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Chapitre 3: Folie.

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Le lendemain après-midi, un peu avant 14h, nous nous retrouvons devant ma maison à attendre patiemment que le taxi que je viens d'appeler arrive. Eren trouve cette idée ridicule, puisqu'à ses yeux il s'agit d'un gaspillage d'argent. Ce n'est pas lui qui s'est fait agresser, mais moi. Surtout qu'avec son état de spectre il n'a rien à craindre. De plus, mon épaule me fait toujours mal.

-J'ai pris un taxi une fois dans ma vie, avoue Eren, c'était pour aller au cinéma voir le premier Harry Potter, ma voiture était au garage et je n'avais pas d'autre choix, tu vois?

-Maintenant non plus tu n'as pas le choix, grognai-je.

Il souffle bruyamment. J'ignore si souffler est le bon terme, car cela impliquerait une respiration. Disons plutôt qu'il lance un bruit semblable à un soufflement de mécontentement.

Après quelques minutes d'attente, je vois au coin de ma rue la voiture à l'écriteau « taxi » arriver. Il se gare devant ma maison, puis j'entre à l'intérieur, accompagné de Eren.

-Où allez-vous? S'enquiert le conducteur.

-Au club vidéo.

L'homme dans la fin quarantaine me lance un regard interrogateur dans son rétroviseur.

-Vous prenez un taxi pour un trajet d'à peine deux minutes? S'étonne-t-il.

-J'ai eu la même réaction, réplique Eren.

-Ta gueule, grognai-je.

-Pardon? C'est à moi que vous parlez, demande le chauffeur les sourcils froncés, c'est vrai que ce n'est pas de mes oignons, mais tentez de rester polie jeune homme.

Je sens mes joues tourner au rouge. Comment lui expliquer que je m'adressais à un fantôme et non à lui?

-Désolé, je ne voulais pas dire ça.

L'homme n'ajoute rien, puis entreprend le chemin. Ce trajet ne sera pas très payant pour lui. Une fois arrivé, je le paye avant de sortir rapidement du véhicule, accompagné d'Eren qui rentre sans m'attendre dans le club vidéo. Il s'agit d'un petit magasin replis de films de tout genre, bref le style d'endroit où je n'aime pas venir. Les rares fois où j'ai mis les pieds, c'était pour venir chercher Hansi qui y travaille.

Heureusement, le brun semble connaitre le magasin et me conduit à travers les allées.

-Voilà les films de Tim Burton, déclare-t-il joyeusement, tu en veux un animé ou un classique avec Johnny Deep?

Je le regarde avec des points d'interrogation dans les deux. Qui? Peu importe de toute façon qu'il choisisse ce qui lui plait.

-Livai, fait une voix un peu plus loin, tu fais quoi ici?

Avec tout ça, j'oubliais complètement que Hansi travaille aujourd'hui. Je ferme les yeux comme si cela pouvait la faire disparaitre, mais évidemment, elle est toujours là et vient à ma rencontre avec le même air piteux qu'elle avait à notre dernière rencontre. Où est donc passée sa joie débordante qui me donne parfois envie de me cacher?

Mon amie traverse le corps d'Eren qui frissonne en lui jetant un regard mauvais, comme pour l'accuser d'une impolitesse, puis elle me prend dans ses bras. Avant mon agression, jamais elle n'aurait fait ça... elle sait que je n'aime pas ce genre d'étreinte et elle non plus.

-Pourquoi tu es ici, s'enquiert-elle, tu devrais te reposer. Tu es venue comment?

Je préfère nettement quand elle me parle avec humour plutôt qu'avec pitié. De ça, je n'en veux pas et n'en a pas de besoin. Ce n'est pas ce qui guérira mon épaule et changera mes pensées.

-Je suis venu me louer un film, avouai-je en m'éloignant un peu, j'ai pris un taxi.

-Tout seul? Mais c'est dangereux voyons!

Je grimace. Est-ce que j'ai l'air d'un gosse qui a besoin d'une nounou pour prendre un taxi? Je suis majeure et le fait depuis très longtemps. Qu'est-ce qui arrive avec Hansi?

-Ton amie est impolie, grogne Eren, elle m'a traversée à travers et Dieu sait comme je déteste ça! Ça fait une désagréable sensation, tu vois?

-Non, je suis venu avec Eren, répondis-je sans pensée.

À voir son aire curieuse, je me maudis d'avoir dit ça. Au moins, ce commentaire a comme effet de détendre le spectre.

-Eren, répète-t-elle, c'est qui ça?

Ça y est, je viens de m'enfoncer... Tant qu'à avoir commencé, mieux vaut continuer et mentir jusqu'au bout. Je n'ai jamais aimé mentir, mais je ne peux pas lui dire qu'Eren est le fantôme qui me suit comme une sangsue.

-Un garçon que j'ai rencontré sur le bateau qui m'a sauvée. Il est très gentil et veux qu'on écoute des films de Jim Murton.

-Tim Burton, corrige le fantôme.

-Ah oui, s'exclame-t-elle, il est où que je voie de quoi cet Eren à l'air? Ça ne dérange pas Erwin que tu passes du temps avec un autre garçon?

Finalement, lui dire ça, était peut-être le mauvais choix... je fais quoi?

-Il est sorti dehors... Vaut mieux que tu ne le rencontres pas tout de suite, il est très timide. Ce n'est qu'un ami, donc Erwin n'a pas à être jaloux.

Eren rit près de moi et je sens mes joues rougir sous la honte. Il ne peut pas aller voir ailleurs le temps que je termine mes mensonges?

-Je comprends, sourit Hansi, et il ressemble à quoi? Il est mignon?

-Est-ce que je suis mignon Livai? Demande Eren en prenant un faux air de séducteur.

-Ce n'est pas important que tu saches à quoi il ressemble puisque ce n'est qu'un ami.

Hansi semble déçue, mais me connaissant, elle sait qu'il ne faut pas insister. Même Eren semble triste de voir que je brise son plaisir en n'embarquant pas davantage dans le sujet.

-Et bien, j'ai hâte de le rencontrer! Termine Hansi en me souriant, bon, je dois continuer à travailler. Fais attention à toi!

-J'ai très hâte de te rencontrer aussi, rigole Eren.

Sur ce, mon amie me laisse seule, le visage honteux. Pourtant Eren n'est qu'un fantôme... mais un fantôme qui un jour a été un vrai garçon vivant et bien en chair. Il finit par choisir deux films en affirmant que c'est des chefs-d'œuvre. Je vais les louer sous ses commentaires incessants, surtout sur ses choix, mais aussi sur ma récente conversation avec Hansi. C'est très difficile de ne pas lui répondre quand il m'énerve!

Après avoir appelé un taxi, je vais attendre dehors. Nous nous trouvons devant une petite route assez utilisée ou plusieurs passants passent du temps, buvant pour certains un café ou simplement marchant dans une certaine direction bien précise. Je dévisage chaque visage avec crainte, espérant qu'aucun d'eux ne soit mon agresseur. Si je le voyais, qu'est-ce que je ferais au juste? Est-ce que je m'enfuirais ou m'engouffrerais dans un magasin, en sécurité?

Mon cœur s'arrête lorsque mes yeux se déposent sur un homme, en plein milieu de la route. Dans la soixantaine avancée, ce petit monsieur au crâne chauve s'est arrêté de marcher, regardant autour de lui, sa canne à la main. Un gros camion ne tarde pas à apparaitre un peu plus loin sur la route, montrant de plus en plus son devant imposant sans ralentir. Le pauvre vieillard n'a aucune chance s'il ne bouge pas, mais personne ne semble vouloir intervenir. Ont-ils tous perdu leur humanité? Je devrais faire quelque chose!

-Monsieur, faites attention !! Poussez-vous!

Mon cri attire des regards curieux. Pourquoi ne font-ils rien ?! Je m'apprête à m'élancer vers lui, mais fonce droit sur Eren qui vient de se placer devant moi, me retenant le visage inquiet par les épaules. Comment un spectre peut-il me toucher? J'essaye de me défaire de son emprise, mais il me tient fermement.

-Lâche-moi, tonnai-je, il va se faire frapper!

-Tu ne peux rien faire pour lui Livai.

Peut-être que j'en aurais eu le temps s'il n'était pas intervenu! Je parviens enfin à me dégager au même moment où le camion fauche le vieux. Je ne peux retenir un cri de terreur, m'attendant à entendre le choc, à voir son corps s'envoler telle une poupée de chiffon. Cependant, rien ne se produit. Aucun bruit... lorsque le véhicule termine de passer, l'homme se tient toujours dans le chemin, indemne. Comment est-ce possible?

-Monsieur, vous allez bien, s'enquiert un homme en habit près de moi qui s'est levé d'un banc, les sourcils froncés.

Je ne sais pas quoi répondre. Est-ce que je vais bien? Le vieillard est toujours en plein milieu de la route alors qu'une foule de voitures le traverse, comme si de rien n'était. Après quelques-unes, il lève sa canne en l'air afin de crier des obscénités aux conducteurs impolis. Je comprends alors que je suis le seul à le voir, comme moi seul vois Eren, comme moi seul ai vu le type à l'hôpital.

Tous les bruits autour de moi se semblent arrêter. Les gens regardent tous la nouvelle attraction, moi, le cinglé qui cri pour rien et se débat dans le vide. Tout commence à devenir flou... dans ce champ de brume muet, je ne vois plus les témoins, plus Eren, plus vieux, personne. Mon cœur semble s'accélérer, emportant avec lui une chaleur immense qui parcourt tout mon corps. Je me sens si faible tout à coup...

Je ne sais pas qui m'attrape quand je perds connaissance, mais je ne me fracasse pas contre le sol. Tout comme à être beaucoup trop pour moi...

Lorsque je revins à moi, je suis assis sur le sol froid d'asphalte, dos au mur du club vidéo. L'homme en habit, accroupi devant moi, me dévisage avec inquiétude. Il me lance un sourire lorsque j'ouvre les yeux.

-Comment vas-tu? Demande-t-il.

Il a dit ça d'un ton sympathique en déposant sa main sur mon épaule, mais je ne peux m'empêcher de le repousser. Un inconnu n'a pas le droit de me toucher.

-Mieux.

-Tu veux que quelqu'un vienne te chercher? Je vais l'appeler.

Je lui donne sans réfléchir le numéro d'Erwin. Comme ma mère travaille, je ne veux pas l'inquiéter. Pendant que l'homme appel, je remarque derrière lui une foule qui chuchote. J'en ai assez d'être le centre de l'attention. J'ai honte, j'ai l'air faible...

Plus jamais je ne veux revenir en public.

Que pensez-vous de ce Livai un peu plus fragile?

Comment réagiriez-vous à sa place?

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