J'avançais lentement, ancrant chacun de mes pas dans la pierre rugueuse. 20 ans avaient passés depuis cette photos (voir multimédia), et pourtant, je percevais encore les murmures et les cris.
A cette époque, des groupes étudiants avaient orchestrés plusieurs soulèvements en faveurs de la démocratie. Parmi eux, Wang Weilin, 19 ans.  Afin d'agir, et de protester contre la dictature, ce dernier s'était interposé, déviant la trajectoire des chars de l'armée chinoise. Il n'avait pas scille, s'exposant pourtant à une mort certaine.

La photo avait fait le tour du monde. Elle était devenue le symbole d'une lutte pour la démocratie et la non-violence. Tout cela, engendré, par la seule intervention d'un jeune étudiant pékinois en faveur de la paix. Voilà pourquoi j'avais voulu me rendre dans cette ville en premier. Je cherchais à marcher sur les pas de ceux, qui motivés par leurs seuls conceptions de la vie, étaient prêts à risquer la leur.

Depuis toute petite, je voulais changer le monde. Du haut de mes 12 ans, je m'étais mise à rédiger mon programme électoral, persuadée d'avoir ma place à la tête d'un pays.  Déléguée de classe, je menais ma barque vers un avenir qui ne pouvait être que glorieux. Moi, Axelle, je pensais pouvoir changer les choses. Pourtant, il était évident que je n'avais pas accompli de grands exploits. Un rapide bilan de ma vie, suffisait pour comprendre que je parlais plus que j'agissais. 

Ce jeune devait être terrorisé. Avait-il agit sur un coup de tête ? Pensait-il aux répercussions ? C'était complètement insensé, ce qui en faisait un acte plus qu'héroïque.

"- C'est un endroit fort, tu ne trouves pas ?

Trop absorbée par le spectacle, je n'avais même pas vu Simon se faufiler à ma droite.  Je lui répondis, le regard toujours fixe.

- C'est impressionnant oui.

- On a le sentiment d'y être hein ?

Cette fois-ci, je me tournais pour le regarder.

- C'est exactement ce que j'étais en train de me dire.

Il affichait un grand sourire. Je me souviens qu'à cet instant précis, je l'avais trouvé beau. Détaillant les moindres détails de son visage, cherchant dans cet ensemble, le charme qu'Emma avait su déceler.

Simon surprit mon regard, détourna le sien gêné. Mes joues irradièrent, la discrétion n'avait jamais été mon fort. Alors que je me retournais pour m'excuser, je vis qu'il fixait le centre de la place avec intensité. Emma et Marco roucoulaient, leurs bouches collées l'une à l'autre. L'expression de Simon était figée. Il regardait la scène, les sourcils froncés et le visage fermé.

Ainsi, ce jeune baroudeur aurait craqué sur la jolie Emma...

Presque malgré moi, je ressentis une légère torsion à l'estomac. Je décidais d'éloigner tout de suite l'idée que je puisse être jalouse, elle paraissait absurde !

"-Ah, l'amour.

Cela m'avait échappé

- J'ai plus l'impression d'un certain aveuglement qu'autre chose.

Son regard paraissait plus noir encore qu'il y a quelques secondes.

- Ben dis-moi, tu m'as l'air drôlement remonté.

Il se tourna vers moi, comme réalisant qu'il venait d'agir de manière étrange. Il me sourît, apparemment gêné.

- Pardon... euh, non excuse-moi, j'étais ailleurs.

- Elle te plaît hein ?

- De qui ?

- À ton avis idiot.

- Emma ?! Non pas du tout.

Sa réponse paraissait sans appelle.

- Alors pourquoi de tels reproches cher ami.

Il se grattait machinalement le haut du crâne.

- Des reproches ? Non je dirais pas ça comme ça...

- "Un certain aveuglement", non tu dois avoir raison, j'aurais du l'entendre comme un compliment.

Je m'amusais à le taquiner, tentant de lui soutirer le fin mot de l'histoire.

- Oui, je t'avoue que je n'ai pas super bien choisi mes mots. Je voulais simplement dire que... Je ne raffole pas des démonstrations publiques d'affection.

Il bafouillait, à en devenir presque comique.

- Quoi ?! Tu n'aimes donc pas les gros roulages pelles bien démonstratifs !

- Oui, pour simplifier les choses.

Il riait de manière exagérée, content de me voir "marcher" dans son excuse à trois sous. Pourtant, je sentais qu'il y avait autre chose, derrière son morne discours.

Comme, tombant à pics, Emma et Marco débarquèrent l'air béât. Ils semblaient se trouver sur leur petit nuage, le message émotionnel et historique de l'endroit ne les avait pas touché de la même manière. Elle avait d'ailleurs déclenché chez ces deniers, un désir pour l'autre des plus soudain !
Je les regardais en souriant, sentant Simon plus raide qu'une baguette chinoise à ma droite.

"- Dites-donc, vous êtes carrément courageux vous deux.

Marco paraissait surpris de ma remarque. Il me répondît, ce même air imprimé sur le visage.

-Pourquoi cela ?

Je lui assenai un coup gentillet dans l'épaule.

- Se lécher la pomme dès le matin, c'est pour moi, une forme de courage.

Simon explosa de rire et Emma le suivit. Quant à Marco, il jeta au jeune homme un regard noir avant de tourner les talons, vexé.

-J'ai dit un truc qui fallait pas ? "

Ma jolie rousse me pria d'un geste de laisser tomber et se dirigea vers son homme, une moue d'enfant battue imprimée sur le visage.

Simon quant à lui, ne s'était pas arrêté de rire. Il se tenait inlassablement les côtes, tentant de reprendre sa respiration.

"- Et ben, si j'avais su que j'étais aussi drôle, j'aurais mieux choisi ma voie. "

À cet instant, une douce voix me rappela qu'il était un peu trop tard pour me lancer dans l'humour.
Quoi que, une comique mourante, on en trouve pas à tous les coins de rues !