" -Woaaahh, tu sais parler!"

Alors comme ça ne il me croyait pas douée de la parole? Pourquoi? La réponse s' imposa d'elle-même : il m'avait vraissemblablement trouvée en forêt, je ne m'étais pas lavée depuis des mois, ne mangeais que des racines depuis plusieurs jours; il me croyait sauvageone.

   -Oui, je sais parler.

   -Tu t'appelles comment?

Cette question, pourtant anodine, me fit l'effet d'un électrochoc : je n'avais plus dis mon nom à quiconque depuis tant de temps que je n'étais même pas sûre d'être capable de le prononcer. Mais il n'était pas prudent pour moi de donner mon nom. C'était trop dangereux, surtout avec cette marque dont j'avais presque oublié l'existence mais qui pourtant me rappelait la réalité : j'étais une criminelle. Alors je me contentai de répondre :

  - Je ne m'en souviens plus.

Une déception non dissimulée s'immisca sur son petit visage, avant d'être chassée par un grand sourire.

  -Alors je pourrais t'en trouver un! Tu veux bien?

Pourquoi pas, après tout. C'était une bonne idée.

  - Je veux bien.
  -Hmm, alors, à partir de maintenant, tu t'appellera Mira ! Ça te va?

  Mira? Très bien, à partir de maintenant, pour lui et pour tous les autres, je serais Mira.
  -D'accord, Mira.

Il souriait, fier de lui et de sa trouvaille, et visiblement satisfait de pouvoir mettre un nom sur mon visage. Visage dont, d'ailleurs, je ne savais à quoi il ressemblait. Je ne m'étais plus vue depuis bien longtemps, et, avec le temps et les épreuves, il avait dû changer. Mes cheveux, sans doutes, avaient dû pousser. Mais je n'en avais pas conscience, je ne me souvenai même plus de la longueur qu'ils avaient avant.

  -Mira, tu veux pas prendre un bain? Parce que je ne veux pas te vexer, mais tu sens pas très bon...

Il me fallut quelques secondes pour comprendre qu'il s' adressait à moi. Mira, c'était moi. Quelques secondes supplémentaires pour assimiler sa question. Un bain? C'est fou ce que ce genre de chose me paraissait dépassé. Je me fichait bien de l'hygiène, j'avais d'autres préoccupations. Mais en avais-je encore, maintenant que ma sœur m'avait été arrachée? Non. Ma principale priorité était de la maintenir en vie. Maintenant je ne pouvais plus rien faire. J'était totalement impuissante, désemparée, et désespérément seule. Seule avec ce petit bout d'homme qui me regardait.

  -Oui, je veux bien. C'est vrai que je ne sens pas très bon.