Chapitre 20
Toute cette histoire m'a attiré les foudres de la grosse Dame Lina. Apparemment, je suis en partie responsable de l'accident d'hier. Elle m'a sermonnée longuement sur ma tenue incorrecte et sur mon manque de professionnalisme.
Résultat des cours, Binarvivox et moi sommes punis. J'avoue que ça m'arrange pas mal pour mon plan de séduction. Me voilà seule avec lui à écumer les rayons interminables de la gigantesque bibliothèque palatiale. Les elfes sont occupés ailleurs et ne s'y rendent donc pas pour l'instant. Et nous sommes chargés de ranger des piles entières de bouquins non-classés. Bref, comme Binarvivox est une brelle finie et un imbécile hautement qualifié, je décide d'utiliser moi-même l'échelle pour parvenir aux étagères supérieures.
En bas des échelons, le gnome maintient mon support non sans profiter du spectacle que lui accorde ma jupe courte. Avec ça, il a une vue royale sur ma culotte en dentelles. T'en fais pas mon mignon, je vais te chauffer jusqu'à ce que tu m'appartiennes et que tu n'aie plus que moi dans tes pensées salaces. On va faire durer l'attente, histoire qu'il s'investisse davantage.
Mais à force de zyeuter la partie basse de mon anatomie, il fait vaciller l'échelle. Je me rattrape en dernière minute à la corniche alors que la longue échelle se brise sur le parquet ciré. Oups.
Mais quelle tanche, ce gars ! C'est pas possible ! Rhaaaaa, je vais l'étriper, lui aussi et faire voler sa tête d'ornithorynque à l'autre bout de la pièce. Et le pire, c'est qu'il ne se bouge pas les fesses, ce débile !
— Binarvivox ! Tu voudrais bien venir me chercher ?
Il me regarde, indécis. Il a deux de tension, c'est affolant !
— Binarvivox ! Je vais lâcher !
Cette fois-ci, il réagit et commence à grimper pour jouer son rôle de chevalier-servant. Je m'attendais un minimum à ce qu'il veuille prouver sa valeur et gonfle un peu ses muscles qui sont inexistants, il est vrai, mais je crois que ce tire-au-flanc est un incapable avec un poil dans la main.
Ce gaillard va me causer du souci, je le sens. Et moi qui pensais qu'il allait directement courber l'échine devant moi, je sens que je me suis trompée. Binarvivox est bien trop stupide pour se prendre en main et comprendre qu'il doit me courir après. Non, il est plutôt du style à s'asseoir sur le côté et mater sans rien branler.
Enfin, il parvient à mon niveau, la face déjà blanchie par le vertige. Mais regardez le héros qui voilà ! Je m'agrippe aussitôt à ses épaules et lui fait signe de me redescendre.
Lentement, il s'exécute et me ramène avec précaution vers le sol. Je profite de me trouver dans ses bras pour le détailler de plus près. Si la lumière de l'intelligence ne traverse pas vraiment son regard, je ne peux pas lui enlever ses adorables billes chocolatées. Binarvivox est très mignon mais ne respire pas la virilité pour autant. Ceci-dit, je trouve que sa peau caramel le rend particulièrement croquant.
Un dérapage imprévu m'arrache à mon analyse. Tous les deux, nous chutons brusquement en vue d'un écrasage douloureux. Il restait encore quelques mètres. Aïe Aïe Aïe !
Je ferme les yeux avant l'impact, maudissant l'incapacité du jeune garçon. Mais contre toute attente, un gnome qui passait par là amortit notre chute. Nous sommes tous les trois bien sonnés. Il ne s'agit pas d'un gnome du service, en tout cas mais plutôt un esclave d'un des frères Fëalocen. Binarvivox est intrigué par la présence de l'inconnu et le questionne peut-être un peu trop vivement. Non, parce que notre réceptionniste avec sa silhouette malingre et son visage blafard ne respire ni la quiétude ni la santé mentale. Il finit par mordre la main de mon collègue et s'enfuir dans la bibliothèque. Oulah, l'esclavage ne lui a pas réussi, à celui-là. Je comprends que certains débloquent. Hors de lui, Binarvivox tente de s'élancer à sa poursuite :
— C'est inutile de le rattraper, assuré-je, il ne te parlera pas de toute manière : c'est un gnome d'Horonessa.
— Qu'est-ce qui te le dit ?
— Son collier : les gnomes du prince Falarön sont toujours équipés de colliers. C'est pour leur rappeler leur rang, je crois.
Il hausse les sourcils d'étonnement. Oui, je suis calée sur ce pays : maman en venait tout juste. Et elle n'avait pas tergiversé longtemps avant de fuir.
— Je trouve que ce Falarön est bien impliqué ces derniers temps, murmure-t-il.
— Et alors ? Qu'ils s'entretuent tous ! Ce sera plus amusant !
Non mais sérieusement ! Les complots gangrènent les familles royales elfiques, c'est parfait.
— C'est Dame Lina qui va être contente, soupire-t-il avec exaspération, une échelle de casser !
— Tu n'as jamais pensé à la tuer ?
— Mes envies de meurtres ne te regardent pas, Püpe ! s'exclame-t-il, piqué au vif.
Je ricane et lui donne une petite tape sur la joue :
— T'es mignon mais je devine tout ce que tu penses !
Il se renfrogne et tire une moue boudeuse. Non, clairement, elle ne transpire pas l'intelligence, ma loupiote :
— En fait tu viens d'où ? demande-t-il soudain.
Ah ! Il commence à lancer la conversation. On garde espoir ?
— De l'Île des Sirènes.
— C'est quoi, cet endroit ?
Il est sérieux ? Comment ne peut-on pas connaitre cet endroit ? Surtout qu'il y a quelques jours, c'était le seul lieu que je connaissais.
— Hmm... Une île où tu peux faire ce que tu veux à condition que tu sois riche.
— Pourquoi t'es partie ?
Je fronce les sourcils et ajoute simplement :
— Ma mère était esclave là-bas. Elle a été tuée il y a quelques mois par un astre ivre...
— Attends, coupe-t-il, tu veux dire que tu as connu tes parents ?
Ça n'a pas l'air d'être son cas, ni de tous les gnomes présents ici. Maman avait encore raison.
— Juste ma mère. Mon père n'a sûrement jamais quitté Calca.
Le fait de repenser ainsi à maman me plonge soudain dans un océan d'amertume et de tristesse. Je souhaite tellement éradiquer Morgal et m'endormir le soir avec cette sensation de devoir accompli. Sans que je n'y prenne garde, des larmes coulent sur mes joues.
— Tiens.
Il me tend un mouchoir d'une main hésitante :
— Merci Binarvivox.
Il est gentil, au moins.
— Oh, appelle-moi Binou, c'est plus simple, hein.
Binou ? Quel nom ridicule ! Après, ça va bien avec le personnage.
— Et toi, tu étais où avant d'atterrir ici ?
— Avant les Falaises Sanglantes ? Je vivais à Mubalou, la ville des gnomes. Mais j'ai reçu ma mutation il y a quelques semaines, comme les autres gars de mon âge.
— Tu as quel âge, du coup ?
— Vingt ans...
— J'en ai dix-neuf, moi...
— Ah. Mais tu vois, je suis content de quitter ma ville natale. Je n'en pouvais plus !
— Et du coup, tu n'as pas de famille ?
Il glousse tout en se saisissant de nouveaux livres à classer :
— Personne n'a de famille en Calca, Püpe ! Je vais peut-être t'apprendre quelque chose mais nous sommes élevés comme du bétail, ici. Certaines femmes sont désignées pour favoriser les naissances et ainsi donner de la main d'œuvre. J'imagine que c'est là mes origines.
— Tu sembles... Plus objectif que les autres sur la situation de notre peuple.
— Ah... Heu... Ne crois pas que je sois contre le système, hein ? Je suis un gnome exemplaire, haha...
Il tente nerveusement de se rattraper aux branches, sans doute parce qu'il craint que je ne le dénonce. Mais je dois bien admettre qu'il remonte énormément dans mon estime : finalement, il a plus de jugeote que ça, Loupiote. Il a compris le fondement du problème. Dommage pour lui qu'il soit à la solde de l'autre fou.
— Tu désapprouves le fonctionnement institué par les elfes ? demandé-je en l'aidant.
Il se mord les lèvres :
— Mais puisque je te dis que non... Et puis j'y trouve mon compte, hein. Bon, et j'avoue que je n'ai pas le choix... Pourquoi tu me demandes ça ?
— Pour rien...
J'en suis certaine, maintenant, il refuse l'esclavage. Après, il cache terriblement mal sa pensée. Mieux vaut donc qu'il ignore la mienne.
— Après, continue Binou pour changer de sujet, j'ai passé une très belle jeunesse à Mubalou. Mais j'avoue que j'avais souvent quelques soucis avec les autorités du coin. Une fois...
Et c'est parti, il commence à me raconter sa vie. Là, je n'existe plus, je suis simplement une oreille à l'écoute de ses tribulations sans intérêts. Et le pire, c'est qu'il ne s'arrête jamais de parler ! C'est pas possible d'être aussi bavard. J'ai passé l'après-midi entière avec lui, à supporter son monologue.
Je n'en peux plus de son caractère. Et dire que je vais devoir le séduire et peut-être coucher avec lui. Y a intérêt que ce soit vraiment du caramel...
Mais c'est sûr qu'il n'a rien avoir avec Tampia. Déjà, Binou est plus petit, il fait tout juste ma taille avec les talons. Il est plus fin et son visage reste très expressif. Sa jovialité contraste beaucoup avec le tempérament taciturne de mon premier compagnon.
— Bon ! déclare-t-il, nous avons fini de ranger tous ces maudits bouquins !
— Enfin...
— Ah, au fait, je ne voulais pas te le dire mais tu as un bouton de ta chemise ouvert.
C'est sûr qu'il fallait qu'il me le dise que maintenant. Tu as bien profité de la vue ? Bien, j'arrête de faire ma mauvaise langue ; j'avais ouvert mon corsage sciemment. C'est un petit cochon, mais moi je ne vaux pas vraiment mieux.
— Ce n'est pas de ma faute, rétorqué-je avec une fausse naïveté, je n'arrive pas à le fermer.
Il fronce les sourcils, sans doute me prenant pour une grande folle.
— Fais gaffe, tu vas devenir la tête de nain de Lina.
Je hoche la tête et reboutonne mon chemiser difficilement. Le tissu me serre tellement que ça fait ressortir mes tétons et je crois que ce détail gêne mon collègue.
— J'y peux rien si mes lolos sont trop gros, gémis-je avec ma voix de blonde stupide, tu crois que c'est gênant ?
J'attrape mes seins et les redresse avec une innocence toute calculée. Lui écarquille les yeux sans se donner la peine de me répondre :
— Faut vraiment qu'elle se fasse soigner, murmure-t-il dans sa barbe.
Haha, Monsieur est timide ? Ou bien, il a trop la trouille de se faire virer s'il fornique avec moi. Ce n'est pas pour rien qu'il est devenu l'esclave privé de Morgal alors qu'il est contre le système imposé. Ma Loupiote préférée est tout simplement une carpette et pas une carpette très intelligente.
Mais qu'importe la prochaine fois que je crois cet idiot, je lui fais perdre les pédales.
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