Misfortune - fera effect

Sad cliff - Oh Jun Sung

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– Monseigneur Jeon, un message est arrivé pour vous.

Tandis qu'il se prélassait dans son bain qui ne lui conférait pourtant aucune vertu, Jungkook ouvrit les yeux et tandis la main pour que l'un de ses serviteurs lui fasse parvenir le fameux message.

Il sut de suite qu'il provenait de Jimin, il utilisait toujours le même papier, qu'il parfumait de jasmin. Une vieille habitude qu'il avait appris de ses sœurs, qu'il disait. Cependant, Jungkook n'avait pas le cœur de l'ouvrir, il n'avait même aucune envie de le voir pour le moment. Il avait réussi à l'éviter aujourd'hui, et avait prétexté des maux de ventre pour pouvoir se retrouver seul avec lui-même, et les pensées qui le hantaient.

A vrai dire, il n'avait pas réussi à trouver le sommeil la veille, et s'en voulait terriblement d'avoir joué la comédie devant Taehyung. Il était en colère, certes, mais il ne pouvait s'en vouloir qu'à lui-même. Après tout, il était celui qui avait dépassé les limites. Auparavant, il aurait certainement trouvé tout ceci amusant, il en aurait rigolé avec Jimin autour d'un bon verre de vin durant des heures entières. Mais pour la première fois, Jungkook éprouvait culpabilité et regret.

Il avait alors convenu qu'il ferait mieux de ne plus jamais revoir Taehyung, au risque d'aller encore plus loin, et de ne plus pouvoir revenir en arrière. Ce qu'il avait fait, bon sang... C'était ignoble, rien qu'à y penser.

Il avait accepté un stupide pari, un jeu, pour satisfaire ses propres envies malignes et sadiques, au prix de son propre coeur. Et si jusqu'alors, il ne s'était jamais posé de questions sur ses agissements, aujourd'hui, Jungkook n'osait même plus se regarder dans un miroir.

Il avait alors pensé que les Dieux avaient dû le mettre à l'épreuve, pour le punir de tant d'années de mesquinerie au profit des autres, et la chute était terrible. Non pas que Jungkook se pensait être un jeune homme bon et juste, il était ce qu'il était, avec ses qualités et ses défauts, comme tout le monde sur cette Terre. Il n'avait jamais cru en toutes ces conneries à propos du Karma. Sa chère mère lui avait bien des fois expliqué que les choses n'arrivaient jamais par hasard, que chaque rencontre sur son chemin déterminerait ce que la vie lui apporterait en retour, en fonction de ses décisions, de ses actes, de ses paroles...

Tout ceci n'avait jamais intéressé Jungkook, qui avait préféré agir comme bon lui semblait. Il aimait être libre, de ses choix, de ses actes. Il était reconnaissant de son statut qui lui permettait de profiter de toutes les joies dont pouvait jouir un noble de bonne famille. S'il n'avait jamais réfléchi aux conséquences de ses actes, c'était parce qu'il s'était toujours cru aussi puissant que le divin. Après tout, jamais personne n'était descendu sur cette Terre pour le rappeler à l'ordre, non ?

Ses propres parents, les seules personnes ayant une autorité sur ses choix ne l'avaient jamais empêché de vivre comme il l'entendait, alors pourquoi Diable un simple jeune seigneur venu d'ailleurs avait réussi à tout chambouler ?

Oui, Jungkook était bien celui qui était à plaindre, car tout était de sa faute.

Il s'était intéressé à Taehyung le premier, sa curiosité avait eu raison de lui, et il possédait aussi un égo et une fierté bien trop grande pour refuser un tel pari.

Taehyung était tout son contraire. Il était foncièrement gentil, pur et doté d'une intelligence qui forçait le respect. Il était de ceux dont on vantait les louages, celui dont on ne pouvait oublier le visage. Il parvenait à retenir l'attention et l'amour des autres par son sourire sincère et sa bonté d'âme, car il était quelqu'un de bien.

Quelqu'un de bien qui n'aurait jamais dû croiser son chemin.

Parce qu'au fond, Jungkook n'était peut-être pas le mal incarné, mais contrairement à Taehyung que beaucoup qualifiait comme étant un petit trouillard inoffensif, il était le véritable couard. Il n'avait jamais été aussi puissant qu'il pensait l'être, parce que Jungkook était de ceux qui préféraient vivre sans se soucier de ce qu'il pouvait ressentir.

Taehyung avait réussi à raviver cette flamme en lui, celle de la vie, celle de l'amour... Ce sentiment qu'il avait bien longtemps jugé comme étant un pauvre mythe tout droit sorti des livres et des légendes que les femmes aimaient se raconter pour se donner le courage de faire leur devoir.

S'il avait d'abord pensé qu'il était devenu faible, Jungkook avait finalement compris, à ses dépends, que ce n'était là que sa véritable nature qui revenait au galop, lui donnant alors une chance de devenir celui qu'il avait toujours été, au plus profond de son coeur.

Il aurait pu être honnête, tout avouer à Taehyung quand il en avait encore l'occasion. Il aurait pu essayer de lui rendre ne serait-ce que le quart de ce que ce que beau jeune homme lui avait apporté ces derniers mois, mais au lieu de ça, Jungkook avait préféré faire le paon, gonfler le torse et ne pas prendre le risque de faire tomber le voile sur la vérité qu'il avait depuis bien trop longtemps cachée sous un masque.

Quand il avait vu partir Taehyung, la veille, son cœur lui avait hurlé de le rattraper. Il ne voulait pas le perdre, il ne voulait pas tirer un trait sur ce jeune homme, il ne voulait pas perdre l'occasion de pouvoir à nouveau goûter à ses douces lèvres dont il rêvait chaque nuit.

Tout comme il ne voulait pas perdre son plus vieil ami.

Ah... Jungkook voulait tant de choses, mais aujourd'hui plus que jamais, il apprenait qu'être fort, beau et riche ne suffisait pas pour les obtenir.

Toutes ces pensées l'avaient tant envahi la nuit précédente, qu'il s'était entraîné seul dans l'arrière-cour jusqu'à l'aube. C'est seulement lorsque les premiers rayons du soleil vinrent illuminer son visage trempé de sueur qu'il prit sa décision.

Pour une fois, il ferait le bon choix. Pour une fois, il agirait pour le bien d'un autre, pour celui qu'il avait enfin décidé d'aimer.

C'était peut-être cruel d'agir ainsi, sans prendre en compte l'avis de Taehyung, mais pour sauver son honneur, Jungkook décida qu'il était temps de mettre fin à toute cette mascarade. Il était temps que Taehyung vive la vie dont il rêvait, qu'il puisse partager son sourire à quelqu'un qui saurait le mériter, qu'il puisse donner ses lèvres et son corps... A quelqu'un qui saurait l'honorer.

Quant à Jimin... Et bien, Jungkook savait qu'il devait le convaincre d'abandonner. Il ne le connaissait que trop bien, et il savait que ce dernier n'arrêterait pas tant que tout ceci le divertirait. Il devait alors trouver le moyen de détourner son attention, de lui faire oublier Taehyung une bonne fois pour toute.

Mais Jungkook avait surtout besoin de réfléchir, de trouver le meilleur moyen de mettre un terme à cette histoire, sans risquer de les perdre l'un comme l'autre. Taehyung lui en voudrait, c'était sans dire... Mais Jungkook savait qu'il avait bon cœur, et surtout, que dès que la vérité éclaterait au grand jour, il le détesterait assez pour une décennie entière.

Las et fatigué de tout ceci, Jungkook sortit de son bain et après qu'on lui ai apporté de quoi se couvrir, il déroula le message de Jimin qu'il lut sans grande attention.

Voilà que Jimin s'empressait déjà de quémander sa venue. Il était insistant, et disait qu'il devait lui parler de quelque chose d'important, qui ne saurait attendre le matin suivant.

C'est avec peu de conviction que Jungkook demanda à ce qu'on l'habille convenablement, sans prendre la peine de faire attacher sa chevelure. Ce ne serait l'affaire que de quelques heures à peine, avant qu'il ne puisse enfin trouver le sommeil.

Lorsqu'il arriva chez son ami, il salua rapidement les serviteurs présents dans la cour et se dirigea directement à son pavillon. La faible lumière des lampes à l'huile lui firent comprendre qu'il attendait sa venue comme convenue, comme si Jimin savait que Jungkook ne lui ferait pas faux bon.

Quand il ouvrit la porte de sa chambre, il découvrit Jimin en petite tenue, assis tel un roi sur son futon, une coupelle d'alcool dans les mains. Il devait avoir bu déjà quelques verres, comme pouvaient en attester ses joues rougies et ses yeux dilatés.

– Tu bois seul, désormais ?

– Je suis seul, répondit Jimin en remplissant déjà sa coupe. Tout le monde est parti, et je m'ennuie...

– Est-ce donc pour cela que tu m'as fais appelé ? Pour te tenir compagnie comme un animal ?

– Ce que tu peux être vulgaire, Jungkook... Viens donc t'asseoir.

– Je suis fatigué, répondit froidement ce dernier, prenant tout de même place à ses côtés. Quelle est donc cette affaire qui te tracasse autant que cela ne puisse attendre le matin ?

– Amusons nous un peu, tu veux bien ?

Jungkook ne répondit pas, il resta là, la mâchoire serrée et les bras croisés contre sa poitrine.

– Bien...

Le léger tissu que portrait Jimin dévoila alors ses fines courbes, avec lesquelles il sembla vouloir jouer pour attirer l'attention de son ami. Pour autant, Jungkook ne cilla pas d'un poil, et attendait seulement qu'il parle pour pouvoir retrouver la paix de sa propre chambre.

– Tu sembles bien troublé, Jeon... Que t'arrive-t-il ?

– Je ne suis pas venu pour que tu m'examines, tu n'es pas mon médecin.

– Oh... Mais je l'ai déjà été, une toute autre sorte de médecin cela dit, et si c'est cela dont tu as besoin, je peux m'arranger pour...

– Jimin, le reprit son ami.

– Bien bien...

– Jimin, tu m'as fait venir en pleine nuit. Que veux-tu me dire de si important ?

Le jeune homme sourit alors doucement, s'approchant de son ami.

– Jungkook, je suis heureux que tu sois venu. Tu es encore plus beau avec les cheveux lâchés, dit-il en tendant la main pour toucher les cheveux de Jungkook.

Ce dernier se recula légèrement, agacé.

– Jimin, cesse tes jeux. Pourquoi m'as-tu appelé ?

– Est-ce ainsi que tu accueilles un vieil ami ? Je voulais simplement te parler de Taehyung, souffla t-il en feignant l'ignorance, posant une main sur son cœur.

Jungkook se crispa à la mention de son amant.

– Taehyung ? Que veux-tu de lui ?

Jimin s'approcha davantage, un sourire charmeur aux lèvres.

– Je l'ai vu plus tôt aujourd'hui. Il avait l'air vraiment bouleversé. Il a dit qu'il ne voulait plus te revoir... C'est dommage, n'est-ce pas ? Nous nous amusions si bien, tous les trois.

Les yeux durs, Jungkook serra les poings sans que Jimin ne puisse le remarquer.

– Ce n'est plus un jeu pour moi, Jimin. Il ne mérite pas d'être traité ainsi.

Ce dernier soupira, servant deux coupes de vin.

– Ah, Jungkook, pourquoi être si dramatique ? Viens, partage un verre avec moi. Parlons comme avant.

Il tendit une coupe à Jungkook, qui la prit pourtant avec hésitation.

– Très bien, mais je ne veux pas de tes manigances. Je suis fatigué de tout ceci, je ne veux plus penser à rien. Pas ce soir.

– A l'amitié, alors ! lança Jimin, en levant sa coupe en signe de toast. Tu te rappelles nos nuits à rire et à parler de tout et de rien ? Je ne veux rien d'autre que ça ce soir.

Bien qu'il était venu en étant convaincu du contraire, Jungkook finit tout de même par s'adoucir, préférant tout oublier, l'histoire d'un court instant. Il était toujours en colère, mais à quoi bon s'accrocher à tout ceci quand il pouvait profiter d'un bon vin.

– Je m'en souviens. Mais beaucoup de choses ont changé, Jimin.

– Peut-être, acquiesça Jimin en remplissant à nouveau les coupes déjà vide. Mais certaines choses restent les mêmes. Comme notre amitié. Et quelques-unes de nos... Habitudes, dit-il en sortant une pipe et de l'opium, qui l'alluma délicatement. Prends-en un peu. Cela t'aidera à te détendre.

– Je ne sais pas si...

Avec un doux regard, Jimin offrit la pipe à son ami, qui finit par abdiquer.

– Fais-moi confiance, juste pour ce soir. Laissons nos soucis de côté.

Résigné, Jungkook inhala l'opium avec une exaltation certaine. Il ne voulait pas que ça redevienne une sale habitude, mais ce que cela était bon, de pouvoir tout mettre sur pause un instant.

– Juste pour ce soir... souffla Jimin, tout sourire et satisfait.

Depuis leur quinzième année, il était bien rare que les deux amis ne profitent d'une soirée sans partager de plaisir charnel, car telle était leur habitude. Cependant, Jungkook fut rassuré de voir que Jimin restait sage et docile, assis à ses côtés, buvant et fumant en silence. Bientôt, Jungkook eut les yeux aussi rouges que lui.

– Tu sais Jeon, je tiens vraiment à toi. Je ne veux que ton bonheur.

Ce dernier soupira, les yeux vitreux.

– J'espère bien que tu le penses vraiment. Parce que... Jimin, je suis fatigué de ces jeux.

– Tu es pourtant celui qui aimait lançait les paris, avant.

– Nous avons grandi, Jimin... souffla Jungkook, expirant tout l'air encore présent dans ses poumons. On devrait... On devrait juste accepter notre destin, et nous contenter de nos vieux souvenirs.

Jungkook était bien le seul a essayé de se convaincre à cet instant. Il mourrait d'envie de voir une dernière fois le tendre sourire de son amant, mais désormais, sa décision était prise. Il se marierait à sa promise, ferait table rase de ce passé de débauche, accepterait son destin et mènerait sa vie comme tout bon homme qu'il se devait de devenir.

Il le ferait, en l'honneur et en la mémoire de celui qu'il avait aimé.

– Tu as bu bien trop de vin, mon ami, se moqua Jimin en s'approchant doucement de lui, posant une main sur son épaule. Voyons, Jungkook... Tu sais tout comme moi ce que nous sommes, nous ne pouvons le combattre... Et quoi que tu décides de faire, moi, je serais toujours là, à tes côtés, pour toi...

Il caressa doucement les cheveux de Jungkook qui détourna les yeux avant de tomber dans son regard troublé par l'alcool et l'opium. Durant un instant, il crut voir le visage de Taehyung, qui, par tous les Dieux, lui manquait déjà terriblement.

– Laissons juste les choses se passer naturellement, Jeon... souffla Jimin à son oreille, à travers ses cheveux lâchés et encore trempés de son bain.

– Peut-être...

Fatigué de trop réfléchir, Jungkook se laissa aller à cette douce caresse, lui rappelant ô combien Taehyung aimait le faire. Il pouvait sentir son parfum près de lui, l'entendre lui dire des mots doux après qu'ils aient partagé leur intimité avec passion.

– Peut-être que...

Seulement, il était bien conscient que ce n'était que Jimin qui était là, qui était celui qui le berçait avec ses caresses. Il le savait, et pourtant, il fit valser cœur et raison, et laissa retomber sa tête sur son épaule, comme un enfant qui chercherait le corps de sa mère.

– Peut-être que tu as raison...

Souriant secrètement, et sentant sa victoire proche, Jimin le couvrit de ses bras et baisa son front avec délicatesse.

– Fais-moi confiance, tout ira bien. Tout ira bien, tant que nous sommes ensemble.

Plus loin, arrivant tout juste devant les grandes portes de la maison Park, Taehyung était caché sous la capuche d'une grande cape noir qu'il avait réussi à voler dans les quartiers des domestiques. Il s'était évadé de sa chambre sans rien dire à personne, ni même à Yoongi, qui avait dû s'endormir en pensant qu'il avait dû faire de même.

Comme Jimin le lui avait dit, il n'eut qu'à traverser la cour intérieure, et le chemin sembla le guider jusqu'au seul pavillon d'où provenait de faibles lumières.

Taehyung avait vraiment beaucoup réfléchi à ce que lui avait dit Yoongi plus tôt, et il s'était finalement décidé à sauter le pas, pensant tout bêtement qu'il était bien dommage que les choses se passent ainsi, après tout ce qu'il avait partagé avec Jungkook. Peut-être que ce dernier avait ses raisons, et si Jimin disait vrai, alors il devait vraiment regretter de lui avoir fait du mal pour ne pas oser lui envoyer de lettre.

Jeune homme au grand cœur pur qu'il était, Taehyung décida qu'il était temps pour lui d'agir, de prendre les choses en main pour ne pas avoir de regrets. C'était déjà bien assez de supporter une telle tristesse, et il refusait de la laisser gagner.

Convaincu par les paroles de son fidèle ami, Taehyung prit une profonde respiration, et avec une foi optimiste et utopique, il puisa tout son courage pour toquer à la porte du pavillon. Il venait d'entendre du bruit, alors il se doutait que Jungkook devait être ici, lui aussi.

Son cœur battait si fort qu'il avait du mal à respirer correctement, mais il ne pouvait pas faire marche arrière. Il remarqua alors que la porte n'était pas totalement fermée, alors il hésita un instant, et comme personne ne vint lui ouvrir, sans doute parce qu'on ne l'avait pas entendu, il la poussa lentement sur le côté.

Le maigre et timide sourire sur son visage disparut aussitôt, quand ce qu'il vit le laissa pétrifié.

Là, sous ses yeux, Jimin et Jungkook étaient proches, trop proches. La scène était d'une intimité troublante, ne laissant que peu de place à l'hésitation quant à la suite des événements. Il en oublia même où il était, pourquoi il était venu, ni même comment et pourquoi il avait nourri autant d'espoir. Son cœur battait si fort qu'il avait du mal à reprendre sa respiration sans hoqueter, et il jura que ce dernier se brisa à la vue de cette proximité.

La douleur de la trahison devint insupportable, comme une lame froide traversant sa poitrine. Ses yeux s'embuèrent aussitôt de larmes, et il ne put que rester figé devant ce tableau. Il avait tant espéré, tant cru en leur amour, et voilà que tout s'effondrait en un instant.

Jimin fut le premier à croiser son regard.

D'abord, il sembla victorieux, mais Taehyung était bien trop sous le choc pour le remarquer, avant qu'il ne mime la surprise, feignant presque l'ignorance. Il fit alors semblant de repousser Jungkook, comme offusqué par son comportement, et ce dernier ne comprit pas tout de suite ce qui se passait, jusqu'à ce qu'il tourne la tête, tombant dans le regard effaré de Taehyung, qui pleurait déjà aussi fort que l'averse qui se déchaînait sur ses épaules. Il ne semblait même pas s'en rendre compte, bien trop confus et scandalisé par la scène.

Se levant maladroitement, l'air paniqué, Jungkook attrapa son durumagi en manquant de renverser une lampe, mais avant qu'il ne puisse parler, Taehyung recula d'un pas, puis deux, avant de se mettre à cavaler tel un cheval en colère.

– Hyung ! ATTENDS ! Ce n'est pas ce que tu crois ! hurla Jungkook, désemparé.

Derrière lui, Jimin se laissa retomber sur son futon, un sourire de vainqueur sur les lèvres, tant ce retournement de situation avait dépassé ses espérances.

Jungkook, lui, l'ignora totalement, et malgré les effets de l'opium et de l'alcool, il se releva précipitamment, sans même prendre la peine de remettre correctement ses vêtements. Il poursuivit Taehyung à travers la cour, sous une pluie torrentielle.

– Taehyung ! Reviens ! Laisse-moi t'expliquer, je t'en prie !

Il ne voyait presque rien, mais assez pour remarquer la course maladroite de son amant qui semblait peiner à se tenir droit. La pluie battait violemment la terre, rendant le sol glissant. Taehyung, courant aveuglément, glissa à plusieurs reprises jusqu'à finalement tomber lourdement dans une flaque de boue. Les pieds nu et trempé jusqu'aux os, Jungkook continua de courir vers lui, luttant contre les forces de la nature qui s'acharnait contre lui. La distance se réduisait entre eux, pourtant, Taehyung était bien trop bouleversé pour s'arrêter. La pluie se mêlait à ses larmes, les rendant presque indistinguables.

Lorsqu'il atteignit enfin son amant, Jungkook tendit la main pour l'aider à se relever, mais son aîné, submergé par la douleur et la confusion, se releva péniblement, repoussant férocement sa main.

– Hyung... supplia Jungkook, haletant, s'il te plait, écoute-moi... Ce n'est pas ce que tu crois !

Se relevant difficilement, les larmes coulant abondamment sur son visage sali par la boue, Taehyung lui lança un regard aussi noir que la nuit.

– J-Jungkook je... Je t'ai vu... Avec Jimin, je... Com-comment ? Comment as-tu pu... ?

– Je... Je sais que ça a l'air mal, mais... Mais il y a une explication ! tenta d'expliquer Jungkook, hurlant avec une voix tremblante, pour qu'il puisse l'entendre malgré la pluie. Ce n'est pas ce que tu penses !

Taehyung recula d'un pas, la voix brisée, les mots se mélangeant avec ses sanglots qui finirent par lui brûler les rétines.

– Je... Je croyais que... Je croyais que tu... Que tu m'aimais ! Que tu... Tu n'étais qu'à moi, que... Pour-pourquoi ?!

– Je n'ai jamais voulu te faire de mal ! hurla Jungkook, en larme, se battant contre la pluie qui lui brouillait la vue. Je sais que ça a l'air terrible, mais y a eu un malentendu, Taehyung je... C'était...C'était à cause d'un pari stupide, je ne voulais pas que...

– Un... Un pari ? marmonna Taehyung, essayant de le suivre.

– Oui, je... Bordel, Taehyung... grogna Jungkook en s'attrapant la tête. Je ne voulais pas que ça se finisse comme ça, je...

– Mais... Mais pour-pourquoi... Pourquoi m'impliquer dans de telles choses ? Je... Je croyais que tu... Tu n'as donc jamais été sin-sincère...?

Désespéré, Jungkook aurait presque pu s'arracher la tête tant il lui était insupportable de voir Taehyung ainsi, son si joli vêtement sali par toute cette boue et ces larmes lui défigurant son si beau visage. Néanmoins, il chercha ses mots, comme il le put.

– Je ne voulais pas que ça te fasse du mal, tout est allé de travers, Hyung. J'ai agi de façon stupide, irréfléchi, et maintenant... Maintenant, je regrette profondément ce que j'ai fait, mais je te jure que ce que tu as vu, ce n'était rien ! Il ne s'est rien passé !

Ne comprenant Jungkook qu'à demi-mot, Taehyung ne sembla retenir que le début de sa phrase, et il sentit un horrible creux se former dans sa poitrine, ce qui le fit presque hurler de douleur. Il recula d'un pas, remarquant alors qu'il était complètement sale de la tête au pied, et se sentit si mal, qu'il eut envie de disparaître à tout jamais.

– Mais... C'est... C'est incompréhensible, Jungkook, je... Pourquoi...? Pourquoi te jo-jouer de moi ? Je... Je pensais... Tu...?

– Je sais que tout cela semble insensé, mais je... Je ne suis pas celui que tu crois, Taehyung. Tout ce que je voulais, c'était te protéger. Je te le jure, je t'en supplie, tu dois me croire ! dit-il, la voix pleine de regrets.

Taehyung fit la grimace, se tenant à peine debout, tremblant, sa voix s'éteignant avec la pluie qui assommait la terre boueuse.

– Pro-protéger...? Pour-pourquoi me...

Jungkook se rapprocha davantage, tendant la main, le suppliant du regard.

– Taehyung, s'il te plaît, écoute-moi... Je... Je suis prêt à tout faire pour que tu comprennes. Je suis désolé, je te demande pardon. Vraiment, je... Je n'avais pas prévu que ça se passe ainsi, je veux vraiment réparer les choses, tu dois me faire confiance.

Ce fut le coup de grâce pour Taehyung qui, malgré la peine, se mit à rire comme un fou, le visage déformée par la douleur de la trahison. Il ne comprenait plus rien, il ne sentait même plus ses membres, et bien qu'il essayait de se détourner pour tenter de fuir, ses jambes faibles ne faisaient que s'enfoncer un peu plus dans le sol.

– Con-confiance...?

– Taehyung...

– Tu me par-parles de confiance...? Je ne peux pas, je.... Je ne peux pas rester ici. C'est trop dur, j'ai... Je dois... Je do-dois partir, maintenant, je...

Dans un élan désespéré, Jungkook s'élança tout juste pour attraper le bras de son amant.

– Non attends ! Ne pars pas ! Il y a encore des choses que je dois te dire, Hyung, tout n'est pas perdu ! Je...

Taehyung ne le laissa pas finir sa phrase, et retira sa main à l'aide de ses dernières forces, se dégagent de son emprise.

– Je... Je ne peux pas rester. Je... Je do-dois m'en aller, je...

La pluie, le vent, le froid, Jungkook, son regard, tout... Tout lui faisait si mal. Pourtant, Taehyung trouva le courage de reprendre sa course, entendant Jungkook hurler au loin, se débattant contre la boue pour essayer de le suivre.

– Taehyung, s'il te plait, attends ! Ne me laisse pas ! Je veux que tu comprennes, même si je sais que j'ai fais des erreurs, pardonne-moi ! Je ne voulais pas... Je ne voulais pas te faire de mal !

Malgré ses jambes tremblantes et son coeur brisé, Taehyung continua de courir comme si sa vie en dépendait. Il glissa plusieurs fois, mais se releva toujours, déterminé à fuir cette douleur insupportable. La nuit, noire et orageuse, était le témoin silencieux de cette tragédie d'amour et de malentendus, chaque goutte de pluie semblant pleurer avec eux.

Taehyung couru à en perdre haleine, ses pas glissant sur le sol boueux alors qu'il s'efforçait d'échapper à la douleur insurmontable qui déchirait son cœur. Les larmes se mêleant sans cesse à la pluie, brouillant sa vue, il avança comme un fantôme à travers la nuit. Chaque respiration était une lutte, chaque goutte de pluie, une morsure sur sa peau. Il parvint enfin à sa maison, mais ses forces l'abandonnèrent. En arrivant devant les portes, il s'arrêta, accablé par une lassitude écrasante. Il se pencha contre les portes en bois, la pluie s'engouffrant dans son hanbok, ses mains tremblantes cherchant un appui désespéré.

Dans la cour intérieure, Yoongi entendit un bruit lourd et suspect contre la porte et s'y précipita, inquiet de l'absence de son jeune maître. L'inquiétude grandissant le poussa à sortir, et il fut stupéfait de découvrir Taehyung à l'extérieur, dans un état pitoyable. Le coeur serré, il s'approcha rapidement pour venir à son secours.

– Monseigneur ! Que faites-vous dehors dans cet état ? Vous êtes couvert de boue ! Il faut vous mettre à l'abri, venez vite !

Il observa Taehyung avec horreur, grelottant et peinant à respirer. Voyant son jeune maître dans un tel état, Yoongi sentit une peur viscérale l'envahir. Il se précipita vers lui, le prenant dans ses bras avec douceur mais urgence. Taehyung était si faible qu'il se laissa aller contre lui, la tête reposant sur son épaule trempée.

Yoongi essaya de le réconforter avec une inquiétude palpable.

– Monseigneur, que s'est-il passé ? Parlez-moi, je vous en prie !

Secoué par des sanglots incontrôlables, Taehyung ne pouvait lui répondre. Il était au bord de l'effondrement, la douleur dans sa poitrine était si vive qu'il en avait du mal à réfléchir. Il se blottit alors contre Yoongi, incapable de formuler une réponse cohérente, le poids de sa tristesse pesant lourdement sur sa conscience.

– Yoon... Yoongi, tenta Taehyung en pleurant plus fort. Tu... Tu avais raison, je... Je me suis trom-trompé sur... Jungkook, il... Depuis le début, il...Il avait prévu de m'abandonner...

Serrant son ami un peu plus fort contre lui, Yoongi accéléra le pas pour le ramener au chaud.

– Ne dites pas cela, Taehyung. Calmez-vous, tout ira bien, je suis là, dit-il lorsqu'il sentit ses mains serrées sur son vêtement. Je suis là pour vous, d'accord ? Respirez, Monseigneur, vous n'êtes pas seul.

Les mots entrecoupés par ses sanglots, Taehyung continuait de haleter sans pouvoir rien y faire. La douleur, la déception et la confusion étaient trop fortes pour qu'il puisse trouver la paix. Il s'accrochait à Yoongi comme à une bouée de sauvetage, le corps secoué par ses larmes et ses soubresauts.

Avant que Yoongi ne puisse atteindre son pavillon, Taehyung, épuisé par la tempête émotionnelle qui déferlait sur lui et à bout de force, s'effondra contre lui. Apeuré, Yoongi le conduisit lentement jusqu'à l'intérieur, chacun de ses pas résonnant comme une défaite. Une fois au chaud, il s'assura que Taehyung était installé confortablement après l'avoir débarrassé de ses vêtements salis par la boue, et lui avoir rapidement nettoyé le visage. Il le couvrit de plusieurs couvertures, n'osant plus s'éloigner de peur que son jeune maître ne se réveille dans de terribles sursauts.

A peine conscient, Taehyung se laissa apaiser par les murmures de son serviteur et ami, mais la blessure était toujours là, elle ne le quittait pas, s'accrochait à lui comme une sangsue, et bientôt, ce fut bien trop pour lui pour qu'il n'essaye de tenir bon plus longtemps. C'est en pleurant qu'il trouva le sommeil profond.

La pluie, elle, continua de tambouriner dehors, comme pour rappeler la tragédie qui s'était déroulée cette nuit-là.

Celle d'un amour bafoué, vaincu, et voué à l'échec le plus total.

*

Le soleil était presque déjà couché lorsque Hoseok atteignit enfin la grande porte de la demeure de la famille Kim. Il avait passé une rude journée entre ses entraînements à l'épée et ses révisions au côté de son professeur particulier, qui n'était autre que Kim Seokjin. Celui-là même qui s'était empressé de l'envoyer à la maison de sa dernière jeune recrue, pour laquelle il était inquiet.

Hoseok avait d'abord pensé que son ami était malade, mais cela faisait maintenant des jours que Taehyung ne s'était pas présenté à l'académie, et lorsque son professeur lui avait confié ses doutes, le jeune homme n'a pas hésité à se porter garant pour lui rendre visite.

Il fut accueilli convenablement, et tomba sur la mère de son ami en chemin. Cette dernière semblait en pleine discussion avec le fidèle serviteur de Taehyung, dont les traits étaient tirés par la fatigue.

– Qui êtes-vous ? lui demanda Madame Kim, le toisant de haut en bas.

– Veuillez excuser ma visite tardive Madame, je suis Jung Hoseok, un ami de votre fils. Le professeur Kim m'envoie.

– J'ai entendu parlé de vous, sur un ton moins austère. Vous faites partie de la promotion du jeune seigneur dont ma fille est entichée, n'est-ce pas ?

– Vous devez parler de Namjoon, Madame.

Cette dernière ne répondit pas, et fit appeler deux de ses servantes.

– Si vous venez voir mon fils, vous feriez mieux de ne pas avoir de grandes attentes. Taehyung se montre aussi têtu qu'une vieille mule et refuse toute visite, même celle de sa chère mère. L'apothicaire lui-même ne sait plus où donner de la tête, c'est à croire que ce garçon n'a pas fini de me créer des ennuis... Ah, même tout petit il était déjà difficile !

Gêné de ces confidences, Hoseok n'en dit rien, et se contenta de hocher la tête.

– Qu'avez-vous là, dans les mains ?

– Ce sont des documents que Seokjin sunbaenim m'a confiés pour votre fils.

– Bien, de toute manière, les femmes de cuisine n'ont pas encore terminé de préparer son repas. Je vous accorde ce temps, et s'il refuse de vous voir, donner ce tas de papier à son serviteur, il saura quoi en faire.

La mère de Taehyung ne prit même pas la peine de se tourner face à Yoongi, et fit un rapide geste de la main.

– Mène le jusqu'à lui.

Puis, elle partit sans grande cérémonie, ordonnant déjà un bon nombres de choses à ses jeunes servantes. Yoongi attendit qu'elle soit bien loin pour se redresser, puis il fit une petite révérence devant Hoseok.

– Si vous voulez bien me suivre, jeune maître.

– Attends ! l'arrêta Hoseok, indécis. Taehyung est-il si mal en point ? Je connais un bon médecin, je pourrais le faire appeler, si besoin. J'imagine que s'il ne souhaite voir personne, ce serait mal venu de me présenter à sa porte sans l'avoir prévenu de ma visite. Je ferais peut-être mieux de te confier tout ceci.

Ne souhaitant pas troublé le jeune seigneur, Yoongi refusa sa proposition avec délicatesse.

– Loin de moi l'idée de vouloir vous contredire, jeune maître. Mais si je peux me permettre, peut-être que la présence d'un ami fera du bien à Monseigneur Taehyung.

Hoseok le dévisagea, remarquant son épuisement.

– Tu ne dors pas beaucoup, n'est-ce pas ? Est-ce à cause de Taehyung ?

Yoongi hocha la tête, son regard baissé.

– Oui, Seigneur Hoseok. Monseigneur est... Différent, ces derniers temps.

En chemin vers le pavillon de Taehyung, Yoongi prit une profonde inspiration, rassemblant son courage. Il ne connaissait que très peu Hoseok, mais il savait que son jeune maître l'appréciait énormément et que c'était un homme bon et bienveillant.

– Monseigneur Taehyung est très colérique dernièrement. Il refuse de manger, rejette toute proposition. Il ne sort que pour faire sa toilette. Même sa grande sœur, Saehee, que vous connaissez bien, prie les Dieux pour sa santé, confia Yoongi, la voix incertaine.

– De quels maux souffre-t-il ? demanda Hoseok, visiblement préoccupé.

Yoongi hésita un instant avant de répondre, pesant soigneusement ses mots.

– Ce ne sont pas des maux du corps, Seigneur. C'est son cœur qui est en peine. Et même les meilleurs remèdes sont parfois insuffisants lorsque cela concerne le cœur et ses raisons.

Hoseok acquiesça, comprenant l'ampleur de la situation.

Arrivés devant la porte de la chambre de son jeune maître, Yoongi souffla doucement à Hoseok :

– Si jamais il refuse de vous recevoir, vous pourrez me trouver aux cuisines.

– Je vais voir ce que je peux faire. Merci pour ta sincérité., acquiesça-t-il, déterminé à ne pas abandonner son ami, puis il toqua à la porte.

– Taehyung ? C'est Hoseok. Puis-je entrer ?

Une voix faible et indistincte lui répondit. Ne pouvant entendre ce qui était dit, Hoseok se permit alors d'entrer. Il trouva Taehyung recroquevillé sur son futon, le regard vide et les yeux si rouges qu'il était évident qu'il avait versé un torrent de larmes. Hoseok retira son gat, qu'il déposa ainsi que les documents sur un meuble en bois. Taehyung ne le regarda même pas, pensant certainement que ce n'était là que son serviteur.

– Laisse-moi, Yoongi, murmura-t-il d'une voix éteinte.

– Je ne suis pas Yoongi, mais je suis prêt à jouer la comédie si cela t'amuse, répondit son ami, avec une pointe d'humour pour alléger l'atmosphère.

Taehyung changea alors immédiatement d'attitude. Il tenta de se relever, esquissant un sourire maladroit comme si de rien n'était. Hoseok savait que son jeune ami, adorable et soucieux de l'image qu'il renvoyait aux autres, essayait de masquer sa peine. Taehyung était du genre à toujours s'occuper des autres plutôt que de montrer ses propres faiblesses. Touché par la réaction de Taehyung mais loin d'être dupe, Hoseok décida de jouer le jeu, afin de ne pas le brusquer.

– Notre professeur m'envoie, car tu ne t'es pas présenté à l'académie depuis un moment, dit-il avec un sourire.

Taehyung fit semblant de prendre la situation à la légère, derrière de piètres sourires et grimaces.

– Ce n'est rien de grave, je t'assure. J'ai dû ingérer un aliment avarié ou que sais-je... J'avais simplement besoin de beaucoup de repos.

Hoseok, restant cordial et respectueux, chercha tout de même à percer la carapace de son ami.

– Certainement, oui... Mais tu sais, Taehyung, tu peux me parler si jamais c'est cela dont tu aurais besoin. Les yeux rouges ne sont pas causés par de simples maux physiques. Le cœur seul peut provoquer de telles larmes, ne crois-tu pas ?

Le sourire de Taehyung vacilla légèrement. Il baissa les yeux, incapable de soutenir le regard de son ami. Il sembla tout à coup si mal à l'aise, que Hoseok se maudit aussitôt, conscient qu'il avait peut-être été chercher trop loin. Il ne voulait pas que son ami souffre, et il refusait de le laisser seul encore plus longtemps. Si son serviteur ne s'était pas trompé, et il en doutait que très peu, il se doutait que cela devait être terrible que de devoir se battre contre ses propres démons sans pouvoir se confier à qui que ce soit. Ce n'était pas coutume de confier de tels secrets intimes à ses propres parents, qui plus est, la mère de Taehyung ne semblait non plus être la personne la plus apte à recevoir la peine de son fils.

Hoseok aussi avait déjà ressenti de tels sentiments, bien qu'ils n'étaient jamais les bienvenus. Il lui était déjà arrivé de pleurer par amour, semble-t-il. De fait, il lui était assez aisé de reconnaître un visage consumé par la peine et la confusion.

– C'est... compliqué, je... J'imagine que les douleurs du cœur sont les plus difficiles à surmonter...

Hoseok s'assit près de Taehyung, prenant une posture détendue pour ne pas le brusquer.

– Je comprends. Mais tu n'es pas seul. Nous sommes là pour toi, moi, Saehee, Namjoon... Nous voulons t'aider, même si c'est simplement en étant présents.

Taehyung, touché par les paroles de son ami, sentit ses barrières s'effondrer un peu.

– Merci, Hoseok. Je... je ne veux pas être un fardeau, je...

– Tu ne l'es pas, assura Hoseok avec douceur. Tu es mon ami, et je tiens à toi. Laisse-moi être là pour toi, si tu le veux bien.

Taehyung hocha la tête, les larmes aux yeux. Pour la première fois depuis des jours, il sentit un léger poids se lever de ses épaules. Il n'était pas seul, et cela, au moins, était un réconfort précieux. Bien sûr, il n'oubliait pas que Yoongi était présent nuit et jour, prêt à répondre à n'importe laquelle de ses demandes, il lui avait même confié être prêt à pousser la chansonnette ou à écrire de piètres poèmes pour le faire rire, en vain. Taehyung reconnaissait pourtant son dévouement, mais il ne se sentait pas capable de lui avouer que tout ceci était de la seule et unique faute de Jungkook.

Il connaissait les sentiments de Yoongi à l'égard de Jungkook, qui plus est à l'égard de Jimin, et bien qu'il savait qu'il ne voulait que son bien, il n'était pas encore prêt à entendre la vérité. Bien que la douleur était terrible et refusait de quitter son cœur, son corps et sa tête, il n'arrivait pas à puiser assez de force en lui pour dire adieu à tout ce qu'il avait partagé avec Jungkook. Il l'aimait.

Il l'aimait si fort que ces derniers temps il s'était même mis à penser que cet amour était aussi puissant et mesquin que cette terrible douleur qui s'acharnait sans relâche sur son cœur nuit et jour. Il espérait parfois que tout ceci ne soit qu'un cauchemar duquel il se réveillerait en retrouvant Jungkook au pied de son lit pour le rassurer...

Ah, qu'il se sentait idiot, naïf...

Il avait pourtant lu une fois que l'amour était tel un feu qui dévorait sans jamais brûler. Il se rappelait avoir apprécié cette belle métaphore, chantant à tue-tête à qui voulait bien l'entendre que l'amour ne pouvait être aussi dévastateur que l'était le feu. Il s'était pourtant bien trompé.

Car la douleur n'était au final que le seul et unique prix de l'amour.

– Voudrais-tu en parler... ? osa alors demander son ami.

– Je... Je ne saurais quoi dire...

– Tu sais, on raconte que le chagrin qui ne parle pas murmure en secret au coeur de se rompre. Je serais qu'un piètre ami si j'osais te laisser sombrer dans une telle détresse. Alors... Si cela peut t'aider, sache que j'ai moi-même connu cette sensation.

– Vrai-vraiment ? demanda Taehyung, reniflant quelques petites larmes qui coulaient sur ses joues roses.

– J'étais plus jeune, oui. Mais je me souviens avoir ressenti quelque chose d'étrange au creux de mon ventre, lorsque je croisais la jeune fille qui habitait le peuple. C'était la plus jeune des filles d'un cordonnier, et pourtant, je n'avais jamais vu une beauté pareille. Elle, elle ne me regardait jamais. Certainement parce que nous venions de familles différentes...

Hoseok sourit tendrement à se souvenir, jouant avec la ceinture de son hanbok.

– J'accompagnais ma mère tous les jours au marché, et nous avons un beau jour eu la chance de pouvoir nous entretenir. Suite à cela, nous trouvions parfois le temps de nous amuser ensemble, lorsque mon père faisait appel au service du sien. Nous nous amusions innocemment dans ma cour, et cela dura jusqu'à l'hiver de mes quinze ans.

– Que... Que s'est-il passé en-ensuite ?

– Je ne me souviens même plus des traits de son visage désormais, mais je me souviens très bien de ce que j'ai ressenti le jour où je l'ai vu rougir devant un autre garçon. Je ne sais pas qui il était, mais il semblait que celle que mon coeur avait choisie était tombée pour un autre. Alors, j'ai préféré prendre mes distances, laissant la peine murmurer à mon cœur la douleur que m'avait infligée ces sentiments. Puis, un jour, elle vint me trouver à l'entrée de Gatak. J'étais surpris de la voir ici, si déterminée. J'ai voulu l'ignorer, mais elle a insisté sous la pluie battante pour me dire quelques mots. J'ai appris ce jour-là qu'elle allait quitter Hanyang. Elle avait l'air totalement dévastée, mais quand je lui ai demandé pourquoi, elle ne sut me donner la raison, insistant sur le fait qu'elle ne savait pas ce qu'elle ressentait.

Comme s'il écoutait une de ces histoires qu'il aimait tant, Taehyung écoutait avec le cœur battant, oubliant quelque peu que celui-ci était au bord du précipice.

– Mais Seokjin sunbaenim m'a dit un jour qu'une personne qui te dit qu'elle ne sait pas ce qu'elle ressent, sait très bien ce qu'elle ne ressent pas. C'est parfois la seule chose qu'il faut savoir sur l'autre, ce qu'elle ne sait pas... Cette histoire m'a appris que l'amour peut arriver par surprise ou mourir en une nuit. Que de grands amis peuvent devenir de parfait inconnus, et qu'au contraire, de parfait inconnus peuvent devenir de grands amis, car figure-toi que ce garçon avec qui je l'avais surpris est aujourd'hui un compagnon loyal et fidèle.

– Je... Je ne comprends pas, pourquoi serait-il plus important de savoir ce qu'on ne sait pas ?

– Taehyung, au risque de parler comme notre professeur, on ne guérit jamais de ce qui nous manque. On s'adapte, on se raconte d'autres vérités pour fuir la douleur. On vit avec nous-mêmes, avec la nostalgie de la vie. Pourtant, si j'en avais eu l'occasion ce jour-mà, j'aurais rattrapé cette fille et je lui aurais dit que peu importe la colère et la peine que j'ai ressenti à son égard, que je m'efforcerais d'accéder à ce qu'elle n'a pu me dire.

– Mais... Elle est partie...

– Oui, et je ne la reverrais certainement jamais, car nos destins ont pris des chemins différents... Ce que je cherche à te dire, c'est que l'amour est une blessure qui ne peut que guérir que par celui ou celle qui l'a faite. Aimer, c'est souffrir, c'est vrai. Alors, pour éviter de souffrir, on arrête d'aimer, et pour éviter de souffrir encore, on finit par souffrir d'avoir arrêté d'aimer.

– C'est... Ce n'est pas lo-logique, c'est...

– S'il y avait une logique à l'amour, je pense que notre monde serait bien différent de celui que l'on connaît, s'amusa Hoseok, ce qui fit sourire son ami.

En y réfléchissant bien, Taehyung se demanda quel devrait être le bon choix. Ce que lui avait raconté Hoseok lui fit comprendre que quoi qu'il fasse, même s'il se décidait à tirer une croix sur Jungkook, celui-ci ne quitterait jamais ses pensées et finirait par hanter ses souvenirs. De là, il ne vivrait plus qu'avec remords et regrets, et si cela rimait encore avec souffrance, alors tout ceci n'avait plus rien de cohérent.

Alors qu'il cherchait à comprendre pourquoi douleur et amour faisaient si bon mariage, il commença à ressentir une once de culpabilité pour ne pas avoir laissé le temps à Jungkook de lui exposer ses raisons. Après tout, Taehyung méritait bien des explications, mais le choc avait était tel qu'il avait été incapable de soutenir son regard, sans quoi, il avait bien eu peur d'y perdre à la fois son coeur et sa raison.

Quand bien même il souffrait, quand bien même la douleur était grande, Taehyung ne pouvait nier que Jungkook occupait une place bien trop importante dans son cœur pour qu'il ne l'en chasse comme un malpropre.

Certes, ce dernier avait commis de graves erreurs, certes, il agissait parfois comme un pauvre bougre précieux et vantard, mais au fond, ne cachait-il pas un cœur tendre et pur ? Quelque part, Taehyung en était convaincu, il ne pouvait se faire à l'idée que Jungkook était mauvais, il ne pouvait pas l'imaginer ainsi, pas après tout ce qu'il avait fait pour lui, pas après tout ce qu'il avait dit, la façon dont il avait agi.

Devait-il alors lui laisser une seconde chance ?

– Tu ne pleures plus on dirait, lui dit Hoseok en le rappelant à la réalité. Mon histoire serait-elle si ennuyante ? demanda-t-il, riant de bon cœur.

– Non, no-non, pardon, je... Je me demandais seulement... Lui aurais-tu donné une chance de parler, de tout t'expliquer ? Aurais-tu eu ce courage...

Hoseok fixa son ami droit dans les yeux, lui offrant un sourire chaleureux qu'il espérait être suffisant pour qu'il retrouve son sourire pour de bon.

– Avec le recul, je me dis que si j'en avais eu la chance, ou le courage, comme tu préfères... Je lui aurais accordé le temps de pouvoir s'exprimer, j'aurais aimé avoir la sagesse de pouvoir l'entendre, la comprendre, et saisir tout ce qu'elle ne me disait pas derrière ses mots. Tu sais, parfois, les actes valent beaucoup plus que de longues tirades. Aujourd'hui, je sais que l'amour et la douleur ne font qu'un, mais que c'est justement ce mélange qui fait que la vie est intense et que l'amour mérite d'être vécu.

Remarquant que ces paroles ne manquaient pas de faire réfléchir son ami, Hoseok préféra prendre congé, et le laisser méditer. Il lui donna une tape dans le dos, et se dirigea vers la porte après avoir enfilé son gat. Mais avant de sortir de la chambre, il se retourna une dernière fois, et s'adressa à son ami avec une voix chaleureuse.

– Si je devais te donner un conseil, mon ami, tu devrais avoir une discussion avec cette personne. Quelque soit l'issue de cette discussion, ton cœur ne pourra qu'être reconnaissant d'avoir était juste et bon. Ne serait-ce que pour toi... Tu es quelqu'un de bien, Taehyung. Tu ne mérites pas de souffrir, et quoi que cette personne ai pu faire, j'ose espérer qu'elle saura méditer sur ses fautes.