Partie 3
La semaine s'annonçait décidément plus mouvementée que prévu pour Alister, client malgré lui au Grand Hôtel. Mais ce n'étais pas forcément dans le mauvais sens du terme. Depuis quelques jours maintenant, il s'employait à désarmer aussi efficacement que possible un certain rouquin du nom de Spirou, groom quelque peu atypique du palace.
La veille encore, ils s'étaient croisés dans l'ascenseur, et avaient pu échanger quelques mots avant de se séparer à nouveau.
Ce que le jeune homme ne s'avouerait sans doute jamais, c'est qu'en voyant le roux dans la cabine, il avait éprouvé un bref sentiment d'euphorie. En effet, après leur première rencontre, il avait commencé à trouver le temps long, et s'était mis à penser que le garçon était définitivement parti.
L'épisode de l'ascenseur lui avait prouvé le contraire, et il avait décidé d'accepter que leurs rencontres se déroulent sous le signe du plus total des hasards. Néanmoins, il n'étais pas mécontent de ce fait : les imprévus et les coups du sorts semblaient désarçonner le rouquin, ce qui lui faciliterai certainement la tâche.
Il refis le résumé des évènements dans sa tête une énième fois, tout en marchant vers sa chambre. Le fait qu'il soit parvenu à garder son calme depuis l'incident du début de la semaine le satisfaisait. S'il continuait sur cette voie, il pourrait sans doute conclure cette affaire avant la fin de son séjour, et une affaire réglée était toujours source de satisfaction, n'est-ce pas ?
Il entendit soudainement une voix familière juste derrière-lui crier son prénom, et se retourna juste à temps pour assister à la chute rocambolesque du jeune groom et du plateau en argent qu'il tenait.
Alister retint un pouffement de rire.
Depuis l'épisode de la veille, Spirou avait déduit que son étrange interlocuteur séjournait au dernier étage du Grand Hôtel. Il espérais donc le croiser tandis qu'il remontais le couloir vers la chambre d'un couple de clients à qui il devait apporter un plateau-repas.
Lors de leur dernière rencontre, le jeune homme l'avait désarçonné avec un simple compliment flatteur. Mais le rouquin avait pris la décision de contre-attaquer, et il comptais bien cesser de se laisser prendre au dépourvu.
C'est alors qu'il réfléchissait à cela qu'une mèche blonde entra dans son champ de vision et le dépassa. Arraché soudainement au fil de ses pensées, il se retourna d'un geste brusque, et cria :
« Alister ! »
L'instant d'après, il sentit ses pieds s'emmêler et chuta presque instantanément vers le sol, atterrissant pesamment sur le dos. Le plateau qu'il transportait semblait avoir subi des dégâts bien plus importants que lui : son contenu s'était éparpillé sur toute la longueur du couloir, tout ce qui avait pu être comestible quelques instants plus tôt était à présent bon pour la poubelle, et le sol aurait besoin d'un bon coup de serpillière pour espérer faire disparaître toute trace du liquide qui s'était répandu sur le tapis.
« Est-ce que tout va bien ? » lui demanda Alister d'une voix mi-inquiète, mi-amusée.
Le rouquin songea à lui répondre que non, son patron allait certainement le renvoyer, voir même le tuer ; qu'il devrait certainement rembourser le prix du plateau et de tout son contenu, que le tapis était peut-être foutu, et que dans ce cas, il devrait sûrement le payer aussi.
C'est ce qu'il s'apprêtait à faire, avant de se souvenir qu'il avait déjà suffisamment raté son entrée comme ça.
Alister n'avait pu retenir la petite pointe d'amusement de percer dans son ton. Cela ne l'empêchait pas d'être sincèrement inquiet pour le jeune homme qui se trouvait toujours assis par terre au milieu des restes du plateau qu'il transportait. Imaginer qu'il puisse s'être fait mal, qui plus est par sa faute, le mettait dans un état de panique la plus totale.
« N-... Oui ! » assura Spirou.
Mais le garçon voyait bien à son regard et à son intonation qu'il était complètement affolé, regardant de tous les côtés les débris de son fardeau répandus sur le tapis.
Au moins il ne semblait pas blessé, pensa Alister.
Il se pencha à hauteur du groom qui s'était assis sur ses genoux pour tenter de rassembler tout ce qui pouvait l'être sur le plateau heureusement toujours entier. Alister attrapa quelques morceaux de ce qui avait dû être une assiette, tout en lui assurant :
« Laissez-moi vous aider. On direz que vous venez de tomber né-à-né avec un monstre.
- Mon supérieur risque effectivement de se changer en monstre quand il verra les dégâts. se lamenta le roux.
- Ne dites pas ça. tenta le jeune homme d'un ton rassurant. Je suis sûr qu'il sera indulgent. Quel genre d'homme pourrait mettre à la porte une personne aussi charmante que vous ? »
Il constata en relevant la tête vers son interlocuteur que le compliment j'avais pas fait mouche. Ou en tout cas, il ne le montrait pas. Au contraire, il arborait à présent une expression grave, tout en s'activant toujours pour ramasser les moreaux du désastre.
« Laissez ça. soupira Alister. Je vais finir de tout rassembler.
- Non, vous n'allez certainement pas faire ça. répondit le rouquin d'un ton préoccupé. Retournez dans votre chambre. Je vais m'en occuper.
- C'est en partie ma faute si votre plateau est tombé. renchéri le jeune homme. Ne comptez pas sur moi pour vous abandonner tout seul au milieu de ce couloir. Maintenant, lâchez ça et allez chercher de quoi sauver ce tapis. »
Spirou leva la tête vers le garçon qui se tenait accroupi en face de lui. Celui-ci lui renvoyait un regard insistant : il ne lâcherait pas l'affaire. Le jeune groom soupira, et lança sans quitter son interlocuteur des yeux :
« Vous êtes vraiment quelqu'un de spécial, vous savez ? »
Après quoi il se releva, apercevant à peine les joues d'Alister se teinter doucement de rose, et s'éloigna dans le couloir à la recherche du matériel nécessaire.
« D-d-dans quel sens ? » cria le jeune homme dans son dos d'une voix mal-assurée.
Le groom ne pris pas la peine de répondre. Il se satisfaisait d'avoir réussi à désarçonner le garçon, et savait que le laisser dans l'ignorance serait la meilleure façon de l'embarrasser.
« Spirou ! appela encore le jeune homme. Dans quel sens ?
- Vous avez intérêt à ce que tout ai été ramassé avant mon retour ! » lui lança-t-il pour toute réponse.
Sans même le voir, le silence qui suivit prouva au rouquin que son interlocuteur se trouvait tout à fait déboussolé. Cette idée fit percer un léger sourire sur ses lèvres. Après tout, chacun son tour, n'est-ce pas ?
Tandis qu'il ramassait les débris de l'accident, Alister sentait ses joues se réchauffer, au rythme de leur rougissement de plus en plus visible. Ce n'était pas le seul symptôme de son incompréhension : il sentait son cœur s'affoler dans sa poitrine, et pour une raison qu'il ne saisissait pas, des larmes lui montèrent aux yeux.
Ce n'était pas des larmes de tristesse, comprit-il. Il s'agissait là de colère. Une colère douce contre cet idiot de groom, qui non seulement se permettait de rester indifférent face à ses compliments, mais le mettait dans un embarras sans nom. Comment ce rouquin pouvait-il oser se comporter de la sorte ? Et comment diable Alister parvenait-il à le supporter ?
Il tenta de reprendre sa respiration, toujours à genoux sur le sol, à récupérer les morceaux éparpillés, preuves incontestables que ce garçon était un parfait idiot. Mais les larmes percèrent ses paupières et roulèrent rageusement sur ses joues. Alister tenta d'arrêter leur progression d'un coup de manche, mais malheureusement pour lui, elles semblaient déterminées à tracer un sillon humide sur son visage.
Loin de se douter de toute la rage qu'il évoquait à cet instant dans l'esprit de son « complice », Spirou revenait calmement vers le lieu de l'incident, le matériel du personnel d'entretien en main. Il avait trouvé un local non loin de là, et avait usé de son agilité pour les dérober temporairement, et revenir en toute discrétion dans le couloir où, il l'espérait, Alister avait fini de rassembler les dégâts engendrés par sa chute.
Tournant à la dernière intersection, il aperçut le jeune homme au bout du couloir, qui finissait tout juste de ranger les débris sur le plateau. Celui-ci passait inlassablement le dos de sa main sur ces joues, et le rouquin compris qu'il pleurait.
Cette découverte le pétrifia sur place, et son cœur s'emballa à l'idée d'avoir pu causer une telle réaction chez le jeune homme. Il n'avait tout de même pas pris sa remarque pour une insulte, n'est-ce pas ? Il ne pouvait pas être blessé à ce point !
Alister leva la tête et le garçon vit ses yeux rougis se teinter d'une lueur de panique. Il la baissa presque immédiatement et s'efforça d'effacer les traces humides sur ses joues du mieux qu'il pouvait. Le jeune groom s'approcha doucement de lui, lâcha son fardeau et se mis à sa hauteur, tentant d'attraper une des manches qu'il continuait de passer frénétiquement sur son visage.
« A-Alister... » tenta-t-il en se saisissant d'un de ses poignets. « Je suis sincèrement désolé si je vous ai fait du mal. Ce n'était pas du tout mon intention ! Je ne voulais pas... »
Spirou chercha ses mots, incapable de formuler une phrase claire tant son esprit semblait embrouillé.
« Je ne voulais pas... »
Le jeune homme en face de lui planta son regard dans le sien, et le rouquin y décela une colère sourde. Cette révélation ne fit que confirmer ce qu'il savait déjà : il pourrait faire n'importe quoi pour que le garçon lui pardonne ce blasphème.
C'est avec cette conviction qu'il passa ses bras dans le dos d'Alister et l'attira doucement à lui. Calant sa tête par-dessus l'épaule du jeune homme, il le serra aussi doucement que possible, par peur de le blesser une seconde fois.
« J'espère que vous pourrez me pardonner un jour pour avoir commis une faute si terrible. Sachez que je m'en veut atrocement. » lui murmura-t-il d'une voix qu'il espérait réconfortante.
Les paumes du garçon se posèrent dans le creux de son dos, et il dû faire tous les efforts du monde pour ne pas frémir à leur contact, espérant que celui-ci ne pourrait voir ses joues rougir follement.
« Vous êtes le pire des idiots que je n'ai jamais vu. lui dit-il d'une voix plaintive.
- Je veux bien vous croire sur ce point. »
Le groom attendit que son visage ai repris une couleur normale, avant de saisir Alister par les épaules pour l'éloigner de lui. Puis, le regardant droit dans les yeux, il affirma d'un ton doux :
« Vous devez être fatigué : toutes ces péripéties ont été exténuantes. Retournez à votre chambre, je vais finir de nettoyer ce désordre. Il ne me reste pratiquement plus rien à faire, et vous m'avez déjà beaucoup aidé. »
Le jeune homme acquiesça et se releva silencieusement. Spirou en fit de même et le regarda s'éloigner. Quelque chose lui traversa soudainement l'esprit, et il compris que même si cela lui déchirait le cœur, le garçon à la mèche blonde ne voudrait sans doute plus le revoir.
« Alister ? »
L'intéressé se retourna et observa le visage inquiet du rouquin.
« Je comprendrai si vous... ne vouliez plus me parler. »
Le jeune homme trouva cette remarque tout à fait insensée : il voulait déjà le retrouver, et aurait largement préféré rester dans ses bras, plutôt que de rentrer dans sa petite suite froide et vide.
Mais il s'était déjà mis dans une situation suffisamment embarrassante pour aujourd'hui, et il préférait éviter toute autre source d'émotions fortes, du moins pour le moment. Il lui adressa, à la place, un faible sourire ; avant de repartir vers sa chambre, laissant le groom planté au milieu du couloir, dans le silence le plus total.
💙💙💙
Avouez que vous étiez pas prêt.e.s. Avouez-le.
Bon pendant ce temps, je galère toujours à finir la partie 7. Mais elle avance, rassurez vous. Et on a aussi continué de développer notre seconde fanfiction, avec mon dessinateur, co-auteur, et bêta-lecteur (et oui, ça fait beaucoup).
Question du jour : est-ce que ça vous ai déjà arrivé de vous sentir impliqué.e.s dans les histoires que vous lisez sur Wattpad, genre au point d'avoir des réactions clairement démesurées ?
Dites-moi tout uwu
A la semaine prochaine !!!
- L'auteur ᓚᘏᗢ
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro