Chapitre 1 : Mélancolie
Fanfic bien triste comme on les aime sur la relation entre Satoru Gojo et Suguru Geto. Que se passerait-il si les deux hommes s'étaient retrouvés, par hasard, avant le massacre du 24 décembre 2017 (JJK0) ?...
Scènes de sexe explicites (pas trash) dans les chapitres 3 et 4, mais les deux premiers chapitres peuvent être lus indépendamment.
Bonne lecture !
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"Purée, qu'est-ce qu'ils sont gonflants...", fut sa première pensée lorsqu'il posa enfin un pied au-dehors, sous le soleil de ce beau mois d'avril.
Sortant du parvis reculé sous un pont de pierre, dont la porte secrète était directement incrustée dans la roche, les rayons éclatants vinrent éblouir ses yeux bleus encore trop habitués à l'obscurité.
Il leva sa main pour obstruer la lumière vive et protéger ses pupilles, tout en remontant la butte qui menait à l'entrée secrète et au souterrain dont il sortait.
Arrivé au sommet, il tourna et rejoignit la petite route bétonnée, seule preuve de civilisation dans cet environnement reculé et boisé.
L'homme fit enfin dos au soleil et pu baisser son bras sans manquer de se faire brûler ses rétines.
Il en profita pour remonter les lunettes de soleil sur son nez, et, au sommet de la colline, se planta debout au milieu de la route goudronnée, poussiéreuse par son absence de passage. Derrière lui, les feuilles des arbres bruissaient sous la brise matinale.
Il soupira.
Surplombant Tokyo depuis cette colline, Satoru Gojo admirait la vue.
"Après avoir passé plus de deux heures dans le noir quasi complet, un peu de ciel bleu fait pas de mal...", affirma-t-il à haute voix, se parlant à lui-même.
"Ces vieux gâteux... J'en peux plus de les entendre se plaindre et geindre sur les agissements de tel ou tel exorciste... Ça commence à me taper sérieusement sur les nerfs.", grogna-t-il, sentant la colère qu'il avait ressentie bouillonner en lui ces dernières heures revenir dans ses tripes.
Satoru fourra ses mains dans ses poches, comme pour s'empêcher de vouloir frapper quelqu'un. Enfin, ce n'était pas avec les environs déserts qu'il allait pouvoir trouver âme qui vive, de toute façon.
En effet, il s'était rendu, comme chaque début de trimestre, auprès de ses charmants supérieurs du monde de l'exorcisme, pour faire le point sur ses dernières missions, ses objectifs à remplir pour les mois à venir, et ses tâches de professeur à l'école d'exorcisme de Tokyo.
Tout cela saupoudré bien sûr des remarques acerbes et piquantes des "petits vieux" comme il les appelait, qui ne pouvaient pas se la fermer.
"Et en plus faut que je me tape trois heures de route et vingt minutes de marche pour arriver à ce trou paumé, juste pour leurs beaux yeux...", maugréa-t-il dans sa barbe.
Bien qu'en réalité il appréciait ce havre de paix loin de l'agitation tokyoïte, savoir que ce coin perdu au milieu de la cambrousse signifiait forcément de voir ces vieux sages du monde de l'exorcisme... Cela ne rendait pas Satoru fou de joie.
Passer cette porte mangée par la rouille, encastrée sous le pont de pierre ; s'engouffrer dans le dédale de couloirs souterrains, traverser les multiples allées et traverser les fausses pièces pour brouiller les pistes en cas d'irruption d'inconnus ; pour enfin arriver dans la grande salle de réunion, vaguement éclairée par quatre lampes à huile, aussi vieilles certainement que le doyen des patriarches. Déblatérer pendant des heures et refaire le monde - leur volonté de monde - pour un exorcisme parfait, parler à des paravents clos sans visages, ne pas se laisser entendre sous peine de réprimandes... Cela faisait maintenant neuf ans que Satoru devait endurer ces rendez-vous barbants.
Depuis qu'il s'était lancé officiellement en tant qu'exorciste accompli.
Depuis qu'il avait été promu exorciste de classe S.
Depuis que... que le drame s'était produit.
Depuis que son meilleur ami était parti.
Tentant d'apaiser son agacement et disperser ses pensées négatives, Satoru contempla les nuages qui glissaient doucement dans la mer azur, au-dessus de ses cheveux immaculés en bataille.
"On va dire que c'est la récompense après avoir été intoxiqué d'odeur de vieux...", ricana-t-il.
Il baissa ses pupilles et s'amusait à distinguer les passants, ridiculement minuscules, s'affairer à leur train-train quotidien dans les rues. Les rames de métros et les immeubles paraissaient miniatures sous ses pieds.
Mais, depuis son poste d'observation, alors qu'il dominait la ville et se délectait de cette vue splendide, Satoru Gojo se sentit mélancolique.
À chaque fois qu'il montait sur cette butte - son rituel post-réunion -, à chaque fois qu'il regardait les nuages, à chaque fois qu'il sentait le soleil lui brûler ses iris d'un bleu encore plus perçant, plus clair, plus limpide que le ciel, il se souvenait de la première fois.
La première fois où il était venu ici.
Enfin, la première fois où Satoru avait été amené de force, ici.
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"VOUS ALLEZ ME LÂCHER OUI ?!", hurlait-il à pleins poumons.
C'était il y a neuf ans.
Pendant l'été.
Il dévala la pente à toute vitesse, maintenu fermement aux biceps par deux Fenêtres qui l'encadraient.
Cette même pente qu'il venait de remonter nonchalamment aujourd'hui pour admirer l'horizon.
Il n'avait pu en profiter ce jour-là.
La colère bouillonnait en lui.
Non pas à cause de ses supérieurs hiérarchiques, qu'il ne connaissait pas encore à l'époque.
Non pas à cause des failles de la société d'exorcisme que les patriarches tentaient de cacher.
Non pas à cause des hiérarchies et jeux de pouvoir qui se tramaient dans cette mafia tentaculaire.
Non.
Il hurlait de colère et se débattait pour une raison plus naïve.
Plus égoïste.
Mais plus poignante. Plus cinglante.
Une raison qui lui fendait le cœur, une raison qu'il ne pouvait rationaliser. Une raison qu'il ne pouvait accepter.
"Arrêtez de me serrer les bras, je vais finir par exploser.", ordonna-t-il d'un ton beaucoup plus calme mais beaucoup plus acerbe à ses deux chiens de garde, qui l'empoignaient de plus en plus fort.
"C'est bon, je vais vous suivre comme le bon toutou qu'on me demande d'être.", lâcha-t-il avec sarcasme, leur lançant un rire moqueur au visage.
Il y a neuf ans, il était venu ici en uniforme de l'école d'exorcisme.
Il y a neuf ans, il portait aussi des lunettes de soleil, mais aux verres ronds et moins opaques qu'aujourd'hui.
Au fil des années, la sensibilité de son Sixième œil s'était accrue et il devait de plus en plus obstruer sa vision, pour apaiser ses migraines et nausées.
Il y a neuf ans, le soleil était de plomb et tapait sur son crâne.
Il y a neuf ans, les cigales stridulaient dans l'herbe jaunie par les rayons brûlants. Le bruit était si fort qu'il résonnait encore dans ses oreilles.
On dirait qu'elles agonisaient.
Puis, tout était allé si vite : poussé à travers la porte rouillée, les dédales de couloirs, plusieurs pièces, enfin la salle principale.
Les paravents ne l'avaient même pas choqué à l'époque, il pensait que compte tenu de la situation, les patriarches essayaient de se protéger d'une éventuelle attaque de Satoru.
Les deux Fenêtres étaient venues avec lui, mais elles l'avaient lâché. Poussé au milieu de la salle, entouré par ces supérieurs inconnus, il était maintenant tout seul, centre de l'attention.
"Satoru Gojo, étudiant en première à l'école d'exorcisme de Tokyo. Vous avez été appelé ici au sein du cercle des pontes de l'exorcisme pour être interrogé sur les actes reportés ces dernières heures concernant votre camarade Suguru Geto. Vous n'avez pas d'autre choix que de nous répondre, ou votre vie en dépend. Est-ce bien clair ?"
Il se souvenait encore de ces phrases qu'on lui avait jetées à la figure.
Il y a neuf ans, son cœur battait dans sa poitrine et manquait de s'en échapper.
Il y a neuf ans, il sentit une goutte de sueur glisser le long de sa nuque et passer sous son col d'uniforme.
Il y a neuf ans, il avait certainement répondu à l'affirmative, mais le Satoru d'aujourd'hui ne s'en rappelait plus.
Il y a neuf ans, il avait argumenté son innocence, apportant tous les éléments de réponse en sa possession.
Pourquoi Suguru Geto avait-il massacré ce village ?
Ils lui posèrent cette question mais connaissaient déjà la réponse.
Pourquoi Suguru Geto n'avait-il pas détruit l'école d'exorcisme de Tokyo ?
Parce qu'il ne la considérait pas comme un obstacle immédiat.
Suguru Geto n'avait-il pas montré de signes avant coureur de sa folie ?
... Non, pas qu'il sache... Enfin, non... normalement pas... avait-il loupé quelque chose ? Un indice, une piste ?
Il y a neuf ans, on lui avait posé cette question, qui restera à jamais gravée dans sa mémoire : "Êtes-vous complice de Suguru Geto ?"
Et là, il se souvenait très bien de ce qu'il leur avait répondu : "Si c'est pour me prendre pour un con, je m'en vais."
Il se souvenait des deux Fenêtres qui guettaient la situation dans un coin en cas de débordement, des patriarches qui se concertaient et complotaient derrière leurs paravents, de la veine de son cou qui pulsait sous la rage, de son cœur qui battait à tout rompre, du brouhaha qui sonnait dans ses oreilles, de la fureur qui transperçait de ses iris.
"Très bien. Satoru Gojo, nous en concluons que votre ancien ami Suguru Geto a pris sa décision en son âme et conscient. Vous n'êtes pas considéré comme impliqué dans sa folie meurtrière."
Encore heureux ! Il enrageait de savoir qu'un seul instant, il avait pu être considéré participant à cette folie.
"Ce faisant, nous vous assignons à la tâche d'exécuteur."
Satoru ricanait encore de la stupidité de ces vieux papis qui semblaient être les marionnettistes de leur monde. Il avait écouté à moitié.
"Suguru Geto, exorciste de classe S devenu maître des fléaux, recherché pour violation du code des exorcistes et massacre d'innocents, est officiellement proclamé recherché et condamné à mort.
Satoru Gojo, exorciste de classe S, fils du clan Gojo, détenteur du Sixième Œil, à partir d'aujourd'hui... Vous êtes nommé exécuteur officiel de Suguru Geto."
Il avait finalement écouté l'entièreté de la déclaration, et dû prendre un moment pour emmagasiner ces paroles.
"- ... Pardon ?
- Vous, Satoru Gojo, exorciste de classe S, fils du clan Gojo-
- Ouais vous allez pas me la refaire, j'ai entendu... Mais je vous demande pardon ? Moi ? Exécuteur ? Vous vous fourrez vraiment le doigt dans l'œil ! Ha ! Elle est bien bonne."
Un silence de mort s'était alors abattu dans la salle auparavant en pleine effervescence. Seul résonnait son rire, le rire de Satoru, son ricanement, son sarcasme, son désir de réfuter ce discours.
"- Vous êtes actuellement le seul classe S en mesure de le retrouver et de le vaincre. Vous avez des connaissances intimes dont nous ne disposons pas. Vous avez votre ancienne proximité, ce qui vous permettra-
- De mieux l'embobiner ? Pour mieux le trucider après ? C'est ça que vous voulez de moi ?!", interrompit-il l'un des vieux sages qui lui expliquait, comme à un enfant, la raison de leur choix.
"Enfin, Satoru, vous n'allez pas éprouver de la pitié pour lui tout de même ?"
Son cœur manqua un battement. C'est vrai, il avait eu ce goût amer dans la bouche, cette rage de se défendre, de le défendre... mais était-il seulement excusable ? Que pouvait-il faire, face aux actes barbares de son ancien ami ? Que pouvait-il faire si on lui ordonnait de l'assassiner ?...
"- Assez. Laissez-le partir, il a compris, c'est bon.
- ... P-Professeur Yaga ?"
Ledit professeur avait fait son apparition sous la lumière des vieilles lampes à la lumière jaune. Satoru s'en était étonné, se demandant depuis combien de temps il avait été présent. Avait-il assisté à toute la discussion, le scrutant dans le noir d'un des coins de la pièce, s'assurant que son élève n'était pas le complice de son ancien étudiant ?
Il avait beau réfléchir, son Sixième Œil n'avait même pas perçu sa présence.
Satoru était troublé, trop troublé pour ne serait-ce que percevoir son sixième sens inné.
Le professeur Yaga posa sa main sur son épaule, et l'élève ne fut jamais aussi content de voir son professeur à ses côtés, lui qui, habituellement, l'associait à "punitions".
"Vous vous amusez à le tourmenter alors que vous ne pouvez vous imaginer ce qu'il ressent. Dois-je vous rappeler que, malgré sa classe de rang S, il ne reste pas moins qu'un étudiant de 17 ans ?"
Yaga parla d'un ton froid et détaché que Satoru ne lui connaissait pas à l'époque.
Le jeune adolescent remonta, d'une main qui découvrit tremblante, les lunettes sur son nez.
En fait, il tremblait de tout son corps. La pression ? La rage ? La pure tristesse ? Il ne savait pas ce qui le chamboulait tant, mais il voulait partir.
Cet environnement inconnu, sa gorge sèche à force de crier et de raconter ce qu'il sait, son dépit face à l'incompréhension de ces gens...
Satoru percevait la voix de Yaga mais n'écoutait plus.
Il ne voulait rien savoir de plus.
Tout était trop puissant, les sons, la lumière pourtant tamisée, ses émotions.
Quelque chose n'allait pas, il n'allait pas bien, depuis son départ.
Il voulait se rouler en boule et disparaître.
Lui qui aimait pourtant être le centre de l'attention.
Avec Suguru, ils avaient été les deux trouble-fêtes les plus bruyants et vantards certainement de tout Tokyo.
Suguru...
"On y va."
Yaga s'était adressé directement à son élève, le sortant de sa torpeur.
Et, alors que certains anciens élevaient la voix et maudissaient Yaga - Satoru n'avait pas suivi pourquoi -, ils sortirent tous deux de la pièce sombre et lugubre.
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"Mouais, j'aurais aimé mieux comme souvenir...", soupira-t-il une nouvelle fois devant la ville miniature sous ses pieds.
Satoru avait enlevé ses lunettes tout en se remémorant ces souvenirs douloureux de sa première visite chez la hiérarchie. Il se frotta les yeux, puis massa ses tempes.
"Ressaisis-toi mon vieux, c'est pas bon de se remettre en colère pour des vieux trucs d'y a presque dix ans...", tenta-t-il de s'autoconvaincre, sentant la veine sur son cou pulser comme à l'époque.
Ses yeux commençaient à sérieusement le piquer, comme des aiguilles qu'on lui enfonçait dans les rétines. C'était le prix à payer de son Sixième Œil, et plus ses émotions étaient puissantes, plus Satoru en pâtissait.
Il plongea sa main dans la poche arrière de son jean et en sortit un bandage soigneusement roulé par ses soins. Il l'enroula avec dextérité autour de ses yeux, jusqu'à bloquer ses iris bleus de la magnifique vue.
La douleur s'apaisa au fil des secondes. Dans l'obscurité de ses yeux couverts, Satoru percevait des centaines d'ombres blanches en contrebas de la colline ; représentant l'énergie occulte de chaque individu, aussi lambda soit-il, qui traversait les rues.
"Bon, j'ai encore quelques heures devant moi... Je vais aller faire un tour là-bas.", se dit-il à voix haute.
Satoru sortit de son autre poche arrière son téléphone portable, qu'il alluma. Il fit défiler la liste de ses contacts et tapa sur l'un d'entre eux.
"- Ijichi ? Ouais c'est moi. Euh tu peux partir hein, je vais aller faire un tour. Pas besoin de me ramener.
- ... Pardon ?! Tu veux que je me fasse tuer en rentrant parce que je t'aurai laissé ?!..."
Le dénommé Ijichi laissa paraître son inquiétude à son interlocuteur, mais l'exorciste ne moufta pas.
"- ... Bon, très bien, fais comme tu veux Satoru. Mais je ne suis pas responsable.
- Ne t'inquiète pas, je défendrai ton innocence auprès de Yaga !", blagua-t-il à son collègue, en essayant, de manière inconsciente, de le rassurer.
Il raccrocha, rangea son portable et craqua ses doigts en souriant.
"Allez, c'est l'heure de se dégourdir les jambes ! Voyons-voir... Un endroit assez désert... Pas loin de l'immeuble..."
Tout en marmonnant, il scruta l'horizon et analysa l'environnement de ses yeux bandés.
Avec son pouvoir, il pourrait trouver ce qu'il cherchait.
"Hmm... ce parc-là me semble vide..."
Satoru approcha ses mains devant son visage, en fixant de son regard couvert la zone qu'il avait visée.
Il entrecroisa ses doigts, écarta ses paumes.
Le jeune homme prit une dernière bouffée de l'air frais en hauteur.
Soudainement, il claqua ses deux mains ensemble, et disparut brusquement de la colline, ne laissant qu'un faible écho de l'onde de choc de son départ résonner à travers les arbres.
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