𝒞𝒽𝒶𝓅𝒾𝓉𝓇𝑒 𝟷𝟻
Misfortune - Park Yo Han
Secret - Fara effect
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Au cœur de l'auberge Gatak, à demi-allongé sur de précieux coussins, Jimin sirotait sa boisson en bonne compagnie. Il s'y était rendu seul, à contre-coeur, mais il avait terriblement eu besoin de trouver de quoi satisfaire son ennui avant de finir par en mourir. Peut-être un peu tiré par les cheveux diriez-vous, mais il fallait savoir que le quotidien du jeune maître Park Jimin ne pouvait en aucun cas être triste. Il se levait toujours de bonne heure, se révélait être le fils parfait, le petit dernier de sa grande famille et lorsque son père s'en allait enfin au palais et que ses sœurs se retrouvaient à leurs occupations, alors enfin, l'aventure commençait.
Jusqu'alors, Jimin avait toujours partagé tout son temps libre aux côtés de Jungkook, ils s'étaient toujours retrouvés après leurs cours respectifs, et cela devait certainement être le moment le plus agréable de la journée du jeune maître Park. Il ne s'en était jamais lassé, aimait par-dessus tout refaire le monde avec son ami et passait de longues heures à lui raconter les derniers potins qu'on lui avait sifflés dans les couloirs. Lorsque Jungkook ne pouvait être présent, Jimin se contentait alors de la compagnie de ces autres jeunes hommes qu'il amenait parfois dans sa couche. C'était un jeune homme très sélectif, et même devant les jeunes demoiselles, il n'adressait pas son si beau sourire à n'importe qui.
Oui, voyez-vous, Jimin portait en réalité, et ce, constamment, un réel masque. Aux yeux de la société, il était le fils d'un conseiller royal, le dernier fils d'une grande et très bonne famille pour qui le chemin était déjà tracé, et brillant comme de l'or. Face à tous ces gens, Jimin était tout ce qu'il méprisait, la bonté et la gentillesse incarnées. Dans l'ombre, il buvait les malheurs de chacun tous les petits matins, adorait pouvoir profiter de sa richesse et de son pouvoir tant que cela répondait à ses égoïstes attentes, et ce qu'il aimait par-dessus tout, c'était de voir ces étincelles dans les yeux des hommes qu'il séduisait, ceux qui aimaient tant prétendre vivre pour la gente féminine. Ce qu'il aimait, c'était détruire.
Bien qu'il puisse paraître ignoble, Jungkook n'avait jamais rejeté ou jugé Jimin, jamais, puisqu'il connaissait ses plus profondes angoisses, ses plus grandes peurs. Il était le seul et l'unique personne à savoir que Jimin s'endormait constamment en redoutant de plonger dans de terribles cauchemars auxquels il ne pouvait échapper, il savait que derrière les apparences, Jimin était le pauvre petit garçon délaissé de sa famille soit disant parfaite et que de ce fait, il avait toujours cruellement manqué d'attention et d'amour. S'il disait apprécier se moquer des autres, c'était seulement pour que personne ne s'intéresse un peu trop à lui, lui qui se devait de toujours être la vitrine la plus parfaite du magasin. Jimin ne laissait jamais rien transparaître, et même Jungkook savait que souvent, lorsqu'il se retrouvait seul dans sa chambre, il pleurait jusqu'à en vomir.
Jusqu'à ce jour, la vie qu'il menait avait toujours convenue à Jimin, mais à l'arrivée de Taehyung, il n'avait pu contenir sa jalousie, face à cet être si simple, si beau, si niais. Jimin s'était, comme à son habitude, trouvé un nouveau passe-temps de choix, et c'est avec grand plaisir qu'il avait alors titillé l'esprit de Jungkook, qui, il le savait, aimait aussi jouer.
Pour autant, le jeune maître Park n'aurait pu se douter que son propre jeu le menèrait ici, seul à Gatak, en compagnie de pauvres bouffons qui ne savaient tenir leur langues, à boire seul et à devoir satisfaire ses désirs sans être totalement rassasié. Il n'était pas en colère, non, seulement il était le genre de personne qui ne savait attendre. Jimin avait toujours besoin d'être en mouvement, dans l'action, sans quoi, il semblait mourir à petit feu.
Cela faisait maintenant un moment que l'attention de Jungkook s'était grandement détournée de sa petite personne, et cela commençait peu à peu à le vexer. Ils avaient déjà joué à ce jeu plusieurs fois avec d'autres jeunes hommes, même avec des jeunes filles que Jungkook avait adoré mettre dans son lit, mais cela avait toujours été l'affaire d'un mois, tout au plus.
Or, Jungkook avait déjà dépassé la date limite depuis un moment maintenant, et n'avait encore rien rapporté à son cher ami qui se lassait de son absence. Lui, il voulait entendre la façon dont Taehyung avait pu se ridiculiser, la façon dont ses petites joues rebondies rougissaient lorsque Jungkook le comblait de ses mensonges. Oui, Jimin voulait pouvoir s'imaginer sa chute avant même qu'il ne puisse la voir arriver, se délecter du moment où Taehyung finirait aux pieds de son ami, le suppliant de ne pas le quitter. Il attendait que Taehyung vienne à lui pour pleurer sur son épaule, afin de pouvoir lui cracher son venin.
Cela dit, Jimin aimait lorsque ses petits jouets n'étaient pas trop sensibles. Le risque de s'amuser avec un jouet cassé ne l'intéressait guère. Pour ce faire, Jimin savait qu'il devait user de tous ses pouvoirs pour faire durer le plaisir. Bien que son ami, son amant de toujours lui manquait, Jimin avait besoin de distraction, il avait besoin de drame, toujours encore plus de drame mais avant de pouvoir se délecter de la chute, il fallait savoir apprécier la montée.
Alors qu'un jeune homme essayait d'attirer son attention tout en baisant ses fines jambes, Jimin l'arrêta d'une main et l'attira à lui. Il fit glisser ses lèvres sur les siennes, lui donnant tout juste de quoi se rassasier et serra son menton de ses deux doigts.
– Dis-moi, toi, quelles sont les nouvelles qui parcourent nos rues ?
– Au... Au risque de vous décevoir jeune maître...
– Alors ne prends pas de risque, parle.
– Les rumeurs s'agitent au palais, jeune maître. On raconte que le roi veut marier sa fille, et que le prétendant se trouve en ville.
– Oui, oui, ça je le savais déjà, impertinent... Autre chose.
– On... On raconte sur le marché que le jeune maître Yuan n'arrive guère à se trouver une épouse.
– Ah ! laisse échapper Jimin en riant de bon cœur. Celui-là a osé se moquer de moi et a voulu jouer dans la cour des grands, je présume qu'avoir goûté au fruit défendu l'a rendu fébrile, pauvre homme...
Un autre jeune jeune homme, assis plus loin, au creux des bras d'une demoiselle de joie, se mit à rire. Jimin grinça des dents à sa réaction, lui lançant un regard rempli de fureur.
– Pourquoi diable rigoles-tu, toi ?
– Loin de moi l'idée de vous vexer, maître Park, repris ce dernier. Mais si vous me le permettez, je trouve que nos jeux perdent de leur valeur... Sans le maître Jeon à vos côtés, les rumeurs de la cour retrouve peu à peu la couleur de votre nom.
– Et alors ? pestifera Jimin en repoussant celui qui était à ses pieds, afin d'attraper une coupelle d'alcool. Les rumeurs courent sans cesse, grand bien me fasse que mon nom glissent sur toutes leurs langues perfides.
– Certainement une gloire comme une autre, diriez-vous. Cela dit, jeune maître, je serais curieux de voir la réaction de votre père à ce sujet.
Une nouvelle fois, Jimin grinça des dents, mais cette fois-ci, sa mâchoire se crispa aussitôt. Il ne pouvait l'admettre, encore moins ici, devant ces gens, mais l'idée même de voir son père au courant de ses multiples combines le terrifiait. Néanmoins, il avala sa boisson d'une traite, prétextant que celle-ci ne lui brûla pas les gorge, et se retourna pour offrir son plus beau sourire.
– Voyons, mon père n'a que faire de ce genre de bêtises. Son haut rang ne lui accorde que peu de temps pour donner de l'importance à ce genre de bruits de couloir. Êtes-vous si sot, mon ami ?
– Niais, peut-être, mais sot, jamais maître Park. Je serais indigne d'être à vos côtés, vous l'avez déjà dit vous même récemment.
Jimin se mit à rire devant autant de condescendance. A vrai dire, jamais personne n'osait lui répondre ou lui parler ainsi quand Jungkook faisait encore l'honneur de sa présence, les autres le craignait ou l'idolâtrait bien trop pour se moquer de qui ou quoi que ce soit qui lui était cher. Voilà, depuis qu'il se montrait de moins en moins à Gatak, les jeunes hommes qui se prélassaient à leurs côtés commençaient à vouloir se faire entendre, peut-être enviaient-ils tous leurs positions et leur quelconque pouvoir ?
Ainsi, Jimin toisa ce jeune homme dont il ne se souvenait même plus du nom, avec une indifférence totale. Au creux de sa poitrine, il pouvait sentir le feu de ses nerfs brûler vif, mais il avait une réputation à tenir, une image, et il savait mieux que quiconque que dévoiler ses faiblesses équivalait à rendre les armes.
– Je vois que vous commencez à avoir la langue bien pendue... glissa t-il, faisant mine d'en être amusé.
L'autre jeune homme ne sembla pas remarquer son stratagème, et gonfla pathétiquement le torse, en évinçant la fille de joie qui se trémoussait contre lui.
– Maître Jeon se faisant de plus en plus absent et discret, beaucoup pense qu'il aurait enfin choisi de se ranger, vous savez. Beaucoup l'ont vu en compagnie du nouveau maître Kim, on entend beaucoup parler des prouesses de sa famille et surtout de celle de son père, il paraît aussi qu'il est d'une beauté époustouflante. Je ne l'ai vu que de loin, mais croyez-moi, je sais reconnaître une pierre précieuse lorsque j'en vois une, et...
– Cessez, le coupa Jimin en soufflant de lassitude, et s'envoyant une fois encore un verre d'alcool bien rempli.
Tout le monde dans la pièce cessa son activité, les yeux rivés sur Jimin, attendant ses prochaines paroles. Si cela ne tenait qu'à lui, Jimin aurait été ravie de lui avouer que tout cela n'était que mensonge, un jeu bien plus grand encore que ce que lui et Jungkook n'avait encore jamais fait, mais il devait se taire, et surtout, il devait se mordre la langue jusqu'au sang pour éviter de se laisser emporter par ses émotions, cette haine et cette jalousie grandissante qui le bouffait petit à petit de l'intérieur.
— Taehyung est mon ami, vous savez, reprit-il en se levant tel un prince. De suite, on vint lui apporter son grand durumagi, et il continua. Vous devriez savoir que ce n'est jamais bon de se frotter de trop prêt à des partis haut placés, pas vrai ? souffla t-il, avec ironie. Jungkook reviendra bien vite, il me l'a déjà confirmé, il est simplement occupé par ses propres devoirs. Alors je vous conseille de vous occuper des vôtres, mon cher. Sur ce, vous ne verrez aucun inconvénient que je ne m'excuse pas de mon départ soudain, je dois justement rendre visite au jeune maître Kim.
C'est la tête haute que Jimin quitta la pièce et traversa les grands et longs couloirs de Gatak, ne perdant pas la face une seule fois jusqu'à ce qu'il puisse enfin respirer l'air du dehors à nouveau. La fine brise fut de courte durée mais assez puissante pour lui permettre de retrouver son calme olympien, car tout le monde savait que pour être un grand homme, il était important d'être proche de ses amis, mais encore plus de ses ennemis.
S'il devait retrouver Jungkook par tous les moyens afin de lui faire retrouver la raison, alors Jimin manierait les plus beaux et les plus machiavéliques pions de son jeu, jusqu'à faire un échec et mat.
*
C'est en direction de la grande maison de la famille Kim que Jimin tomba par pur hasard, et quel hasard parfait, avec Taehyung, qui marchait aux côtés de Hoseok. De loin, il appela leurs noms, et Taehyung fut le premier à venir à lui, sautillant presque comme une jeune pucelle aux joues rosies par une excitation nouvelle.
– Je suis si heureux de te voir !
Taehyung était ce qu'il était, un boule d'amour et de joie, et il en fallut beaucoup à Jimin pour garder son sourire lorsque ce dernier le tira contre lui dans une étreinte chaleureuse, surtout que Hoseok ne tarda pas à les rejoindre, et qu'il les regardait avec un si beau sourire accroché aux lèvres.
– Oui, plaisir partagé, mon ami. Hoseok Hyung, ça fait longtemps.
– Il est vrai que nous te voyons de moins en moins lors de nos cours, tu n'y assiste plus avec Seokjin Sunbaenim ?
– Bien sûr que si, répondit Jimin en se tenant bien droit. A vrai dire, j'ai eu droit à quelques leçons particulières ces derniers temps.
– J'ai entendu dire que ton frère passerait bientôt le gwageo, n'est-ce pas ?
– C'est exact, mon père a souhaité que j'assiste à quelques-unes de ses leçons pour perfectionner mon niveau, mais c'est encore bien au-dessus du mien.
– Voyons, Jimin Hyung, je suis certain que tu te méprends. Tu es très intelligent, sans nul doute que tu seras bientôt prêt, toi aussi, argumenta Taehyung, muni de son plus beau sourire carré.
Jimin lui rendit son sourire, bien que Taehyung ne put remarquer qu'il était aussi faux que les robes soient disant haute couture que portaient les filles de joie. En vérité, Jimin n'arrivait vraiment pas à le supporter aujourd'hui, il se contentait de répondre par quelques "hm" ou en hochant la tête à chacune de ses remarques, les laissant Hoseok et lui déblatérer comme ils l'entendaient. En fait, il espérait plutôt voir débarquer Jungkook de nul part, afin de pouvoir se l'accaparer un peu, et mieux encore si cela était fait sous le nez de Taehyung lui-même.
– Excuse-moi, Taehyung... Dis-moi, saurais-tu où se trouve Jungkook ?
Dès la mention de son nom, Taehyung rougit encore de plus belle et baissa les yeux au sol. Il n'osa même plus regarder Jimin en face, et la façon qu'il avait de bredouiller dans sa barbe lui fit penser qu'on lui cachait certaines choses, peut-être même beaucoup... Il se racla la gorge, donna un petit coup dans l'épaule de son "ami", feignant de le taquiner, sous le regard bienveillant de Hoseok qui ne pouvait se douter de rien.
– Et bien, je...
– Oui, tu ?
– Cela fait si longtemps que tu n'as pas vu Jungkook ? demanda Hoseok, amusé. C'est vrai que je ne l'ai pas croisé depuis un moment moi aussi, je serai ravi de partager un verre à vos côtés, qu'en dites-vous ? Et si nous allions le chercher, tous ensemble ?
– Oui !
– Non !
Les regards de Jimin et Taehyung se croisèrent, ayant parler en même temps, et se contredisant tous les deux, il fallait que quelqu'un perce l'abcès avant que l'on ne se pose des questions.
– Non, enfin, je veux dire non, argumenta Jimin en faisant de grands gestes, parce que voyez-vous, mais je m'apprêtais justement à aller le chercher à la demande de mon père. N'y voyez aucun mépris de ma part, mais la raison est assez personnelle, et je ne pourrais faire défaut à la parole que j'ai donnée à mon propre père.
– Oh... Oui, évidemment, murmura presque Taehyung.
Au même moment, et alors que Jimin ne l'attendait plus et avait presque oublié son existence, il vit arriver Yoongi, ce foutu serviteur, aux côtés de Taehyung. Ce dernier salua poliment Hoseok, puis vint glisser quelques mots à l'oreille de son maître, qui tout à coup, retrouva son immense joie de vivre, et sembla de nouveau reconnecter avec la nature, les papillons et tout le reste.
– Que nous vaut cet élan de joie, mon ami ?
– Et bien veuillez m'excusez, mais je vais devoir rentrer plus vite. J'ai... Enfin, on m'attends. C'était un plaisir, à bientôt !
Le regardant partir avec dédain, Jimin passa la langue sur ses lèvres qu'il finit par mordiller sans même s'en rendre compte. Il fallait être purement idiot pour ne pas comprendre que Jungkook lui même avait du faire appeler Taehyung, et qu'il n'était pas encore assez sot pour faire voir au monde tout entier qu'il appréciait ce jeune homme bien plus qu'il ne le fallait. Oui, bien plus, puisque de là à le cacher à ses plus proches amis, qui plus est, à Jimin, c'était bien là de la trahison.
– Et bien, et si nous allions à Gatak, toi et moi ?
Jimin en avait presque oublié Hoseok, et il ne put accepter sa demande. Il n'avait même plus envie de rien, mais il avait encore une solution afin de faire venir Jungkook à lui.
– Je suis désolé, une prochaine fois, avec plaisir. J'organiserai tout. A plus tard, Hyung.
Néanmoins, c'est à reculons que Jimin traîna des pieds jusqu'à sa propre maison. Dès son arrivée, des serviteurs vinrent lui retirer ses vêtements superflus, on lui apporta de quoi se rafraîchir rapidement et on lui proposa même toute sorte de choses. Il repoussa tout le monde, se rendit dans son propre pavillon et écrit de sa propre main une lettre qu'il adressa à un messager.
– Faites parvenir ce message à la maison Jeon. Faites appeler Jungkook en toute discrétion.
Chose faite, il traîna deux bonnes heures en faisant les cents pas dans sa chambre, et las, finit par s'écrouler sur son lit. Puis, il commença à retirer quelques couches de vêtements, mais alors qu'il pensait pouvoir se dégourdir les jambes dans un bain brûlant, quelques coups contre sa porte l'en empêchèrent.
– Jeune maître, chuchota presque une servante, votre père vous demande dans ses quartiers.
Il était rare, depuis maintenant quelques années, que son père le fasse appeler. Encore plus dans ses propres quartiers dont il était le seul à détenir tous les secrets, si ce n'est que Jimin connaissait sa réserve secrète d'alcool. Il n'avait jamais aimé se rendre là-bas, et encore moins lorsque cette demande provenait de son père.
Alors, sans plus attendre, il enfila à peine un bout de tissu sur le dos pour ne pas se présenter devant lui comme un malpropre, et suivit la servante jusqu'à la porte de ce que son père appelait sa petite salle de réception. C'était plus communément une sorte bureau où il recevait les membres de son parti, et autres invités qui avait un lien plus ou moins direct avec la couronne.
Il entra le premier, et se mit directement à genoux, la tête baissée vers le plancher. Autrefois, sa mère était là, avec lui, mais en vérité, sa présence n'avait jamais vraiment servi à quoi que ce soit, et ne lui avait jamais été utile. Depuis qu'il avait dix ans, il venait ici seul, et suivait les mêmes règles. Il se demandait encore, parfois, comme avant, si Jae, ou l'une de ses précieuses sœurs avait déjà vécu la même chose, mais il en doutait fortement.
Que ce soit Yun, Yu ou bien encore Yuri qui était la plus pure, aucune d'entre elles n'avait jamais franchi les portes de cette pièce. D'ailleurs, Jimin aurait donné tout ce qu'il avait pour les en empêcher.
Cet endroit, éclairé de quelques lampes à huile, n'était pas accueillante, pas pour lui. Elle sentait trop la cire, l'encre, mais cette odeur de fumée était celle qu'il aimait le moins. En fait, il la détestait. Puis, il y avait ces instruments de bois, que Jimin n'avait jamais pris le temps de détailler plus que nécessaire. Il en avait peur. Mais ce qu'il craignait le plus, c'était le bruit de cette porte dans son dos, s'ouvrant sur la clarté de la lune, loin des yeux, loin du cœur, des mœurs et des valeurs, l'engouffrant tout entier dans son enfer personnel.
Les lourds bruits de pas de son père sur le plancher de bois firent craquer quelques planches. Il était seul, et ne laissait jamais aucun serviteur l'accompagner ici, ni les autorisait à tenir la garde devant la porte. Il était le seul et unique maître des lieux, tel le tyran qu'il était.
– Abeoji...
– Silence.
Jimin écouta, et hésita même à reprendre sa respiration, de peur que cela ne lui soit aussi interdit.
– Tu devrais à peine pouvoir respirer, Jimin.
– Désolé, Abeoji.
– Sais-tu pourquoi je t'ai fait venir ici ?
– Non, Abeoji.
– Tu as toujours été bon menteur, chose qui peut être utile si tu souhaites garder le statut de yangban et ta future vie de fonctionnaire d'État. Mentir est une chose, mais mentir à celui qui t'a donné la vie en est une autre.
– Je...
– Ne me regarde pas, garde les yeux baissés, et tais-toi.
Face à l'autorité glaciale de son père, Jimin abdiqua sans même poser de questions.
– Pardon, Abeoji.
– Tu te crois certainement puissant car tu possède mon rang, ma réputation et mon nom, mais tu n'es rien. Si ta mère a voulu un dernier enfant, c'était dans l'espoir de pouvoir le faire devenir lui aussi membre du conseil royal, d'obtenir encore plus de respect de la part du peuple et dorer l'image de cette famille. Et toi... Toi, tu as peut-être un visage parfait, tu n'en es pas moins qu'un vulgaire gâchis. Tu n'arrêtes donc jamais de salir ce nom que tu penses encore mérité ?
Jimin ferma les yeux, inspira profondément, écoutant la voix de son père devenir de plus en plus grave, rauque, au point où il en arriva presque à tousser. Cela arrivait toujours lorsqu'il était pris de grandes colères, mais ce n'était pas anodin. Ce n'était que la première étape avant que les choses sérieuses ne commencent.
– Si tu continues ainsi, tu finiras par ternir l'image de cette famille, la réputation de tes sœurs à jamais. Que penserait Yun et Yu, dis moi ? Que pensent-elles vraiment de ta petite personne égoïste, manipulatrice et narcissique ? Je me dois de faire bonne figure à chaque instant lorsqu'on me parle de toi, trouver comment feindre ta réussite à tes leçons, fabuler à propos de tes soi-disant exploits aux armes. Que feras-tu, Jimin, le jour où je ne serais plus là ?
Je serais libre, pensa Jimin.
Mais il ne put le dire, ni même l'admettre devant son père. Cela aurait même certainement signé son arrêt de mort.
– Je me fiche totalement de ce qu'on peut dire sur tes amis, même sur le foutu fils des Jeon, mais toi... Ton corps n'a t-il pas déjà assez souffert ? La seule chose que je t'ai demandé était de faire valoir ton nom et ton image auprès de la cour, et tu ne cesse de me prouver que tu es un incapable. Aurais-tu déjà oublié tout ce que tu as dû traverser pour que je te rendes une once de liberté ?
De la liberté, il n'en avait jamais vraiment eu. Il pouvait peut-être vagabonder librement en ville, faire comme si tout lui était dû et faire semblant de se prendre pour le roi auprès de ses conquêtes et amis, tout cela n'avait jamais été qu'illusion. La seule chose, ou plutôt, la seule personne qui lui avait déjà donné un espoir, un but, une raison de lutter et d'y croire, c'était Jungkook.
– Alors je te le demande, Jimin, quel sera ton choix, cette fois ?
Le regard de son père glissa lentement vers la bougie qui brûlait devant eux, et Jimin s'empressa de feindre l'indifférence pour que son attention se déporte ailleurs, comme sur ce bâton ou il ne savait quoi qui lui avait déjà causé tant de représailles. Il ne savait pas lequel des deux était le pire, mais il ne voulait surtout pas tourner les yeux vers cette petite pièce dans le fond, plongé dans l'obscurité totale, là où il avait passé tant de séjours sans boire ni manger, à trembler de froid ou de chaud.
Alors, dans une tentative désespérée, et sachant que quoi qu'il en soit, il devait avoir mal pour que le supplice cesse, il se releva sans attendre les indications de son père, et se prit un coup dans le ventre, sans qu'il ne puisse le voir venir. Il tomba au sol, respira à peine et se releva à nouveau. Ce fut une boucle sans fin, jusqu'à ce que son père ne lui rende les joues rouges, et qu'il ne le laisse pourrir sur le sol comme un malpropre.
Ce soir-là, il ne se rendit pas au banquet familial, et retrouva sa chambre, seul, avant que ses servantes ne viennent pour lui donner un bain. Toujours murer dans le silence, elle firent mine de ne rien voir, de ne pas le blesser lorsqu'elles passaient leurs mains sur sa peau, puis le rhabillèrent, l'abandonnant de nouveau dans sa chambre.
Plus tard, alors que son ventre criait famine et qu'il luttait contre le sommeil, il fut interpellé par la porte de sa chambre qui s'ouvrit en toute discrétion. Il ne bougea pas de son lit, restant dans cette position traduisant sa grande fragilité et tout son malheur.
– Je sais que tu ne dors jamais si tôt.
La voix enjouée et taquine de Jungkook ne réussit pas à le faire sourire, mais il dû prendre sur lui, comme toujours, pour jouer la comédie et lui faire face, feignant de s'être assoupi.
– J'allais finir par croire que tu avais oublié le chemin qui mène à ma maison.
– Pardonne moi, lui lança Jungkook en s'asseyant à ses côtés. J'avais à faire ces derniers jours, Jungkang m'épuise...
Jimin savait que Jungkook lui mentait, et il aurait aisément pu lui faire croire qu'il était tombé dans son piège, mais il était bien trop fatigué, autant physiquement que moralement pour jouer la carte de l'ignorance.
– Tu étais avec lui, n'est-ce pas ?
– De qui parles-tu ?
– Taehyung.
Tout comme lui, Jungkook pouvait être un excellent menteur, un manipulateur né, après tout, c'était une chose qu'ils avaient toujours eue en commun. Néanmoins, ce que Jimin oubliait souvent, c'est qu'il avait un cœur, et que celui-ci ne battait pas toujours que pour sa propre personne.
– N'était-ce pas le but de notre jeu ? relança Jungkook, pourtant sa voix ne fit que le trahir.
– A toi de me dire si s'en est toujours un.
– Tu doutes de moi ?
Sans le vouloir, Jimin tomba dans le regard de son ami le plus cher, et quand bien même ce dernier essayait de le rassurer par il ne savait quel stratagème, il savait au fond de lui que Jungkook avait abandonné les armes. Il avait changé, lui seul pouvait le percevoir, et s'il pouvait le lire aussi bien dans ses pupilles, c'était parce qu'il était celui qui lui avait appris toutes ces choses.
– L'auberge parle, tu sais... reprit-il en s'éloignant de Jungkook, pour aller tirer une bouteille d'alcool qu'il cachait toujours dans un de ses meubles. Il sortit deux coupelles, qu'il remplissait goutte à goutte. Ils pensent que ton cœur s'est libéré, ce qui, permet moi de te le dire, est assez amusant quand on sait qu'il est promis à ma sœur. Si je m'amusais au début de leurs fausses idées, je commence doucement à trouver tout cela plus qu'ennuyant.
– Ils n'ont jamais rien su faire d'autre que parler, ce sont les meilleurs pour dénouer leurs langues mais ils la perdent dès que l'orage s'annonce. Mon cœur est toujours le même, je suis toujours le même, je m'attèle simplement à ma tâche.
– Je sais que tu es quelqu'un... D'impliqué, Jungkook.
– Je le suis, oui, répondit Jungkook en acceptant la coupelle. Tout bon joueur se doit d'accepter toutes sortes de défis, et celui-ci est certainement le meilleur que je n'ai jamais eu. Grâce à toi, ajouta-t-il avant de boire.
Jimin l'observa du coin de l'œil, soufflant par le nez son rire faussement amusé.
– Dans ce cas, pourquoi ne viens-tu plus me rendre visite pour me conter tes exploits ?
– Je suis là maintenant, non ?
– Si tu es là, c'est parce que je t'ai fais demandé.
– J'aurais fini par venir, comme toujours.
– Tu étais avec lui plus tôt, je le sais.
– Et alors ? relança Jungkook, d'une voix que Jimin n'avait encore jamais entendue.
Comme si, quelque part, il faisait bien chasse gardée de ce qui se passait entre lui et Taehyung.
– A t-il déjà cédé à tes charmes ?
– Pas encore.
– Alors que fais tu Diable pour prendre autant de temps, au point de m'oublier et mettre de côté tout ce que tu étais ? Que fais-tu de ta grande réputation en ville ? Gatak, notre maison, notre petit royaume se languit de toi, et tu n'es pas là.
Il était rare que Jimin élève la voix, et en l'écoutant, et le voyant faire de grands gestes, renversant même quelques gouttes d'alcool sur le sol, Jungkook comprit que son ami essayait tant bien que mal de dissimuler un tout autre sentiment. Il est vrai que dans leurs habitudes, ils prennent soin, à deux, de se jouer de leurs différentes conquêtes, de leurs victimes pourrait-on dire, mais Taehyung était différent, et dès lors que Jungkook l'avait compris, il avait préféré faire cavalier seul. Il ne pouvait pas avouer à Jimin qu'au fond, au plus profond de lui, quelque chose commençait à brûler pour ce jeune homme, quelque chose dont il avait peur, et l'admettre revenait à hurler sur tous les toits que oui, son coeur commençait doucement à se faire prendre dans ses propres filets.
Il aimait la présence et la compagnie de Taehyung, c'était simple, léger, doux, mais aussi explosif, affreusement sensuel, et lui-même ne savait pas pourquoi il ne lui avait pas encore sauté dessus. Taehyung était un adversaire de taille, en plus d'être beau, intelligent, naïf, mais aussi doté d'une bonté inégalée.
– Jungkook ?
Voyant qu'il avait perdu son attention, Jimin avala sa dernière gorgée et vint ramper jusqu'à la cuisse de son ami, d'une façon sensuelle qu'il était le seul à maîtriser à la perfection. Aussitôt, les yeux de Jungkook s'animèrent d'un feu brûlant, et il ne bougea plus quand Jimin vint trouver place sur ses genoux, agrippant ses mains de part et d'autre de son cou. Cela faisait certes réagir son corps et appelait l'animosité en lui à réagir, mais jamais encore Jimin n'avait été si... Démonstratif. Leurs ébats avaient toujours été assez violents, ne démontrant aucune tendresse, si ce n'est dans leur discussion toujours plus ou moins tendancieuse. Ils pouvaient être doux l'un envers l'autre durant des moments de complicité amicale, mais pas dans ce genre de situation. Tout de suite, l'image de Taehyung réalisant les mêmes gestes lui vint en tête, et cela fit bouillonner son sang jusqu'à ce qu'il en tremble de désir. Ses mains attrapèrent la taille de Jimin, ce qui le fit gémir au creux de son oreille, et ce dernier se mit à baiser son cou, traçant un chemin moite le long de ses veines. Les yeux clos, Jungkook se laissa doucement emporter, jusqu'à ce qu'il exerce assez de force pour retourner Jimin sur le dos, sur son lit.
Pourtant, dû aux coups qu'il avait reçu, Jimin grimaça de douleur et toute l'excitation dont il venait de faire preuve disparu d'un seul coup, laissant Jungkook perplexe, jusqu'à ce que lui même se rende compte qu'il s'était laissé berner par les fantasmes que lui avaient communiqués son cerveau.
Les deux amis se regardèrent, incrédules, et à la grande surprise de Jungkook, Jimin se recroquevilla en boule et lui tourna le dos. Il était extrêmement rare de le voir agir ainsi, et même si Jimin ne lui avait jamais expliqué ses raisons, Jungkook savait qu'il souffrait et il refusait de le laisser ainsi. Alors, il vint s'allonger près de lui, l'attira contre son torse et cacha sa tête dans ton cou. Jimin sentait toujours très bon, il avait une toilette délicieuse, mais il fallait dire qu'il ne pouvait égaler celle de Taehyung...
Soit, Jungkook se fit violence pour ne pas penser à de telles choses alors que son ami avait besoin de lui, et c'est en silence qu'il lui apporta la chaleur dont il avait besoin, cette fois-ci loin d'être partagée entre deux parties de jambes en l'air.
– Tu m'abandonneras jamais, Kook ? osa demander Jimin, presque dégouté de lui-même d'entendre sa voix tremblée.
– Jamais, c'est promis.
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