✨Chapitre 45 - De moqueries et d'un câlin
Le rideau de lianes se souleva et cinq jeunes sorciers le traversèrent.
Ethel arborait un sourire confiant ainsi qu'un béret rouge qu'on ne lui avait jamais vu mais qui s'était trouvé dans ses affaires tout au long de sa vie au C.I.S.I.
De son côté et bien qu'il fasse tout pour le dissimuler, Thomas était anxieux. Cette mission ne lui disait rien qui vaille. Il était impatient de retrouver May, la toucher avec la pierre et rentrer au C.I.S.I. le plus vite possible.
Lumia en revanche, avait tout fait pour ne pas ressembler à ses camarades, puisqu'il était impensable qu'elle s'abaisse à leur niveau et porte les mêmes vêtements d'une insultante simplicité que Feuille d'Automne leur avait donné. La jeune fille blonde exhibait donc une robe.
Lorsqu'elle avait rejoint son frère au petit déjeuner, celui-ci avait levé un sourcil l'air de lui demander ce qu'elle comptait faire dans un accoutrement pareil. La robe bleu azur souple à manches longues qui comportait un décolleté raisonnable pour la sorcière, lui arrivait au-dessus du genou. Elle avait répondu à son frère avec cet air hautain qu'elle maîtrisait à la perfection. Inutile d'ajouter que la jeune fille s'était maquillée, cela allait de soi. En remarquant que sa sœur portait des talons, Zed s'était vu obligé d'intervenir.
— Lu, tu ne peux pas partir avec ces... choses aux pieds. On va dans le Sauvage...
Que sa sœur fasse passer son apparence avant tout alors qu'ils partaient en mission pour sauver la communauté l'amusait, mais que du haut de ses presque seize ans elle ne se rende pas compte de la futilité de son comportement et n'en fasse qu'à sa tête l'agaçait.
Le garçon était partagé. Il ne savait que ressentir. D'un côté cette tâche l'enchantait – quoi de plus naturel ? – puisqu'il allait découvrir le Sauvage et expérimenter par lui-même cet endroit dont il avait entendu tant de contes en plus de partir retrouver celle qui occupait ses pensées depuis trois semaines. Mais d'un autre côté, les paroles de la Grande Prêtresse lui donnaient envie d'hurler et de ne jamais parvenir à trouver May. Ces paroles qu'elle avait adressées à sa sœur et lui, une fois Ethel et Thomas sortis, lui donnaient encore des sueurs froides.
— Zed j'ai plus huit ans, je peux porter les chaussures que je veux.
Son frère avait gloussé.
— Alors j'ai hâte de voir comment tu vas t'en sortir dans les bois où les racines, les cailloux et les trous sont les maîtres, avait-il répliqué en souriant en coin, les yeux pétillants.
Lumia lui avait jeté un regard rempli d'éclairs. Elle en avait marre qu'il se moque d'elle.
Frustrée, dans un élan de rage, elle s'était levée et avait quitté la salle sans plus de considération pour les tartines ramollies qui, intactes, languissaient dans son assiette.
Deux heures plus tard, les adieux faits, le rideau franchit, la blonde avait finalement abandonné ses talons pour des chaussures plates et fermées, plus adaptées à ce qui l'attendait bien qu'elle ne s'en rendre toujours pas compte.
Seulement, un cinquième personnage venait compléter le tableau. Il ne s'agissait de nul autre que Spoty. Le garçon roux à lunettes que ses camarades surnommaient « l'ampoule » car sa tête s'éclairait lorsqu'il utilisait son pouvoir, avait atterri à la dernière minute dans le commando d'expédition. La Grande Prêtresse lui avait fait intégrer l'équipe la veille du départ.
Il ne savait rien de ce qui l'attendait sinon qu'il mettait le cap vers le Sauvage, une perspective qui l'excitait et lui donnait des frissons. Car Spoty était plus téméraire qu'il ne laissait paraître. Ce garçon était la preuve en chair et en os qu'il ne faut pas se fier aux apparences. Certes, il avait un cerveau doté d'une intelligence remarquable, mais ce qui faisait sa particularité était de ne jamais se sentir victime du jugement bien trop souvent hâtif de son entourage et avait une fâcheuse tendance à cultiver cette personnalité peu attractive qu'il dégageait. Ce qui l'amusait, c'était de voir l'attitude des gens qui l'entouraient changer au fur et à mesure qu'ils apprenaient à le connaître, si le garçon leur en donnait l'opportunité. Et au C.I.S.I, il n'avait laissé personne entrevoir la possibilité qu'il n'était pas celui que l'on pensait. Il en avait même profité pour renforcer cette image d'intello sensible en marge des autres. Et comme si son physique se prêtait aussi au jeu, bien qu'il ait seize ans passés, le jeune Transfert paraissait en avoir treize.
Toujours est-il que Spoty allait devoir faire équipe avec quatre jeunes qu'il connaissait plus ou moins bien et dont il avait une opinion mitigée. Cela ne le réjouissait guère. Zed était celui qu'il avait le moins côtoyé et qui lui inspirait le moins de confiance. En revanche, il ne pouvait en dire autant de sa sœur. Lumia représentait l'amour de sa vie. Selon lui, ce n'était qu'une question de temps avant qu'elle ne s'en rende compte et il se disait que ce voyage serait une merveilleuse occasion de le lui faire remarquer. Ethel et Thomas, quant à eux, avaient été dans son dortoir depuis son arrivée. Il savait que la jeune fille à la réputation d'être un peu « bizarre » avait de la peine à le supporter, surtout lorsqu'il se mettait à énumérer des adjectifs comme il aimait le faire pour embêter ses interlocuteurs. Mais Thomas n'avait jamais émis ou fait ressentir le moindre mépris pour le garçon. C'est donc vers lui qu'il se tourna naturellement lorsque les cinq adolescents entamèrent leur longue marche à travers les hautes herbes du Sauvage pour rejoindre la forêt, empruntant les traces de Charly et May.
Le début du trajet des jeunes se fit dans le silence, ponctué seulement de quelques toussotements de la part de Thomas et de reniflements venant de Spoty.
— Comment ça se fait que la Grande Prêtresse vous ait fait partir si vous êtes malades ? interrogea Zed que les bruitages des garçons commençaient déjà à énerver.
— Ah mais je ne suis pas malade, rétorqua Spoty sur le champ, de son air très sérieux habituel. Je ne fais que soutenir Thomas pour qu'il se sente moins seul quand il est obligé de briser le silence religieux qui nous entoure.
Son sarcasme ne passa pas inaperçu mais Zed choisit de ne pas le relever, se contentant de trouver le raisonnement du garçon pour le moins étrange.
— Je savais pas que tes admirateurs étaient aussi perchés, adressa-t-il à Lumia avec un sourire moqueur.
Sa sœur, qui ne lui avait toujours pas pardonné sa remarque du matin, le fusilla du regard.
— Zed, à ton avis, on va les retrouver dans combien de temps ? demanda alors Ethel.
L'intéressé réfléchit avant de répondre :
— Ils sont partis il y a trois semaines alors si on tient un rythme assez élevé, je pense que dans deux semaines on les aura rattrapés.
— T'es optimiste dis donc ! remarqua Thomas. Ça veut dire qu'il faut qu'on aille presque deux fois plus vite qu'eux ! calcula-t-il.
— C'est tout l'intérêt de les rattraper, se moqua Lumia.
— Au fait, intervint Spoty, on peut m'expliquer pourquoi on va les chercher ?
Quatre regards interloqués convergèrent vers celui qui venait de parler.
Spoty se justifia en haussant les épaules :
— Personne ne m'a dit ce que je viens faire là ni où on va, alors je me renseigne...
Un silence accueillit ses paroles. Finalement, Zed jugea bon de briser le silence.
— On va chercher May et Charly parce que la Grande Prêtresse a besoin d'eux, expliqua-t-il.
Spoty fronça les sourcils.
— C'est que ça doit être d'une importance capitale, estima-t-il les sourcils toujours froncés en articulant bien plus que nécéssaire.
C'est que son cerveau carburait à toute allure pour tenter de trouver une explication à un tel retournement de situation.
— Et vous n'allez pas me dire pourquoi la Grande Prêtresse souhaite tant les retrouver, n'est-ce pas ? devina-t-il.
Zed le dévisagea.
— Non, répondit-il simplement.
— Oh Zed ! s'exclama Ethel qui ne perdait pas une miette de l'échange. On peut quand même lui dire, non ? C'est pas cool sinon.
Le sorcier haussa un sourcil.
— Et le serment que t'as fait à la Grande Prêtresse ? lui rappela-t-il. Il ne vaut plus rien maintenant qu'on est sorti du C.I.S.I. ? Non Ethel, Soleil Levant sait ce qu'elle fait mieux que personne. Si elle a choisi quatre sorciers pour tenir le secret, elle n'en a pas choisi un de plus. Que ce soit cool ou pas.
Ethel rougit devant la réplique cinglante.
— Tu as raison, oui... s'excusa-t-elle. Même si... ajouta-t-elle dans un faible sourire, elle en a quand même choisit un en plus pour faire la route avec nous à la dernière minute...
Personne n'osa ajouter quoi que ce soit. Ethel haussa les épaules sans se formaliser de l'absence de réaction de ses camarades et la petite troupe continua son chemin de nouveau en silence et cette fois-ci, pour de bon. En file indienne, les jeunes sorciers suivaient Zed, qui sans que personne ne puisse expliquer pourquoi, semblait savoir où il allait.
Les minutes laissant place à des heures, les jeunes sorciers se séparèrent naturellement en deux groupes : Zed et Lumia menaient la marche ; Ethel, Thomas et Spoty les suivaient un peu en retrait. C'était à croire que même en dehors du C.I.S.I. les différences sociales importaient encore.
Un arbre au tronc lisse et plutôt large apparut dans le champ de vison d'Ethel. La jeune fille ne se sentait pas à sa place dans ce groupe auquel elle n'était rattachée que par Thomas, aussi, après avoir évalué le chemin la séparant de l'arbre, elle s'éclipsa du groupe et rejoignit le végétal. En silence elle l'observa, puis posa ses paumes sur l'écorce du spécimen. Elle passa ensuite ses bras autour du tronc, posa sa joue contre l'écorce, ferma les yeux et respira profondément. La jeune sorcière avait besoin d'un câlin et le bien qu'elle ressentait était indescriptible. Un doux sourire éclairait son visage alors qu'elle éprouvait des sensations nouvelles en comparaison avec les fois où elle avait fait cela dans son ancienne vie. Le flux énergétique de la l'arbre était connecté au sien. Elle le savait. Elle le ressentait. Leurs magies communiquaient et elle trouvait cela merveilleux. L'arbre la revitalisait.
— Ethel ! appela Thomas. Mais qu'est-ce que tu fais ?! cria-t-il.
Le sourire de la jeune fille s'élargit mais elle ne bougea pas d'un pouce et garda ses paupières closes.
— Je me ressource ! lui cria-t-elle tout de même en retour.
Enfin, après quelques minutes passées contre l'arbre, elle s'en éloigna à contre cœur. Ses pas la conduisirent auprès du groupe dans un état de béatitude qu'elle n'avait pas connu depuis le jour des cadeaux des Fêtes de l'Hommage. C'était dire.
Zed ne laissa aucune émotion transparaître lorsque la jeune fille au béret rouge les rattrapa, comme à son habitude, mais il était indéniablement intrigué par le comportement d'Ethel et se demandait si tous les membres de l'équipe étaient aussi étranges. Lumia n'avait pas pu être témoin de la scène puisque tout en continuant de marcher elle avait sorti un miroir portatif de son sac et vérifiait que son maquillage à l'huile de paillettes solaires n'avait pas coulé. La chaleur du Sauvage la faisait transpirer et elle se disait que ce n'était que le début d'un long cauchemar. Elle ne pouvait savoir à quel point elle avait raison.
Lorsqu'aux plaintes de Spoty et Lumia pour s'arrêter manger s'ajoutèrent les gargouillements du ventre d'Ethel, Zed capitula et la troupe s'arrêta pour déjeuner. Chacun sortit son sandwich concocté par les cuisiniers Transferts et le repas se déroula dans le silence le plus complet. Tous étaient dans leurs pensées et réfléchissaient à leur implication dans la mission.
— Mais comment on va faire pour savoir dans quelle direction ils sont partis ? demanda Spoty alors qu'ils se remettaient en marche.
— N'oublie pas qu'on a des pouvoirs, lui rappela Thomas en jetant un œil vers Zed.
Ce dernier acquiesça.
— Les Gardes du Palais savent repérer le passage de sorciers. Depuis ce matin je suis le fil d'énergie que May et Charly laissent derrière eux. C'est ce qui nous rend tous vulnérables. Si nous ne savons pas dissimuler ces empreintes, n'importe qui sachant les détecter peut nous suivre. Et suivre May et Charly.
Ethel poussa un cri d'étonnement.
— Ça veut dire qu'il faut qu'on les retrouve le plus vite possible avant qu'il ne leur arrive quelque chose !
— C'est dommage que tu ne t'en rendes compte que maintenant, mais oui, il faut effectivement qu'on les retrouve le plus vite possible, lui répondit Zed, sarcastique.
Thomas fronça les sourcils. Il trouvait l'Inné bien remonté.
— Mais pourquoi n'effaçons-nous pas nos traces ? s'enquit Spoty.
— Parce que de toute façon, répondit Lumia, avec ou sans traces, les créatures du Sauvage nous trouverons. Si on fonce pas déjà droit sur elles.
La phrase de la sorcière jeta un grand froid sur la troupe si bien qu'Ethel en frissonna.
— Alors on ferait mieux de se remettre en marche ! lança Spoty en joignant le geste à la parole.
— Reviens ! lui cria Zed, stupéfait que le garçon prenne une initiative. Tu vas pas dans la bonne direction là. May et Charly ont longé la rivière, indiqua-t-il.
— Où tu vois une rivière ? l'interrogea Thomas.
— Si tu écoutes tu l'entendras. Elle est juste sur notre droite mais on peut rester à cette distance, ce sera bien.
— Mais je croyais qu'on marchait dans les pas de Charly et May ? remarqua Ethel.
— Marcher près de la rivière reviendrait à nous exposer, l'éclaira Lumia au plus grand étonnement de son frère qui haussa un sourcil. Et ce serait encore plus dangereux, ajouta-t-elle en toisant ce dernier d'un air fier. Mais, vous savez quoi, reprit-elle, si jamais on se retrouve face à des créatures sauvages je ne me laisserai pas dépecer sur place.
— Ah, oui ? Et tu feras quoi alors ? se moqua Thomas.
Lumia lui jeta un regard noir avant de répondre :
— Je me suiciderai. Pas question qu'ils aient ma peau.
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*dernière mise à jour le 05/12/18*
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