Le programme de la journée se déroula sans accroc, entre visites des jardins, promenades autour du lac et quelques jeux de société organisés par tante Gabrielle. L'atmosphère, bien que toujours empreinte de formalités, semblait se détendre peu à peu. Damien et moi avions pris l'habitude d'échanger quelques sourires et gestes tendres en privé, mais nous essayions de rester attentifs à la dynamique familiale.

Vers la fin de l'après-midi, nous nous retrouvâmes dans le jardin, où une petite fête était organisée en l'honneur de la famille. Des guirlandes lumineuses et des lanternes créaient une ambiance romantique tandis que les invités se mêlaient autour d'une table de buffet garnie de délices.

Alors que les convives se divertissaient, je me retrouvai face à Damien, qui semblait plus détendu que lors de nos précédentes interactions. Nous échangions des regards complices et plaisantions sur la journée. L'air était empreint de légèreté et de chaleur, et le décor enchanteur semblait créer un espace idéal pour se rapprocher.

À un moment donné, le regard de Damien devint plus intense. Il me regarda dans les yeux avec une profondeur que je n'avais pas vue auparavant. Je sentis une chaleur monter en moi alors qu'il s'approchait lentement. La musique de fond, les rires des invités et l'éclat des lanternes créaient une atmosphère presque féerique.

Sans prévenir, Damien m'attira doucement vers lui et, sous les yeux surpris des invités, il posa ses lèvres sur les miennes. Le baiser, d'abord hésitant, devint rapidement plus passionné. Je sentis mon cœur battre à la chamade, le baiser nous enveloppant dans un cocon d'émotions intenses.

Je fus d'abord prise de surprise, mes pensées se bousculant alors que la sensation de ses lèvres contre les miennes me submergeait. Le monde sembla se rétrécir à ce moment précis, les murmures des invités et les éclats de rire se dissipant dans un écho lointain.

Lorsque nous nous détachâmes enfin, Damien me regarda avec un sourire qui mêlait fierté et affection. Je me sentis rougir, prise dans une vague de sentiments contradictoires. Les regards curieux des convives se posaient sur nous, certains admiratifs, d'autres incrédules.

— Qu'est-ce que tu fais, Damien ? murmurais-je, encore sous l'effet du baiser et du regard de tout le monde.

Damien murmura à mon oreille, sa voix basse et réconfortante :

— Je joue mon rôle. C'est déjà compliqué d'être ici, et maintenant que tout le monde suspecte quelque chose à cause de Stevens, je me devais d'agir ainsi.

Il se détacha doucement, retourna à sa place et reprit son sourire affectueux, maintenant parfaitement ancré dans son rôle de fiancé. Il semblait que depuis le début des activités, chaque sourire et geste tendre de sa part faisaient partie intégrante de sa prestation. Cette révélation me fit prendre conscience que son comportement n'était pas uniquement une question de sentiments personnels, mais aussi de devoir et de stratégie.

Je pris une profonde inspiration, me rendant compte que je devais désormais me ressaisir. Damien avait joué son rôle à la perfection, et il était crucial que je fasse de même pour que notre façade tienne. L'ambiance avait changé, et je devais maintenant assurer mon rôle avec toute la compétence requise.

Je fis de mon mieux pour ajuster mon comportement, gardant à l'esprit les attentes que l'on pouvait avoir de moi en tant que fiancée. Mon sourire devint plus assuré, et je m'efforçai de participer activement aux conversations, tout en restant attentive à ne pas laisser transparaître mon anxiété.

Au fur et à mesure que la soirée avançait, je me rendis compte que cette mascarade nécessitait plus de finesse que prévu. Damien semblait pleinement absorbé dans son rôle, et je savais que je devais faire preuve de la même détermination pour maintenir notre couverture.

Les activités se terminèrent sur une note positive, l'ambiance se détendit considérablement sans la présence pesante du père de Damien. Le fait de ne pas avoir à supporter ses regards glaçants pendant les jeux et les discussions rendit la soirée bien plus agréable. Les convives semblaient détendus, profitant pleinement de la fin de la journée.

En disant bonne nuit à tout le monde, nous commencions à marcher vers notre chambre. La soirée avait été bien remplie et, malgré les circonstances, j'avais réussi à maintenir la façade nécessaire. Toutefois, alors que nous avancions dans le couloir, mes pensées se tournèrent soudainement vers le baiser partagé plus tôt.

Je ne pouvais m'empêcher de repenser à ce moment. Le baiser avait été inattendu et chargé d'émotions, et il m'avait laissée confuse mais aussi troublée. Chaque fois que je fermais les yeux, je revivais la sensation de ses lèvres contre les miennes, la chaleur de ses bras autour de moi. C'était un souvenir puissant, et je ne savais pas encore comment l'interpréter dans le contexte de notre relation arrangée.

Je jetai un coup d'œil discret vers Damien, me demandant si lui aussi pensait à ce moment. Il semblait détendu, marchant à mes côtés avec une facilité apparente, mais je savais que sous cette apparence calme se cachaient sans doute des pensées complexes.

Nous atteignîmes enfin notre chambre. Damien ouvrit la porte, et je me retrouvai face à une pièce aussi élégante et confortable que la première fois. Le silence qui régna à l'intérieur contrastait fortement avec le brouhaha de la soirée.

Je me dirigeai vers le lit, posant délicatement ma veste sur une chaise. Les souvenirs du baiser continuaient de m'assaillir, et je me demandai comment cette expérience influencerait notre relation à l'avenir.

Damien se dirigea vers la salle de bain, m'annonçant calmement qu'il allait prendre une douche. Je hochai simplement la tête, essayant de cacher le tourbillon d'émotions qui m'agitait encore. Lorsqu'il disparut derrière la porte, je m'allongeai sur le lit, jetant ma tête en arrière. Un soupir profond s'échappa de mes lèvres alors que je fermais les yeux, cherchant un moment de répit.

Le calme fut rapidement interrompu par un coup sec à la porte. Je me redressai, surprise, puis me levai pour ouvrir. Lorsque la porte s'ouvrit, je découvris Stevens, planté devant moi, son regard toujours aussi dur et glacial.

Je fronçai légèrement les sourcils, tentant de deviner ce qu'il pouvait bien vouloir.

— Si c'est pour voir ton frère, il est sous la douche, dis-je en essayant de maintenir un ton neutre, malgré la tension que sa présence provoquait en moi.

Stevens ne sembla pas impressionné par ma réponse. Son expression resta froide et impassible, comme s'il évaluait chaque mot que je prononçais. Après un court silence, il prit la parole, sa voix aussi tranchante que son regard.

— Dis-lui que notre père veut le voir, ordonna-t-il d'un ton qui ne laissait aucune place à la discussion.

Je sentis un frisson me parcourir à la froideur de son ordre. Ce regard glaçant qu'il me lançait, le même qui m'avait mise mal à l'aise durant la journée, ne fit que renforcer mon malaise. Je savais que quelque chose de grave se tramait entre Damien et son père, et la manière dont Stevens me fixait me donnait l'impression d'être un pion dans un jeu dont je ne connaissais pas encore les règles.

— D'accord, répondis-je finalement, essayant de garder mon calme.

Stevens me lança un dernier regard, plein de sous-entendus que je ne parvenais pas à déchiffrer, puis se retourna pour partir. La porte se referma derrière lui, me laissant seule avec mes pensées et le son de l'eau qui continuait de couler dans la salle de bain.

Je restai un instant figée sur place, réfléchissant à la meilleure manière de transmettre le message à Damien sans l'alarmer. Finalement, je me dirigeai vers la salle de bain, frappant légèrement à la porte.

— Damien ? Stevens vient de passer, il m'a dit que ton père voulait te voir, dis-je, la voix un peu hésitante, consciente que cette simple phrase pourrait déclencher une suite d'événements imprévisibles.

Je toque à nouveau à la porte, mais aucune réponse ne vient. Une légère inquiétude commence à s'insinuer en moi. Je frappe encore une fois, cette fois plus fort, mais le silence persiste, brisé seulement par le bruit continu de l'eau qui coule.

Hésitante, je décide d'ouvrir doucement la porte. Mon cœur bat la chamade à l'idée de le déranger, mais je ne peux m'empêcher de m'inquiéter. La scène qui se déroule sous mes yeux me coupe le souffle. Damien est sous la douche, sa tête penchée en avant, les gouttes d'eau glissant sur son corps comme des perles scintillantes.

Je me fige, mes yeux involontairement attirés par chaque détail de son corps. L'eau trace des chemins sur sa peau, soulignant chaque muscle parfaitement sculpté, chaque ligne de son dos large et puissant. Mon regard descend plus bas, malgré moi, et s'attarde sur la courbe de ses fesses fermes. Une vague de chaleur m'envahit et je sens mes joues s'empourprer. J'ai déjà vu des hommes nus, bien sûr, mais rien n'aurait pu me préparer à cette vision. C'est différent, terriblement différent avec Damien.

Soudain, je sens un changement dans l'atmosphère. Comme si quelque chose s'était déplacé dans l'air. Instinctivement, je lève les yeux, et mes pensées se figent. Damien me regarde, ses yeux noisette ancrés dans les miens. Leur profondeur est saisissante, comme un puits où l'on pourrait se perdre sans espoir de retour.

Le temps semble s'arrêter. Mon souffle se coince dans ma gorge alors que je réalise que je suis en train de le fixer, et que lui aussi, me regarde fixement. Une étincelle de surprise brille dans ses yeux, mêlée à quelque chose d'autre, quelque chose que je ne parviens pas à déchiffrer.

Je déglutis difficilement, tentant de reprendre mes esprits, mais mes pensées sont un chaos indescriptible. Je devrais dire quelque chose, m'excuser peut-être, mais aucun mot ne semble capable de franchir mes lèvres. Mon cœur bat si fort que je crains qu'il puisse l'entendre malgré le bruit de l'eau.

Finalement, c'est Damien qui rompt le silence. Sa voix, basse et un peu rauque, résonne dans la pièce, me tirant brusquement de mon état de stupéfaction.

— Est-ce que tout va bien ? demande-t-il calmement, mais avec une lueur d'amusement dans ses yeux.

Je cligne des yeux, essayant de remettre de l'ordre dans mes pensées.

— Je... Stevens est passé, balbutiai-je, ma voix à peine plus qu'un murmure. Il... il a dit que ton père voulait te voir.

Damien continue de me regarder, un sourire en coin étirant ses lèvres. Mon embarras grandit, et je me rends compte que je dois absolument sortir de cette pièce avant de me consumer de honte.

Je me retourne brusquement, fermant la porte derrière moi, mon cœur battant à tout rompre. Une fois hors de la salle de bain, je m'appuie contre le mur, essayant de calmer ma respiration.

Jamais je n'aurais cru que me retrouver dans une situation aussi banale que de transmettre un message pourrait me faire sentir aussi désorientée. Mais avec Damien, rien n'est jamais vraiment ordinaire.

Qu'est-ce qui m'avait pris ? Mon esprit tourbillonne, embrouillé par un mélange de confusion, de honte et d'une autre émotion plus difficile à définir. Mon cœur bat encore à un rythme effréné, et je m'efforce de retrouver mon calme. Pourquoi n'ai-je pas simplement attendu qu'il sorte de la douche ? Pourquoi ai-je cédé à cette impulsion de vérifier ce qui se passait ?

Je passe une main tremblante sur mon visage, tentant de me ressaisir. Ce n'était qu'une situation banale, un simple malentendu... Mais alors pourquoi est-ce que j'ai l'impression que quelque chose d'invisible a changé entre nous, que j'ai franchi une limite invisible ?

Damien va sortir de la salle de bain d'une minute à l'autre. Que vais-je lui dire ? Comment vais-je réagir ? Mon esprit essaie frénétiquement de trouver une réponse, un moyen de désamorcer cette situation étrange sans ajouter davantage de malaise.

La porte de la salle de bain s'ouvre soudainement, et mon souffle se coupe. Damien en sort, une serviette nouée autour de sa taille, ses cheveux encore humides et ébouriffés. Ses yeux croisent les miens, et pendant une fraction de seconde, le temps semble à nouveau se suspendre.

Il avance vers moi, son expression indéchiffrable, puis il s'arrête à quelques pas, me regardant avec une intensité qui me fait frissonner. Le silence s'étire, lourd de tout ce qui n'a pas été dit.

— Tu sembles agitée, Elena, dit-il doucement, sa voix étrangement apaisante malgré la tension qui persiste entre nous.

Je secoue la tête, tentant de chasser les images qui continuent de me hanter, mais c'est inutile. Ses mots résonnent en moi, amplifiant ma nervosité.

— Je... je suis désolée, Damien. J'ai frappé à la porte, mais tu ne répondais pas, alors... j'ai pensé que quelque chose n'allait pas, et...

Je m'interromps, incapable de continuer. Mes excuses semblent dérisoires face à ce que je ressens réellement. Damien m'observe un moment, puis un léger sourire apparaît sur ses lèvres.

— Il n'y a rien à excuser, murmure-t-il, son regard se faisant plus doux. Tu t'inquiétais pour rien.

Je hoche la tête, mais l'inquiétude n'était pas vraiment ce qui m'avait poussé à entrer. C'était autre chose, quelque chose que je n'ose pas admettre.

— Je vais m'habiller, lance-t-il en se détournant, brisant enfin le contact visuel.

Je m'écarte, lui laissant de l'espace pour passer. Mon esprit est toujours embrouillé alors que je m'efforce de me concentrer sur ce qui va suivre. Damien doit encore aller voir son père, et cette idée me ramène brutalement à la réalité.

Je me laisse tomber sur le lit, regardant fixement le plafond. Qu'est-ce qui m'a pris, vraiment ? Il faut que je me ressaisisse, que je me rappelle pourquoi je suis ici. Damien joue son rôle à la perfection, et il est temps que je fasse de même, sans me laisser distraire par des émotions que je ne comprends pas.

Je prends une profonde inspiration, déterminée à ne pas laisser cet incident me perturber plus longtemps. Nous avons encore un rôle à jouer, et il n'est pas question que je laisse mes sentiments embrouiller ce qui est censé être une simple mascarade.