𝒞𝒽𝒶𝓅𝒾𝓉𝓇𝑒 𝟸𝟽
Empress Ki Main Theme - Kim Jang Woo
Mission pt.2 - Descendants of the sun special Vol. 1
Will be back - Sunhae Im
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Le paysage familier mais étrangement changé de Hanyang s'étendait devant Jungkook, la ville ayant évolué en son absence. Les ruelles qu'il connaissait autrefois semblaient plus étroites, les bâtiments plus imposants. Le parfum des marchés, les rires des enfants, et le bruit constant de la vie citadine se mêlaient à ses souvenirs, ravivant une nostalgie qu'il avait tenté de refouler.
La ville était animée comme toujours, mais une partie de lui se sentait distante, presque étrangère. La dernière fois qu'il avait foulé sa terre, il était un homme brisé, déchiré par sa propre cruauté et le poids de ses erreurs. Maintenant, en regardant les murs anciens du palais royal qui se dressaient majestueusement à l'horizon, il ne pouvait s'empêcher de sentir une étrange pression dans sa poitrine.
Il savait que Taehyung vivait maintenant ici, enfermé dans cette forteresse de pierres et de traditions. Le simple fait de savoir qu'il pourrait le croiser au détour d'un couloir suffisait à rendre chaque pas plus lourd.
Le chemin jusqu'au palais semblait à la fois interminable et trop court. Chaque pas le rapprochait d'un passé qu'il avait essayé de fuir, mais qu'il n'avait jamais pu vraiment quitter. Il se rappelait leur dernière rencontre, celle où tout s'était effondré. La gifle de Taehyung résonnait encore dans son esprit, comme un écho d'une douleur qu'il portait toujours en lui.
Arrivé devant les lourdes portes du palais, Jungkook inspira profondément. Le souvenir de ses moments passés non loin de ce lieu, jadis avec son amant à ses côtés, le hantait encore. Mais il était temps de faire face à son passé. Il se présenta aux gardes, qui le reconnurent immédiatement. Il n'était pas seulement un homme parmi d'autres, il était le commandant de l'armée royale, un homme dont les exploits étaient racontés à travers le royaume. Les gardes s'inclinèrent respectueusement avant de l'accompagner à l'intérieur.
Le palais semblait à la fois inchangé et différent.
Les couloirs, qu'il connaissait autrefois si bien, semblaient maintenant renfermer des secrets qu'il n'était plus certain de vouloir découvrir. Le silence des lieux était oppressant, contrastant avec l'agitation de la ville qu'il venait de quitter. Chaque pas résonnait dans les couloirs, amplifiant son appréhension.
Alors qu'il avançait vers la salle du trône, son esprit était accablé par l'idée que Taehyung pourrait apparaître à tout moment. Cette pensée le rendait nerveux, ses mains se crispant malgré lui. Pourtant, il savait pourquoi il était revenu. Ce n'était pas seulement pour répondre à une missive royale. Non, il était temps pour lui de reconquérir ce qu'il avait perdu, de se racheter pour la douleur qu'il avait causée.
En approchant des grandes portes qui menaient à la salle du trône, il inspira profondément. Les gardes ouvrirent les portes sans un mot, et Jungkook pénétra dans la vaste salle, ses yeux s'ajustant à la lumière plus tamisée. Le roi l'attendait, assis sur son trône, son visage marqué par l'âge et la fatigue. Le vieux souverain le fixa avec une intensité qui semblait percer l'âme. Jungkook s'inclina profondément, cachant son trouble derrière un masque de froide détermination. Mais au fond de lui, une tempête de sentiments le ravageait.
Le retour à la capitale, la perspective de retrouver Taehyung, l'avaient laissé vulnérable, malgré l'armure d'acier qu'il avait forgée autour de son cœur.
Se tenant droit face au roi, son cœur battait plus fort qu'il ne l'aurait souhaité. La lumière tamisée de la salle du trône jetait des ombres sur le visage du vieux souverain, rendant ses traits encore plus marqués par l'âge et la maladie. Pourtant, ses yeux brillaient toujours de cette intelligence vive et de cette autorité naturelle qui faisaient de lui un monarque respecté.
Le roi leva lentement une main, un sourire fatigué mais sincère aux lèvres.
– Commandant Jeon, c'est un plaisir de vous voir ici, sain et sauf. Vos exploits sur le champ de bataille sont parvenus jusqu'à nous, et il semble que vous soyez devenu l'un des piliers de notre armée. Vous portez bien votre réputation de valeureux guerrier.
Jungkook s'inclina profondément, répondant avec respect.
– Majesté, vos paroles m'honorent. Je n'ai fait que mon devoir pour le royaume et pour vous.
Le roi hocha la tête, satisfait.
– Toujours humble, même après tant de succès. Voilà une qualité rare, commandant, répondit-il en marquant une pause, l'observant de ses yeux perçants. Mais dites-moi, qu'est-ce qui vous amène en personne à la capitale ? Vos nouvelles missions vous auraient-elles conduit jusqu'ici, ou y a-t-il autre chose qui vous pousse à revenir ?
Jungkook sentit une hésitation le traverser, son regard se détournant légèrement alors qu'il pesait ses mots. Il savait pourquoi il était là. Mais formuler ses intentions devant le roi, dans ce lieu où chaque mot pouvait avoir des conséquences graves, lui demandait un courage différent de celui qu'il avait sur le champ de bataille.
– Et bien, je...
Malgré son appréhension, Jungkook avait pris une décision. Son esprit était clair, et il savait ce qu'il devait faire. Il ouvrit la bouche pour parler, prêt à exposer ses raisons. Mais avant qu'il ne puisse prononcer un mot de plus, le roi, d'un geste vif, reprit la parole, son ton changeant du tout au tout.
– Ah, mais j'oubliais !
Le roi se redressa légèrement, une étincelle de joie illuminant ses traits.
– Je suis tellement heureux que vous soyez revenu à temps. Vous voyez, commandant, un grand changement va bientôt avoir lieu. Le royaume va avoir un nouveau roi, et je ne pourrais être plus enthousiaste à ce sujet.
Jungkook, surpris par l'enthousiasme du roi, resta silencieux, ne trouvant pas l'opportunité de s'exprimer. Le souverain, emporté par son excitation, continua sans lui laisser le temps de réagir.
– Je suis vieux, et ma santé décline, mais je suis serein, car je sais que le royaume sera entre de bonnes mains. Bientôt, le prince consort sera couronné roi. C'est une époque de renouveau qui s'annonce, et je veux que vous fassiez partie de cette transition, commandant.
Le roi se pencha légèrement en avant, son regard se faisant plus intense. Comme s'il s'apprêtait à lui murmurer un secret.
– C'est pourquoi je suis ravi de votre visite. Vous êtes un homme de confiance, Jungkook, et je souhaite que vous deveniez le garde rapproché du nouveau roi. Personne d'autre ne pourrait accomplir cette tâche avec autant de dévouement et de compétence que vous. Vous choisirez vous-même votre remplaçant à la tête de l'armée, un homme que vous jugerez digne de vous succéder.
D'abord pris de court par cette proposition inattendue, Jungkook resta un moment silencieux. Le roi venait de lui confier une mission qui allait bien au-delà de ce qu'il avait imaginé. Devenir le garde rapproché du roi, cela signifiait être constamment à ses côtés, le protéger non seulement des dangers extérieurs, mais aussi des intrigues de la cour.
Devenir le garde rapproché du roi, c'était aussi imposer sa présence à nul autre que Taehyung.
Le poids de la situation s'alourdit dans sa poitrine. Il savait que cela impliquait aussi de se retrouver chaque jour en sa présence.
C'était une épreuve qu'il s'était juré d'éviter, mais pouvait-il refuser une telle demande ? Pouvait-il se détourner de ce devoir alors que tout son être lui criait de revenir auprès de celui qu'il aimait ?
– Majesté... Commença-t-il, sa voix plus basse, presque tremblante.
Devait-il accepter ? Était-il même capable de le faire ?
Voilà un peu plus de deux ans que leurs chemins s'étaient séparés, d'ailleurs, Jungkook se demandait même si Taehyung était au courant de sa présence en ce moment même, et voilà qu'on lui offrait cette opportunité en or, sur un plateau d'argent. Oui, mais...
N'était-ce pas trop précipité ?
Quelle serait la réaction de Taehyung, qui plus est, son roi ?
Jungkook serait-il capable de garder un œil sur lui, chaque jour, chaque heure, chaque minute, chaque seconde, sans pouvoir lui parler, le toucher, ni même pouvoir lui exprimer son pardon ?
Il avait donné sa vie pour le royaume, et imaginer perdre une nouvelle fois celui qu'il aimait le plus au monde... Il ne pouvait pas l'imaginer. Que deviendrait-il, s'il refusait ?
Le roi était un homme bon, mais il restait un roi. Jungkook en savait quelque chose, d'après les dires de sa mère, il n'en avait fait qu'à sa tête à l'époque, jusqu'à ce qu'elle le persuade de choisir un autre bon parti pour sa fille.
S'il refusait, il n'osait même pas imaginer ce qu'il adviendrait de lui. Il serait la honte de la famille, peut-être ne serait-il pas rejeté mais il serait considéré comme un homme déloyal et indigne de confiance.
Alors, Jungkook laissa son esprit vaciller encore quelques minutes, et il se reprit aussitôt, retrouvant son calme apparent.
– C'est un honneur que je ne m'attendais pas à recevoir. Je suis profondément touché par votre confiance, et je servirai le nouveau roi de tout mon être.
Le roi sourit, un sourire chaleureux qui portait avec lui la satisfaction d'avoir trouvé la bonne personne pour cette tâche.
– Je n'en ai jamais douté, Jungkook. Le royaume a besoin de gens comme vous, des hommes qui peuvent non seulement brandir l'épée, mais aussi guider et protéger ceux qui en ont besoin.
Jungkook acquiesça, cachant l'orage d'émotions qui tourbillonnait en lui. Il venait de faire un pas de plus vers Taehyung, mais ce pas le rapprochait aussi de l'abîme qu'il avait tenté d'éviter pendant si longtemps.
– Cela sera fait sans plus attendre, reprit le roi tout en toussant dans sa main, préférant cacher cet amas de sang qui ne cessait de salir ses mouchoirs.
– Mais, Majesté, osa Jungkook tout en s'éclaircissant la voix, j'ai quitté mes hommes prématurément pour pouvoir vous rendre visite dans les plus brefs délais, il serait donc dans mon devoir de leur annoncer cela moi-même, et...
– Nul besoin, le coupa le souverain tout en toussant une fois encore, je ferais envoyer un messager. Commandant, dites-moi plutôt qui sera l'élu et la future tête de ligne de mon armée.
A vrai dire, Jungkook n'y avait jamais vraiment réfléchi.
Ces deux dernières années étaient passées tellement vite, et pourtant, c'est en remettant les pieds dans la capitale qu'il s'était juré que cela lui avait paru être une éternité.
Jusqu'alors, il s'était tant acharné sur son nouveau destin que jamais encore, une telle question ne lui avait parcouru l'esprit... Il y avait bien de braves hommes dans ces troupes, et beaucoup étaient de fiers soldats, néanmoins, être commandant revenait à se consacrer corps et âme au pays, au palais, ainsi qu'à tous ses sujets. La plupart des hommes qui croisaient le fer dans ces troupes espéraient certainement pouvoir un jour revenir fouler les rues animées de la ville, se trouver une épouse et profiter de leurs rangs... Jungkook, lui, ne voyait pas les choses ainsi.
A vrai dire, il n'avait plus vraiment de raison de revenir, si ce n'était pour respecter l'engagement qu'il avait auprès de la soeur aînée de Jimin, qui à ce jour encore, attendait son retour pour devenir sa femme.
Lorsqu'il y pensa, Jungkook voulut se maudire pour avoir accepté la demande du roi si rapidement, mais il ne pouvait plus faire marche arrière.
A bien y réfléchir, il y avait bien une personne qu'il pouvait imaginer prendre sa place. Il lui faudrait cependant encore de l'entraînement, mais une idée lui traversa alors l'esprit.
– Un jeune homme dans mes rangs, nommé Sochun, Majesté, est un guerrier prometteur. J'ai confiance en lui, et j'ose imaginer qu'il serait digne de reprendre mon titre. Néanmoins, si vous me le permettez, j'aimerais pouvoir l'entraîner moi-même un temps, tout en m'acquittant de ma nouvelle tâche.
Le roi le toisa d'un air fier, mais aussitôt, il se remit à tousser et à geindre. Deux servantes vinrent alors à lui, pour l'aider à se redresser sur son trône, et lorsqu'il retrouva ses forces, le souverain prit la parole.
– Qu'il en soit ainsi. Tu seras chargé de la formation de ce jeune homme, mais tu ne partiras pas de la capitale plus d'une semaine par mois. Je ferais envoyer un de mes hommes pour s'occuper du reste lors de tes absences.
– Je vous remercie, Majesté, s'inclina Jungkook.
Bien que l'état du vieux roi se faisait de plus en plus inquiétant, il insista pour entretenir une discussion sérieuse avec Jungkook durant plus d'une heure, se concentrant autour des dernières nouvelles au sujet des récents conflits, et de la formation de son armée. Ce n'est que lorsque le roi peina à se redresser sur son trône, bien trop épuisé, qu'il congédia Jungkook, lui faisant comprendre qu'il était bienvenue au palais, et qu'une aile lui serait dédiée s'il le voulait.
Le palais était une bâtisse immense, aux multiples recoins et secrets, pourtant, Jungkook préféra demander à partir, lorsqu'on vint le chercher. Il avait déjà passé de longues heures entre les murs du palais royal, et cela lui avait suffit. Il avait parcouru tout ce chemin afin de retrouver Taehyung, mais quelque chose au fond de lui ne cessait de lui souffler que ce n'était pas encore le bon moment.
Jungkook n'avait jamais été du genre à écouter ses intuitions, il avait même toujours eu cesse de dire que ceci était "un truc de femme", néanmoins, il avait grandit, murit, et aujourd'hui, il savait écouter son coeur lorsque ce dernier essayait de lui faire passer des messages.
C'est lui qui l'avait amené jusqu'ici, Jungkook était même certain qu'il avait fait le bon choix, mais encore fallait-il trouver le moment opportun pour croiser la route de son ancien amant.
Alors qu'il suivait deux femmes le menant aux portes du palais, ces dernières se virent couper la route par nul autre que la Princesse Ha-rin en personne, accompagnée de trois servantes dans son dos.
Aussitôt, les deux femmes accompagnant Jungkook s'inclinèrent, et il s'apprêtait à faire de même, lorsque ses yeux furent happés par un détail qui le rendit stoïque.
Jungkook avait eu la chance, autrefois, de rencontrer la Princesse Ha-rin.
En vérité, ces deux-là se connaissaient même depuis tout petit, car à l'époque, il arrivait que son père l'emmène avec lui au palais, et que Jungkook se retrouve à jouer dans la cour avec les enfants bâtards du roi, sans oublier la petite Princesse Ha-rin, haute comme trois pommes, avec ses jolies nattes décorés de bijoux princiers.
En grandissant, Jungkook ne l'avait croisé que rarement, mais il se souvenait de sa grande beauté. C'était même la seule et unique chose dont il pouvait se souvenir.
Cependant, ce n'est pas la beauté de la Princesse qui attira son attention cette fois-ci.
Elle était une femme désormais, et une future souveraine, comme l'on pouvait en déduire rien qu'en jetant un oeil à ses vêtements, ou même la façon dont étaient coiffés ses cheveux sur sa tête. Son visage était toujours aussi clair, à l'image de la pureté, mais il y avait ce détail.
Ce petit ventre déjà bien arrondi, recouvert d'une de ses mains, dont un de ses doigts était orné d'un magnifique anneau doré.
La Princesse Ha-rin était enceinte, il n'y avait pas de doute.
– Oh ? Est-ce vraiment... Vous ?
La douce et légère voix de cette dernière sortit Jungkook de sa torpeur, et aussitôt, il s'inclina par respect, les joues rougies par son manque de respect évident.
– Votre Altesse.
– Jeon Jungkook, c'est bien toi, pas vrai ?
Comme si elle cherchait à accrocher son regard, la Princesse se dandinait sur elle-même, sans jamais que sa main ne quitte son ventre. Ce ventre que Jungkook ne pouvait s'empêcher de fixer comme si un monstre s'apprêtait à en sortir, déchirant ses entrailles.
La seule chose qu'il put faire, fut de hocher la tête, fuyant son regard.
Tout d'abord, il n'était pas respectueux pour un homme de sa condition de fixer trop longtemps la future reine, mais aussi, Jungkook serrait les dents, à l'idée même d'imaginer que Taehyung avait pu... Qu'il avait...
– Je reconnaîtrais cette cicatrice entre mille, ajouta la Princesse, avec un doux sourire.
Une fois encore, Jungkook ne répondit pas, priant tous les Dieux pour qu'on puisse le sortir de ce cauchemar. Il sentait déjà son coeur s'emballer, sa respiration devenir hiératique, sans parler de ses poings qu'il serait si fort qu'il finirait par se faire saigner.
– Tu ne t'en souviens peut-être pas, nous étions encore enfants... Tu avais voulu me défendre, alors qu'on jouait dans la cour intérieure. Tu es tombé, tu t'es éraflé le visage. Pourtant, tu as souris quand tu t'es relevé... Murmura la Princesse, émue par ses souvenirs. Ce n'est pas étonnant de voir qu'un jeune garçon si valeureux est devenu celui qui nous protège, n'est-ce pas...
Jungkook ne pouvait pas se douter que la Princesse savait tout concernant son idylle avec Taehyung, et malgré lui, il ne pouvait s'empêcher de lui en vouloir. C'était complètement idiot, d'en vouloir à une femme qui n'avait pas eu le choix de son propre avenir, mais ce ventre lui rappelait sans cesse qu'elle était devenue celle qui lui avait volé l'amour de sa vie.
Il ne la détestait pas, il n'éprouvait aucune rancœur envers elle, pour autant, il lui était impossible de l'accepter. Jungkook le savait pourtant, c'était la raison même de son départ, mais voir ainsi, la vérité éclatant sous ses yeux fatigués et meurtris, c'était trop.
Le ciel sembla entendre ses prières silencieuses quand un garde s'approcha de la Princesse pour lui glisser quelques mots l'oreille, Jungkook profita donc de cette coupure pour s'incliner, et déguerpir.
– Votre Altesse.
Lorsque ses pieds foulèrent la terre en dehors du palais, Jungkook eut l'impression de respirer à nouveau. Son cœur n'était plus contracté sur lui-même, et c'est sans un regard derrière lui qu'il avança rejoindre sa monture, direction la maison familiale.
Pour le moment, il préférait encore rester dans le déni. Bientôt viendrait le moment où il croiserait à nouveau les yeux doux de Taehyung, et il savait déjà qu'à cet instant même, il serait bien obligé d'admettre que tout était réellement fini.
Il pouvait encore rebrousser chemin, fuir la capitale, rejoindre ses hommes avant de disparaître pour de bon. Cela dit, devenir un fugitif ne l'enchantait guère, d'autant plus qu'il avait donné sa parole au roi.
C'est chamboulé que Jungkook retrouva la grande porte de sa demeure d'enfance. Néanmoins, il préféra faire taire ses émotions et garder un masque de pudeur, afin d'éviter toutes questions malvenues.
Il entra dans la cour, et des serviteurs vinrent aussitôt s'occuper de son cheval, quand il entendit une voix féminine l'appeler au loin. Lorsqu'il releva les yeux, il tomba nez à nez avec la mère de Jimin, et à ses côtés, sa promise.
Il n'avait pas vu Yuri depuis son départ, et Jungkook ne s'était même pas posé la question de savoir si sa décision viendrait à la heurter. C'était une femme discrète, mais même deux ans plus tard, sa beauté restait inchangée, tout comme cet air timide qui habillait son visage lorsqu'elle posait les yeux sur lui.
– Commandant Jeon Jungkook, l'appela la femme qui le connaisait depuis son plus jeune âge. Si on m'avait prévenu de votre arrivée, j'aurais demandé à ce que ma fille soit plus présentable.
Remerciant les serviteurs, Jungkook s'inclina devant la mère de Jimin, et attrapa délicatement la main de sa promise, sur laquelle il déposa un doux baiser.
– Mesdames, le plaisir est pour moi.
– Il faut croire que mûrir en dehors des murs de cette ville vous sied à merveille. Vous êtes devenu un homme, mon garçon. Votre beau visage est toujours aussi parfait.
– Je n'ai rien à envier à la perfection, Madame.
La mère de Jimin gloussa derrière sa main, puis, elle lança un regard tendancieux à sa fille avant de s'éclipser, prétendant l'attendre à la sortie.
Un léger silence s'installa entre les futurs époux, et bien que Jungkook connaissait Yuri depuis qu'il était enfant, il ne s'était jamais senti aussi mal à l'aise à ses côtés. Il était épuisé d'avoir chevauché si longtemps, sans parler de sa nouvelle affection et la découverte du ventre rond de la Princesse qui lui avait volé ses dernières forces. Il ne savait que dire cette vieille amie devenue femme, et bientôt, la sienne.
D'ailleurs, la question de leur mariage n'était jamais revenue dans ses dernières conversations avec ses parents. Avant son départ, son père avait préféré mesurer ses aptitudes au combat, et il n'avait pas quitté Jungkang d'une semelle.
Peut-être devait-il commencer par des excuses ?
A quoi bon, il ne l'aimait pas. Il ne l'aimait pas comme un homme devait aimer sa femme, si étant soit donné que tout mariage supposait des sentiments profonds.
En fin de compte, lui aussi finirait par être enchaîné à une vie qui n'est pas celle dont il avait rêvé, contraint à bâtir une famille et à prendre soin de leur image. Tout cela l'ennuyait, il préférait de loin se tenir à distance sur les champs de bataille... Mais maintenant qu'il savait être le futur garde rapproché sur futur roi, sans omettre le fait que ce serait Taehyung, Jungkook savait que l'option de fuite ne se présenterait plus.
– Je voudrais...
– Avez-vous...
Yuri baissa les yeux quand elle remarqua que Jungkook avait pris la parole au même moment, et se mordit les lèvres, anxieuse à l'idée de l'avoir vexé.
– Pardonnez-moi...
– C'est moi qui devrais vous présenter des excuses, reprit Jungkook en s'éclaircissant la gorge. J'ai bien à cœur mes fonctions, sans penser à vous prévenir de mon départ.
– C'est tout à votre honneur...
– Comment allez-vous ?
– Bien, je vais bien, merci.
Ils échangèrent un regard, et Jungkook se trouva idiot, se demandant à quoi il devait ressembler, lui, le commandant d'une armée entière, peinant à trouver ses mots devant une femme.
– Je dois m'en aller, c'était un plaisir de vous revoir.
Sans plus de cérémonie, Yuri s'inclina légèrement et finit par rejoindre sa mère au loin. Jungkook la regarda partir, sentant une lourde pression quitter ses épaules.
En plus d'être la soeur de son plus vieil ami, Yuri était aussi une jeune femme qui possédait certainement des rêves, elle aussi. Jungkook ne savait rien sur elle, mise à part qu'elle était très pieuse, et obéissante. Une vraie perle pour les familles nobles cherchant à faire prospérer leurs noms, mais à ses yeux, elle pouvait être aussi belle que la lune, elle n'en restait pas moins insignifiante.
Yuri avait un caractère paisible, voire même inexistant. A chaque fois qu'il la voyait, Jungkook n'arrivait jamais à s'imaginer partager le reste de sa vie à ses côtés. Non pas qu'il ne voulait pas devenir un homme rangé et respecté, mais toute ses aventures auprès de Taehyung avait fini par lui faire comprendre que ce qu'il voulait, c'était de la passion.
Il se souvint alors des dernières paroles qu'il avait partagé avec Taehyung avant son départ. Comment avait-il pu lui dire qu'il lui suffisait de faire ce qu'on attendait de lui, et imaginer que la vie continuerait d'être paisible après ça ?
Comment avait-il pu lui dire que partager sa couche avec une femme, serait aussi facile que de boire quatre bouteilles de vin sans flancher ?
Comment avait-il pu penser que tout ceci n'engagerait personne d'autre que sa propre personne ?
Après tout, même s'il suivait le chemin qu'on lui avait tracé, Jungkook entraînerait une pauvre âme dans son malheur, et c'est en repensant au ventre arrondi de la Princesse qu'une autre question lui vint à l'esprit.
Comment peut-on élever des enfants tout en leur faisant croire qu'ils sont nés d'un amour qui n'existe pas ? Seraient-ils heureux ?
Lui qui avait eu la chance de connaître un véritable épanouissement au sein du couple que formaient ses parents, n'avait jamais pu imaginer le contraire.
Et s'il échouait ? S'il devenait un mauvais père ?
– Qu'avons-nous là, intervint alors une voix que Jungkook reconnut aussitôt.
Un sourire élargit alors ses lèvres, et illumina son visage.
Bien qu'il s'était promis de ne jamais revenir, sa famille lui manquait. Tous, à part peut-être Jungwan qui d'ailleurs, ne semblait pas présent.
– Eomeoni, je pensais vous faire la surprise de ma venue.
– Ça, pour une surprise. Je ne t'attendais plus et pourtant, il semble que les Dieux ont entendu mes prières, mon fils.
Comme s'il était redevenu un petit enfant sous les yeux de sa mère, Jungkook fit les quelques pas qui les séparaient encore et la tira dans une étreinte chaleureuse. Mi-ri fut d'abord surprise, elle qui n'avait pas reçu ce genre d'attention de sa part depuis qu'ilavait eu neuf ans. Alors elle préféra ne rien dire, et serra son enfant un peu plus fort dans ses bras. Il n'était pas coutume d'échanger ce genre de marques d'affection, pour autant, elle en avait toujours raffolé.
– Je suis heureux de vous voir, Eomeoni.
Guidé par sa mère, Jungkook la suivit à l'intérieur de la demeure familiale. La maison était comme dans ses souvenirs, paisible et empreinte de chaleur, même si son cœur était agité par des émotions qu'il peinait à contenir.
Assise près de la fenêtre, après leur avoir servi du thé, un sourire doux sur les lèvres comme si elle avait toujours su qu'il reviendrait, sa mère le toisait sans rien dire.
Il inclina légèrement la tête avant de s'asseoir en face d'elle. Le silence entre eux n'était pas pesant, mais il portait en lui tout ce qu'ils n'avaient jamais osé dire. Ce fut sa mère qui brisa la quiétude de la pièce.
– Es-tu revenu pour de bon, cette fois ?
Jungkook baissa les yeux, les mains crispées sur ses genoux. Il se sentait à la fois coupable et reconnaissant d'être là.
– Je suis revenu... Parce que j'ai vu quelque chose qui m'a ramené ici.
– Tu m'en diras tant ? répondit-elle, son regard devenant plus curieux, plus attentif.
– Un papillon, ses mots étaient doux, presque murmurés, mais chargés de sens. Comme ceux dont vous m'aviez parlé il y a deux ans, lorsque vous disiez que les papillons pouvaient être des messagers... De ce que le cœur ne sait pas dire.
Sa mère hocha la tête lentement. Elle se souvenait bien de cette conversation, de ce jour où elle lui avait parlé des mystères du cœur, des choses que les mots n'avaient pas besoin de nommer. Elle savait que son fils était un homme réservé, qu'il gardait certaines vérités en lui. Tout comme elle savait qu'il possédait en lui une grande sensibilité.
– A quoi as-tu pensé ? demanda-t-elle, sans jamais détourner le regard.
Jungkook hésita. Il ne savait pas comment lui dire, sans vraiment le dire. Après tout, il ne lui avait jamais fait part de son affection pour Taehyung. Il avait toujours été très évasif sur le sujet, car comment diable pouvait-il annoncer à sa mère qu'il avait aimé et aimait toujours un homme ?
Pourtant, au plus profond de son coeur, Jungkook aimait a pensé que sa mère était une femme sage et réfléchi, qu'elle n'avait jamais eu besoin de détails pour pouvoir le comprendre. C'était une chose qui l'avait toujours fasciné chez elle, un don qu'il enviait même, parfois.
Aujourd'hui, il devait l'admettre, il espérait que cette dernière en fasse bon usage, afin de le guider au mieux des ses choix.
– Il m'a rappelé quelqu'un. Une... Personne importante, dit-il, marquant une pause, choisissant ses mots avec précaution. Je voulais la revoir, mais... Je n'aurais jamais imaginé... Ce qui m'attendait.
Le silence qui suivit fut long, mais pas désagréable. Sa mère l'observait, son regard adouci par une compréhension silencieuse. Elle ne posa pas de question supplémentaire, elle n'avait pas besoin de noms.
– Le roi m'a nommé garde rapproché, finit-il par dire, brisant le calme avec une vérité plus facile à admettre. Celui du prochain souverain.
– Je vois, murmura sa mère, comme si elle connaissait déjà la fin de l'histoire avant même qu'il ne la raconte. Ce n'est pas une tâche simple qui t'attend.
Jungkook hocha la tête, la gorge serrée.
– C'est une tâche que j'ai acceptée, et qui est signe de mon rang, Eomeoni.
Sa mère laissa échapper un léger soupir, presque imperceptible.
– Jungkook, le destin nous met souvent sur des chemins que nous aurions préféré éviter, dit-elle doucement. Mais il sait aussi nous révéler des vérités que nous n'avions pas encore comprises.
Il la regarda, les yeux remplis d'émotions qu'il n'osait laisser éclater. Elle savait. Elle avait toujours su, même s'il n'avait jamais prononcé ces mots. Il n'en avait pas besoin.
– Cette personne a des responsabilités désormais, confia-t-il, sa voix vacillant légèrement. Et va avoir un enfant.
Sa mère resta silencieuse un moment, son visage baigné de cette tendresse douce et sage qu'elle avait toujours eu pour lui.
– Les responsabilités sont lourdes, pour chacun de nous. Ce que tu ressens... Cela ne disparaîtra pas aussi facilement. Mais tu peux toujours choisir comment vivre avec.
Elle lui prit la main, serrant doucement ses doigts.
– Tu ne m'as jamais parlé de ce que tu portes dans ton cœur, mais je n'ai pas besoin de tout savoir pour comprendre. Ce que je sais, c'est que tu es fort, Jungkook. Et que, peu importe ce qui t'attend, tu sauras faire ce qui est juste.
Jungkook baissa la tête, ému par la sagesse de ses paroles. Savoir que sa mère le supporterait et le guiderait dans n'importe lequel de ses choix le réconfortait, mais même s'il était adulte désormais, il ne pouvait ignorer les responsabilités qui l'attendaient, ailleurs.
– Je ne peux pas feindre, Eomeoni. Pas avec Yuri, avec personne. Je ne peux pas vivre une vie où je fais semblant d'aimer...
Sa mère hocha la tête doucement.
– L'amour est bien plus complexe que ce que l'on peut dire. Mais souviens-toi de ceci : même si tu dois porter un masque pour le monde, ne laisse jamais ton cœur s'étouffer sous ce masque. Tu sauras trouver un équilibre, dit-elle, le regard empli de compassion. Tu seras peut-être le garde d'un roi, mais tu resteras avant tout maître de ton propre cœur.
Jungkook restait silencieux, la main de sa mère dans la sienne. Il cherchait dans ce geste le réconfort qu'il avait toujours trouvé auprès d'elle. Ses paroles étaient pleines de sagesse, mais les doutes pesaient lourdement sur lui.
– J'ose espérer que vous avez raison, murmura-t-il, la voix chargée d'émotion. Je crains de ne pas être assez fort pour tout ce qui m'attend.
Sa mère lui adressa un sourire empreint de tendresse, son regard posé sur lui avec une bienveillance immuable.
– Tu es plus fort que tu ne le penses, Jungkook. La force ne se mesure pas à ce que tu montres au monde, mais à ce que tu portes en toi, dans ta capacité à rester fidèle à toi-même, même quand le destin te teste.
Il hocha lentement la tête, absorbant ses paroles. Mais avant qu'il ne puisse répondre, un bruit précipité résonna dans le couloir. Une servante apparut, visiblement troublée, et inclina la tête avec respect.
– Pardonnez-moi, Madame, mais la garde royale est ici.
Jungkook se redressa, les épaules tendues, pensant immédiatement que cela le concernait.
– Sont-ils ici pour moi ? demanda-t-il, le regard perçant.
La servante, hésitante, baissa les yeux.
– Je... Je ne saurais dire, maître Jungkook. Mais ils ont une missive, scellée par l'insigne royal.
Le cœur de Jungkook se serra. Une missive royale n'était jamais un bon présage. Il échangea un regard avec sa mère avant de se lever pour prendre le parchemin que la servante lui tendait. Ses mains tremblaient légèrement alors qu'il brisait le sceau.
Dépliant le parchemin, il parcourut les mots. À mesure qu'il lisait, son visage se durcissait. Il relut deux fois, comme s'il espérait que les mots changeraient sous ses yeux. Mais le message était clair et implacable.
– Que se passe-t-il, mon fils ? demanda sa mère, sentant le poids de la nouvelle qui venait de l'atteindre.
Jungkook leva les yeux, le visage blême. Les mots restaient accrochés à sa gorge, difficiles à prononcer.
– Le roi est mort.
*
Quelques heures plus tôt, Taehyung se trouvait dans la salle des Conseils.
Il était entouré de conseillers et de hauts dignitaires, et bien que travailler auprès de son propre père avait été assez perturbant au départ, il s'y était accommodé. Finalement, croiser les visages de ceux de Jimin et Jungkook était toujours beaucoup plus impressionnant, pour ne pas dire difficile, bien qu'avec le temps, Taehyung n'y avait plus prêté d'attention particulière.
Ils débattaient des affaires les plus urgentes du royaume : la gestion des provinces du sud, en proie à des tensions paysannes, et la signature d'un accord commercial délicat avec les émissaires Ming. Chaque décision pesait lourd, et Taehyung prenait soin de réfléchir à chaque mot, chaque choix qu'il faisait. Sa réputation de prince sage et réfléchi, forgée au fil des années, était essentielle à la stabilité du royaume. Sa voix, grave et posée, résonnait dans la grande salle, où les conseillers attendaient ses instructions avec respect.
– Nous ne pouvons pas nous permettre un soulèvement, dit-il en croisant les bras, les yeux fixés sur la carte étendue devant lui. Envoyez davantage de ressources à la province du Gyeongsang, et assurez-vous que les collecteurs d'impôts suivent les nouveaux décrets. La famine et l'injustice ne doivent pas gagner du terrain.
Les scribes prenaient des notes, tandis que les conseillers murmuraient leur approbation.
– Mon Prince, êtes-vous certain que cela est la bonne marche à suivre ? demanda alors le père de Jimin, toujours avec cet air dédaigneux.
Mais alors que son propre père allait répondre, celui de Jungkook, qui détenait une voix bien plus importante au conseil, éleva la voix, attirant l'attention de tous.
– Le prince est votre futur souverain. Pour l'avoir moi-même éduqué sur ces sujets, au côté de notre souverain, il est tout à fait légitime de sa part de faire des choix, que chacun de nous suivra à la lettre.
Taehyung lui lançant un rapide coup d'œil, le remerciant en hochant discrètement la tête. Son père, lui, qui n'avait jamais tenu le père de Jungkook dans son cœur, voyait d'un mauvais œil cette collaboration, mais il préféra ne rien ajouter. Après tout, son fils était à la place qu'il avait souhaité, et il espérait que bientôt, ce dernier saurait lui rendre la pareille.
Alors qu'ils s'apprêtait à aborder le sujet des émissaires Ming, un serviteur entra discrètement dans la pièce pour lui murmurer quelques mots. Taehyung hocha la tête et se leva lentement, mettant fin à la réunion.
– Nous reprendrons ce sujet plus tard.
Il quitta la salle avec sa démarche assurée, sous le regard lourd de son père. À peine avait-il franchi le seuil de ses appartements que la princesse Ha-rin apparut, rayonnante dans sa robe traditionnelle, le ventre arrondi par la grossesse. Elle s'inclina respectueusement avant de s'avancer.
– Taehyung, puis-je m'entretenir avec toi ? demanda-t-elle doucement.
Le prince hocha la tête et l'invita à le suivre dans une pièce plus intime, loin des regards des serviteurs et des espions potentiels. Une fois seuls, ils s'assirent face à face, l'atmosphère se détendant légèrement.
– Comment te sens-tu aujourd'hui ? demanda-t-il, son regard bienveillant se posant sur le ventre de son épouse et amie.
La princesse eut un sourire tendre.
– L'enfant bouge beaucoup. Je me sens bien, malgré la fatigue.
Un silence doux s'installa entre eux. Ha-rin savait que Taehyung veillait sur elle de loin, mais que leur mariage n'était pas fondé sur l'amour, et il ne prétendait pas le contraire. C'était Yoongi, l'homme qui faisait battre son cœur depuis longtemps, et Taehyung, bien qu'il fût son époux, avait rendu cet amour possible au sein des murs mêmes de la cour.
– Tu es un homme de parole, dit doucement Ha-rin en caressant son ventre. Cet enfant... Il sera comme le tien, comme tu l'as promis à Yoongi. Mais je...
Taehyung laissa échapper un léger sourire, regardant le ventre rond de la princesse. Il pensait souvent à Yoongi, son ami de toujours, à leur pacte scellé dans le secret. Il s'était juré de protéger cet amour, de couvrir cette liaison au sein même du palais, là où les apparences étaient plus importantes que la vérité. Yoongi et Ha-rin s'aimaient, et lui, s'était assuré que ce bébé qui n'était pas le sien puisse grandir en sécurité, sous son nom.
– Je tiendrai toujours ma promesse, murmura-t-il, son regard fixé sur elle. Cet enfant sera élevé avec tous les honneurs de la couronne, et je le traiterai comme mien. Yoongi peut en être sûr. Tu n'as pas à t'inquiéter, Rin, dit-il en la voyant sourire à son surnom, cet enfant sera heureux, et jamais je ne lui cacherais qui est son père. Nous en avons déjà discuté, mainte fois, pas vrai ?
Ha-rin hocha la tête avec reconnaissance, un éclat d'émotion dans ses yeux. Ils partagèrent un instant de calme, sans besoin de mots. Taehyung se leva et s'approcha de la princesse, posant une main douce sur son épaule.
– Prends soin de toi. Le palais est un lieu impitoyable, mais tu es sous ma protection. Vous l'êtes, tous les trois.
Ha-rin sourit faiblement, ne sachant que dire devant la générosité sincère de son époux. Bien que tout cela pouvait paraître fou, elle était toujours émue lorsque Taehyung se comportait ainsi. Bien que son sang ne coulerait pas dans les veines de l'enfant à naître, c'était toujours adorable de voir la façon dont Taehyung se comportait avec elle, et avec ce petit être dans son ventre, qui ne demandait qu'à être aimé.
Parfois, il lui arrivait de s'en vouloir, de ne pas pouvoir offrir ce cadeau à celui à qui elle avait promis sa main, pourtant, elle savait aussi que rien au monde n'aurait pu redonner à Taehyung son sourire d'antan. Néanmoins, la nouvelle de sa grossesse l'avait enchanté, tant, que Taehyung avait tout organisé pour qu'avec Yoongi, ils puissent se réunir et le fêter en toute discrétion.
Alors, souvent, avant de se coucher, Ha-rin priait, et demandait au ciel que Taehyung puisse retrouver ce qui lui manquait. Elle espérait que tout comme elle avec cet enfant, il puisse se sentir épanoui et sincèrement heureux, bien qu'il ne cessait de lui répéter que tout ce qui comptait, il l'avait déjà.
– A ce propos, Taehyung...
– Oui ?
– Et bien, j'ai fais une rencontre aujourd'hui, et peut-être que tu devrais...
– Une rencontre ? Oh, maintenant que j'y pense, je dois absolument revenir sur une affaire auprès du conseil ! Mais ou avais-je la tête ? demanda Taehyung pour lui-même, faisant faiblement sourire sa femme devant lui. Excuse-moi Ha-rin, tant de choses se bousculent dans ma tête ces derniers temps, je dois impérativement m'en occuper, c'était à la demande de ton père... Je t'ai coupé, dit-il soudainement, tu me parlais d'une rencontre ?
– Oui, je...
La princesse hésita un instant, se demandant si le moment était bien choisi pour parler du retour de Jungkook à son mari, mais l'ami qui se tenait devant elle avait l'air si préoccupé par ses dernières tâches qu'elle se ravisa. Elle trouverait le temps, dans la soirée, de lui en faire part, au moment où il serait prêt à l'entendre.
– Je vais rendre visite à mon père, dit-elle finalement. Il souhaitait me voir. Je ne tarderai pas.
Taehyung acquiesça, l'aida à se lever et l'accompagna à la porte, s'assurant qu'elle soit accompagnée par ses dames.
Après son départ, le prince retourna à ses affaires royales. Il reprit ses dossiers, plongeant dans les questions cruciales de gouvernance. Il savait que la situation avec les émissaires Ming devait être réglée rapidement. Les tensions avec les puissances étrangères étaient une menace permanente. Il était réfléchi, méthodique, écoutant les arguments de ses conseillers, analysant chaque détail. La posture droite, le regard fixé sur les cartes, il pesait chaque décision avec la gravité que son rang exigeait. À ses yeux, la stabilité du royaume passait avant tout.
Le temps passa. Une heure plus tard, alors qu'il venait de terminer une audience privée, des bruits précipités résonnèrent dans les couloirs. Des serviteurs et des gardes apparurent soudainement, paniqués, leurs visages marqués par la peur.
– Votre Altesse !
Taehyung se redressa immédiatement, sentant l'urgence dans l'air.
– Que se passe-t-il ? demanda-t-il, son ton autoritaire faisant taire le tumulte environnant.
Un garde, le souffle coupé, s'inclina profondément avant de s'exclamer :
– Le roi... Le roi, Votre Altesse !
Un silence glacé tomba sur la pièce.
Taehyung, bien que préparé à cette éventualité, fut frappé par la panique qui coulait à travers les mots du garde. Sans perdre une seconde, il se dirigea vers les appartements du roi.
Là, dans la chambre royale, la scène était tragique.
La princesse Ha-rin, effondrée au chevet de son père, pleurait silencieusement, son visage baigné de larmes. À ses côtés, les membres du conseil royal s'étaient rassemblés, leurs visages marqués par la gravité de la situation.
Taehyung s'avança, le cœur lourd, et posa une main réconfortante sur l'épaule de Ha-rin.
– Il est parti, murmura-t-elle entre deux sanglots, levant vers lui des yeux emplis de chagrin. Mon père...
Le silence fut brisé par l'un des conseillers les plus anciens, qui s'avança vers Taehyung avec une révérence solennelle.
– Votre Altesse, déclara-t-il d'une voix tremblante mais formelle. Le royaume ne peut rester sans gouvernance. En tant qu'héritier légitime, et d'après le dernier décret et dernière volonté de feu le roi, vous êtes désormais notre souverain. Le couronnement devra se tenir dans les plus brefs délais, avant que la nouvelle ne sème la confusion parmi le peuple.
– Gloire à la nouvelle dynastie ! s'exclamèrent alors les autres, se courbant devant leur nouveau roi.
Les mots résonnèrent lourdement dans l'esprit de Taehyung.
Le poids du monde venait de s'abattre sur ses épaules.
Il fixa le visage blafard du roi défunt, puis celui de Ha-rin, toujours en larmes. Une vague de responsabilité, d'appréhension et de certitude l'envahit.
Il n'avait plus le droit d'hésiter, ni de se laisser gagner par le doute.
Il n'était plus seulement Taehyung.
Il était devenu roi.
*
Quelques jours plus tard, le palais était en effervescence.
Les préparatifs du couronnement avaient été orchestrés avec une précision presque militaire. Le royaume entier s'était paré de ses plus sombres atours pour pleurer la mort du roi précédent. Les dignitaires et hauts fonctionnaires avaient tous convergé vers Hanyang pour assister à l'intronisation du nouvel héritier désigné.
Taehyung, quant à lui, se tenait dans une pièce privée, isolé du tumulte du palais. Il portait déjà les vêtements du couronnement, un gonryongpo noir et doré, brodé de motifs de dragons, symboles de l'autorité impériale. Le tissu épais alourdissait chacun de ses mouvements, comme une prémonition du fardeau qu'il s'apprêtait à porter. Il se regardait dans un grand miroir de bronze, mais son reflet semblait lointain. Taehyung ne pouvait s'empêcher de penser à la perte récente de son beau-père, le roi, un homme qu'il avait respecté et qu'il avait promis de protéger à travers Ha-rin.
Le palais était plongé dans un deuil encore palpable, et pourtant, la tradition exigeait que le royaume avance. Le destin de Joseon ne pouvait attendre.
Un chambellan frappa doucement à la porte, interrompant le flot de ses pensées.
– Majesté, l'heure est venue.
Taehyung hocha la tête sans dire un mot.
Il quitta la pièce et s'engagea dans le long couloir menant à la grande salle des cérémonies. De chaque côté, les gardes se tenaient droits, hallebardes dressées, les regards rivés au sol. Le son des tambours, grave et solennel, résonnait dans l'air, accompagnant les récitations des lettrés confucéens qui invoquaient la protection des ancêtres pour le règne à venir.
Lorsqu'il entra dans la grande cour, tous les regards se tournèrent vers lui. Une marée de nobles, ministres et érudits, chacun dans sa plus belle tenue, attendait en silence. Le chemin jusqu'au trône, le Geunjeongjeon, s'étendait devant lui, bordé de bannières sombres. Taehyung marchait d'un pas lent et mesuré, ses pensées s'alignant sur la gravité de l'instant.
Les murs de la salle étaient décorés de toiles somptueuses représentant des scènes de la mythologie, et des lanternes en papier illuminant l'espace d'une lueur douce et chaleureuse. Le parfum des encens flottait dans l'air, se mêlant à la tension palpable qui enveloppait la cour. À chaque pas, Taehyung pouvait sentir le poids de leur regard, comme une étreinte serrée, l'attente et l'espoir se mêlant au chagrin.
Arrivé devant le trône, il s'agenouilla. Un conseiller s'avança, portant la couronne royale sur un coussin de soie écarlate. Les tambours s'arrêtèrent brusquement, laissant place à un silence lourd de sens.
– Par la volonté des cieux et l'héritage impérial de Joseon, vous êtes désormais roi, Kim Taehyung. Puisse votre règne être guidé par la sagesse et la justice !
Taehyung inclina la tête en signe d'acceptation, et la couronne fut déposée sur ses longs cheveux noirs. Il sentait chaque mouvement, chaque détail comme si le monde entier pesait sur ses épaules. Le roi était mort, mais un autre prenait sa place.
Tel était le cercle de la vie.
Il se releva lentement, le poids du diadème palpable sur son front. La salle entière s'inclina devant lui, reconnaissant ainsi son autorité. Mais à cet instant, alors qu'il prenait officiellement la place de souverain, Taehyung sentait un mélange de responsabilité et de détachement. Il était roi, oui, mais à quel prix ?
Son regard parcourut la salle, s'attardant sur les visages familiers des nobles qui l'entouraient. Puis, parmi l'assemblée, une silhouette attira son attention.
Une présence qui détonnait, une aura familière mais inaccessible. Taehyung plissa les yeux, cherchant à distinguer la personne au milieu de la foule. Son cœur s'accéléra à mesure qu'il tentait de percer le brouhaha ambiant.
L'individu ne bougeait pas, ses traits étaient empreints de respect, mais également d'une intensité qui résonnait en lui. La silhouette se tenait droite, observant la scène avec un sérieux palpable. Chaque battement de cœur de Taehyung semblait résonner dans le vide qui s'était installé autour de lui, son esprit s'embrumait alors qu'il tentait de comprendre ce que cette présence évoquait.
Alors que le conseiller continua son discours, énonçant les préceptes de gouvernance et les vœux de prospérité, Taehyung se perdit dans ses pensées. L'écho de cette silhouette, l'odeur familière qui émanait d'elle, tout cela le ramenait à un temps révolu, à des souvenirs qu'il avait sciemment enfouis.
Ses pensées furent brusquement interrompues par la voix de l'échanson qui annonçait l'hymne royal. Tout le monde se redressa alors, le regard fixé sur lui. La salle résonnait de chants sacrés, des voix harmonieuses qui se mêlaient à la mélodie des tambours, unissant les cœurs en cette occasion solennelle. Taehyung ferma les yeux un instant, s'imprégnant de l'atmosphère et de l'émotion collective.
Il était le roi, maintenant, et jusqu'à sa mort.
Mais cette présence ne cessait de le hanter. Il se concentrait sur le couronnement, sur les attentes du royaume, mais son esprit ne pouvait s'empêcher de vagabonder vers cette silhouette mystérieuse, comme un fil invisible le reliant à un passé qu'il avait voulu oublier.
Lorsque Taehyung prit enfin sa place sur le trône, le conseiller proclama la fin de la cérémonie, mais quelque chose dans l'air changea. Le poids du monde semblait se poser sur ses épaules, une responsabilité immense qui ne cessait de croître. Le regard de l'assemblée se fit plus intense, et Taehyung comprit qu'il devait maintenant se montrer digne de ce titre.
Il devait gouverner, protéger, et faire régner l'ordre.
Un léger mouvement attira à nouveau son attention.
Et là, près de l'entrée, il la vit.
La silhouette.
Elle s'avançait maintenant, le regard plongé dans le sien, et c'est alors qu'il reconnut la profondeur des yeux de Jungkook. Le choc émotionnel de leurs retrouvailles le frappa comme une vague. Deux ans s'étaient écoulés, mais ce regard, si familier et si précieux, ravivait des souvenirs enfouis et des désirs oubliés.
Leurs yeux se croisèrent enfin, et Taehyung sentit son cœur s'emballer. Dans cette fraction de seconde, le monde autour d'eux disparut. La foule, les chants, le trône, tout s'effaçait au profit de cette connexion qui ne cessait de les unir, malgré le temps et les circonstances.
Jungkook, en tant que garde royal, était là, mais il était aussi bien plus que cela. Il était un rappel douloureux de ce qu'ils avaient été, de ce qu'ils avaient perdu. Taehyung plongea dans ce regard qui disait tant sans prononcer un mot, un océan de souvenirs.
Le poids de la couronne semblait soudain plus léger, tandis que le silence de l'assemblée ne faisait qu'accentuer cette communion silencieuse entre eux. Taehyung savait qu'il était roi maintenant, mais ce titre n'effacerait jamais ce qu'il ressentait pour lui.
La cérémonie était terminée, mais pour Taehyung et Jungkook, c'était un tout nouveau commencement, un début empli de promesses non tenues et de retrouvailles poignantes.
Il se tenait là, roi de Joseon, mais dans son cœur, il savait qu'il resterait toujours l'homme qui aimait Jungkook.
Et alors qu'ils se fixaient dans les yeux, une certitude frappante s'imposa à lui.
Peu importe le destin qui les attendait, tel le ying et le yang, leur connexion, elle, resterait indéfectible.
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