Les trois jeunes Molièriens se trouvaient dans la cabine de Théo, le bras droit du boss, où le jeune homme observait les deux autres jouer aux échecs. Comme toujours, il n'y comprenait rien : la stratégie n'était pas son point fort et il laissait cela à Marie avec plaisir. Quand Théo la regardait jouer, quand il la regardait, tout simplement, le second ne cessait de l'admirer et se de répéter qu'elle était trop bien pour lui. A ses yeux d'amoureux transi, l'adolescente était parfaite, autant physiquement et cérébralement.
Intelligente, brillante même, Marie ne manquait jamais de le surprendre et de prouver sa supériorité : ce n'était pas pour rien qu'elle était la chef du gang de Molière.
Il n'avait pourtant pas été facile pour elle de se faire accepter, cela aurait été plus simple si elle n'était pas une fille. Pour un groupe important, au début, Théo aurait été un meilleur leader. Marie avait vite montré sa force pour mener les gens. La demoiselle savait se faire respecter et elle se trouvait être une excellente stratège. Ses décisions réfléchies n'étaient jamais faites au hasard et servaient toujours, au final, au bien de son gang. Ce n'était pas pour rien qu'elle était à présent un chef respecté, par les siens comme par les autres gangs, et craintes par les groupes étrangers.
Marie avait cette petite, infime, ride entre les yeux qui montrait qu'elle était concentrée. Le jeu était ardu contre Hugo, un très bon joueur qu'elle avait trouvé, sans pour autant le chercher, dans son gang. Sa stratégie était difficile à battre et chacun remportait à peu près le même nombre de victoire. S'il l'avait voulu, Hugo aurait pu se placer à la place de Marie, mais il préférait l'ombre, et il n'était par ailleurs pas un leader. Sa position de conseiller et adversaire aux échecs du boss lui convenait parfaitement. C'était un garçon solitaire qui aimait rester dans son coin et observer de loin. Pour lui, le monde se métamorphosait en une série télévisée et il s'amusait beaucoup à voir les réactions des personnages quand ils apprenaient ce que lui savait déjà depuis longtemps. Ils connaissaient les gens mieux que personne et aurait pu être un espion sensationnel.
Dommage que Marie respecte son choix et ne le pousse pas à faire plus que ce qu'il faisait déjà. Mais la chef des Molièriens n'obligeait personne, c'était une de ses qualités qui lui avait fait gagner la confiance des Molières. A présent, elle n'avait qu'à dire pour qu'ils fassent, ils ne posaient plus de questions et ne contestaient plus ses ordres.
« Echec et Maths ! »
Théo sortit de ses pensées pour découvrir la victoire de sa bien-aimée. Ce jour-là, Marie battait Hugo à plate couture, ce dernier ne devait pas être dans son assiette, ou tout simplement que la chef Molière était trop douée pour lui.
Théo reporta son regard sur le plateau de jeu. Il y avait un certain nombre de pièce sur le damier, des noires comme des blanches, et de nombreux pions noirs entouraient une pièce blanche qui était sans doute le roi. Pourtant il restait des pièces blanches pour défendre ce souverain... Théo n'y comprenait décidemment rien, la stratégie n'était pas son point fort. Il ne comprenait pas pourquoi Hugo ne pouvait pas utiliser ses pions pour se sauver. Quel jeu compliqué !
« Nous ferions mieux d'arrêter pour aujourd'hui, commença Marie, nous jouerons de nouveau quand tu iras mieux.
-Demain nous pourrons reprendre des parties normales, tu ne seras plus la seule à remporter la victoire », sourit Hugo en souriant.
Théo regarda enfin attentivement l'adolescent. Son nez commençait à couler, l'obligeant à attraper un mouchoir.
« Dommage qu'il n'y ait plus autant de médicament qu'avant, se lamenta le malade. Et dommage qu'ils soient réservés aux grosses maladies. Un peu de paracétamol serait parfait pour ma migraine.
-Si tu utilisais ces médocs maintenant, tu serais bien embêté quand quelqu'un qui en aurait vraiment besoin ne pourrait pas en profiter parce que tu as tout pris pour un petit rhume, s'amusa Théo.
-Mais si tu ne prends pas un peu plus soin de toi, ce ne sera plus un petit rhume mais un gros. Peut-être devrais-tu demander une gélule, cela ne pourra qu'aller mieux après. Et n'oublie pas de prendre l'air, le sel est parfait pour déboucher le nez.
-Oui madame ! Je ferais attention ! rigola Hugo. Et je ferais aussi attention à ce qui se passe autour de moi ; je suppose que c'est principalement ce qui t'intéresse, Marie. »
La leader du gang de Molière sourit, une lueur amusée dans les yeux :
« Parce que tu serais prêt à me dire toutes tes observations ?
-Bien sûr que non ! Je ne suis pas ton espion et ne serais l'espion de personne. Mais il est possible que je trouve certains points trop importants pour ne pas être dis. Savais-tu d'ailleurs que Cloé a rencontré Aelig Eartheye il y a quelques jours ? Elle a l'air de plutôt bien apprécier le chef ennemi, tu devrais faire attention. »
Théo haussa un sourcil. Il avait en effet entendu parler de cette rencontre par le petit Mathéo et personne n'était dupe quant aux sentiments de la naïve jeune fille, mais que voulait dire Hugo par faire attention ? Cloé et Aelig étaient-ils en train de se rapprocher ? Le shakespearien comptait-il l'utiliser ?
« Moui... attendre plus longtemps serait prendre trop de risque, il est temps de mettre à profit cet amour. Ce cher Aelig ne semble pas ressentir la même chose, il est temps que cela change. Mais ce terme d'ennemi... il ne me plait pas... »
Théo et Hugo, surpris, froncèrent les sourcils.
« Ils le sont pourtant, s'exclama le premier. Les différents gangs s'opposent les uns les autres et ceux qui sont contre nous sont des ennemis.
-Peut-être suis-je trop idéaliste alors, soupira Marie. Mais la Petite Marie est un exemple parfait de ce que cette arche, les adultes, tente de faire. Les enfants, nous, nous sommes censés être le symbole du changement et pourtant nous nous battons en souvenir d'un ancien temps. Nous ne valons pas mieux que les Longevernes et les Velrans.
-Et comme dans La Guerre des boutons, notre guerre n'est là que pour nous amuser. C'est un jeu, comme les échecs auxquels vous jouez mais en plus grand. Si tu préfères, on peut utiliser le mot adversaire. Ils n'en restent pas moins des ennemis, même si ce n'est qu'une guerre d'enfants. Et puis, sans notre guerre de gangs, on s'ennuierait beaucoup.
-Certes, mais Marie a raison d'être idéaliste : si l'on ne change pas maintenant, on ne changera jamais. Il vaudrait mieux faire en sorte que tout le monde puisse s'entendre avant de continuer de jouer, sinon cela risque d'empirer et je n'ose imaginer ce qu'il restera de ce jeu quand nous serons des adultes.
-Et tu as une petite idée pour ces réconciliations, Marie ? Tu parlais de Cloé et de la Petite Marie.
-Oui, mais ce ne sont pas les seules. William pourrait être utile aussi, comme ce gosse acteur qui refuse d'entrer dans un gang. Dommage que je ne connaisse pas assez les enfants des autres gangs pour savoir de qui nous pourrions nous servir. »
Ne voyant pas de rapport apparent, Théo commença à réfléchir. Il atteignait toujours à des conclusions rapidement et il ne lui fallut que quelques secondes de reflexion cette fois-ci.
Marie avait parlé de Petite Marie comme d'un exemple, un but à atteindre, puis elle avait abordé le cas de Cloé, et maintenant de William, tout ceci pour imager sa vision du futur des gangs. Petite Marie était la sœur d'Aelig Eartheye, âgée de moins de cinq ans, première enfant de l'Arche, la fillette vagabondait de gang en gang, faisant partie des Shakespeariens autant que des Molièriens, des Cervantèsiens ou des Goethiens. Du fait de sa parenté avec le chef des Shakespeares, elle pouvait se révéler utile pour espionner, sans même s'en rendre compte elle-même, son frère. Cloé était une Molière, une pure, mais du fait de son don pour l'anglais, servait souvent d'interprète avec les Shakespeares. Elle était aussi amoureuse du chef anglais et Marie avait dit qu'elle comptait utiliser ce point. Quand à William, son père était anglais et sa mère française, et s'il avait vécu en France une bonne partie de sa vie, le faisant entrer dans le clan de Molière, le garçon hésitait encore et les anglophones essayaient souvent de le recruter. Enfin, le gosse acteur ne faisait partie d'aucun gang et tous tentaient de le récupérer. Le lien était évident : chacun avait une entrée dans plusieurs gangs.
« Tu veux faire disparaitre les différentes cultures ? demanda Théo.
-Non, je veux les faire partager.
-Mais si toutes les langues disparaissaient au profit du français comme le veulent les adultes, ne serait-ce pas la disparition d'une partie de la culture ?
-Il y a une différence entre langue officielle et dialecte, rétorqua Hugo.
-Non, Théo a raison, nous avons différentes cultures et il vaudrait mieux chérir ces différences. C'est pour défendre nos cultures, nos langues, que les gangs sont apparus après tout. Cela ne devrait pourtant pas nous empêcher de nous comprendre, d'être amis, d'être unis.
-Mais si tout le monde était amis et s'entendait bien, il n'y aurait plus d'histoire et l'on s'ennuierait », réfléchit Hugo.
La chef et son petit copain échangèrent un regard, tout sourire, avant d'exploser de rire : Hugo était trop attaché à sa série grandeur nature, à son Games of Thrones réel, pour le laisser tomber.
« N'empêche que la mondialisation, le partage des connaissances comme des cultures et du matériel, ne devrait pas nous faire perdre notre propre culture », réussit à dire Marie après plusieurs minutes à rigoler avec les deux autres.
Tout le monde s'était calmé à présent et leur conversation pouvait reprendre, sans pour autant que les sourires disparaissent.
« Mais ne perdons-nous pas un peu notre culture au profit des autres avec la mondialisation ? Avant la catastrophe par exemple, les mangas français se faisaient de plus en plus nombreux. Ne pourrions-nous pas alors dire qu'une nouvelle forme de culture prenait place ? s'exprima Théo. A force de mélanger les cultures, celles-ci se perdent à jamais. Comme les mythologie grecs, romaines ou nordiques, pour n'en prendre que quelques-unes au hasard. »
Personne ne savait trop quoi penser de cette histoire et chacun se créait sa propre opinion au fur et à mesure de la discussion. Hugo semblait le plus partagé et tandis que les deux amoureux argumentaient, lui réfléchissait à tout ceci, écoutant chaque temps de parole attentivement.
« Ces nouveautés dans nos cultures ne sont-elles justement pas un symbole du changement ? Depuis 2012, rien n'est plus pareil : pourquoi devrions-nous garder toutes ces différences ? demanda Marie.
-Parce qu'elles nous définissent.
-Cependant nous ne sommes plus les mêmes qu'avant le déluge, pourquoi devrions-nous avoir les mêmes définitions ? »
Théo se tut, incapable de répondre à la question. Il se tourna vers Hugo en cherche d'aide mais le garçon fronçait les sourcils, en pleine réflexion : il ne semblait pas prêt à argumenter en faveur du second du clan Molière.
Théo retourna cette interrogation de Marie encore et encore dans sa tête et plus il se la posait et plus il commençait à douter. Devait-il en effet continuer à défendre le passé alors que tout changeait autour d'eux ? L'Arche les entrainait vers une terre nouvelle, vers le futur. Ne devaient-ils pas accepter ce renouveau ?
« Parce que nous ne sommes pasprêts », fut la réponse du jeune homme. C'était l'unique raison à cetteguerre de gangs d'enfants, l'unique raison de se battre, de s'aimer ou de sedétester, de se haïr.ws.c:8R
Je suis longue entre chaque chapitre, je m'en excuse, j'espère que mes écrits sont de qualités pour rattraper ça ^^ Ce chapitre, divisée comme le premier en deux partie parce que je n'aime pas les segments trop long, a pour vocation de présenter les Molièriens et notamment Marie. Les avez-vous apprécié ? Trouvez-vous leurs réflexions intéressantes ? J'avoue avoir une peu peur du retour qu'il pourrait y avoir, il ne se passe pas grand chose dans ce chapitre et c'est surtout une description des personnages et de leurs pensées. Et vous, si vous aviez été dans la conversation, qu'auriez vous répondu ?
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