𝒞𝒽𝒶𝓅𝒾𝓉𝓇𝑒 𝟸𝟼
Empress Ki Main Theme - Kim Jang Woo
The Sorrow of Prince - PARK, MIN JI, Choi Seong Geun
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Le soleil se couchait à peine sur le campement militaire, inondant le terrain d'une lumière dorée et chaleureuse.
La brise apportait une fraîcheur bienvenue, mais elle ne parvenait pas à atténuer la chaleur du travail acharné qui avait régné, la journée durant, sur le champ d'entraînement. Jungkook se tenait en retrait, observant le déploiement des troupes avec un regard aussi pénétrant qu'impitoyable.
Les cris des soldats, les ordres échangés et les cliquetis des armures formaient une symphonie d'activité intense, mais pour Jungkook, tout cela semblait appartenir à un monde éloigné, presque irréel.
Cela faisait maintenant deux ans qu'il avait pris la décision décisive de se lancer pleinement dans l'armée, chassant loin de lui le passé qui le liait à Taehyung. Ses jours étaient devenus des enchaînements de stratégies complexes, de combats éprouvants et d'une discipline rigoureuse. Chaque succès militaire renforçait son statut, mais aussi la froideur et la distance qu'il cultivait autour de lui.
À ses côtés, ses hommes se déplaçaient avec une synchronisation impressionnante, exécutant les manœuvres avec une précision qui témoignait de leur respect pour leur capitaine. Mais la plupart d'entre eux savaient aussi qu'à côté du respect, il y avait une part de peur. Jungkook ne se contentait pas de guider ses troupes ; il les surveillait, les jugeait, et son regard pouvait glacer le sang. Les rumeurs à son sujet circulaient comme un vent de tempête parmi les rangs : un guerrier inflexible, un stratège dont l'efficacité était aussi redoutable que son comportement distant.
Voilà donc la réputation qu'il s'était forgé, mêlée au sang, à la sueur de son front, et aux larmes glacées.
Un messager arriva alors à cheval, haletant et couvert de sueur. Il fit halte devant Jungkook, tendant une missive scellée d'un cachet officiel. Jungkook, avec une gestuelle mesurée, prit la lettre et en brisa le sceau. Les mots, rédigés avec une précision militaire, annonçaient une mission de grande envergure qui nécessiterait son expertise. Le général en chef lui confiait la responsabilité d'une campagne stratégique à la frontière, une mission qui pourrait potentiellement le ramener près de la capitale.
Jungkook déplia la lettre avec soin, ses doigts effleurant le papier comme s'il cherchait à en déchiffrer plus que les simples instructions. La perspective de cette campagne le mettait en face d'une réalité qu'il avait tenté d'échapper : la proximité de la capitale, et par conséquent, la possibilité de croiser Taehyung. Cette pensée, bien que furtive, provoqua en lui une tension qu'il peina à contrôler. Il savait que cette émotion, vieille comme le monde, pouvait le faire vaciller s'il n'y prenait garde.
Malgré lui, il plongea dans ses souvenirs, revenant aux années passées, à ce moment où il avait pris la décision difficile de se consacrer entièrement à l'armée, fuyant les démons d'un amour interdit et qu'il ne pouvait oublier.
Son frère aîné, autrefois une figure d'autorité respectée, s'était retiré pour se marier, laissant le chemin libre pour Jungkook.
Ce jour-là, l'air était chargé de festivités et de rituels, les familles des deux parties étaient réunies dans une grande joie éclatante. Jungkook avait joué la comédie avec une maîtrise exemplaire, malgré l'absence de tout véritable plaisir. Il avait souri, échangé des civilités et participé aux réjouissances avec une courtoisie polie mais distante.
Le mariage avait été un événement majeur, marqué par l'apparition de la famille de Jimin, dont le frère était devenu un précieux partenaire politique de son père. La présence de son ami avait ajouté une note poignante à cette journée. Jungkook avait tenté d'ignorer la douleur lancinante qui sourdait en lui, en se concentrant sur le rôle qu'il devait jouer. Il avait évité Jimin avec une habileté soigneuse, leur ancienne complicité noyée sous un océan de formalités et de protocoles. Les regards furtifs qu'ils avaient échangés avaient suffi à rappeler à Jungkook la profondeur des sentiments qu'il avait perdu, et le regret de ce qu'il n'avait pas pu préserver.
Mais le souvenir le plus persistant était celui de Taehyung.
Cette journée-là, Jungkook s'était remémoré les derniers instants avec son amant avant son départ. L'image de Taehyung le regardant avec une douleur profonde, la gifle cinglante qu'il avait reçue comme une punition de ses propres actions, était gravée dans son esprit. Cette gifle n'était pas seulement un acte de colère, mais aussi un symbole déchirant de la rupture entre eux. Jungkook sentait encore la brûlure de ce contact parfois, comme une marque indélébile sur son âme.
Il se revoyait, le cœur lourd, marchant vers le palais pour se préparer à son départ pour l'armée. La dernière image qu'il avait de Taehyung était celle d'un jeune homme brisé par la trahison. Les regrets déferlaient comme une vague implacable, et il ne pouvait échapper à la responsabilité d'avoir infligé une telle douleur à l'homme qu'il avait autrefois chéri.
En se plongeant dans son travail, Jungkook avait cherché à oublier, à se noyer dans l'effort et la discipline. Mais à chaque victoire, à chaque promotion, la douleur persistait, cachée sous une façade de succès et de respect. Il s'était forgé un caractère impitoyable pour survivre, mais chaque regard accusateur de ses souvenirs lui rappelait l'injustice de ce qu'il avait fait.
La position de chef de guerre, que son frère aîné avait laissée vacante, était maintenant la sienne, mais ce succès avait un goût amer. Le respect qu'il avait gagné, les victoires remportées, tout cela était devenu un masque pour une douleur qu'il ne pouvait effacer. Jungkook avait été contraint de se forger une nouvelle identité, marquée par une discipline implacable et un éloignement émotionnel. Il avait pris la décision de se concentrer sur ses devoirs, croyant que cela l'aiderait à oublier Taehyung, mais cette douleur était toujours présente, se manifestant à chaque mention de son nom.
Jimin, lui, était resté la seule connexion avec son passé.
Au début de son engagement dans l'armée, Jimin avait fait des visites régulières, apportant avec lui des nouvelles de l'extérieur et des morceaux du monde qu'il avait quitté. Ces visites étaient devenues un répit bienvenu dans la dure réalité militaire de Jungkook. Les retrouvailles, bien qu'épineuses, étaient aussi une tentative de maintenir un lien avec un ami qui connaissait les contours de sa douleur.
Mais la colère initiale de Jungkook envers Jimin, pour sa part dans le défi qui avait conduit à sa séparation avec son amant, avait mis du temps à s'estomper. Il avait fallu des mois pour que la rancœur se dissipe lentement, remplacée par une reconnaissance mêlée de gratitude. Jimin n'avait pas abandonné Jungkook, même lorsqu'il était devenu distant. Leur amitié, bien que marquée par des tensions, avait survécu aux épreuves du temps.
Cependant, malgré ce lien persistant, les visites de Jimin étaient devenues plus sporadiques. Les missions lointaines de Jungkook l'avaient éloigné de la capitale, et par conséquent, de son ami.
Lorsqu'ils se retrouvaient, c'était souvent dans des conditions de stress et de fatigue, où les anciens souvenirs de complicité reprenaient parfois le pas sur les sentiments actuels.
Ce qui avait commencé comme un réconfort pour Jungkook avait, au fil du temps, évolué en quelque chose de plus complexe. Les retrouvailles avec Jimin s'étaient parfois soldées par des moments intimes, des réminiscences d'une époque où leur relation était différente. Ce n'était pas de l'amour, ni même de la nostalgie ; c'était une tentative désespérée de fuir les tourments persistants de son cœur, une distraction temporaire pour apaiser une douleur que rien d'autre ne pouvait calmer. Chaque fois que cela se produisait, Jungkook se sentait encore plus coupable envers Taehyung. Il se disait que ses actions le condamnaient à un destin de solitude, éloignant encore plus l'espoir de retrouver ce qu'il avait abandonné.
Jimin, bien qu'il ait lui-même ses propres démons, était devenu une présence réconfortante dans un monde devenu impitoyable pour son vieil ami. Les moments passés ensemble, malgré leur caractère fugace et problématique, étaient devenus un moyen pour Jungkook de se souvenir de ce qu'il avait autrefois et de ce qu'il ne pouvait jamais retrouver. Ce mélange de regret, de culpabilité et de réconfort était devenu une partie intégrante de sa vie...
Jungkook se tenait là observant l'horizon où les premiers signes du crépuscule se dessinaient lentement. L'air frais du soir était une bénédiction après la chaleur étouffante. Les pensées tourbillonnaient dans son esprit tandis qu'il contemplait la vaste étendue de terre qui s'étendait devant lui. Le devoir l'appelait, mais une part de lui hésitait encore, tiraillée entre l'exigence de la mission et le désir de se réconcilier avec son passé.
Un soldat s'approcha, les bottes martelant le sol en un rythme régulier. Il s'arrêta à une distance respectueuse et, d'une voix claire, demanda :
— Commandant Jeon, avez-vous pris une décision quant à la réponse que vous comptez donner à l'ordre royal ?
Jungkook tourna la tête vers lui, son regard impénétrable.
— Je dois encore y réfléchir. L'ordre est complexe, je dois peser toutes les implications avant de répondre.
Le soldat acquiesça et se retira avec un salut respectueux.
Le soleil se couchait sur le campement, plongeant l'horizon dans une lumière dorée lorsque Jungkook se dirigea vers sa cabane modeste après avoir envoyé le messager avec la réponse encore non formulée à l'ordre royal. Il trouva un répit dans ce petit espace qui, malgré sa simplicité, lui offrait une certaine forme d'intimité.
À son arrivée, il trouva Jimin, assis sur une banquette en bois, l'air détendu mais les yeux trahissant une légère appréhension. Jimin se leva et fit un sourire poli, bien que son regard scrutait Jungkook avec une attention attentive.
— Jungkook, je ne pensais pas que tu avais encore de visiteurs ! Je suppose que je fais figure d'exception.
Jungkook le salua d'un hochement de tête, sans offrir de sourire.
— Que fais-tu ici ?
Ce dernier, se débarrassant de son manteau, avança vers une table où il déposa quelques vivres.
— J'ai apporté des provisions. Le campement ne doit pas être l'endroit le plus confortable. J'ai pensé que cela pourrait égayer un peu ta soirée.
Jungkook prit les provisions sans un mot, se contentant de les poser sur une étagère. Il se dirigea ensuite vers un coin de la pièce, où il s'installa avec un verre de vin.
— Je suppose que ça fera l'affaire. Merci.
Jimin s'assit en face de lui, essayant de briser le silence.
— Alors, comment se passe la vie militaire ? Toujours aussi excitante ?
Jungkook leva les yeux vers lui, ses traits impassibles.
— Ça suit son cours. Les missions s'enchaînent. Il n'y a rien de particulièrement intéressant à rapporter.
Jimin, décelant la froideur dans la réponse, tenta alors de changer de sujet.
— Bien... Oh, j'ai entendu dire qu'il y avait des améliorations dans l'équipement militaire. Peut-être que cela rendra les choses plus intéressantes pour toi ?
Son ami, visiblement indifférent, haussa les épaules.
— Peut-être. Les améliorations sont marginales. Rien qui n'altère fondamentalement notre routine.
Jimin continua avec un léger sourire, conscient que le ton de son ami était distant mais essayant de maintenir une atmosphère amicale.
— J'ai également quelques nouvelles de la capitale. Les festivals arrivent, les marchés sont animés comme toujours. Les gens se préparent pour les célébrations.
Jungkook écouta d'une oreille distraite, l'air pensif. Il ne répondit pas immédiatement, son regard perdu dans le fond de son verre.
— Ça ne m'intéresse pas vraiment.
Jimin le regarda avec une certaine tristesse, conscient que les nouvelles de la capitale n'étaient pas susceptibles de réchauffer le cœur de Jungkook. Il n'était pas retourné à Hanyang depuis ce qui lui paraissait être une éternité, et il fallait dire que son ami n'avait jamais éprouvé un seul regret à cet égard. Il n'en parlait jamais, et se contentait de lui faire passer quelques messages pour sa famille lorsque ce n'était pas sa propre mère qui faisait en sorte de renforcer le lien qui les unissait.
Jungkook ne l'avait jamais confié à Jimin, mais même si sa famille, du moins, ses parents et son frère aîné lui manquait, il n'éprouvait aucun regret. En fait, il ne préférait même pas penser à la capitale, car dès lors, ses souvenirs le ramenaient sans cesse au visage peiné de Taehyung... Dont il avait été l'auteur.
— Tu sembles occupé. Peut-être une mission importante ?
Jungkook acquiesça d'un signe de tête.
— J'ai reçu une information, concernant une campagne à la frontière. Mais je ne ferais pas de détour pour Hanyang. Je ne compte pas y retourner de sitôt.
Le silence tomba à nouveau, lourd et pesant. Jimin, dans un effort pour alléger l'atmosphère, changea de sujet.
— Quand prévois-tu de visiter ta famille alors ? Et si l'occasion se présente ?
Jungkook, toujours aussi distant, répondit d'une voix froide.
— Je doute pouvoir le faire. La mission pourrait durer un moment, et je n'ai pas l'intention de m'arrêter en route.
Jimin, malgré son ton sec, essaya de maintenir la conversation.
— Je comprends. Parfois, le devoir ne laisse pas de place aux pauses... Mais n'oublie pas de prendre soin de toi, même si tu sembles pressé.
Jungkook se contenta d'un bref hochement de tête, son regard fuyant celui de Jimin.
— Je m'en souviendrai.
Le silence n'eut pas même le temps de s'installer entre eux, que Jungkook se leva, incitant son ami de faire de même. Jimin compris de suite son message, il était temps pour lui de s'en aller. Cela pouvait paraître abrupt, mais c'était devenu leur étrange quotidien. Désormais, lorsqu'il rendait visite à son ami, les scénarios étaient toujours les mêmes. Ils pouvaient boire, ou bien boire et partager la couche de Jungkook sans rien dire, avant que celui-ci ne lui tourne le dos. Ou bien, comme à cet instant, il devait se contenter d'une visite fugace, sans pouvoir dire un mot.
Il avait bien essayé une fois, mais la colère de Jungkook avait été telle qu'il ne lui avait pas écrit durant trois mois.
– Merci pour la visite.
Jimin se leva, conscient de la distance émotionnelle qui s'était creusée entre eux. Mais avant de partir, il jeta un dernier regard à son ami.
— N'hésite pas à me faire signe si tu as besoin de parler. Même si tu préfères rester seul, je suis toujours là... Pour toi.
Ce dernier acquiesça sans un mot, regardant Jimin s'éloigner. Le silence se fit lourd dans la cabane alors que Jungkook se retrouvait seul, plongeant dans ses propres pensées tourmentées.
Lorsque la nuit enveloppait le campement et que les flammes mourantes des feux de veille projetaient des ombres vacillantes sur les tentes, Jungkook trouvait un rare moment de répit. C'était dans ce silence, lourd et immobile, que ses pensées s'autorisaient à se défaire des chaînes du quotidien. Alors que les autres soldats se retiraient pour trouver un peu de repos, lui restait éveillé, hanté par un fantôme qui ne le quittait jamais vraiment.
Chaque soir, en dépit de la fatigue accumulée, il s'asseyait devant cette table de fortune, une simple planche usée posée sur deux tréteaux. Il allumait une lampe à huile, la faible lueur dessinant des ombres dansantes autour de lui. Sur cette table, parmi les taches d'encre séchée, reposaient ses pinceaux, un flacon d'encre noire et des rouleaux de papier qui attendaient son geste. Peindre était une échappatoire et une malédiction à la fois. Ce n'était que là, dans l'intimité de sa cabane isolée, qu'il osait réveiller ce qu'il s'efforçait de fuir pendant la journée.
Sous ses doigts, les traits familiers prenaient forme au bout du pinceau emprunt de mélancolie. Le visage de Taehyung, aux contours délicats, apparaissait avec une clarté troublante. Le pinceau glissait avec fluidité, chaque courbe, chaque ombre étant gravée dans sa mémoire. Il dessinait sans avoir besoin de réfléchir, comme si ces images vivaient en lui et ne demandaient qu'à être libérées. Le sourire discret de son ancien amant, l'éclat doux de ses yeux, les mèches indomptées qui encadraient son visage... Tout revenait, aussi vivace que lors de leurs premiers moments partagés.
Mais ces souvenirs, loin d'apporter du réconfort, étaient comme un poison lent et ravivaient la blessure béante qu'il portait en lui depuis cette nuit fatidique. Il ressentait encore la violence de la gifle, le choc du désespoir de Taehyung lorsqu'il avait découvert la trahison. Ce geste, aussi vif qu'un éclair, l'avait marqué à jamais. Parfois, lorsqu'il fermait les yeux, il sentait encore la brûlure sur sa joue, comme si Taehyung était toujours là, à lui reprocher sa faiblesse.
Peindre devenait alors un acte de pénitence.
Chaque portrait terminé était une nouvelle pierre ajoutée à son propre fardeau. Et pourtant, il ne pouvait s'en empêcher. Ces dessins, tout comme les poèmes qu'il gribouillait dans l'obscurité, étaient la seule façon pour lui de rester connecté à l'homme qu'il avait aimé et qu'il s'était efforcé d'oublier.
Sous la lune froide, l'ombre de ton sourire s'étend,
L'écho d'un souvenir où les coeurs ne craignaient rien,
Ton absence est une mer sans fin, un vent cruel et mordant,
Un rêve que je poursuis, sachant qu'il se brise en vain
Ces vers, il les écrivait en sachant qu'ils ne seraient jamais lus. Encore par la personne à qui ils étaient destinés...Mais c'était là son châtiment : inscrire ses regrets dans l'encre, les ancrer dans la réalité, tout en sachant qu'ils ne traverseraient jamais les murs de son exil.
Taehyung, loin de lui, vivait probablement une vie meilleure, libre du poids de leur passé. C'était la seule consolation à laquelle il pouvait s'accrocher, même si cela ne faisait qu'alourdir son propre tourment.
Au fil des mois, il avait pris l'habitude de ces rituels nocturnes.
Mais chaque nuit, il était pris par un combat intérieur. Après avoir achevé un dessin, il restait souvent là, à le fixer d'un regard sombre. Une rage sourde montait en lui. Il voulait déchirer le papier, le jeter au feu, effacer à tout jamais ce visage qui hantait son esprit. À quoi bon continuer à raviver des souvenirs qui ne faisaient que le détruire un peu plus chaque jour ?
Et pourtant, il ne le faisait jamais.
Même dans sa colère, il ne parvenait pas à détruire ces fragments d'un passé qu'il chérissait autant qu'il maudissait. Ces portraits, ces poèmes... Ils étaient tout ce qui lui restait de Taehyung. Les seules preuves tangibles de l'amour qu'il avait sacrifié, au prix d'une vie.
Et quand bien même cela avait été le seul et unique choix pour être le bon, certaines nuits, Jungkook s'interrogeait.
Comment vivait Taehyung désormais ? Était-il heureux au palais, honoré et respecté en tant que futur roi consort ? Avait-il trouvé un semblant de paix loin de ce père autoritaire qui avait toujours plané comme une ombre sur son existence ?
Parfois, Jungkook espérait que la distance et le temps avaient permis à Taehyung de se libérer de ces chaînes invisibles. Il souhaitait sincèrement qu'il soit enfin en sécurité, entouré de personnes capables de l'aimer comme il le méritait. Mais cette pensée ne faisait qu'ajouter à sa propre douleur. Car si Taehyung avait trouvé le bonheur, cela signifiait que lui, Jungkook, n'avait plus aucune place dans sa vie.
C'était cette idée qui le dévastait le plus.
L'idée que Taehyung avait pu l'oublier, qu'il souriait peut-être à un autre, qu'il construisait une vie loin de ce passé trouble. Jungkook voulait croire que cela était pour le mieux, mais au fond, il était égoïstement rongé par le désir de revoir ne serait-ce qu'une fois ce sourire dirigé vers lui.
Alors il continuait à dessiner, à écrire, à se punir inlassablement pour son choix de l'avoir laissé partir, pour l'avoir abandonné au lieu d'affronter l'incertitude de la liberté. Les nuits où il se laissait submerger par ces souvenirs, il finissait par se détourner de ses œuvres avec amertume. Il les rangeait soigneusement, enfouissant ses dessins sous un tas de rouleaux de papier inutilisés. Mais les mots résonnaient encore dans sa tête, refusant de se taire. Ses mains, souvent tremblantes de frustration, caressaient les lignes délicates du visage de Taehyung, avant de se refermer en poings crispés, incapables de tout détruire.
Jungkook savait que ces vestiges du passé ne feraient qu'alimenter sa douleur. Mais ils étaient aussi tout ce qu'il lui restait pour ne pas sombrer totalement. La journée, il était le guerrier redoutable, discipliné et impassible. Mais la nuit, seul, il redevenait cet homme brisé, incapable d'avancer sans regarder constamment en arrière.
*
Chaque jour se ressemblait, et débutait bien avant l'aube, alors que l'obscurité enveloppait encore les montagnes environnantes. Dès les premiers rayons de soleil, et ce même après un faible sommeil, Jungkook était déjà debout, supervisant l'entraînement de ses hommes. Son regard perçant, impassible, balayait les rangs alignés, n'épargnant aucune faute. Rien ne semblait échapper à son attention aiguisée, ce qui faisait de lui un commandant redouté autant que respecté.
La routine quotidienne était dure, implacable, tout comme lui. Les soldats, qui voyaient en Jungkook une figure d'autorité inébranlable, le considéraient parfois comme une machine sans âme. Ils ignoraient tout du poids qu'il portait, des tourments qu'il taisait. Aux yeux de ses subordonnés, il incarnait l'excellence militaire, un modèle de dévouement pour le royaume. Mais derrière cette façade, la réalité était bien plus sombre.
Les journées s'étiraient en une succession de tâches sans fin : inspections, formations au combat, stratégies à peaufiner. Chaque geste de Jungkook était précis, calculé, comme si l'ordre et le contrôle absolu étaient les seules choses qui lui permettaient de tenir. Pas une once d'hésitation ne transparaissait lorsqu'il corrigeait un soldat ou prenait une décision rapide lors des simulations de guerre. Pourtant, ce contrôle strict n'était qu'un moyen d'échapper à ce qui le rongeait en silence.
Lorsque le soleil commençait à décliner, teintant le ciel de nuances dorées et pourpres, Jungkook se retirait dans ses quartiers, seul, tandis que le camp s'apaisait. Son rôle exigeait qu'il donne l'exemple à chaque instant, mais c'était justement dans cette solitude que ses véritables pensées prenaient forme. Sa cabane, simple et austère, était son refuge, un espace où il pouvait enfin relâcher la garde, du moins en apparence.
Ce soir-là, comme tant d'autres, après avoir réglé les derniers détails de la journée et donné ses ordres pour le lendemain, il s'isola à nouveau. Là, entouré par le silence, il fit face à ses démons. Les visages austères des soldats, la rudesse des combats, l'intensité des entraînements... Tout cela s'effaçait pour laisser place à un souvenir qui refusait de s'éteindre. Un sourire doux, une voix claire et apaisante, des moments d'innocence qu'il aurait préféré ne jamais perdre.
Jungkook sortit délicatement ses pinceaux, son encre, et déroula un rouleau de papier vierge. À la lumière vacillante de sa lanterne, il commença à dessiner. Ses mains, qui quelques heures plus tôt maniaient l'épée avec fermeté, retrouvaient une finesse presque maladive lorsqu'il esquissait les traits de Taehyung. Le visage de ce dernier prenait forme sous l'encre noire, les courbes délicates et l'expression empreinte de tendresse s'animant sur le papier. Chaque trait le ramenait des années en arrière, à une époque où ses mains tenaient encore celles de Taehyung, où leurs regards se cherchaient avec une affection sincère, loin des intrigues et des obligations qui avaient brisé ce bonheur.
Mais alors qu'il était plongé dans sa peine, un bruit provenant de loin de sa cabane le fit se redresser.
Par précaution, Jungkook préféra faire taire tous soupçons et rangea rapidement tout son attirail, ainsi que sa peinture qu'il glissa, plier, dans un vieux carnet abîmé par le temps.
– Qui est là ? demanda-t-il, d'une voix ferme.
Une main délicate s'introduisit à travers la cabane, avant qu'un jeune homme, habillé d'un simple appareil ne se présente à lui. C'était un jeune soldat, âgé d'une vingtaine d'années, nommé Sochun. C'était un beau garçon, dont les traits du visage étaient peu tirés par le temps, assez doux. Sa peau très claire laissait facilement deviner qu'il provenait d'une de ses familles nobles de la capitale, mais Jungkook ne se souvenait jamais de son nom. A vrai dire, il ne lui avait jamais vraiment demandé.
Sochun était arrivé parmi ses troupes il y a un an.
C'était quelqu'un de débrouillard, à l'écoute et assez déterminé. Mais à côté de ça, il avait su attirer l'attention de son commandant de part son amour pour la nature. Jungkook l'avait surveillé de près, d'abord pour connaître l'étendue de ses qualités en tant que soldat, mais peu à peu, il s'était revu lui, lorsqu'il avait suivi Taehyung dans les rues de la capitale, au temps où il cherchait encore à le comprendre.
Sochun n'était pas Taehyung, rien chez lui ne pouvait lui ressembler, et pourtant, quelque chose dans son attitude, sa façon d'être, avait touché Jungkook. Au point où, doucement, il s'était montré un peu plus proche de lui, profitant de certains de ses temps libre pour s'entraîner à l'épée à ses côtés, et avec le temps, les deux hommes avaient construit une certaine alchimie, du moins, assez forte, pour que Sochun est un jour l'audace de lui confier son attirance.
Ce soir-là, Jungkook ne s'était pas attendu à le voir débarquer à sa cabane, munit d'une bonne bouteille d'alcool et de quelques provisions qu'il avait empruntées dans la réserve. Cependant, Jungkook n'avait pas eu le courage ni la force de le reprendre, alors il avait accepté sa présence, lui-même ressentant le besoin d'une présence neutre à ses côtés pour ne pas sombrer dans la lourde peine de son cœur.
Après quelques verres et quelques anecdotes, Sochun s'était approché de lui, près, trop près, jusqu'à ce que ses lèvres effleurent celles de son commandant. Surpris, Jungkook l'avait d'abord repoussé, lui faisant la leçon, mais la façon dont Sochun l'avait regardé ne manqua pas de le perturbé.
Pendant un instant, il crut revoir le doux visage de Taehyung et c'est ce qui le poussa à bondir sur ses lèvres, pour qu'entre deux souffle, Sochun ne lui confie qu'il éprouvait une forte attirance pour lui, bien que cela soit interdit.
Depuis, il arrivait que Jungkook accepte ses visites tardives et nocturnes, mais ce qu'il appréciait le plus, était le moment où, après avoir partagé son intimité, Sochun lui contait les histoires de son enfance.
Aucun n'avait de sentiment pour l'autre, même si parfois, Jungkook se demandait s'il n'allait pas encore causer de peine à cœur qui n'avait rien demandé. Néanmoins, Sochun lui avait de nombreuses fois répété qu'il n'y avait rien de sentimental entre eux, seulement une forte alchimie physique dont il avait éprouvé le besoin d'agir pour la comprendre. Ainsi, tous deux profitaient de cet instant pour décharger leurs pulsions, bien que jamais Jungkook n'était brutal avec lui, comme il pouvait souvent l'être avec Jimin lorsque cela se produisait.
– Puis-je ?
La légère voix fluette de Sochun ramena Jungkook à la réalité, et d'un geste de la tête, il lui donna la permission d'entrée. Comme toujours, Sochun portait une bouteille à moitié pleine dans l'une de ses mains, tandis que l'autre lui servait à couvrir son corps de cette couverture de fortune dont il se servait pour se couvrir la nuit.
Il n'était pas assez fou pour se promener dans le camp sans ne rien porter en dessous, mais il arrivait parfois qu'il fasse quelques surprises à Jungkook, ce qui ne manquait jamais de le faire sourire.
En vérité, Sochun n'était pas dupe, et se doutait que son commandant avait des secrets, qui parfois, le faisaient pleurer la nuit. Il lui était arrivé de l'entendre une fois, alors que Jungkook s'était endormi après leurs ébats. Il en avait conclu que si sa présence pouvait lui permettre d'alléger un peu son cœur et sa peine, alors cela suffisait à le combler. Puisque au-delà de cette force physique qui l'attirait vers lui, Sochun appréciait vraiment Jungkook et surtout, il l'adorait.
Il adulait presque, et était même honoré d'être devenu une sorte de confident pour lui. Chaque instant qu'ils passaient ensemble lui permettaient d'oublier un peu sa peine d'avoir quitté le confort de sa maison, les membres de sa famille, et les rues animées de Hanyang. Mais cela était son devoir, et il savait que Jungkook portait énormément d'importance à ce genre de choses.
– Qu'est-ce que tu as volé, cette fois ? demanda Jungkook, amusé par la façon dont les joues de Sochun se mirent à rougir.
– Je vous l'ai déjà dit, je ne les vole pas, je... Je les emprunte à mes camarades, c'est différent.
– Soit, rigola Jungkook en s'adossant à son bureau de fortune, alors ?
– Vous n'allez pas le croire, mais j'ai réussi à me dégoter du Gamhongno* !
– Ma foi, c'est que tu es une recrue fort bien intéressante, Sochun.
Touché et à la fois amusé par le ton de son commandant, le jeune homme déposa deux coupelles sur le bureau et les servit à ras bord, avant d'en tendre une à Jungkook qui, pour le taquiner, fit glisser ses doigts sur sa main.
– Vous ai-je tant manqué ? osa t-il lancé, se voulant audacieux.
Jungkook ne répondit pas, et se délecta de la liqueur avec plaisir, sentant aussitôt les battements de son cœur peinée s'apaiser. C'était une chose que de défouler sa tristesse à travers la peinture et les poèmes, mais s'en était une autre que de choisir d'oublier le temps d'un instant à travers quelques gouttes d'un alcool précieux, et surtout, en si bonne compagnie.
– C'est toi qui ne venait plus, dit-il en toisant son jeune ami, taquin.
– Oh mais je... Je ne sais pas de quoi vous parlez, je devais m'entraîner ! C'est vous-même qui me l'avait demandé.
– Je m'en souviens, oui.
– Etait-ce là une façon de m'éloigner de vous ?
– On ne peut chasser le naturel qui revient au galop jeune homme, sourit Jungkook derrière sa coupelle déjà vide.
Il la lui tendit, et aussitôt, le jeune soldat le resservit à nouveau.
– Vous buvez toujours autant...
– Es-tu venu ici pour oser me faire la morale, ou dois-je déjà me préparer à te rappeler qui est aux commandes ?
Sochun rougit un peu plus à cette réponse, mais cela ne le découragea pas pour autant. Alors, il déposa sa coupelle à moitié pleine sur le bureau et approcha lentement son commandant, déposant ses mains sur son torse.
– Pour être honnête avec vous, je suis d'humeur à choisir la seconde option.
Les heures qui suivirent, Jungkook partagea sa couche aux côtés de Sochun, qui comme toujours, n'osait jamais vraiment le toucher plus que nécessaire. C'était même une règle que Jungkook avait instauré. Il lui laissa toute la liberté de profiter de ce moment de partage, mais jamais il ne laissait Sochun touché son visage, ou bien encore ses cheveux qu'il préférait garder attaché. C'était peut-être un détail anodin, et peut-être même que Sochun s'était plusieurs fois demandé pourquoi Diable Jungkook insistait sur ce point... Néanmoins, c'était un détail important aux yeux du commandant.
Ainsi repu de leur appétit de luxure, Sochun était allongé sur la couche de Jungkook tandis que celui-ci s'attelait à quelques réflexions militaires sur son bureau. Mais alors que Sochun fixait les courbes de son dos dénudé, son attention fut attirée par une pile de papiers désorganisés aux pieds du le lit.
Curieux, et n'osant pas déranger la concentration de son commandant, il se pencha, sans oublier de tenir le drap sur son corps, et découvrit alors un magnifique dessin : celui d'un corps, aux traits fins et légèrement musclé. L'encre était à peine perceptible par endroits, et c'est avec admiration que Sochun scrutait ce dessin, le bout de ses doigts défilant sur les différentes courbes noires.
– Qui est-ce ? demanda t-il, subjugué par ce qu'il voyait.
Le premier réflexe de Jungkook fut de lancer un regard à l'entrée de la cabane, avant de comprendre qu'il n'y avait personne d'autre ici, et qu'ils ne risquaient pas d'être surpris. Cela dit, il détourna bien vite le regard et se tendit de la tête au pied lorsqu'il remarqua ce que Sochun tenait entre ses mains.
Il compris alors qu'il ne pouvait exprimer sa colère, sans quoi, il risquerait d'éveiller les soupçons. Alors, il puisa dans ses dernières forces, inspira un bon coup, et feignit la nonchalance.
– Personne, seulement... Un dessin.
– C'est vous qui l'avez dessiné ?
Jungkook hocha la tête, croisant les bras contre sa poitrine.
– Personne, dites-vous ? Hm... Je n'excelle pas dans cette matière, mais j'ai quelques connaissances Commandant, et si je peux me permettre, la façon dont l'encre est finement définie me prouve le contraire.
– Je te l'ai dit, ce dessin ne représente personne. C'est seulement mon imagination.
Quelque peu confus, Sochun préféra déposer le dessin à sa place avant de s'asseoir en tailleur sur le lit, baissant les yeux entre ses mains qui reposait entre ses cuisses.
– Que t'arrive-t-il ? Tu es étrange, tout à coup, remarqua Jungkook, les sourcils froncés.
– Oh rien, je... Et bien, je ne sais si je peux vous le dire.
– Sochun, dis moi.
– Comment dire... Je vous assure que je n'ai jamais pensé quoi que ce soit à votre propos, Commandant. Je n'ai même jamais entendu parler de vous, avant de venir ici. Mais je me souviens, une fois, avoir vu une peinture similaire à Hanyang. L'homme qui vendait ces esquisses se ventait de les avoir eu à bon prix à Gatak, et je...
Sochun souffla, l'air honteux.
– Je les ai trouvé très belles, Commendant. En observant cette peinture, j'ai pensé... Je me suis demandé si cela pouvait correspondre au coup de pinceau qui avait su retenir mon attention.
Jungkook ne laissa aucune émotion transparaître sur son visage, pourtant, à l'intérieur, il se maudissait. Loin était l'époque où il dessinait au cœur de Gatak, après quelques ébats en compagnie de Jimin et de certains de ses piètres amis, plus loin encore était l'époque où Jungkook avait décidé de revendre ses dessins et des peintures pour se faire quelques sous. Cela l'avait amusé un temps, mais il ne se doutait pas que ses propres œuvres de débauche seraient remises à la vente, qui plus est, sans son accord, et dans son dos.
Cet homme dont parlait Sochun devait être un bon charlatan, ceci dit, il ne pouvait lui en vouloir d'essayer de gagner sa vie, dans le but d'obtenir quelque chose à se mettre sous la dent... Enfin, voilà maintenant qu'il se retrouvait dans l'embarras.
– Je n'ai jamais vendu quoi que ce soit, si cela est la question que tu te poses.
– Pardonnez-moi Commandant, c'est absurde comme pensée, je l'admet.
– Mais alors... Tu aimes la peinture érotique ? lança Jungkook, préférant se jouer de son embarras.
Comme il l'avait prévu, Sochun se mit à rougir, et cette expression avait le don d'apaiser et d'attendrir le cœur de Jungkook, qui, souvent, pensait à la façon dont Taehyung rougissait à la moindre de ses paroles.
– Mais ceci n'a rien d'érotique, Commendant ! C'est... C'est de l'art, tout simplement.
La tête penchée sur le côté, Jungkook toisa son jeune ami avec insistance.
– De l'art, dis-tu ?
– Absolument, on peut exprimer beaucoup de choses à travers l'art. Du moins, c'est ce que j'ai ressenti en regardant votre dessin.
Sochun n'approfondit pas, pourtant, cela ramena Jungkook à un vieux souvenir. Taehyung lui avait souvent fait de nombreuses leçons sur la vie, la nature, les animaux, l'art... Jungkook se souvenait d'à quel point Taehyung aimait cela. Souvent, lorsqu'il peignait, ou qu'il dessinait, il avait l'impression de pouvoir se reconnecter à son souvenir.
Ainsi, cela le perturba un moment, jusqu'à ce qu'une légère brise ne vienne l'effleurer. Et alors qu'il s'empressa d'aller s'assurer que la cabane n'allait pas les exposer, il vit un papillon entrer dans cette dernière, battant gracieusement ses ailes sous ses yeux.
Subjugué, Jungkook le fixa, jusqu'à ce que ce dernier ne se pose sur l'épaule dénudée de Sochun, qui commençait tout juste à remettre ses vêtements. Apeuré, il sursauta et commença à lever la main pour l'éliminer, mais Jungkook le surprit encore plus, en bondissant presque sur lui.
– Ne fais pas ça !
De sa voix rauque et chaude, Jungkook lui ordonna de ne pas bouger, et, apeuré, Sochun osa à peine reprendre sa respiration. Il attendit que Jungkook le débarrasse du papillon, qu'il posa délicatement dans le creux de sa paume.
Alors qu'il pensait que le papillon allait s'échapper, Jungkook fut attendri de le voir s'ancrer dans sa main, lui exposant le plus joli côté de ses ailes bleutées.
– Mais Commandant, c'est seulement un papillon...
Sochun ne put alors comprendre pourquoi son Commandant le fixa avant tant de nostalgie dans son regard, mais en vérité, il ne l'écoutait déjà plus, plongé à nouveau dans l'un de ses nombreux souvenirs.
— Un papillon ? Tout ça pour un insecte ?
— Ce n'est pas qu'un insecte, renifla Taehyung, fixant cette pauvre petite bête dans ses mains. Il souffre.
— Hyung, ce n'est qu'un simple insecte. Ce ne sont que des papillons.
— Pas du tout ! dit-il vexé. Ils représentent la destinée ! Les papillons sont tout, sauf de simples insectes. Ce que vous tous appelés un simple insecte est un symbole de changement, de transformation et de renaissance. Ce sont de très beaux insectes, et nous devrions tous porter une réelle attention à leur visite. N'as-tu seulement jamais été instruit sur cela, Jungkook ? demanda Taehyung, cette moue adorable figée sur son visage. Une chenille grandit et mue, elle tisse une chrysalide, se digère et se dissout pour renaître en une magnifique créature volante, un papillon.
Presque ennuyé par cette tirade, Jungkook essaya de ne pas en tenir compte, et fit mine d'écouter avec minutie, se raclant parfois la gorge.
— Les papillons nous enseignent l'importance du changement et aussi, que pour devenir quelque chose de grand, il faut avoir de la patience et de la foi. Lorsque l'on croise un papillon, nous devons savoir que cela est signe de changement positif. Il nous rappelle que tout ira bien, ou encore que quelque chose de positif nous attend si l'on sait comment l'accueillir. Dans certaines cultures, ils sont même considérés comme des signes que nos proches perdus viennent à nous.
Jungkook n'en croyait pas ses oreilles, dire qu'il se trouvait maintenant face à un aîné qui lui apprenait une leçon de vie par la signification des papillons lui donnait presque envie de rire à pleins poumons. Une petite voix lui dit même que Jimin aurait été hilare face à cette tirade digne de leurs précepteurs. Oui, cela avait été...Inattendu.
Soudain, Taehyung releva les yeux, et les plongea dans ceux de son cadet.
— C'est la première fois que je croise une si jolie bête avec une aile manquante, j'ai bien peur que l'on ai joué avec lui par mégarde...N'as-tu jamais croisé de papillon, Jungkook ?
— Jamais.
— J'ai appris que les papillons symbolisaient la liberté, mais aussi l'amour, la beauté de l'âme et la vulnérabilité de la vie dans la culture chinoise. Ils pensent même que voir deux papillons ensemble peut symboliser que l'on trouvera bientôt l'amour, ou que la personne que l'on aime viendra bientôt nous voir, souffla Taehyung avant de tourner la tête face à son vis-à-vis. Je trouve ça beau.
C'est les yeux larmoyants que Jungkook renifla, avant de se reprendre, laissant alors le papillon s'envoler loin de lui.
– Est-ce que... Tout va bien, Commandant ?
– Oui, souffla Jungkook en se raclant la gorge, parfaitement bien. Je suis fatiguée, tu devrais retourner à ta cabane.
Sans insister, Sochun s'inclina, puis il finit de remettre ses vêtements avant de quitter l'espace privé de Jungkook.
Une fois seul, Jungkook posa ses deux mains sur son bureau, comme si tout son corps était devenu bien trop lourd à porter. Il cligna des yeux plusieurs fois, tentant de chasser ces foutues larmes qui ne demandaient qu'à couler, quand son attention se déporta sur la lettre du messager de la capitale.
Il la parcourut sans vraiment la lire, quand soudain, il fut pris d'un élan venu de nul part. Il replia ses cartes et la lettre, et les enfouit dans un sac de toile, sans oublier son carnet et ses dessins, puis il attrapa son armure, enfila tout son attirail, et rangea son épée dans son fourreau avant de sortir à toute vitesse de sa cabane.
Il n'avait jamais oublier toute cette signification autour des papillons, et c'est alors que son monde commençait doucement à perdre de ses couleurs qu'il retrouvait enfin une raison de se battre. Mais cette fois-ci, ce ne serait peut-être pas sur un champ de bataille.
Ou du moins, le plus difficile et hargneux d'entre tous.
Le bruit de ses pas réveilla certains de ses soldats, et alors qu'il venait de grimper sur sa monture, un de ses lieutenants vint à lui, et s'inclina.
– Commandant Jeon, une nouvelle attaque ?
– Je m'en vais à la capitale. Je te laisse au commandement de cette unité jusqu'aux prochaines nouvelles.
– Bien, Commandant. Mais ne serait-pas plus judicieux de faire envoyer votre réponse par l'un d'entre...
– Non, je m'en chargerais moi-même.
A ces mots, Jungkook ne perdit pas plus de temps et lança son cheval au galop.
Il était peut-être trop tard pour réparer les pots cassés, mais il n'était pas trop tard pour demander pardon.
Et si toutes ces conneries sur les papillons étaient vraies, alors il en était persuadé.
Il retrouverait Taehyung, et ne le quitterait plus jamais.
Nda : *Le Gamhongno est une liqueur infusée avec des herbes, des épices ainsi que du miel et des fruits. C'était considéré comme un alcool de luxe à cette époque.
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