(Hey! Je préviens avant de commencer, mais cette histoire est une histoire entre deux filles... Tout d'abord, si vous n'êtes pas à l'aise avec cela, ne cherchez pas plus loin et changez de lecture tout de suite! Ensuite, je précise que, sauf exception explicitement spécifiée, mes écrits se passent systématiquement avec un personnage principal féminin, et non masculin! Parce que non seulement je suis moi-même une fille et que la plupart des personnes qui lisent ceci le sont aussi, et parce que je ne veux pas écrire en me mettant dans la peau d'un garçon (sauf rares exceptions). Pas la peine donc de venir me trouver ou de vous plaindre de moi dans mon dos, je ne compte pas revenir sur mes choix! J'écris avant tout pour moi, alors je pense être la principale intéressée par mes différents choix et aspirations ^^ Voilà, la minute reloue est terminée, je vous souhaite une bonne lecture!)

Et voilà. 

Naho avait arrêté de compter le nombre de fois où cette situation se produisait. Elle avait tout juste vingt-deux ans, et avait déjà enchaîné les relations amoureuses depuis des années, dépassant très vite ce que ses dix doigts pouvaient supporter.

Plus de dix aventures, plus ou moins longues selon le garçon concerné, et toujours rien. Encore une fois, elle allait devoir avouer à ses parents sa récente rupture avec son dernier petit ami, avec qui elle était restée à peine plus de six mois.

Mais, comme toujours, elle souhaitait attendre le plus longtemps possible avant de leur annoncer. Ses parents étaient en effet très traditionnalistes, et souhaitaient voir leur fille se marier, avoir des enfants et se ranger aux côtés d'un homme au plus vite.

Mais elle, elle ne voulait pas. Tous les hommes qu'elle avait rencontrés jusqu'à présent avaient tous la même saveur aigre et dépourvue d'intérêt. La plupart n'étaient là que pour profiter d'elle et de son corps au maximum, avant de la laisser tomber du jour au lendemain, dès qu'ils avaient terminé de jouer avec elle.

Au début, elle s'était sentie humiliée et déshonorée par cela. Elle n'avait même pas pu compter sur le soutien de ses propres parents, qui pensaient seulement que leur fille exagérait les choses. Comment pouvait-elle parler de viol ou de tout autre forme d'abus si elle était justement dans une relation amoureuse avec l'homme en question?

La vérité était là, cependant. Elle était bafouée, et son corps ne lui appartenait plus. Son esprit avait arrêté d'espérer, mais son âme souhaitait toujours pouvoir se battre, même si la finalité était désespérée.

Les hommes la dégoûtait. Sa famille la dégoûtait. 

Elle se dégoûtait elle-même.

Les quelques photos qu'elle avait prises avec son dernier petit ami furent effacées sans l'ombre d'un remord, et les rares cadeaux qu'il lui avait offerts venaient de passer à la poubelle quelques instants plus tôt. Les larmes sur ses joues étaient séchées depuis longtemps, et ses yeux vides fixaient le plafond sans même le voir.

Encore. Encore.

Encore.

Elle n'avait même plus la force de réfléchir davantage. Son esprit était une véritable cacophonie silencieuse, et son cœur était comme vidé de toute la force qui n'était plus là depuis des années. Qu'est-ce qui n'allait pas avec elle, au juste? Pourquoi était-elle ainsi?

En proie à cette véritable tuerie intérieure, un son résonna alors dans son appartement vide. Celui de son téléphone, qu'elle tenait encore dans la main, hésitant ou non à envoyer la triste nouvelle à sa famille.

Lorsqu'elle regarda l'écran, son regard auparavant morne et dénué de sens s'illumina légèrement. Un petit sourire vint éclairer ses lèvres sèches, sur lesquelles elle passa sa langue dans l'espoir d'éviter aux craquelures de gagner du terrain.
       
     

De: Nobara

Cc! Comment vas?
     
    

Toujours au bon moment, pensa Naho avec un soupir de contentement. Comme si la rousse était dotée d'un sixième sens, celle-ci semblait toujours débarquer dans sa vie au bon moment. Avec un simple message, la jeune femme parvenait à illuminer sa vie et à lui faire oublier tous ses problèmes.

En ramenant ses jambes contre son torse, Naho entreprit alors de répondre à Nobara, lui annonçant qu'elle était de nouveau célibataire pour une durée indéterminée. Jusqu'à ce qu'elle trouve un autre homme qui la jetterait quelques semaines plus tard, en d'autres termes.

La réponse de Nobara ne se fit pas attendre, comme si la rousse attendait son message immobile derrière son téléphone.

    
    
De: Nobara

Bouge pas, j'arrive.
    
     

Et, juste comme cela, Naho laissa son téléphone retomber sur le canapé à côté d'elle. Le bruit incessant des voitures passant dans la rue en contrebas ne lui parut plus aussi insupportable que d'ordinaire, alors que les minutes défilaient à une vitesse excessivement lente.

Finalement, au bout d'une bonne quinzaine de minutes, une sonnerie retentit dans son appartement silencieux, et Naho se leva finalement afin de se diriger vers sa porte d'entrée.

Là se tenait Nobara, les bras chargés de sacs en tout genre d'où débordaient de quoi manger et dormir, avec son sourire de signature collé sur les lèvres.

-C'est ici que se trouve un cœur en détresse? 

Naho laissa échapper un rire alors qu'elle permettait à la rousse de rentrer, qui prit possession des lieux en quelques secondes seulement. Les volets furent relevés à moitié, la fenêtre ouverte pour laisser passer l'air, les couvertures autrefois en pagaille sur le canapé poussées dans un coin, avant que Nobara ne se laisse choir sur celui-ci.

La propriétaire des lieux, ou du moins celle qui l'était officiellement, vint prendre place à côté de la jeune femme énergique, qui sortait d'ores et déjà des pots de glace de l'un de ses sacs. Une au chocolat pour elle-même, et une au caramel pour Naho.

Ce qui fit sourire cette dernière, alors qu'elle prenait la glace et la cuillère qui lui tendait Nobara. Même ses propres parents ne se souvenaient jamais de son parfum préféré, et encore moins ses petits copains successifs.

Un film était déjà lancé lorsqu'elle revint à la réalité, une comédie semblait-il. Nobara piochait d'ores et déjà dans sa propre glace, et Naho se dépêcha de faire de même, l'odeur du caramel lui montant à la tête à une vitesse surprenante. Elle se souvint alors avoir oublié de manger ce midi, aidée par le bruit affreux et grotesque que fit son ventre affamé.

Nobara laissa échapper un rire à cela, et Naho la suivit très volontiers, l'esprit un peu plus léger. A mesure que le film avançait, cependant, la jeune femme se rendit très vite compte qu'elle n'arrivait pas à se concentrer sur la télévision. Lorsque les deux protagonistes s'avouèrent leur amour fou, elle sentit son estomac se serrer, et la glace peser plus lourd que jamais à l'intérieur. 

Elle ne savait pas comment Nobara fit pour l'entendre malgré le volume de la télévision, mais la rousse tourna alors son attention vers elle, plongeant ses yeux dorés dans ceux cernés de noir de son amie.

-Nobara...? Est-ce que tu penses que j'ai un problème, que quelque chose ne va pas chez moi...? 

Elle ne savait pas quoi dire d'autre, et elle espérait que la rousse puisse comprendre à quoi elle se référait en parlant de la sorte. Nobara était plus que quiconque au courant du combat que Naho menait à chaque nouvelle relation vouée à l'échec qu'elle débutait.

Ce ne fut que lorsque Nobara vint passer ses doigts sous ses yeux qu'elle se rendit compte qu'elle pleurait. Et elle ne savait pas vraiment pourquoi. 

Était-ce la pensée d'avoir rompu avec son dernier petit ami qui la tourmentait ainsi? Ou bien celle de ses parents, à qui elle allait devoir annoncer la nouvelle d'ici peu et qui allaient encore lui exprimer leur mécontentement et leur déception?

Ou bien à l'idée de se retrouver de nouveau seule? Ou bien... 

Autre chose...?

Nobara la regardait avec les sourcils froncés, qui lui donnaient vraiment ses vingt-et-un ans, comparé à l'expression insouciante qu'elle arborait tout le temps et qui lui en faisait paraître dix de moins.

-Je pense que tu vas très bien, lui répondit alors la rousse en baissant le volume du film, oublié depuis longtemps. Je pense que tu appréhendes simplement la rencontre avec tes parents et que tu es frustrée de ne pas réussir à trouver le bon.

Naho avait à de nombreuses reprises raconté les difficultés qu'elle rencontrait non seulement avec ses parents, mais également avec ses relations sans lendemain. Elle avait déjà dit de nombreuses fois à Nobara à quel point elle se sentait misérable lorsqu'ils avaient terminé de l'user autant qu'ils le pouvaient, profitant de sa détresse et de son désespoir de trouver un petit ami au plus vite.

Toujours pour satisfaire les idées traditionnalistes de ses parents. Sans jamais penser à ce qu'elle pouvait bien penser et endurer au quotidien. A quel point elle se dégoûtait elle-même.

-Et si tu abandonnais l'idée de te trouver un mec pour le moment?

Cette suggestion de Nobara alluma quelque chose en elle. Depuis toujours, elle s'était à longueur de journée dit que cela était tout simplement impossible pour elle. Elle ne voulait pas se retrouver toute seule, pour rien au monde. En plus de cela, ses parents n'accepteraient jamais de la voir mettre de côté sa quête de "l'homme parfait" et se complaire dans son célibat.

-Et si tu faisais ce que tu as toi envie? Sans te soucier de l'avis des autres? Quoi que tu choisisses, tu sais que je serai toujours là pour te soutenir.

Ce fut la goutte d'eau qui eut raison de sa contenance. Comme si quelqu'un venait d'actionner un levier, les larmes dévalèrent ses joues en cascade, la prenant elle-même par surprise. Elle ne s'était pas rendue compte que cette histoire la préoccupait au point de la mener à un tel point de rupture émotionnelle.

Nobara avait passé ses bras autour d'elle depuis le début de ses pleurs, et elle-même rendit instinctivement l'étreinte. Les mots de Nobara résonnant en elle à mesure qu'elle parlait.

A quoi bon se borner à faire plaisir à des personnes qui ne la comprenaient même pas, qui lui imposaient une vision des choses qui ne correspondait pas à la sienne? Pourquoi s'entêter à vouloir être avec des hommes qui ne voulaient absolument pas prendre le temps de la connaître, de la comprendre, de la soutenir?

Qui prenaient ce qu'ils voulaient et repartaient sans rien ajouter de plus, la laissant brisée et meurtrie?

Qui la dégoûtaient plus que quiconque, qui allaient contre ses envies et ses aspirations...?

Faire ce dont elle avait envie...? 

-Nobara... Je crois que les hommes me dégoûtent au plus haut point. Je crois que je ne suis pas faite pour ça. Je ne veux plus rien avoir à faire avec eux. Ni avec mes parents. Juste avec toi.

De là où se trouvait son visage, dans le cou de Nobara, elle sentit le pouls de cette dernière s'accélérer d'un seul coup, dès sa phrase achevée. Les mains de Nobara se firent beaucoup plus moites, et son esprit s'emballait à l'insu de Naho.

La rousse n'était pas encore préparée pour la phrase qui allait suivre.

-Je crois que j'aime les filles, Nobara. Si mes parents l'apprenaient je pense que je pourrai plus jamais me présenter devant eux. Ils me renieraient juste pour ça, c'est sûr et certain.

Elle disait vrai. Si sa famille venait à l'entendre actuellement, Naho ne donnait pas cher de sa peau. Une fille qui aime les filles et qui partage le même sang qu'eux? 

Dégoûtant.

-Tu trouves que je suis dégoûtante...? ne put s'empêcher de demander la jeune femme à son amie silencieuse depuis le début.

-Absolument pas, lui répondit la rousse après une demi-seconde de réflexion. Ou alors nous le sommes toutes les deux.

Naho releva la tête d'un seul coup en entendant cela, plongeant ses yeux dans ceux de Nobara sans y croire. Aucune trace d'ironie ou de plaisanterie, et ses propos ne laissaient que peu de place à différentes interprétations.

-...depuis combien de temps tu le sais...?

A cela, Nobara détourna le regard tout en ravalant difficilement sa salive.

-... depuis que je t'ai rencontrée je crois.

Naho avait toujours cru qu'une telle révélation l'aurait dégoûtée au possible. Surtout venant d'une fille. Une fille qui venait de lui avouer qu'elle ressentait des choses pour elle. Mais, présentement, aucune trace de dégoût en elle.

Elle sentait seulement le sang battre plus sauvagement que jamais à ses oreilles, son esprit réfléchir à une vitesse affolante, alors qu'un sentiment étrangement agréable faisait son chemin dans son estomac.

Cette déclaration n'avait aucunement la saveur de celles de ses anciens petits amis. Elle ressentait des sentiments à la portée décuplée, que ce soit la joie, la peur, l'euphorie ou l'excitation. Et cela suffisait à la faire pleurer de plus belle. Mais plus de larmes de douleur...

Des larmes de bonheur et de soulagement.

Si elle était effectivement anormale, comme le dirait sa famille s'ils savaient, alors elle voulait garder cette anormalité autant que possible si cela lui permettait d'être heureuse. La douceur des bras d'une fille n'avaient rien à envier à ceux rigides et peu accueillants d'un garçon.

Là, dans ceux de Nobara, elle se sentait finalement à sa place. Apaisée, comme jamais elle ne l'avait été auparavant. Depuis le début, ce n'était pas elle le problème... 

Mais bien les autres. Sa famille en particulier.

S'ils ne pouvaient pas se résoudre à accepter les choses ainsi, alors ils ne méritaient pas de l'avoir comme fille, et non l'inverse. Ce n'était pas elle qui devait avoir honte, mais bel et bien eux avec leurs valeurs traditionnalistes périmées.

Qui ne prenaient même pas en compte le bonheur de leur propre enfant.

Ce bonheur qui avait tant de fois échappé à Naho, ce bonheur qu'elle n'avait pas su comprendre jusqu'à présent, trop aveuglée par la "normalité" et ce que l'on attendait d'elle. Il ne suffisait pas d'être avec quelqu'un pour se sentir heureuse.

La clé... C'était d'être avec quelqu'un qui nous rassurait. Qui nous aimait comme on était, et qui ne cherchait pas à prendre sans jamais donner en retour.

Quelqu'un que l'on aimait, tout simplement. Et là, dans les bras de Nobara, Naho sentait que sa longue et douloureuse recherche touchait à sa fin.

Toutes ces années à courir après un bonheur factice, alors que la réponse était à ses côtés depuis le tout début.

Depuis qu'elle avait décidé d'être fidèle à elle-même. Depuis qu'elle avait décidé d'écouter son cœur et son esprit.

Depuis qu'elle aimait celle qu'elle voulait aimer.