Chapitre 27 - D'arbres morts et d'une lumière
À l'approche du volcan, quelque part sur une île de Heard
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Tout le monde était fatigué lorsque la troupe émergea de la forêt. Lumia répertoriait dans sa tête tous les endroits où elle ressentait des douleurs.
Les mollets, les chevilles, le dos, les épaules, la nuque...
Ça faisait beaucoup et elle n'était même pas sûre d'avoir su tout compter. Spoty divertissait Heïna en lui racontant une légende sorcière du nord, c'était à croire que les rôles s'étaient inversés. La sorcière rajeunie était celle à qui il fallait faire découvrir le Dashgaïh tandis que Spoty était celui qui maîtrisait ce monde comme s'il y était né. Zed et Cahan ne bronchaient pas, mais tous deux n'attendaient qu'une chose : pouvoir s'arrêter et s'étendre dans l'herbe qui, quoique fraiche, sonnerait comme une bénédiction.
Le groupe parvint à une halte le temps de prendre la mesure de ce qui se présentait à eux. Le volcan, immense, se dressait au bout de ce qui semblait constituer une plaine, parsemée çà et là d'arbres. La terre, étrangement nue, était craquelée de part en part. Les arbres, bien que la nuit ne permette pas de s'en assurer, paraissaient tous décharnés. Morts.
Ce spectacle abrupte coupa le souffle des voyageurs qui ne surent comment réagir. Les bras ballants ils semblaient attendre qu'on les tire d'un mauvais rêve, ou que l'on lève le rideau pour révéler une nature luxuriante, semblable à celle qu'ils avaient côtoyée depuis leur arrivée sur cette île, trois jours plus tôt.
— On est arrivé ? demanda Heïna.
Ses prunelles noisette scrutaient son nouvel environnement avec avidité, comme si c'était la chose la plus curieuse qu'elle n'ait jamais vu.
— C'est le volcan qu'il faut allumer ?
Spoty se passa une main dans les cheveux. Le changement d'atmosphère ne l'avait pas laissé de marbre. Il ne comprenait pas pourquoi toutes les énergies vibrantes et colorées qu'il avait détectées, perçues et traversées dans la forêt avaient subitement disparu.
— Est-ce qu'on peut aller l'allumer ? s'impatienta la petite sorcière.
Elle paraissait être la seule à posséder la faculté d'utiliser ses cordes vocales. Finalement, agacée par les questions à répétition de la petite fille et désireuse de mettre fin à cet interrogatoire, Lumia répondit « oui, oui et non »avec un ton plus sec qu'elle ne voulait.
— Hein ? s'étonna la jeune sorcière en fronçant le nez.
— Ce n'est pas poli de répondre par « hein », la corrigea Spoty. Il vaut mieux dire « comment ».
Le garçon semblait décidé à prendre en charge l'éducation de la sorcière, au grand dam de Zed qui voyait d'un très mauvais œil le fait qu'un ancien Transfert ait autant d'influence sur son amie d'enfance.
— On va trouver un endroit ou monter un camp dans la plaine, et on décidera d'un plan pour réveiller ce monstre de volcan, intervint-il alors.
— Un monstre ? Ou ça, un monstre ?
— Tais-toi, Heïna, gronda Cahan.
Quatre têtes interloquées se tournèrent vers le nomade. Depuis les retrouvailles sur le rivage de l'île, le sorcier s'était arrangé pour laisser s'échapper le moins de mots possible de sa bouche, et jamais n'avait-il repris la jeune fille qu'il semblait au contraire couver d'une attention toute particulière. Peut-être se tenait-il pour responsable de son état. Ou peut-être pensait-il à la promesse qu'il avait faite à son père de veiller sur la porteuse de Mars. Dans tous les cas, ces paroles étaient inattendues et fillette rougit avant de détourner le regard, les sourcils froncés, vexée de s'être fait rabrouer de la sorte par ce grand ours silencieux.
— Pardon, dit-il encore. Suis fatigué.
— Nous le sommes tous, ne t'en fait pas l'excusa Spoty. Je rejoins l'idée de Zed, trouvons un endroit où nous installer. Il se peut que nous restions ici un moment, alors autant chercher un endroit confortable.
À ces mots, Lumia laissa sonner un rire.
— Confortable ? Sur cette terre mourante ? Tu crois trouver une suite luxueuse où te reposer peut-être ?
— Je pensais plutôt à un endroit où ne pas être en danger ou constituer une proie trop facile pour les bestioles qui rodent dans cette forêt. Mais si on me propose une suite princière, je ne dirai pas non.
Zed pouffa et Cahan leva les yeux au ciel. Les échanges du duo éclectique avaient le don de créer des réactions variées à son entourage, et celui-ci ne faisait pas exception.
Quelques heures et de nombreuses prises de tête plus tard pour décider de l'emplacement idéal, le groupe se mit d'accord sur une sorte de petit oasis à l'intérieur de la plaine déserte, au sud-ouest du volcan. Spoty avait décrété que c'était le seul lieu où il sentait la présence d'énergie « positive »,
Lumia que l'on semblait suffisamment loin du volcan et proche de la forêt pour pouvoir se mettre en sécurité si nécessaire,
Zed que l'on avait une vue imprenable sur le volan,
Cahan qu'il y avait de l'ombre grâce aux trois arbres qui constituaient ce territoire,
et Heïna que justement, il y avait des arbres. Elle disait aimer les arbres.
Les pensées de Spoty dérivaient vers une autre sorcière qu'il avait connue lorsqu'Heïna avait ce genre de paroles.
Alors qu'il repartait vers la forêt avec pour mission de récolter de larges et longues feuilles pour créer une sorte d'abri contre la pluie mais surtout le vent, il se remémora ses derniers souvenirs avec Ethel. La porteuse de Jupiter n'avait plus été que l'ombre d'elle-même, à ce moment-là. Elle apparaissait rarement en journée, enfermée dans l'un des tipis de la tribu de Salavenn, occupée à tailler des objets dans du bois ou à concocter des potions dont même lui n'avait pu deviner la finalité. Il se souvenait d'une jeune fille souriante, enthousiaste et volontaire avant que May ne prenne son envol. Cette nuit-là avait semblé la dévaster. Le garçon pensait pouvoir comprendre. Perdre ses deux meilleurs amis au cours de la même soirée et voir avec eux disparaitre tout ce qui symbolisait la vie ne devait être aisé pour personne.
Il se demandait se qu'elle devenait. Il espérait qu'elle était toujours en vie. Pouvait-il en douter ? D'un côté, elle avait semblée bien entourée lorsqu'elle et trois autres sorciers avaient décidé de partir, mais de l'autre, l'entreprise dans laquelle ils s'étaient lancés semblait dangereuse, vaine et semée d'embuches. Spoty ne craignait que trop qu'un accident, le froid ou la nuit n'ait emporté la dernière étincelle d'espoir qui brillait au fond du cœur de celle qu'il se laissait à considérer comme son amie.
Pris dans des réflexions qui se dirigeaient à une vitesse vertigineuse vers des teintes sombres qu'il ne valait mieux pas approcher de trop près, le sorcier repéra les arbustes qui lui paraissaient propices pour se procurer les feuilles qu'il recherchait. Il en ramassa une petite dizaine, et encombré de son nouveau fardeau, il rejoignit ses compagnons dans leur nouveau camp où il s'en délesta en soufflant, le front ruisselant de sueur.
Zed et Cahan étaient partis chasser, et Lumia avait eu pour mission de décider comment organier le camp pendant qu'elle gardait Heïna.
— Pourquoi il faut réveiller le volcan ? demanda cette dernière.
Assise sur sa veste qu'elle avait déposé au sol, la fillette ne semblait pas affectée par le froid mordant qui piquait les joues de Lumia.
— Parce qu'il faut créer beaucoup de chaleur et de lumière pour faire revenir le soleil.
— Mais ça suffit pas que tu sois là ?
— Comment ça, ça suffit pas que je sois là ?
Occupée à délester l'un des arbres secs de ses branches les plus basses pour faire du feu, Lu lança un rapide regard à la jeune sorcière.
— Bah tu t'appelles Lumia. Tu es la lumière, non ?
Un sourire apparut sur les lèvres de la jeune femme avant qu'elle puisse le retenir.
— Vu comme ça... intervint Spoty. Lu a effectivement un rôle à jouer pour ramener le soleil, tenta-t-il d'expliquer, mais on a aussi besoin du volcan. C'est comme... un allié, tu vois ?
— Je vois ! s'exclama la sorcière, toute fière qu'on lui prêtât toute l'attention qu'elle souhaitait.
Dans les heures qui suivirent, un feu de camp naquit, un toit fut confectionné à l'aide des grands feuillages rapportés par Spoty, et le groupe mangea à sa faim pour la première fois depuis des jours. Cela leur semblait d'ailleurs avoir été des semaines.
Lorsque vint le moment de se reposer, on distribua des tours de garde et chacun posa la tête sur un oreiller de fortune, le cœur plus léger qu'il ne l'avait été depuis l'éveil de la Gardienne. Ils avaient la sensation de toucher au but, de se trouver enfin au bon endroit. Bientôt, ils le sentaient, le soleil se lèverait sur l'océan et le monde renaîtrait.
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*publication le 18/04/20*
On se rapproche dangereusement du moment que l'on attend tous... 👀 j'ai hâte de vous le faire découvrir. 🙈
D'ici-là portez-vous bien, prenez soin de vous, soyez bienveillants avec vous-même,
Je vous aime ♥️
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