Chapitre 12 - POV Demeteria
J'avais eu de nombreuses occasions pour fuir. J'aurais pu m'éloigner d'elle. Est-ce que cela aurait empêché cette tragédie ? Je n'en avais pas la moindre idée.
Pourquoi étais-je restée dans le fond ?
Sophitia était une fée, elle faisait partie de ceux qui étaient la cause de toute cette situation. À chaque fois que j'apercevais mes cheveux déteints, désormais roux, je me rappelais toute la haine que j'avais pour cette race. Pourtant, je voulais laisser une chance à l'amour. Je voulais croire à ce qui se passait entre Sophitia et moi. Entre cette fée et moi.
Mes sentiments étaient en train de devenir ma pire faiblesse.
Je n'avais eu qu'un but : briser cette magie et quitter ma prison. Mes objectifs étaient désormais bien loin. Encore une fois, parce que Sophitia avait croisé mon chemin et m'avait emmenée vers une autre direction.
Pourtant, elle aussi avait eu de nombreuses occasions de me tuer. Elle aurait pu mais ne l'avait pas fait non plus. Nous nous étions toutes les deux résignées à accepter notre fatalité.
Mais cette nuit-là, tout allait basculer. Tout ce qui avait été créé allait être détruit.
Nos natures étaient plus fortes que tout. Pouvions-nous aller au-delà de ce qui nous définissait ?
Démon. Fée. Dans le fond, qu'est-ce que cela signifiait ? Nous étions nés ainsi, mais étions-nous obligés de suivre la nature que l'on nous avait imposé ?
Pourtant, malgré la pénombre, ses yeux mauves scintillaient d'une expression que je n'avais que peu vu auparavant. Un mélange de peur et d'horreur. Un atroce cocktail qui deviendrait rapidement le poison qui s'écoulerait de mes veines.
Ses longs cheveux verts ondulaient à la moindre brise, et parfois, venaient cacher ses yeux pendant un court instant. Rassurant mais tout aussi inquiétant à la fois.
Peu importait le lieu où nous nous trouvions, je n'arrivais pas à discerner le décor alors qu'une vague de sentiments m'emportait. Étions-nous dehors ? à l'intérieur ? Perdues dans cette immense jungle devenue aujourd'hui ma prison ?
Aucune idée. Je ne savais rien. Je ne voyais qu'elle. Et même mon propre reflet dans ses iris mauves. Ma rougeur disparue et mon regard perdu. Je n'étais plus celle que j'avais été.
Demeteria. C'était mon nom, celui que j'avais adopté pendant de longues années, celui qui me définissait. Je n'étais plus le démon qui avait terrorisé toutes ces fées, j'étais l'ange déchu qui était tombé pour elle.
Mes traits n'avaient jamais été autant marqués et s'enfonçaient dans chaque parcelle de ma peau. Tout ce que j'avais voulu retrouver avait été mes ailes. Mais j'y avais renoncé pour elle.
Alors comment en étions-nous arrivés là ? J'avais tellement de questions en tête, mais aucune réponse.
Ses yeux me transperçaient, tels de longs couteaux aiguisés, prêts à détruire chaque partie de mon corps. C'était bien ça qui me faisait peur. Je savais ce qu'elle voulait faire, je comprenais désormais ce qui m'attendait. Il n'y avait plus qu'une solution à tout ça.
Je voulais la supplier, dire quelque chose, n'importe quoi pour l'en empêcher, pour lui prouver qu'on pourrait s'en sortir, que nos natures n'étaient rien. Mes jambes devinrent tremblantes et j'étais prête à lâcher prise, à m'écrouler au sol pour pleurer, peut-être pour la première fois de ma vie. Mais rien. Je restais debout, les yeux toujours aussi secs. Je voulais exprimer bien plus de sentiments que je n'avais pu le faire en toute une vie.
Je n'aurais pas été plus faible de lui demander tant. N'étais-je pas déjà tombée suffisamment bas en m'éprenant d'une créature comme elle, ce doux agneau ?
Plus rien ne pourrait me sauver désormais. C'était juste entre elle et moi. Nous étions deux à nous être embarquées dans cette histoire, mais nous ne serions plus qu'une dans quelques minutes.
Je sentais la haine grandir en elle. Elle se laissait posséder par ses émotions, mais aussi par ses valeurs. Elle avait des gens autour d'elle. Elle avait une famille, des amis... Une vraie communauté. Tandis que je n'étais que le monstre dans sa cage, seul et exposé aux yeux de tous.
Finalement, tout cela n'avait été qu'illusion passagère. En fait, je ne savais plus quoi penser de tout ça. Avions-nous réellement partagé quelque chose ? Ou n'avions nous jamais été que des ennemis naturels ?
Mes sentiments... Devais-je vraiment les appeler comme ça ? Après tout, je n'en avais jamais eu. Je ne pouvait pas savoir ce que c'était. Pourtant, à chaque fois que j'avais été avec elle, j'avais senti un pincement à mon cœur. J'avais tenté de l'ignorer pour finalement y succomber. Cette douleur qui perdait de sa souffrance... Ce n'était même plus blessant au fur et à mesure. Au contraire, c'était devenu quelque chose de bien.
Mon regard l'implorait et les traits de mon visage, qui avait autrefois exprimé toute ma haine envers les personnes de son genre, ne dessinaient que de la peur.
Oui, j'avais peur.
La même peur que j'avais éprouvé quand on m'avait enfermée ici pour l'éternité. Je n'étais rien à cette époque, je n'avais pas la moindre idée de ce que j'allais devenir. Et ce rien s'était évanoui avec elle pour finalement reprendre sa place et y régner pour toujours.
Je devais fuir, c'était le seul moyen de m'en sortir. Si je voulais avoir encore une chance. Si je voulais vivre. Il ne me suffisait de lui voler sa clé au nom de la liberté.
Oui, il fallait que je fuis.
L'adrénaline montait en moi tandis que mes muscles se préparaient au prochain effort auquel j'allais les soumettre. Mes jambes n'attendaient que le départ pour s'élancer.
Mais je restais immobile, face à elle. Incapable de faire le moindre geste. Peut-être parce qu'il était déjà trop tard...
Dans un geste brusque et violent, je sentis un poids s'enlever de mon corps. Mon cœur. Elle le tenait dans sa main. Le sang se répandait sur son bras autant qu'il jaillissait de la plaie béante de mon torse. Je la palpai.
Non, ce n'était pas qu'une plaie.
C'était un trou, un fossé... un cratère ! Mes doigts pouvaient s'y glisser, côtoyant mes côtes. Le sang se propageait sur ma peau, brûlant tout à son passage. La douleur s'accentuait, quittant ce trou pour se diffuser jusqu'au bout de chacun de mes membres. Mes pieds, je commençais à les perdre.
Tombant sur mes genoux, je la regardai. Elle, qui me semblait désormais bien trop puissante. Son regard toujours aussi dur et glacial. Je n'étais plus rien, pour toujours.
Je ne pouvais décoller mes mains de ma blessure. Elle m'avait arrachée le cœur. Bien pire que le simple coup de poignard auquel je m'attendais. Non, elle s'était servie de sa magie. Elle avait obéi aux autres... Elle n'était qu'une fée comme les autres.
Je savais désormais que plus rien ne pourrait m'aider... ou même l'aider. Elle était redevenu ce qu'elle était.
Une fée.
Ce que je n'étais pas. Je n'étais qu'un démon. Un démon que ses proches avaient banni. Un démon qu'elle venait de tuer pour les siens.
De toute manière, ma vie n'avait plus la moindre importance. Avais-je vraiment vécu ?
Je n'avais plus le temps pour répondre à cette question. Je tombais lentement au sol. Le contact de celui-ci contre ma peau pouvait me rassurer, étrangement.
Je jetai un bref regard à mes mains avec le peu de force qui me restait. Je n'y voyais que du rouge. Ce liquide visqueux me brouillait la vue. Il ne cessait pas pour autant de couler. Il se répandait désormais sur le sol, m'encerclant doucement. Il m'enfermait. Ma nouvelle prison.
J'hésitai à la regarder. Qu'allais-je bien pouvoir voir dans son regard ? Mis à part sa haine. Elle avait décidé de faire une croix sur le passé. C'était fini. Tout était fini.
Il n'y avait plus le moindre espoir.
Je ne savais plus rien. La mort. C'était ce qui m'attendait. Vraiment ?
Je fermai les yeux un bref instant, avec douleur. Si je devais supporter ce mauvais moment, qu'il s'achève au plus vite. Je me consumait de l'intérieur à petit feux.
Je finis par faire face à la réalité, ouvrant mes yeux. Mon cœur était posé à mes côtés. Je voulais le prendre dans mes mains, le remettre à sa place. Mais avec quelle force ? J'étais faible. Je ne pourrais être qu'une faible.
J'essayai de tendre mon bras, mais abandonnai et le posai au sol. Impossible. Le force me manquait. Mes faiblesses prenaient le dessus. Je m'étais laissé aller à la pire faiblesse : celle de tomber amoureuse.
Et voilà comment j'avais commis la pire erreur de ma vie !
Je ne faisais qu'en payer le prix après tout. À quoi m'étais-je attendue-je ? J'aurais dû savoir que tout ceci n'avait pas le moindre but. J'aurais dû le prévoir.
Je ne levai pas les yeux. La voir ? Pour quoi faire ? Aucune importance. Je n'avais plus la force de rien. Pas même de pleurer. Ma vision se brouillait. Les lignes se déformaient. Les formes devinrent floues. Les couleurs se mélangèrent et se ternirent dans un gris fade. Les détails du paysage s'évanouissaient.
De toute manière, ce décor ne m'avait pas marqué. Pourtant, plus jamais je ne le verrai. Plus jamais je ne ressentirai quelque chose. Plus jamais... Plus jamais je ne goûterai à la liberté.
J'aurais dû fuir.
Je regrettais tout, et rien à la fois. Tout ce que j'avais connu, et tout ce que je n'avais pas connu. Mais j'avais essayé. J'avais laissé une chance. J'avais voulu y croire. Nous avions voulu y croire. Elle avait refusé de me tuer une première fois. Mais pas cette fois. J'avais échappé à la mort, seulement une fois, pas plus. Il y avait bien un moment où ça devait arriver.
Le sang collait à ma peau et son odeur ferrique imprégnait mes narines. Mais j'en oubliais rapidement la saveur. Mes sens me lâchaient un à un.
D'abord, la vue...
Maintenant, l'odorat. Toutes les saveurs de ma prison végétale allait me manquer. Mes souvenirs devenaient bien trop vagues pour que je puisse les décrire. Mais je savais que je les avais appréciés. Leur douce saveur m'avait distraite à de nombreuses reprises. De quoi ? Aucune idée.
Puis, l'ouïe. Entre écho et martèlements dans ma tête. Je sentais que les sons ne feraient plus partie de ce que je connaîtrai. Cette prison, j'en avait connu les moindres bruits... mais je repensai à sa voix. À elle. Elle n'avait pas émis le moindre mot en me tuant. Pas la moindre justification. Je voulais confirmer mes doutes. Je voulais comprendre.
Je croyais qu'elle m'aimait.
Je le croyais.
N'avait-elle fait que me mentir, à mon plus grand malheur ? En fait, je n'en savais rien. Mes pensées se brouillèrent. J'étais incapable de réfléchir convenablement.
Je cherchais du sens. Peu importe le sens. J'allais mourir. J'étais déjà morte. Elle me considérait comme morte. Ce n'était pas en m'arrachant l'un de mes organes les plus essentiels à la vie qu'elle m'avait tuée. Non, elle m'achevait par sa trahison.
Je tentai de lever ma main vers elle. Elle devait revenir sur son geste. Elle devait m'aider.
Elle ne sembla pas réagir. En réalité, je ne voyais rien. Je ne discernais plus rien. Elle était peut-être déjà partie. À moins qu'elle ne me regarde agoniser.
Le noir me submergeait. Je laissai mon bras tomber brusquement au sol. Je n'arrivais plus à fermer les yeux. À quoi bon ? Il n'y avait rien à voir.
Je n'avais plus rien à faire ici. Ils avaient eu ce qu'ils voulaient après tout. Ils auraient dû me tuer dès le début, au lieu de m'enfermer ici. Pourquoi avaient-ils voulu me garder en vie mis à part pour me voir souffrir ?
Je posais bien trop de questions pour une future morte...
Et puis je me demandais ce qu'était l'au-delà. J'étais un démon. Aurais-je le droit à une seconde chance là-bas ?
Il était désormais trop tard pour répondre à cette foule de questions. C'en était fini.
Mon corps me lâchait définitivement. Je ne sentais plus rien, transportée vers un autre monde.
La mort. Je n'avais plus que ça désormais. Ils m'avaient tous laissés, et pire, elle m'avait tuée.
Demeteria ne ferait plus partie de ce monde et peut-être d'aucun autre. J'étais morte. Juste morte. Tuée par elle, ma traîtresse.
Après la souffrance, venait alors la délivrance... Ou quelque chose dans le genre, je ne pourrai dire...
Tout me lâchait désormais.
Auteur: Miss-red-in-hell
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