
Mercredi 17 octobre, 10 h 35
Aujourd'hui, je suis malade. Ou du moins, c'est ce que j'ai voulu faire croire. Je me suis faite porter pâle, je vais trop mal. J'ai besoin de réfléchir à propos d'hier.
C'est pour cela que je reste à la maison. C'est cool, depuis ce matin, je n'ai pratiquement rien fait. A part me faire vomir pour que mes parents pensent que je suis malade. Ingénieux, non ? Trêve de plaisanteries, je vais m'expliquer.
Je ne vais pas raconter «l'événement». Il s'est déroulé tel que je l'ai retranscrit, bien que ma vision des faits ne soit pas tout à fait objective. Je vais surtout éclaircir ce qui a eu lieu après, de ma sortie du dojo (oui, on fait accrosport dans un dojo, improbable, n'est-ce pas ?) à la description de ma journée dans ce cahier.
Nous allions sortir de sport. Je ne m'étais pas changée. Et je ne rêvais que d'un soutiens moral. C'est difficile quand votre «meilleure amie» fixe (amoureusement) le gars qui a passé vos affaires sous l'eau et que les deux autres filles présentes parlent de leur manucure pendant que vous pleurez toute les larmes de votre corps.
Maintenant, on peut commencer.
J'étais dans cet état depuis déjà une bonne dizaine de minutes lorsque Paul, intrigué par le torrent de larmes qui coulait de mes yeux (et par la non-réaction de mais amies) s'approcha de moi. Il fit mine de vouloir me réconforter, mais ses mouvements gauches auraient été comiques dans d'autres circonstances. Je le remerciai quand même de cette gentille attention tout en reniflant. Je lui en était reconnaissante. Il était le seul à s'être approché de moi après «l'événement». Je ne l'ai peut-être pas montré sur le moment mais ça m'a touchée.
Là, j'étais surtout en train de pleurer. C'est pourquoi lorsque le prof nous a donné le feu vert pour rentrer au collège et qu'il a décidé de m'ignorer (pensant sûrement que j'étais bien entourée) Paul m'a soutenue.
D'abord en silence, puis, petit à petit il a commencé à parler. Pas pour me servir le discours habituel. Il m'a d'abord posé une seule question : «Tu veux en parler ?». J'ai, sans surprise, répondu non. Alors il m'a raconté sa vie. En cinq cents mètres j'en ai plus appris sur lui que je n'en saurai jamais sur Astrid ou encore Julie.
Il ne m'a pas craché sa vie comme s'il faisait un décompte. Non, il s'est confié à moi, comme à une vieille amie, ou une mamie adorable. Il a parlé de son déménagement, le troisième en quatre ans, du déchirement qui lui parcourait le corps à chaque fois qu'il devait quitter un endroit. Je ne comprenais pas, moi qui habitait ici depuis ma naissance.
Il a parlé de sa famille, du cancer de sa grand-mère, du bébé de son frère qui allait naître dans quelques semaines. Mais aussi de son chat, Muffin. Il adorait, d'après Paul, essayer de manger Carotte, le cochon d'Inde et Loulou, le poisson rouge. J'avoue que sa dernière histoire a réussi à m'arracher un léger sourire. Mais s'il l'a remarqué, il n'en a rien montré.
Alors, je me suis confiée à mon tour. Il écoutait attentivement. Je me suis livrée comme je ne l'avais jamais fait. J'ai tout déballé, de mon problème de surpoids jusqu'à la petite soeur insupportable en passant par ma couleur de cheveux (elle est horrible !). Il écoutait attentivement tout ce que je disais (c'est une vraie perle ce gars !).
Nous arrivions aux alentours du collège lorsqu'il me proposa de déjeuner avec lui prétextant un devoir de français incompris. Je pense surtout qu'il avait remarqué que j'en voulais un peu à mes amies, enfin, j'espère.
Le tableau paraissait improbable, moi et un nouveau rencontré il y a seulement quelques jours discutant de Shakespeare dans une cantine.
Il continua le récit de sa vie, pendant que je réfléchissais à ce qu'il s'était passé. Je pense qu'il remarqua que je ne l'écoutait plus car il cessa de parler. Il me demanda ce qui me tracassait, et, étonnamment, je répondis franchement. En cinq minutes Lucas en prit pour son compte. Non pas que je l'accusais de tous les malheurs du monde mais j'avoue que je n'ai pas lésiné sur les insultes.
Ce qui fit rire Paul, mais vraiment. On a failli avoir un mort (de rire). Il n'en pouvait vraiment plus. Et comme le rire est contagieux... Il s'empara de moi et nous riâmes comme deux imbéciles. De loin, la scène devait être comique. Les surveillants s'aglutinèrent autour de nous. Il donnèrent des petites tapes dans le dos de Paul. Il s'arrêta subitement, d'un coup ! Je ne pensais pas que ça pouvait être possible, et il me dit ces quatre mots sur un ton solennel : «J'ai une idée ! ».
Une idée pour quoi, me direz vous. Et bien, pour ma vengeance. Ma vengeance contre l'humanité, contre la société, contre Lucas. Ma vengeance, celle qui sera terrible.
Ma vengeance, quelle douce litanie, je ne m'en lasserais pas.
Malheureusement, la journée ne pouvait pas bien finir. C'était impossible. Je sortais à 15 h 30, cours d'allemand ayant été annulé. Il ne restait plus que deux heures à tenir. Mme Belin, dont la matière est l'allemand s'absentait pour l'après-midi. Cela tombait à pic, je voulais éviter Frédéric.
Manque de chance, il se proposa pour que l'on rentre ensemble.
Sur le chemin nous échangeâmes des banalités. Les choses se sont envenimées lorsqu'il a commencé à me parler de son «idylle» avec Mia. Je l'ai stoppé, lui annonçant que je voulais lui parler d'un problème qui me tenait à coeur.
Je m'attendais à tout sauf à sa réaction. Il s'est énervé. Il prononça des paroles atroces :
«Tu ne penses qu'à toi ! Je comprends-tu pas que je suis à deux doigts de vivre le meilleur moment de ma vie. Va pleurer dans les jupons de quelqu'un d'autre !»
Fred, si tu lis un jour ce journal.
J'espère que tu va culpabiliser.
Que tu sera triste.
Que tu regretteras.
Je le souhaite de tout mon coeur...
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