. Elle frissonnait dans son grand manteau, le regard vide. Pourquoi cet accident, Rafaël ? Pourquoi avait-il fallu que cette voiture déboule d'une ruelle sombre sans avoir allumé ses phares ? Pourquoi ce supporter ivre était-il au volant ? Pourquoi cette défaite noyée dans l'alcool ? Pourquoi ce match de football ce soir-là ?

Le bus s'arrêta, Eva en descendit et se dirigea vers la façade blanche de l'hôpital. Tourbillon de neige au-dehors, tourbillon de vie au-dedans. Eva n'y prêta aucune attention. Elle se dirigea presque en courant à l'accueil. Allait-elle avoir le droit de voir Rafaël ? Elle l'eut.

Une infirmière la renseigna pour qu'elle trouve la chambre de Rafaël, mais la prévint :

« Il a été mis en réanimation, son état s'est stabilisé depuis son arrivée, mais il reste très fragile. Il ne sera pas conscient. »

Eva la remercia pour ses informations et se dirigea vers la chambre. Elle poussa la porte en retenant son souffle, tremblante du spectacle qu'elle allait découvrir.

Il était étendu dans un lit blanc, le visage couvert d'égratignures, la poitrine se soulevant à grand-peine, un masque l'aidant à respirer. Il avait le teint blafard, se fondant dans la literie immaculée. Ses boucles sombres, les mêmes que celles de son fils, étaient emmêlées de sang et de sueur. Eva n'eut pas le temps d'en voir plus. Les larmes la submergèrent et elle tomba à côté du lit, prenant dans sa main celle de son mari.

Les heures s'écoulèrent, longues et douloureuses pour Eva. Elle s'assit sur le fauteuil à côté du lit sur les conseils d'une infirmière et ne bougea pas lorsqu'un médecin et un infirmier passèrent examiner Rafaël. Elle était tombée dans une faille sans fin ni temps. Les minutes s'écoulaient hors de la chambre, réservées au reste du monde.