3
L'infirmière était effectivement passée dans sa chambre quelques heures plus tard, alors qu'elle finissait de ranger ses affaires dans sa nouvelle chambre. Sachant qu'elle n'avait pas grand chose dans ses valises, la tâche avait été relativement facile.
Ses parents avaient été rassurés qu'elle soit arrivée sans problème et qu'elle ait été si bien accueillie, mais en revanche aucune nouvelle de sa petite sœur. Aya lui avait bien envoyé un message à elle aussi, afin de rassurer la jeune fille, mais Ai ne lui avait toujours pas répondu.
Ce qui n'étonnait Aya qu'à moitié. Elle et sa sœur avaient toujours été si proches que son départ avait dû être semblable à une trahison aux yeux d'Ai. Elle-même était dévastée d'avoir à se séparer de sa petite sœur adorée ainsi, mais elle savait aussi que c'était pour son propre bien.
Si elle restait plus longtemps coincée dans cette chambre d'hôpital, elle savait qu'elle deviendrait folle. Et elle ne doutait pas une seule seconde qu'Ai finisse par le comprendre elle aussi. Pour le moment, sa cadette était encore sous le choc de son départ.
Le temps soigne la plupart des blessures et des ressentiments, après tout. Et puis, Aya n'était pas définitivement partie.
L'infirmière lui avait expliqué comment fonctionnaient les différentes machines autour de son lit en cas d'urgence, puis lui avait également indiqué comment l'appeler si besoin il y avait, et enfin lui avait fourni une autre poche d'antidouleur à mettre en perfusion pour la nuit. Aya s'était ensuite lavée, avait enfilé son pyjama fleuri préféré et s'était couchée, l'estomac noué de nervosité et d'excitation.
Même la piqûre de la perfusion n'était pas assez forte et désagréable pour la distraire de ses pensées. Demain, elle faisait sa rentrée dans un nouveau lycée. Demain, elle allait découvrir un tout nouveau monde, entourée de personnes qui étaient comme elle.
Elle mit plusieurs heures à s'endormir, trop euphorique et trop impatiente que le soleil se lève de nouveau. Finalement, elle réussit à grappiller quelques heures de sommeil, et s'était réveillée le lendemain au son de son réveil.
Les mains tremblantes, elle s'était alors préparée à sortir, enfilant son nouvel uniforme d'un bleu sombre tirant sur le noir. Composé d'une veste à boutons en forme de spirale qu'elle laissa ouverte sur une chemise blanche, ainsi que d'une jupe à volants qui lui arrivait un peu au-dessus des genoux, le tout accompagné d'un collant noir et d'une paire de chaussures blanches avec des motifs floraux qu'elle possédait déjà de longue date. Elle attacha ses cheveux à l'aide d'une pince que lui avait offerte sa sœur lors de son précédent anniversaire, en forme d'hibiscus.
Elle avait alors pris son téléphone, un sac à bandoulière au cuir brun usé où elle avait glissé quelques cahiers et quelques stylos, puis était sortie, en prenant bien soin de verrouiller sa porte derrière elle.
Dans le couloir carrelé de blanc et au papier peint à motifs abstraits de la même couleur, elle tomba alors nez-à-nez avec sa nouvelle camarade, aux cheveux bruns coupés au carré et aux yeux chocolat. Shoko sortait elle aussi de sa chambre, qui était effectivement située juste à côté de la sienne.
Lorsqu'elle croisa le regard d'Aya, ses lèvres se courbèrent vers le haut, la saluant d'un sourire amical.
-J'étais sur le point de venir te chercher, dit-elle en marchant vers elle. Tu vas bien?
Aya hocha la tête de haut en bas, tout sourire. Jamais elle ne s'était sentie aussi pleine d'énergie de toute sa vie. Pour ainsi dire, elle avait même laissé sa perfusion dans sa chambre, car elle se sentait suffisamment en forme pour ne pas en avoir besoin de la journée.
-Aujourd'hui tu devrais en principe avoir un cours sur les bases de l'exorcisme avec l'un de nos professeurs, je vais t'y accompagner. Comme on a encore un peu de temps avant l'heure de nos cours, est-ce que tu veux rencontrer les autres élèves de seconde année? Si on les trouve bien entendu, ici on est très souvent occupés à droite à gauche.
Sur le chemin, Aya apprit ainsi que les deux autres premières années étaient déjà partis en mission de leur côté, et qu'elle était la seule seconde présente au lycée aujourd'hui. Elle ne savait pas vraiment si cette nouvelle la réjouissait ou non.
Elle allait se retrouver toute seule pour son tout premier cours. Était-ce positif ou négatif? Elle le verrait très certainement en temps voulu. Pour le moment, la jeune brune s'extasiait beaucoup plus volontiers sur chacun des arbres et parterres de fleurs qu'elle voyait, se souvenant de leurs noms grâce au travail de fleuriste de sa mère, qu'elle avait déjà aidée de nombreuses fois lorsqu'elle était obligée de rester chez elle à cause de sa santé.
Alors qu'elle était occupée à observer un tournesol esseulé au bord du chemin, elle ne fit pas attention aux avertissements de Shoko qui lui signalait de s'arrêter avant qu'elle ne rentre dans quelqu'un...
Ce qu'elle ne comprit que trop tard. Aya vint rencontrer quelque chose qui la fit presque basculer en arrière et manqua de faire glisser son sac de son épaule, bien qu'elle réussisse au dernier moment à reprendre son équilibre. Elle rattrapa son sac in extremis, grimaçant au poids soudain qui pesa sur ses bras chétifs.
Lorsqu'elle leva les yeux pour voir dans qui elle venait de foncer, elle eut la surprise de devoir lever le nez ridiculement haut, afin de pouvoir apercevoir le visage de l'inconnu. Un garçon, qui portait lui aussi l'uniforme du lycée, de même qu'une paire de lunettes noires qui la faisait s'interroger sur sa capacité à voir quelque chose à travers les verres fumés.
Les cheveux du nouveau venu étaient d'un blanc pur qui la prit au dépourvu, puisqu'elle n'en avait jamais vu de tels auparavant. Le visage du jeune homme, qui devait avoir à peu près son âge, était pourvu d'une expression indéchiffrable.
Mais Aya pouvait quand même deviner qu'il était plutôt ennuyé qu'une inconnue lui fonce ainsi dedans, et elle le comprenait même parfaitement. Intimidée par la prestance et la beauté presque surnaturelle qui émanaient de ce garçon, Aya baissa les yeux en reculant et en bafouillant des excuses, le visage écarlate. Le fait qu'il soit aussi beau n'arrangeait pas les choses. Elle n'avait jamais vraiment rencontré de garçons, surtout d'aussi près.
Mais elle pouvait quand même dire que ce garçon-ci n'était absolument pas comme les autres.
Fort heureusement, ce fut Shoko qui vola à son secours. La brune vint déposer une main rassurante sur l'une de ses épaules, vêtue de son uniforme tout neuf.
-Satoru, sois un peu plus accueillant avec les nouveaux s'il-te-plaît, marmonna sa nouvelle amie d'une voix lassée qu'elle ne lui connaissait pas. Tu vas lui faire peur pour son tout premier jour, avec ta face effrayante.
Elle ne le remarqua pas vraiment, trop occupée à détailler ses propres chaussures aux motifs floraux en ne sachant pas où se mettre, mais le dénommé Satoru leva les yeux au ciel face aux remontrances de Shoko.
-Ouais ouais, à d'autres. C'est qui, cette nouvelle élève? Comment elle s'appelle?
Sans savoir pourquoi, Aya fut contrariée que ce jeune homme aux cheveux blancs ne lui demande pas directement son nom, comme si elle n'existait pas ou ne savait tout simplement pas comment parler. Poussée par un pic d'adrénaline, la jeune brune s'avança d'un pas, faisant tomber la main de Shoko précédemment posée sur son épaule.
Elle releva le nez, de manière à faire de nouveau face au géant devant elle, et ravala sa salive en lui adressant un sourire qu'elle voulut sincère et dépourvu de peur évidente.
-Bonjour, je m'appelle Aya Nishida, en première année. C'est un plaisir de te rencontrer... Satoru...?
Ce dernier resta un instant sans rien dire, détaillant sans vergogne la jeune fille qui lui parlait ainsi. Il pouvait sentir la peur dans sa voix tremblante, mais il était légèrement étonné qu'elle puisse malgré tout trouver le courage de venir discuter avec lui. Il avait aux premiers abords cru que cette fille était incapable de se présenter toute seule, vu comme elle lui avait marmonné ses excuses sans même le regarder.
Pourtant, tout dans son apparence allait en ce sens. De sa peau blanche et blafarde, presque translucide et qui laissait apparaître les veines bleutées en dessous, en passant par ses bras chétifs ainsi que ses mains qui agrippaient nerveusement la lanière de son sac, et en finissant par sa taille ridiculement petite et ses yeux apeurés.
Elle était plutôt mignonne, si on enlevait le fait que sa peau soit aussi fine et blanche que du papier de verre. Elle avait de magnifiques cheveux bruns, malheureusement attachés, et de beaux yeux cuivrés. L'innocence transpirait de chaque parcelle de son corps maigre. S'il ne venait pas tout juste d'apprendre qu'elle était une nouvelle élève, il l'aurait volontiers prise pour une fillette qui cherchait sa grande sœur.
Il remarqua, en baissant un peu plus le regard, que cette dénommée Aya avait une trace dans le creux de son bras, visible grâce aux manches retroussées de sa veste, sans nul doute causée par une aiguille. Ce qui confirma à Satoru ce qu'il pensait précédemment: cette fille était faible. Du moins au niveau corporel.
Car, de là où il se tenait, il pouvait sentir la quantité impressionnante d'énergie maudite qui émanait d'elle. Peut-être plus qu'il n'en possédait lui-même. Cependant, elle ne semblait absolument pas savoir comment faire pour la réguler et la contrôler, vu comment elle s'échappait et gravitait librement autour d'elle.
Chose étonnante, l'énergie maudite de cette fille n'était pas comme celles qu'il avait croisées jusqu'à présent. Il y avait quelque chose d'étrange chez cette brune, quelque chose de plus.
-T'es nouvelle dans le monde de l'exorcisme, je me trompe?
Il n'avait même pas pris la peine de se présenter complètement, grimaça Aya pour elle-même. Elle décida de ne pas relever, et d'à la place se contenter de répondre à la question qu'on lui posait. Elle.
-Oui... Je suis là depuis hier seulement.
Cela se voyait-il autant, qu'elle était fraîchement débarquée dans ce genre d'endroit? De surcroît, Shoko et lui étaient d'ores et déjà coutumiers de ce monde qui lui était jusque-là inconnu. Ce qui la faisait se sentir encore plus mal à l'aise qu'elle ne l'était déjà depuis sa rencontre avec ce Satoru.
Qui fredonna simplement en guise de réponse, avant de reprendre la parole d'un ton las.
-Bon, c'est pas tout ça mais je vais en mission, perso. C'était un plaisir de te rencontrer, je suppose.
L'air médusé par ces quelques phrases qu'elle n'arrivait pas à interpréter, Aya observa Satoru s'en aller les mains dans les poches, en sifflotant un air de musique qu'elle jurait avoir entendu quelque part.
-Ne fais pas trop attention à lui, soupira Shoko à côté d'elle en se remettant à marcher. Il est toujours comme ça avec les gens qu'il ne connait pas, mais je suis certaine qu'il deviendra un minimum aimable en apprenant à te connaître. Si ça peut te rassurer, les autres élèves ne sont pas tous aussi... Spéciaux, on va dire.
Aya apprit ainsi que ce fameux Satoru était issu d'une grande famille d'exorcistes, les Gojo. Ce qui voulait dire qu'il était incroyablement fort naturellement, avec en plus de cela les dons qu'il avait obtenus à sa naissance, comme son sort d'infinité ou son sixième œil.
Aya ne comprenait pas encore tout, mais Shoko lui assura que ce n'était qu'une question de temps. Les deux filles cherchèrent quelques instants l'autre élève de seconde année, qui répondait au nom de Geto, mais qui semblait lui aussi être parti en dehors de leur lycée.
-Bon, on dirait que c'est juste toi et moi aujourd'hui! sourit Shoko. Comme je n'ai rien à faire pour le moment, du coup, je peux t'accompagner pour ton tout premier cours... Si ça peut t'aider et te convenir, bien entendu.
Cette proposition enchanta Aya plus qu'elle ne l'aurait cru. Visiblement, le fait de se trouver avec quelqu'un de familier la rassurait, même si leur rencontre remontait à la veille seulement. Elle hocha alors la tête, acceptant avec joie la proposition de Shoko.
En remettant son sac sur son épaule, Aya se laissa encore une fois guider par sa nouvelle amie aux yeux couleur chocolat. Direction: le tout premier cours d'exorcisme de sa vie.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro