Lorsque Taehyung ouvrit les yeux, il pensa d'abord qu'il était toujours en train de rêver. Il n'était pas encore totalement éveillé, et c'était fort agréable de se réveiller à l'aide du chant des oiseaux, accompagné par les premiers rayons du soleil qui faisaient briller la rosée du matin.

Ceci dit, il n'en était rien face à la douce et agréable sensation des bras de Jungkook le maintenant contre son torse. C'était une vraie source de chaleur, un petit cocon de paix qui avait tant manqué à Taehyung ces derniers temps.

Il en avait rêvé tant de fois, mais il ne pouvait jamais refusé de retrouver son amant jusque dans ses souvenirs, mais très vite, lorsque ce dernier qui devait en toute logique être inerte, se mit à bouger et à inspirer fortement, Taehyung compris qu'il s'agissait bien de la réalité.

Il aurait adoré profité de ce moment, se prélasser dans les bras de son amant devenu son véritable compagnon à la suite des paroles échangées la veille, mais tout cela était impossible. Puisque si le soleil pointait déjà le bout de son nez, alors son père serait le prochain. Bientôt, les serviteurs se mettraient au travail et toute la maisonnée serait d'aplomb.

Paniqué à l'idée de se faire surprendre, Taehyung hésita et dut se pincer les lèvres avant de secouer Jungkook, qui, par mégarde, glissa du banc sur lequel ils s'étaient endormi. Taehyung esquissa un sourire et préféra se mordre l'intérieur de la joue pour ne pas rigoler, face à la moue adorable de son compagnon qui, les yeux bouffis et les paupières battantes, cherchait encore là où il pouvait bien se trouver.

– ...Hyung ? Qu'est-ce que tu fais ici ? demanda Jungkook, avec la voix rauque du au réveil.

– Et bien, c'est moi qui devrais te poser cette question, s'amusa Taehyung en s'abaissant pour l'aider à se relever. Tu es chez moi, après tout.

D'un geste tendre, il vint coiffer sa longue chevelure et déposa un baiser discret près de ses lèvres. Certainement le dernier avant son départ.

– Nous nous sommes endormis, et même si l'idée de te chasser me semble peu respectable, je ne peux prendre le risque qu'on me découvre ici, avec toi.

Il fallut quelques minutes de plus à Jungkook pour retrouver ses esprits, et bientôt, l'air enfantin sur son visage disparut, et il fit les gros yeux, gêné de s'être endormi, et inquiet à l'idée que son manque d'attention puisse causé des torts à celui qu'il aimait.

– Par tous les dieux, Hyung ! cria-t-il avant que Taehyung ne pose la paume de sa main sur ses lèvres.

– Moins fort, chuchota t-il, on pourrait nous entendre. Suis-moi, je vais te raccompagner.

Jungkook acquiesça, et ensemble, ils se faufilèrent dans les jardins, arrivant jusqu'au muret par lequel Jungkook était entré. Là, ils découvrirent Yoongi affalé au sol, grelottant encore dans son sommeil. Il était couvert de saleté, mais il semblait assez paisible. Et si Taehyung fronça les sourcils, surpris et à la fois curieux de le trouver là, Jungkook, lui, souffla tout en souriant, s'approchant de ce dernier pour le réveiller.

Il l'aida à se relever, et lui offrit le mouchoir qu'il cachait dans la poche de son durumagi pour qu'il puisse nettoyer rapidement son visage. Chose faite, Yoongi ouvrit les yeux et tomba nez à nez avec les deux jeunes amoureux se tenant la main, et surtout, il sentit son coeur s'apaiser aussitôt qu'il vit le visage doux et serein de son jeune maître, qui le toisait d'un air crédule.

– Tu as dormi dehors ? lui demanda Taehyung, inquiet.

– Pardonne moi, Yoongi, le coupa Jungkook en s'adressant à ce dernier. J'aurais dû te prévenir, mais...

– Je tiens toujours ma parole, maître Jeon, lui répondit le serviteur. Il est temps pour vous de partir, et je suis assez reconnaissant de ne pas être celui qui vous met dehors, souffla t-il, quelque peu amusé.

Sa remarque fit rire Jungkook, qui lui devait une fière chandelle pour ce qu'il avait fait, d'autant plus qu'il le trouvait véritablement loyal et fidèle envers Taehyung. Yoongi avait tenu parole, et l'avait attendu, au cas où Jungkook n'aurait pas eu la chance de s'entretenir avec son jeune maître. Cependant, Yoongi était heureux d'apprendre que le destin avait bien fait les choses, et rien ne valait le sourire de Taehyung pour commencer une belle journée.

D'autant plus que l'hiver approchait à petits pas, et même s'il avait dû dormir à même le sol, même s'il avait eu froid, même s'il avait attrapé un rhume, il était fier d'avoir écouté ses intuitions, qui, une fois encore, lui avaient porté bon conseil.

Soudain, on entendit au loin les serviteurs se mettre au travail, et c'est lorsque une fumée épaisse s'échappa des cuisines que Taehyung comprit qu'il était juste temps pour Jungkook de partir. Alors, il s'approcha de lui et, sans le lâcher des yeux, quitta son étreinte pour le laisser grimper à l'arbre qui le séparerait bientôt de lui, de l'autre côté du muret.

– Promets-moi que nous nous reverrons bientôt, Hyung, lui souffla Jungkook.

– Je te le promets.

Une toute dernière fois, les deux jeunes hommes échangèrent un bref baiser, Jungkook allant presque jusqu'à se tordre le cou pour l'atteindre, puis il s'échappa au loin au dos de son cheval, dont Taehyung entendit les sabots claquer sur la terre battue au loin.

Un sourire béat collé sur le visage, il se retourna face à son serviteur, les joues rouges et le cœur battant la chamade. Il ne le regardait pas, et était encore transporté dans les tumultes de l'amour, ce qui fit rire Yoongi qui préféra le tirer jusqu'à lui, le guidant jusqu'à sa chambre, sans se douter un seul instant, que plus loin, sur le perron d'un pavillon, une paire d'yeux curieux n'avait rien loupé de la scène.

*

Même s'il n'avait que très peu dormi, Taehyung ne fit aucune remarque, ni de grimace lorsque son père le fit appeler dans ses quartiers. Ce dernier, comme à son habitude, froid et austère, lui demanda de se faire préparer car ils étaient attendus au palais.

S'en suivit une longue toilette, une séance entière de pouponnage, de préparation, et pas une seule fois, Taehyung ne perdit son beau sourire enfantin. Comme s'il avait reçu le plus beau des cadeaux, il ne se remettait toujours pas de la fabuleuse déclaration de Jungkook, et qui plus est, plus le temps passait, plus il se remémorer ses paroles, son poème, leurs promesses en boucle, de peur que tout ne lui échappe pour de bon.

Il n'avait suffit que d'un baiser pour que toute sa colère et sa peine s'envolent, et grand bien lui faisait. Après tout, Hoseok avait eu raison, cela faisait un bien immense de pouvoir se libérer du poids des suspicions et des doutes, et même s'il devait revenir en arrière, Taehyung ne changerait rien. Absolument rien.

L'amour pouvait être bien des choses, mais il en était certain, il ne pouvait mourir. Il était capable de vous transformer, de vous rendre misérable puis incroyable à nouveau, là se cachait toute la beauté de son art. Sans amour, le monde ne pouvait être ce qu'il était, car si Taehyung était bien sûr d'une chose, c'est que seul l'amour pouvait être l'énergie la plus forte, la plus tenace, la plus belle, capable de faire battre les cœurs.

Taehyung suivait son père à travers les longs couloirs du palais, Yoongi derrière eux. Les serviteurs les menèrent jusqu'à une bifurcation, où certains d'entre eux escortèrent son père au pavillon du Roi, tandis que d'autres guidèrent Taehyung et Yoongi vers les jardins royaux. Il ne savait pas encore ce qui l'attendait, mais il se réjouissait à l'idée de retrouver la princesse Ha-rin.

Avant de pouvoir accéder aux jardins, Yoongi lui accorda un sourire, feignant ne pas être peiné à l'idée de ne pas pouvoir voir le visage de celle qu'il aimait, et fit comprendre à Taehyung qu'il ne pouvait pas l'accompagner plus loin.

Ne se doutant pas des sentiments de son ami, Taehyung lui rendit son sourire, et lorsqu'il aperçut Ha-rin au milieu des fleurs éclatantes, un sourire léger apparut sur son visage. La princesse l'accueillit avec un éclat de bonheur qui réchauffa aussitôt son cœur.

– Taehyung ! Ça me fait plaisir de te voir. Tu sembles en meilleure forme que la dernière fois, remarqua-t-elle avec bienveillance.

– Le plaisir est partagé, Votre altesse, répondit-il en s'inclinant légèrement, respectant la distance due à leur rang. Je dois dire que revoir les jardins du palais a un effet apaisant. Et vous, Ha-rin, vous semblez toujours aussi rayonnante.

Ils échangèrent quelques banalités sur les saisons, les dernières nouvelles du palais, et les petits événements de la vie quotidienne. Il ne manqua pas de lui confier que depuis leur dernière rencontre, il lui était arrivé bien des choses, mais surtout, que son cœur avait retrouvé son éclat et sa raison d'être. Le rire de Ha-rin résonnait doucement, mais Taehyung remarqua bientôt que ses yeux semblaient parfois s'assombrir, comme si une pensée douloureuse la rongeait.

Finalement, le silence s'installa, et Ha-rin, visiblement plus grave, détourna les yeux. Taehyung, attentif comme toujours, sentit son cœur se serrer devant l'expression tendue de son amie.

– Quelque chose vous tracasse ? Vous avez l'air préoccupée, demanda-t-il doucement, avec une touche d'inquiétude.

Elle prit une inspiration, ses mains se joignant nerveusement devant elle. Taehyung ne la connaissait pas depuis longtemps, mais il se doutait que l'expression sur son visage et la façon dont elle jouait avec ses paumes moites ne pouvait pas traduire quelque chose de bon.

– Taehyung... Je pensais que tu étais au courant de la véritable raison de ta visite aujourd'hui, murmura-t-elle, la voix légèrement tremblante.

Il fronça les sourcils, un peu perdu.

Au plus loin qu'il se souvienne, son père ne lui avait pas parlé de quoi que ce soit concernant le roi, ou bien la princesse elle-même, ni même cette visite qui, pour lui, était totalement improvisée. Ceci dit, il savait que jamais son père n'agissait sans une idée derrière la tête, et surtout, qu'il était un homme organisé et droit. Peut-être avait-il omit cette information lors de ces derniers jours, à vrai dire, il s'était totalement déconnecté de la réalité qui avait été la sienne, et ce, jusqu'à ce que Jungkook lui revienne.

– Non...? Je croyais que c'était juste pour vous rendre visite. Mon père ne m'a rien dit d'autre. Ai-je manqué quelque chose ?

La princesse tourna son visage vers lui, les yeux voilés de tristesse. Elle sembla hésiter, et Taehyung put même remarquer que ses yeux brillaient, comme s'ils étaient prêts à déchainer un torrent de larmes.

– Je suis désolée, Taehyung. Ce n'est pas simplement une visite amicale.

– Co-comment... ? Je... Je ne comprends pas, Ha-rin, que voulez-vous...

– Mon père, le Roi, a décidé que tu serais mon époux... et donc le futur roi consort lorsque je lui succèderai.

Le souffle de Taehyung se coupa.

Il resta immobile un instant, essayant d'assimiler l'ampleur de ce qu'il venait d'entendre. Son cœur s'alourdissait à mesure que les mots résonnaient dans son esprit. Il aurait aimer à penser que son amie lui faisait une drôle de blague, mais il ne la connaissait pas assez pour le penser avec certitude, sans parler de la façon avec laquelle elle venait d'attraper ses mains, comme pour être certaine qu'il était toujours bel et bien présent, et qu'il ne partirai pas en courant.

– Votre Altesse... Il hésita, cherchant les mots justes, tout en gardant le respect et la réserve qu'imposaient son éducation et la hiérarchie. Je suis... profondément honoré par cette décision, mais... Enfin, Ha-rin...

Il marqua une pause, le regard baissé, comme s'il cherchait la force de parler.

– Je crains que mon cœur ne soit déjà pris. Il m'est impossible d'accepter cette union sans manquer à la sincérité et au respect que je vous dois.

La princesse lui offrit un sourire triste, compréhensive. Elle ne verrait jamais Taehyung autrement qu'un ami, pourtant, elle l'appréciait beaucoup, et s'il le fallait, elle savait qu'elle serait prête à l'aimer, et que si cela devait arriver, elle était rassurée sur un point : Taehyung serait un mari à la hauteur de toutes ses attentes.

Cela dit, elle détestait le fait de ne rien pouvoir y faire, elle s'en voulait terriblement de devoir lui imposer un si lourd fardeau, voire même de lui voler son destin. Elle-même avait senti son cœur se briser en mille morceaux lorsque son père le lui avait annoncé, quelques jours plus tôt. Néanmoins, elle n'avait rien pu faire d'autre que pleurer, avant de retrouver son plus beau masque et de se tenir la tête haute lors de ses visites, de ses cours de musique et de littérature, sans parler de ces moments interminables lors des banquets.

Lorsque son père lui avait fait part de la visite de la famille Kim, la Princesse Ha-rin avait elle-même exigé d'être celle qui lui annoncerait la nouvelle. Elle était déjà bien trop dévastée, mais elle portrait assez taehyung dans son cœur pour lui prouver son honnêteté, et ainsi, elle espérait que peut-être, ils pourraient porter ce lourd devoir ensemble, à leur manière.

– Je sais, Taehyung... Je sais que tu es quelqu'un d'entier et de sincère. Et je ne te blâme pas, car... je me trouve dans la même situation. Moi aussi, j'aime une autre personne, mais... Les ordres de nos pères ne nous laissent guère de choix.

Le poids de cette révélation semblait écraser les deux jeunes gens. Taehyung, peiné, murmura :

– Je ne pe-peux qu'imaginer combien cela... Cela doit être douloureux pour vous.

Ha-rin, dans un geste à la fois fragile et résolu, essuya une larme naissante au coin de son œil. Voilà que Taehyung en oubliait sa propre personne, et ce simple constat creusa un peu plus la peine de la Princesse.

Taehyung était un jeune homme si doux, si pur, qu'elle ne voulait en rien le blesser. Elle qui s'était préparée à recevoir sa colère était sous le choc de sa réaction, quand bien même elle pouvait lire dans ses yeux qu'il était lui-même désemparé.

– C'est d'autant plus difficile, car celui que j'aime ne correspond pas du tout aux attentes de mon père. C'est un homme de rang bien trop humble pour que notre union ne soit jamais permise... Mais, mon ami, ceci est autant difficile pour moi que pour toi.

Curieux et compatissant, Taehyung l'interrogea doucement, préférant noyer sa peine à travers sa curiosité. Son coeur lui hurlait déjà de partir, de courir rejoindre Jungkook pour fondre dans ses bras, mais sa raison, elle, ne cessait de répéter qu'il trouverait le temps, plus tard, de pleurer sa perte à tout jamais.

– Puis-je savoir de qui il s'agit ?

Ha-rin hésita, visiblement en proie à un combat intérieur. Puis, à voix basse, elle finit par confier :

– C'est Yoongi. Ton serviteur.

Les yeux de Taehyung s'écarquillèrent légèrement, mais il garda le silence, tentant de maîtriser son trouble. Yoongi, ce serviteur discret et fidèle, avait conquis le cœur de la princesse ? Il comprit alors que, derrière les apparences, les sentiments et les aspirations des individus étaient souvent ignorés pour satisfaire les exigences politiques et dynastiques.

La princesse, les mains tremblantes, poursuivit.

– Il m'a attirée par sa sincérité, son côté simple et honnête. Il voit en moi Ha-rin, pas seulement la princesse. Mais comme toi, je suis prise au piège de mon devoir, et je t'entraîne malgré moi dans cet avenir incertain... Et peut-être malheureux. Je suis terriblement désolée, Taehyung. Tellement, tellement désolée...

Taehyung, malgré la tourmente intérieure qui le traversait, se força à répondre avec douceur. Il se devait d'être un bon ami, à défaut de devenir un bon mari. Pourtant, il savait déjà au fond de lui qu'il le ferait, quoi qu'il en coûte, car il n'avait pas le choix, et surtout, il refusait de voir son amie se morfondre dans la peine sans qu'il ne puisse lui prêter l'épaule sur laquelle pleurer.

– Votre Al... Non, Ha-rin... Je comprends ce que vo-vous ressentez. Il me serait impensable de... De vous en vouloir pour quelque chose qui n'est pas de votre fait. Mais... J-je crains que cela ne soit une route bien douloureuse pour nous deux.

Ils restèrent silencieux un moment, chacun mesurant l'ampleur du sacrifice qu'on attendait d'eux. Puis, d'un geste tendre et sincère, Taehyung posa sa main sur celle de Ha-rin, unissant dans ce geste leur compassion mutuelle et leur résignation partagée face à un destin qu'ils n'avaient pas choisi.

La Princesse, touchée et à la fois surprise par ce geste, laissa couler des larmes trop longtemps retenues, et ne cessa de murmurer à quel point elle était désolée. Elle avait l'impression de trahir son ami, d'avoir comploter dans son dos, d'avoir été la source même de ses futurs soucis. Elle s'était souvent demandé depuis l'annonce, si le fait de l'avoir accepté et désigné en tant qu'ami ne lui avait pas causé du tort, si tout cela n'était pas de son fait sans le savoir. Mais à force de travailler son père avec un tas de questions, Ha-rin avait appris à ses dépends que depuis longtemps déjà, sa main était promise à ce jeune homme, et que c'était la raison même pour laquelle sa famille était venue vivre à la capitale.

Empreinte d'une colère inouïe, elle pensa être assez forte pour encaisser le choc, mais après moultes réflexions, elle s'était trouvé bien naïve. Après tout, elle n'était qu'une femme, qui plus est une Princesse, vivant sous le toît de l'homme qui dirigeait non seulement sa vie, mais aussi celle de tout un Royaume. Elle n'était qu'une femme vivant dans un monde dont les ficelles étaient et avaient toujours été tiré par des hommes, et tout cela l'avait rendu folle à bien des reprises.

Si elle avait pu échapper quelques fois à ses obligations afin de pouvoir découvrir la ville à ses dépends, la Princesse Ha-rin avait fini par s'en vouloir de s'être si peu intéressée au monde politique. Elle s'en était mordu les doigts, mais même ainsi, elle finit par comprendre que même si elle avait été plus attentive, elle n'aurait rien pu changé.

Elle n'était pas le maestro de sa vie, comme taehyung n'avait jamais été celui de la sienne. Ils n'étaient que des enfants promis à un avenir que leurs parents avaient tracés pour eux, et si cela devait être ainsi, alors quelque part, Ha-rin était rassurée de savoir qu'elle ne passerait pas le restant de ses jours avec un homme plus vieux, fou, ou colérique.

Quoi qu'il en soit, elle s'en voulait terriblement de voler à Taehyung tous ses espoirs, elle ne voyait en lui qu'un jeune homme pur, cherchant à toucher la liberté du bout de ses doigts, et voilà qu'elle lui arrachait absolument tout.

– Taehyung, je...

– Si on doit de-devenir... Si on doit... Enfin, je me dois d'être honnête avec vous, et puisque vous m'avez confié à qui appartient votre coeur, laissez-moi vous accorder le secret qui est le mien.

Taehyung se rendit de suite compte qu'il venait de couper la parole à la Princesse, et il se mit à rougir, retirant ses mains des siennes, honteux et gêné, mais cette dernière lui sourit malgré les larmes, et lui dit signe de continuer.

– La... La personne que j'aime, c'est... J'ai-aime un... J'aime un homme.

Alors qu'il s'attendait à faire face à son dégoût, Taehyung fut étonné de ne lire que de la surprise sur le visage de sa tendre amie, et bientôt future épouse. Cela ne l'empêcha pas de rougir et de vouloir se terrer dans le premier trou qu'il croiserait, mais il ne voulait pas lui mentir, et il espérait que peut-être, le fait d'être honnête avec elle lui permettrait, qui sait, de pouvoir garder ce secret d'actualité, et de ne jamais perdre Jungkook qu'il venait tout juste de trouver.

– Vous... Vous n'êtes pas déçu de moi, Votre... Votre altesse ? Je... J'aime un ho-homme, et voilà qu'on m'annonce que je vais de-devenir votre Roi, j-je...

– Peu importe, le coupa la Princesse. Peu m'importe pour qui ton cœur bat, nous portons tous deux un secret, et je te promets que jamais, au grand jamais, je ne te ferait défaut. Nous sommes amis, n'est-ce pas ? Nous serons peut-être liées par le mariage aux yeux de tous, mais nous ne serons jamais rien d'autre que des amis, Taehyung. Je t'en fais la promesse, je suis déjà bien assez vile de t'en priver, alors, en tant que future reine, jamais je ne briserais ce qu'il reste de ton cœur.

Taehyung sentit un poids énorme se détacher de ses épaules, et bien qu'il savait que rien n'était réglé pour autant, il retrouva peu à peu son souffle, et en toute bonne foi, rendit sa promesse à la Princesse.

Tout deux ne s'aimeraient jamais, ils ne partageront jamais leurs lit, mais feront tout ce qui est en leur possible pour rendre ce contrat crédible aux yeux de la dynastie du Royaume, et pour couronner le tout, chacun se promit de faire en sorte que leur bonheur secret ne se noie jamais dans les méandres du mariage forcé. Autrement dit, chacun promit à l'autre de faire son possible pour que leurs véritables relations ne perdent jamais leurs flammes, et qu'envers et contre tout, ils se battraient pour ne jamais perdre leurs amants.

Quelque part, Taehyung savait que cela était égoïste. Il ne pouvait pas décider pour Jungkook et d'ailleurs, même en sortant du palais, il se tortura l'esprit durant des heures tout en se demandant comment et quand il pourrait lui annoncer la nouvelle. Même si cela paraissait idiot, il esperait que Jungkook n'en tienne pas vraiment compte, il esperait qu'il lui dise que tout irait bien et que, comme maintenant, ils pourraient vivre leur amour caché, tout en étant heureux.

Pourtant, tout cela sonnait terriblement faux aux oreilles de Taehyung, qui pénétra dans l'échoppe du meilleur tailleur de la ville, le visage criblé par la peine et l'angoisse. A ses côtés, Yoongi, qui n'avait pas pu entendre un seul mot de sa discussion avec la Princesse Ha-rin, se demandait bien pourquoi l'expression de son jeune maître avait changer, mais il se contenter d'agir tel le bon serviteur qu'il était, et suivait Taehyung et le commerçant royal à la traîne.

Le père de Taehyung les avait envoyés chez le tailleur dès leur sortie du palais, et seul Taehyung en connaissait la raison. Il fallait que l'on prenne ses mesures, que tout soit parfait pour son futur mariage, ses noces et son futur couronnement... Bon sang, tout cela sonnait comme un terrible conte, et pourtant, bon Dieu, tout cela n'était autre que la réalité.

Mais alors qu'il priait silencieusement le ciel pour que quelqu'un le tire ce nouveau cauchemar, il entendit une voix reconnaissable entre toutes, lorsqu'il se faufiler dans l'arrière boutique pour essayer de trouver un tissu convenable et à son goût.

– Bonjour Dongeun-ssi, lança joyeusement Jungkook au loin, ma mère m'envoit chercher les tissus pour le costume traditionnel de mon frère aîné.

– Ah, mon garçon ! s'adressa le commerçant, qui, semble-t-il, devait bien le connaître. Votre frère est bel homme, mais il me tarde de vous confectionner le costume que vous porterez lors de votre grand jour. Voici, venez, suivez-moi, tout se trouve dans l'arrière boutique.

Aussitôt, Taehyung voulu se cacher, pensant qu'il était tout à fait impossible de retrouver Jungkook dans un tel moment mais le destin en décida autrement, et pile quand Jungkook entra dans l'arrière boutique, il tomba nez à nez avec son compagnon, gêné, comme toujours, et les yeux rond comme un poisson qu'on venait de sortir de l'eau.

– Maître Kim, lui dit-il avec un beau sourire, je ne m'attendais pas à vous rencontrer ici, c'est une belle surprise.

– Oh, maî-maître Jeon, je... Je ne...

– Messeigneurs, s'inclina le commerçant, voyant qu'il n'était déjà plus d'aucune utilité.

Il s'éclipsa, et alors, Jungkook n'attendit pas un seul instant de plus pour fondre ses lèvres contre celles de Taehyung, qui surprit mais à la fois rassuré de le retrouver, se laissa aller dans cet élan d'amour fou.

– Tu es encore plus beau que dans mes récents souvenirs, murmura Jungkook contre ses lèvres, lorsqu'il se recula.

– Nous... Nous sommes vu ce matin, j-je...

– Pourtant, te voilà, habillé tel un prince. Je me dois de le dire, je crois être l'homme le plus chanceux de cette ville, voire même du pays tout entier.

Face à tant de flatteries, Taehyung se mit à rire doucement, et il hoqueta presque lorsque Jungkook le tira contre lui, ses mains glissant dans son dos, le long de son durumagi avant d'atteindre ses fesses.

– Je crois que j'ai besoin d'une piqûre de rappel, souffla t-il, d'une voix rauque et envieuse.

– D-de quoi veux t-tu parler Jun...

– Chut, souffla son amant contre ses lèvres, tu me fais confiance, pas vrai ?

– Évidemment, mais no-nous ne sommes pas seuls et j-je...

Comme s'il était un don du ciel, Yoongi apparut alors dans l'arrière boutique, ahuri devant la position de son jeune maître et gêner face à l'expression de luxure qui s'échappait du sourire du jeune maître Jeon. Cela dit, il acquiesça gentiment lorsque ce dernier lui fit signe de partir, et comme s'il s'était échangé des paroles à travers un simple regard, Yoongi fit demi-tour et alla attraper le commerçant pour l'entraîner en dehors de sa propre échoppe. A la fois agacé et surpris par le comportement du serviteur, le commerçant commença à hausser le ton, mais se tût aussi vite lorsque Yoongi lui dit que cela était un ordre des seigneurs.

De leur côté, Jungkook attrapa tendrement le menton de son bien aimé, et plongea ses yeux remplis de malice dans les siens.

– Nous sommes seuls, tu vois ?

– Qu'est-ce que tu veux dire, Jungkook ? On ne va tout de même pas...

– C'est amusant comme ta langue peut aisément se dénouer lorsque tu panique, mais c'est d'autant plus amusant lorsque tu essayes de prouver que tu n'es pas excité alors même que je peux le sentir contre moi.

– Vo-voyons, Jungkook.. C'est absolument fou, c'est...

– Si tu n'en as pas envie, alors dis-le moi, et je partirais.

Levant quelque peu les yeux face à la façon dont Jungkook le surplombait, Taehyung essaya de lire le défi dans son regard, en vain. Tout n'était qu'envie et désir, et il ne pouvait mentir, lui aussi en crevait d'envie. Néanmoins, il avait ses principes, et n'oserait jamais se mettre à nu dans un endroit public, cela le gênait beaucoup bien qu'une petite voix en lui résonnait, lui hurlant de se lâcher.

Bon sang, après tout, il allait devenir Roi du jour au lendemain par une simple union, il n'aurait peut-être plus jamais l'occasion de céder à de telles folies, et bien que faire l'amour dans l'arrière boutique d'un tailleur n'avait jamais été tout en haut de sa liste, au diable les convictions et les principes.

C'est lui qui fut à l'initiative du premier échange langoureux, entraînant Jungkook avec lui qui le retenu de justesse avant qu'il ne fasse s'effondrer un tas de tissu. Ce dernier, comme pris dans une tornade d'impatience, lui retira les manches de son durumagi qu'il laissa tomber sur le sol, et sur lequel il le fit lentement se coucher, le surplombant de tout son poids.

C'était la première fois que Jungkook se laissait aller à de telles manières avec Taehyung, et pourtant, il ne pouvait qu'être surpris à la façon dont son amant le tirait à lui lorsqu'il essayait de se reculer pour l'observer sous toutes ses coutures. Dans des gestes brusques et peu contrôlé, Taehyung retira son pantalon, et tira sur les lacets de sa chemise, et finit bien vite nu sous le corps brûlant de son compagnon, qui le suivit dans sa démarche tumultueuse.

Si Jungkook avait d'abord pensé se contenter de lui offrir le plaisir d'un touché discret et intime, lui qui ne s'était pas attendu à finir par le prendre à même le sol de cette boutique ne pouvait qu'être aux anges. Non pas qu'il était un grand adepte de ce genre de partage, mais lui qui n'avait toujours connu que ça s'était pris au goût de l'amour, dans toute sa splendeur.

Il aimait prendre son temps avec Taehyung, embrasser toutes les parcelles de sa peau, le rendre unique, le glorifier de tout son amour, mais son amant en avait visiblement décidé autrement. Pris dans ce tourbillon d'ivresse, Jungkook lui assena le premier coup de rein, bien qu'il était quelque peu inquiet quand au fait de ne pas l'avoir préparé pour l'accueillir, chose qui ne sembla pas traverser l'esprit de Taehyung qui se courbait déjà sous son corps.

Ils s'embrassaient, laissaient échapper de faible gémissements au creux de leurs oreilles, dans leurs cou, partageant l'air brûlant qu'ils expiraient à l'unisson, et aussi vite que cela avait commencé, tous deux atteignirent l'extase en moins de quelques minutes.

Jungkook aurait littéralement pu laisser le monde brûler pour entendre une nouvelle fois la voix rauque de Taehyung lui dire qu'il l'aimait tandis qu'il liait leurs corps en un seul, mais il était tout à fait conscient du risque qu'ils venaient de prendre, alors il préféra l'embrasser doucement, attrapant son mouchoir pour le nettoyer rapidement avant de l'aider à se revêtir.

Lorsqu'ils retrouvèrent leurs esprits, tous deux se mirent à rire, comme des enfants ayant fait une terrible bêtise, et Taehyung, dans toute sa splendeur, fit attention aux moindres détails pour que rien ne paraisse suspect, s'acquittant même de sa tâche, et c'est avec un grand sourire, cachant tout son malaise qu'il retrouva le commerçant devant l'échoppe, pour lui indiquer son choix.

Jungkook ne le quitta pas d'une semelle, et lorsqu'il finit sa propre course, il suivit Taehyung dans les rues de la capitale. Derrière eux, Yoongi paya grassement le commerçant, le faisant promettre de ne rien laisser entendre au sujet de cet étrange désagrément, avant de rejoindre les deux jeunes seigneurs en chemin.

Bien que Taehyung lui dit qu'il était préférable qu'il s'en aille, Jungkook insista pour le raccompagner devant sa demeure, disant vouloir profiter de chaque instant à ses côtés. Séduit par son attitude et son regard charmeur, Taehyung n'insista pas et en oublia même ses nouvelles peines. Il ne voulait pas gâcher ce moment, et trouverait certainement une autre façon d'avouer à Jungkook ce qu'il avait appris.

Il n'était pourtant pas du genre à remettre les choses à plus tard, mais hélas, c'était son cœur qui avait pris le contrôle de sa raison, et que pouvait-il bien faire de plus devant ce sentiment incroyable qu'était l'amour ? Comment pouvait-il penser au désarroi et à la peine lorsqu'il sentait cette ordre de papillons danser dans le creux de son ventre, dès lors que la main de Jungkook frôlait la sienne ?

Cependant, lorsqu'ils arrivèrent à destination, la grande porte du domaine de la famille Kim s'ouvrit en grand, laissant apparaître le visage sévère du père de Taehyung, se tenant droit, les mains dans le dos, et le regard assassin envers son fils et son amant.

Par réflexe, Taehyung s'écarta aussitôt de Jungkook, qui par respect, recula d'un pas, et laissa son compagnon rejoindre son paternel, qui le toisa avec une animosité sans pareil.

Sans dire un mot, Jungkook fit demi-tour, échangeant pourtant un regard désolé avec Taehyung qui n'eut d'autre choix que de suivre le pas lourd de son père qui s'arrêta en plein milieu de la grande cour.

– Que t'avais-je dis à propos de la famille Jeon, Taehyung ?

– Abeoji, c'était une pure coïncidence, nous nous sommes croisés chez le tailleur, et nous laissant emporter par notre conversation, nous avons pris le chemin de la maison, mais je...

– Assez, Taehyung !

Apeuré par le ton sévère de son père, Taehyung baissa les yeux, et s'inclina devant lui, priant pour que son père le pardonne de son manque de respect envers son avertissement.

Cela dit, cela ne suffit pas à son père qui le toisa avec une haine sans pareille, comme s'il n'était qu'un moins que rien. Au loin, arrivant tout juste de son pavillon, Sae-Hee aperçu son jeune frère et son père dans la cour, et comprenant aussitôt ce qu'il allait bien pouvoir se passer, elle accourut presque vers eux, protégeant Taehyung de son propre corps.

– Abeoji ! osa-t-elle hurler. Vous ne pouvez pas faire ça !

Sae-Hee avait déjà assisté à de nombreuses punitions lors de leur enfance, et bien qu'il était rare que leur père lève la main sur Taehyung, il lui était déjà arrivé de le faire. Il pouvait être un père aimant, bien que cela avait toujours été extrêmement rare, mais il n'en était pas moins l'homme le plus strict, le plus têtu et le plus dur lorsqu'il s'agissait de son propre égo. C'était un homme fier, qui détestait au plus haut point qu'on puisse l'humilier, lui, son nom, et tout ce qu'il mettait en œuvre pour faire de sa famille des gens respectés et parfois même, craint.

– Va t'en, ma fille. Ton frère mérite une punition pour avoir défié mes avertissements, tu n'as pas un seul mot à dire sur mes décisions.

– Vous ne pouvez tout de même pas faire ça, Abeoji. Taehyung ne sera bientôt plus seulement votre fils, mais aussi, votre futur Roi, n'est-ce pas ? Pouvez-vous seulement oser défier la future autorité de celui que vous servirez ?

Sae-Hee ne s'interposait que rarement dans ce genre d'altercations, mais elle n'en restait pas moins une femme rusée et intelligente, qui savait manier l'art et la manière de la parole. Si elle avait été un homme, dans cette société misogyne, elle aurait certainement été un grand orateur, quelqu'un de respecté, Taehyung lui avait souvent répété ceci.

Prenant en compte les propos de sa fille, qui étaient loin d'être erronés, leur père autorisa Taehyung à se relever, seulement pour être celui qui le mettrait à terre en lui donnant une gifle phénoménale, qui le fit tomber à terre.

Paniquée, Sae-Hee hurla et vint à lui, pour prendre son visage en coupe dans ses mains.

– Taehyung, tout va bien ?

Les larmes au bord des yeux, ce dernier répondit par un simple hochement de tête, jetant un terrible regard à celui qui venait de le frapper.

Il s'était attendu à ses foudres, mais il était tellement rare qu'il en vienne aux mains que Taehyung ne put retenir sa haine, et la seule chose qu'il put faire fut de le maudire de tous les noms dans un recoin de sa tête, lui lançant un regard qui aurait pu, s'il le fallait, le détruire sur place.

Feignant l'ignorance, bien qu'il ne pouvait accepter la minime rébellion de son fils, son père le toisa tel un insecte.

– Je ne veux plus jamais que tu le vois, sinon, je le tuerais. Tu entends ?

– Vous n'avez pas le droit !

Jamais encore Taehyung n'avait osé tenir tête à son père, mais à cet instant, poussé par la peine, la colère, la trahison et tout autre sorte de chose peu agréables, il ne pouvait que laisser l'amour qu'il à Jungkook parler et quoi qu'il en coûte, il le défendrait jusqu'à en donner sa vie.

Il se le jura à lui-même, serrant la mâchoire pour encaisser la douleur sur sa joue qui commença à le brûler.

– Bien, si c'est ça que tu veux.

D'un geste de la main, le père de Taehyung fit appeler deux hommes qui étaient comme les gardes du domaine et aussitôt, ils vinrent attraper les deux bras de Yoongi pour le faire tomber au sol, lui donnant deux coups de pieds dans le ventre. Ce dernier ne répondit pas, ne dit même pas un mot et encaissa la douleur avec un courage incroyable, car il savait qu'il était bien plus préférable d'être la cible de la colère du père de Taehyung, plutôt que de voir son ami en faire les frais.

Taehyung hurla à sa place, mais sa sœur le retint contre sa poitrine, pour éviter qu'il ne se jette sur Yoongi pour le protéger. Jamais encore elle n'avait vu une telle force émaner de son frère, et pourtant, il lui fallut le maintenir contre elle avec force.

– Si tu le vois encore une fois, Taehyung, je le ferai tuer. Tu n'es pas encore Roi, et je reste ton père. Tu feras ce qu'on attend de toi, et plus jamais tu ne désobéiras à mes ordres. Roi ou pas, je resterais toujours celui qui t'a élevé, ne l'oublie jamais.

Une dernière fois, les deux hommes qui maintenaient Yoongi lui lancèrent des coups dans le ventre, dans le dos, puis, lorsque le père de Taehyung s'éloigna, ils le suivirent, laissant le serviteur au sol, fatigué, blessé, et à bout de souffle.

*

Ce soir-là, Jimin avait attendu au moins deux longues heures, presque interminable, que son père s'assoupisse pour pouvoir se faufiler en dehors des murs de sa maison, afin d'aller rendre une petite visite improvisée à son ami de toujours.

Jimin ne le dirait jamais, mais il craignait réellement son père, et il avait appris à ses dépends une bonne technique afin de pouvoir lui filer sous le nez, et autant dire que verser quelques gouttes de ce mélange, ou même de cette potion étrange qu'utilisait parfois sa mère pour dormir était un vrai miracle. Il lui suffisait d'en verser dans l'une des liqueurs favorites de son paternel, et d'attendre.

Ces derniers temps, son père rentrait bien assez tôt du palais, à son grand désarroi, et il passait des heures dans son bureau afin de peaufiner son travail, ou lancé dans des réunions interminables avec ses partisans. De fait, Jimin se retrouvait coincé.

Ces dernières semaines avaient été particulièrement ennuyantes, et comme Jungkook ne s'était pas prononcé, Jimin avait trouvé le temps long, trop long.

Il se doutait que son ami lui en voulait pour la petite mise en scène qui lui avait valu une dispute fiévreuse avec Taehyung, mais pour être honnête, Jimin lui, était assez fier de son coup. Il avait assisté à la scène au loin, et même s'il aurait pu regretter son geste, et ressentir une once d'empathie envers la tristesse de Taehyung, cela n'avait pas été le cas.

Il ne le supportait plus, et il était certain qu'après ça, Jungkook mettrait quelques semaines à s'en remettre avant de le retrouver, comme si rien de tout cela ne s'était passé. Cependant, Jimin, qui avait appris l'art de se faire discret pour récolter toutes informations et potins, avait entendu que l'on avait aperçu Jungkook en compagnie de Taehyung dans les rues de la ville, aujourd'hui.

Il avait alors de suite compris que ses espoirs avaient été vains, et que quoi qu'il fasse, Taehyung était bien trop tenace. C'était quand même fou, de voir Jungkook éperdument attaché à ce jeune homme, ce même genre de personne dont ils s'étaient toujours moqués.

Jimin avait alors presque décidé de lâcher l'affaire, quand il surprit une conversation, plus tôt dans l'après-midi, lorsque son père rentra du palais. Ce dernier, accompagné de deux de ses hommes parlaient d'un mariage royal à venir, celui de la Princesse Ha-rin, la fille chérie du Roi, et quel fut donc son plaisir d'apprendre que l'heureux élu n'était autre que Kim Taehyung lui-même.

Alors oui, il aurait pu laisser le temps au temps, attendre que l'information arrive aux oreilles de Jungkook, mais tout ceci était bien trop beau pour qu'il ne saute pas sur l'occasion d'être celui qui lui annoncerait.

C'est pourquoi, après avoir vérifié que son père s'était laissé emporter dans un sommeil profond, que Jimin vola le reste de sa bouteille et partit en direction du domaine de la famille Jeon.

Comme à son habitude, il passa à travers de petites ruelles discrètes pour ne pas qu'on puisse le surprendre, et se faufila dans le domaine, par un petit chemin que Jungkook et lui avaient de nombreuses fois empruntés lorsqu'ils étaient enfants.

Il était tard, la lune était déjà bien haute dans le ciel étoilé, mais Jimin savait que Jungkook ne dormait pas, et puis, il n'y avait qu'à voir cette faible lumière provenant de son pavillon pour le déduire.

A son aise, Jimin se déchaussa et frappa quatre fois contre sa porte, afin de lui annoncer sa présence. De l'autre côté, Jungkook devina aisément qu'il ne pouvait s'agir que de lui, et, apaisé de toute colère, il vint lui-même lui ouvrir.

Ils se saluèrent brièvement, et Jimin connaissait assez bien son ami pour savoir que ce dernier éprouvait encore une certaine rancoeur envers lui, ce pourquoi, il se saisit de deux coupelles et dévoila la bouteille de liqueur, avant d'en verser dans chacune d'elles. Muni d'un léger sourire, qui se voulait tendre et plein de compassion, il tendit sa coupelle à Jungkook qui l'accepta tout en haussant les sourcils.

– Tu as quelque chose à me dire ? lui demanda Jungkook, prenant place sur son futon, habillé d'une simple chemise à moitié délassée et d'un pantalon léger.

– Et pas qu'une, lui répondit son ami en trinquant en sa direction, mais d'abord, je voulais te présenter mes excuses pour l'autre soir. Je ne savais pas que Taehyung me rendrait visite, ni même qu'il oserait le faire à une heure si tardive. Je voulais simplement montrer qu'en tant qu'ami, j'étais présent pour toi, et l'alcool à user mes bonnes manières.

Jungkook le scruta, peu convaincu de sa tirade, mais au fond, il aimait Jimin comme un frère, et ne pouvait s'imaginer le perdre. Quoi qu'il en soit, maintenant que tout avait repris son cours avec Taehyung, maintenant qu'il avait décidé de vivre son amour tel qu'il l'entendait, il se sentait plus fort, et n'avait plus peur de l'assumer.

– Peu importe, lui dit-il en finissant sa liqueur, tout en grimaçant à cause de l'amertume. N'en parlons plus, la paix est revenue.

– La paix, vraiment ? J'imagine que tu as pu avoir une discussion avec lui, dans ce cas.

– Il est vrai, j'ai enfin décidé d'écouter ce qui se trouve là, souffla Jungkook en pointant son cœur. Tu ne peux pas imaginer à quel point cela peut être libérateur... Enfin, je dois t'annoncer que dorénavant, je serais un homme, un vrai. Je ne veux plus jouer à ces jeux stupides, nous nous sommes bien amusés toutes ces années, mais cela est terminé.

– Terminé ? Oh, Jungkook ! Voilà que tu deviens un adulte responsable, je t'en félicite.

Un léger sourire apparut au coin des lèvres de Jungkook, qui toisa son ami tout en croisant les mains.

– Tu n'es pas déçu ?

– Pourquoi voudrais-tu que je le sois ?

– Tu as toujours été très vindicatif lorsqu'il s'agissait de nos petites occupations. Toi comme moi savons que c'était aussi un moyen pour nous d'entretenir notre amitié, bien que quand j'y pense, maintenant, je trouve que c'était plutôt étrange... Je ne regrette rien, Jimin, et je t'aimerais toujours de la même façon. Cela dit, je ne suis pas dupe et je sais que tu ne portes pas Taehyung dans ton cœur.

Un tourbillon de pensées noires envahit l'esprit de Jimin, cela dit, il refusait de se lancer dans une énième dispute avec Jungkook. Il ne supporte pas son absence, ni son silence, et quand bien même le fait de savoir que Taehyung était la cause de son changement, il préférait garder pour lui ô combien cela le rendait mauvais.

Jimin était malin, et assez intelligent pour comprendre que s'il voulait finir par avoir le dernier mot, il devait agir avec finesse. Il devait l'avouer, ses nombreuses tentatives pour faire durer le jeu avaient été vaines, et le simple fait de s'imaginer qu'il avait été une des causes du rapprochement entre Taehyung et Jungkook l'agaçait au plus au point. Néanmoins, il n'en démordait pas : Taehyung ne serait pas celui qui lui volerait Jungkook.

– J'ai beaucoup réfléchi, tu sais, reprit-il en haussant les épaules. Je me suis comporté comme un vrai faquin*. Avec du recul, je dois admettre que je n'en suis pas fier. Tout ce que je souhaite, c'est que notre amitié perdure.

– Bien, conclut Jungkook, fier d'entendre les nouvelles résolutions de son ami. Alors trinquons une nouvelle fois !

Les deux amis enchainèrent les verres jusqu'à ce que la bouteille de liqueur soit totalement vide, se rappelant de vieux souvenirs d'enfance, se confiant ce que chacun avait pu manquer durant leur silences, mais pas à un seul instant Jungkook ne revint sur le sujet de Taehyung.

Il préférait garder tout ce qui le concernait secret, dorénavant. Il avait appris de ses erreurs, et quand bien même il adorait Jimin, quand bien même il pouvait lui faire confiance, il ne voulait plus que ce dernier puisse trouver la force et une raison idiote de vouloir l'en séparer à nouveau. Jungkook n'était pas sot, et il savait que quoi qu'il advienne, l'entente véritable entre son meilleur ami et son compagnon serait difficile. Sans parler du fait que sa relation elle-même devait rester cachée aux yeux de tous...

Maintenant que Taehyung et lui vibraient sur la même mélodie, il refusait de mettre en péril leur amour. Aussi, il refusait d'imaginer le fait de devoir tourner le dos à Jimin, si ce dernier essayait une fois encore de lui troubler l'esprit.

Jungkook aimait Taehyung, d'un amour incommensurable, mais il aimait Jimin, aussi. Pas de la même façon, non. Jimin, lui, était une autre partie de lui, c'était le frère qu'il n'avait pas eu, son âme sœur en quelque sorte, amicalement parlant. Jungkook ne pouvait s'imaginer vivre une vie sans l'entendre rire ou même sans pouvoir le rassurer lorsqu'il en avait besoin. Ils avaient grandi ensemble, avaient partagé leurs peurs, leurs douleurs, leurs joies et leurs victoires. Ils s'étaient promis de ne jamais se séparer, et bien que maintenant, ils ne pourraient pas se retrouver sous les draps, il savait qu'il ne risquait pas de le voir disparaître pour autant.

Jungkook n'avait effectivement pas oublié qu'il deviendrait le beau-frère de Jimin en se mariant à sa sœur à laquelle il était promis, et par ailleurs, il ne bafouerait cette promesse pour rien au monde. Il en était de sa réputation, celle de sa famille, tout comme celle de Jimin.

Ainsi, ils seraient liés par le sang, d'une certaine façon.

Le temps s'écoula, jusqu'à ce que n'arrive le moment pour Jimin de s'en aller. Il se releva difficilement, manqua de tituber tout en arrachant un rire profond chez son ami, qui le raccompagna jusqu'à la porte du domaine.

– N'oublie pas la bouteille, lui dit Jungkook en lui tendant le cadavre.

Il savait qu'à chaque fois, Jimin la déposait en douce sur le bureau de son père endormi pour que celui-ci pense avoir trop abusé de la boisson au réveil. Ainsi, il n'avait jamais déjoué son stratagème.

– Ah ! Mon ami, que ferais-je sans toi...

– Je me le demande parfois !

Alors qu'il s'apprêtait à partir, Jimin tiqua, et fronça les sourcils tout en tapotant son crâne du bout de son doigt.

– Oh, je me souviens maintenant ! Je voulais te parler d'une chose, oui, ça me revient... Ah, tu ne devineras jamais ce que j'ai appris !

Jungkook, amusé, le toisa avec surprise.

– C'est à propos de Tae-Taehyung !

Jungkook fit abstraction de sa mauvaise imitation, et préféra prétendre que Jimin avait simplement hoqueter dû à l'alcool. Pourtant, son expression changea aussitôt, et il serra la mâchoire tout en s'agrippant à l'énorme porte de bois.

– Que veux-tu dire ? demanda t-il, la voix sombre.

Même s'il était quelque peu éméché, Jimin su qu'il avait touché une corde sensible, et tituba une nouvelle fois avant de fixer son ami, l'air innocent.

– Te souviens-tu de cette rumeur, à propos du mariage de la Princesse ? Ah... ! Nous aurions dû faire le rapprochement dès le début, une noble famille s'installant à la capitale en plein milieu de l'année, sans parler du fait du poste prestigieux de son père... C'était presque évident, non ?

– Park Jimin, dis moi ce que tu sais.

Jungkook semblait impatient, voire même agacé, ce qui pouvait se traduire par la façon dont le bout de sa langue tiqua contre l'intérieur de sa joue.

– Kim Taehyung, c'est lui, Jungkook... C'est lui que le Roi à choisi, tu ne comprends pas ?

Soudain, Jungkook eut l'impression que le ciel lui tomba sur la tête. Comme s'il s'était débattu dans la neige en plein hiver, il sentit un vent glacial lui geler l'esprit, puis le moindre de ses mouvements. Tout cela n'était que calomnie.

Impossible.

– Oh ? Tu n'étais donc pas au courant ? Ma foi, j'ai pensé que tu devais le savoir, puisque vous avez discuté, n'est-ce pas ? Oh, Jungkook, mon bon ami, tout ceci ressemble au début d'une mauvaise blague.

Hilare, Jimin s'élança dans un fou rire incontrôlé, malgré lui, tandis que Jungkook le regardait comme s'il n'était qu'un ennemi à abattre. Cependant, il se reprit, et l'attrapa par les bras, plongeant ses yeux colériques dans les siens.

– Tu te moques de moi, Jimin ?

– Moi ? Me moquer ? répéta ce dernier en faisant la grimace. Absolument pas, monseigneur ! Je ne fais que rapporter la stricte vérité !

– Ce n'est plus un jeu Jimin, bon sang. Je croyais que tu avais...

– Tu croyais, tu croyais... Je ne mentais pas, moi ! Nous sommes amis depuis toujours, je ne t'ai jamais rapporté un seul mensonge.

– Es-tu certain d'avoir entendu ton père prononcer ces mots ?

Sans qu'il ne s'en rende compte, la voix de Jungkook vacilla. Il ne pouvait pas y croire, car après tout, Taehyung lui aurait fait part d'une telle nouvelle. Cela remettait absolument tout en question car bon sang, il pouvait aimer un jeune seigneur en cachette, mais le futur Roi ? Cela relevait du suicide.

Jimin ne lui répondit plus, et s'arracha de sa prise, tout en reprenant un air sérieux. Jungkook, lui, resta de marbre, essayant tant bien que mal de faire le lien, réfléchissant à voix haute sur la véracité des propos de son ami qui, tout à coup, se mit à frapper dans ses mains, la bouteille vide faisant obstacle.

– Tu sais ce que cela veut dire, Jungkook ?

Ce dernier releva les yeux, emplis de larmes, la mâchoire serrée.

Il savait déjà ce que Jimin allait dire, il pouvait le deviner sans même qu'il ne le prononce, cependant il n'eut pas la force de lui dire de se taire. Il essaya pourtant de lui montrer, de part sa carrure et le regard empli de rancoeur qu'il lui lança, mais cela ne sembla pas avoir l'effet escompté sur Jimin, qui se pencha légèrement avant de souffler de façon maligne :

– Tu as fait du prochain Roi, ta propre pute.

Un lourd silence s'installa entre les deux amis, et Jungkook souffla une fois, puis deux, laissant alors échapper un rire incertain, qui ne pouvait que traduire sa colère naissante. Pensant qu'il riait de son ironie, Jimin commença à sourire, mais bien vite, il déchanta, lorsque Jungkook le poussa de toutes ses forces.

– Va t'en.

– Pardon ? Voyons, Jungkook, je veux bien que tu te sois rangé, mais tu ne peux avoir perdu ton hu...

– Va t'en, tout de suite.

– Mais, Jungkook...

– Dégage de chez moi, Park Jimin.

Le toisant d'un drôle d'air, Jimin fit la grimace et tenta le tout pour le tout, essayant de s'approcher de son ami pour l'étreindre, mais une nouvelle fois, Jungkook le repoussa d'une telle force qu'il vacilla, manquant de tomber sur la terre devenue boueuse.

– Jeon Jungkook !

– Si tu refuses de partir, je trouverais le moyen de te faire déguerpir, Jimin. Je t'ai dit de partir, maintenant.

– Jun...

– VA T'EN !

Vexer, Jimin fit la moue, et ne laissa même pas un dernier regard à son ami avant de partir, la tête haute. Il tituba plusieurs fois sur son chemin, se moqua éperdument du fait qu'on puisse le surprendre. Il était en colère, et une fois encore, tout ceci était la faute d'une seule et même personne.

De son côté, Jungkook resta planté dans le sol comme s'il était devenu une véritable statue de marbre. Tout se bousculait dans sa tête, jusqu'à lui donner une terrible migraine, et ce n'est que lorsque la pluie tomba, que ses premières larmes s'échappèrent enfin.

Voilà donc quel était ce terrible pressentiment...

Même si la pluie l'aida quelque peu à retrouver ses esprits, son cœur, lui, ne put retrouver la paix.

Maintenant, il en était certain.

Jamais, lui et Taehyung, ne pourrait s'aimer sans risquer d'y perdre la vie.

nda* : Un faquin est un personnage méprisable, vaniteux, malhonnête et sot.