Chapitre 21
Hermione l'avait aperçu à l'instant où il avait franchi le portrait de la Grosse Dame. George se trouvait toujours à ses côtés et, après avoir échangé un regard avec son frère, la laissa seule. Elle s'approcha alors du jeune homme, sans le lâcher des yeux, jusqu'à se retrouver à quelques centimètres de lui. Il n'osait pas la regarder et finit par lui faire un signe de tête vers la sortie. Elle n'hésita pas une seconde à le suivre.
Fred venait de la conduire dans un couloir désert. Elle connaissait l'endroit, c'était ici-même qu'il lui avait fait la proposition du jeu. Deux filles passèrent rapidement devant eux sans leur accorder d'attention tout en discutant de la fête qui allait commencer dans une heure. Une fois entièrement seuls, de nouveau, elle remarqua qu'il ne voulait toujours pas parler. Elle attendit un moment en essayant de croiser son regard et une éternité sembla passer avant qu'il ne finisse par ouvrir la bouche.
« Peut-être qu'il faut qu'on arrête ce jeu stupide. »
Hermione se demanda pourquoi il avait employé le mot « stupide ». Elle ouvrit la bouche avant de la referme en se rendant compte qu'elle n'avait rien à répondre à cette remarque. Il reprit la parole, toujours sans la regarder :
« On s'est bien amusé et on commence par tourner en rond. Il vaut mieux en finir avant que ça devienne vraiment ennuyant. »
Quelque peu estomaquée, la jeune femme tenta de ne pas rougir de colère. Qu'elle eût été idiote, songea-t-elle, de se laisser convaincre ainsi par le jumeau Weasley. Ne s'était-elle pas répétée suffisamment de fois de faire attention ? De ne pas trop s'attacher ? Ne s'était-elle pas rendue compte que se le remémorer autant de fois ne signifiait plus un avertissement ? Car là se trouvait tout le problème : Hermione s'était attachée à lui et ce depuis belle lurette. Elle le savait. Elle était assez maligne pour s'en être doutée rapidement, malgré ses réflexions et ses mises en garde. Néanmoins, elle le réalisait concrètement à cet instant par l'impression de déchirures au niveau de son cœur.
« Je préfère qu'on arrête-là avant qu'il ne soit trop tard. »
Leur regard se croisèrent alors et Hermione fit de son mieux pour ne pas voire trop flou. Elle n'ouvrit pas la bouche, elle ne cilla pas, elle ne fit pas un pas en avant. Elle se contenta de le regarder, tenant soudainement son bras comme dans un geste rassurant, protecteur, afin de s'accrocher à quelque chose et de ne pas éclater en sanglot. Pas devant lui. Fred n'attendit pas une seconde de plus et s'éloigna. La tête baissée, les mains ballantes -comme c'était rare de ne pas le voir les mains dans les poches- et le pas rapide. Bientôt elle ne le vit plus et elle se laissa alors glisser au sol. Peut-être l'avait-elle compris depuis un moment déjà, elle ne s'était cependant pas rendue compte à quel point elle était tombée amoureuse de Fred Weasley.
*
Le silence. Hermione recherchait par-dessus tout le silence. Mais se trouvant dans une école de sorciers qui célébraient la mort du plus grand mage noir de tous les temps, et ainsi la victoire du bien sur le mal, cette tâche ne semblait pas possible à exécuter. Elle n'était pas retournée dans son dortoir, de peur de croiser des Gryffondor -ce qui était tout à fait justifiable. Elle ne voulait voir personne, ne discuter avec personne. Son souhait le plus cher en cet instant restait de se retrouver avec elle-même, dans le silence, en sachant que même si elle le trouvait, elle ne pourrait pas entendre les battements de son cœur.
Elle finit par trouver un coin tranquille, sur le rebord d'une fenêtre d'où elle pouvait observer, à travers les vitraux, le parc du château. Elle n'essuya pas les larmes qui coulaient sur ses joues. Elle ne prononça pas un mot à voix haute. Aucun son ne sortait de ses lèvres, elle ne sanglotait pas, elle laissait simplement ses larmes se déverser pour ne pas crier, pour extérioriser, pour pouvoir par la suite reprendre contenance.
Hermione avait toujours réussi à imaginer l'avenir, son avenir. Bien sûr, cette vision se modifiait avec les circonstances de son présent, mais elle n'avait jamais éprouvé une quelconque difficulté à cet exercice. Elle se voyait très bien, par exemple, se retrouver avec Harry et Ron dans un pub quelconque à boire ensemble leur énième bièreaubeurre de leur vie. Mais en ce qui concernait Fred, elle ne voyait rien. Et elle se rendait compte maintenant qu'elle n'avait jamais rien vu. Comme un trou au milieu d'une carte de constellations qu'ils avaient l'habitude d'étudier en cours d'astronomie, Fred lui laissait l'imprévisible en perspective. Et en y réfléchissant, elle comprit qu'il ne pouvait en être autrement avec les jumeaux Weasley.
Ainsi, Hermione Granger n'avait pas prévu que cela se finirait ainsi. De temps à autre elle se disait bien que ça ne durerait pas avec Fred, mais elle se plaisait à imaginer ce petit jeu entre eux durer jusqu'à la fin d'année, même si tout cela restait flou dans son esprit, avant qu'ils ne soient séparés. Elle n'avait pas envisagé cela se terminer si tôt, ni se finir si mal. Elle ne pensait pas qu'elle aurait eu si mal. Elle se pensait plus forte que ça.
Néanmoins, la jeune femme réussissait à garder la tête sur les épaules. Son moment de solitude -heureusement que tout le monde restait occupé à faire la fête- lui permit de s'apaiser un peu. Bien sûr, un tas invraisemblable de questions vinrent la tourmenter, faisant ainsi défaillir sa confiance en elle et se forçant à se remémorer certains moments passés avec le jeune homme afin de voir si elle pouvait se rendre compte de mauvaises choses qu'elle avait pu faire ou dire. En quelques heures, elle se résolut à garder tout cela pour elle, décidant de respecter la décision de Fred, qui était l'une des règles de leur jeu, et de le laisser tranquille. Elle regagna alors son dortoir, rassurée de ne croiser personne, et s'allongea dans son lit. Elle ne dormit pas beaucoup cette nuit-là, ni les suivantes.
*
« Miss Granger, si vous n'êtes pas décidée à suivre mon cours je vous prierais d'en sortir. »
Ce n'était pas la première fois qu'un professeur lui faisait une remarque, mais ce dernier se différenciait des autres par sa dernière remarque :
« Dix point en moins pour Gryffondor. »
Hermione entendit quelques-uns souffler de protestation mais n'y fit pas attention. Elle se redressa sur sa chaise et ouvrit son livre à la bonne page grâce à celui de Harry se trouvant à côté d'elle. Cela faisait deux semaines. Deux semaines que Fred avait « rompu ». Tout le monde l'avait remarqué, ils ne se trouvaient plus ensemble dans une même pièce en dehors des repas dans la Grande Salle. Hermione n'avait même pas assisté au dernier match de Quidditch en date, ne voulant pas risquer de croiser son regard.
Beaucoup avaient pensé -dont probablement Ron- qu'elle se plongerait corps et âme dans son travail et éborgnerait quiconque oserait alors la déranger. Mais loin de là, Hermione laissait le temps s'écouler en préférant de loin la rêverie et l'observation du parc à l'apprentissage et aux entraînements des lancées de sorts. Ron lui avait proposé de la venger auprès de son frère en « lui donnant une bonne leçon », pour reprendre ses mots, mais devant son silence, son petit sourire et son léger signe de négation, il n'avait pas insisté. Hermione était reconnaissante envers ses amis de se montrer aussi bienveillants avec elle, la laissant seule quand elle le désirait, respectant son silence mais tendant l'oreille si besoin y était. Elle ne s'était pas encore confiée à eux et elle ne s'imaginait pas le faire pour le moment. Comme dans une bulle, elle désirait restée enfermée dedans.
Cela aurait pu continuer encore longtemps de cette manière si, en sortant du cours de potion, elle n'avait pas percuté Cormac, dont elle avait quelque peu oublié l'existence. Il s'excusa de l'avoir ainsi bousculé et posa une main sur son épaule afin de s'assurer qu'elle n'avait rien. La jeune femme voulait retourner près de ses amis mais prit tout de même le temps de le rassurer. Il la laissa partir et, en s'éloignant, Hermione tourna la tête et le vit. Son épaule adossée contre un mur, les mains dans les poches, les cheveux décoiffés, Fred Weasley la regardait. Son cœur tressaillit dans sa poitrine mais elle se détourna. Elle retrouva ses amis qui ne se doutaient de rien et s'obligea à ne pas se retourner. Elle ne voulait pas ressentir la déception de le voir s'éloigner, l'ayant déjà oublié.
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