Cohabitation. (27)
Mon nouveau quotidien, c'est la guerre. Tout nous irrite et nous pousse dans nos retranchements. Thomas a pu nous apporter deux matelas supplémentaires, pas un de plus. Il s'est avéré que nous devions toutes partager notre couche en binôme. La neuvième pouvant ainsi prendre le canapé.
Toutefois, il est rapidement devenu évident que les sept filles se connaissent et ce, de longue date. Plutôt que se voir séparées, elles préfèrent coller les trois matelas côte à côte pour dormir les sept ensembles. Elles se sont installées dans le coin totalement opposé à l'emplacement où nous dormons avec Chloé.
Le seul moment où elles ont montré de la reconnaissance, c'est quand j'ai défait leurs cordes, aidée par Chloé. Cette dernière s'est murée dans le silence et ne croise plus mon regard, ce qui m'attriste profondément.
Au bout de quelques heures de silence, je ne tiens finalement plus. Je traverse la pièce et vais me planter en face de ces filles inconnues avec lesquelles nous sommes forcées de cohabiter.
— Bonjour, je m'appelle Layland, me présenté-je. Je suis arrivée il y a deux semaines. Je sais que ce n'est pas facile et que vous ne voulez probablement pas me voir, même en peinture. Mais je ne suis pas votre ennemie. J'aimerai simplement que notre cohabitation se passe au mieux possible.
L'une d'elles, que j'identifie immédiatement comme une forte tête, à cause de son regard inquisiteur et de sa posture confiante, se lève pour me faire face.
— Tu es celle qui va nous choisir. Tu comptes vraiment le laisser nous tuer, les unes après les autres ?
— J'ai essayé de lui faire entendre raison et je continuerai. J'ai bien réussi à l'empêcher de prendre Chloé...
La fille aux cheveux de jais se met à rire, me toisant de son regard aussi sombre que la nuit.
— On voit bien que tu ne maîtrises rien du tout, comme si on allait te croire.
— Dans ce cas, qu'est-ce que ça peut changer ? murmure une petite rousse aux allures angéliques. Si de toute façon, tout est perdu d'avance, autant tenter de s'entendre.
Son commentaire est suivi de plusieurs murmures d'approbation.
— Et puis, nous sommes nombreuses. On pourrait facilement réussir à trouver une manière de se sortir de là.
Je fixe la personne courageuse et pleine de morgues qui vient de parler. Sa peau sombre contraste avec ses longues extensions capillaires qui forment des tresses violettes.
— On ferait mieux de se présenter ? demande une voix hésitante. Je m'appelle Églantine.
Églantine est blonde et ses yeux sont clairs, mais je n'arrive pas à déterminer leur couleur exacte. Sa corpulence carrée, trapue, contraste avec la finesse de ses traits.
Les présentations se chevauchent si vite que je ne retiens seulement quelques prénoms. La rouquine timide s'appelle Juliette, la noire aux cheveux violets, c'est Sophia. La seule autre que j'ai mémorisée est la fille aux airs supérieurs qui se nomme Fany.
— Comment vous êtes-vous retrouvées ici ? demande Chloé si doucement que je crains qu'elles ne l'aient entendu.
— Oh, c'est embarrassant. En fait, on parlait de sujets hypersensibles sur le blog que l'on tient en commun depuis le lycée, soupire Fany. Ce jour-là, on s'est donné rendez-vous pour se revoir.
— Vous avez écrit sur un blog public le lieu de votre rencontre ? je demande d'un air circonspect.
Même moi qui viens de la campagne profonde, je sais que ce n'est pas quelque chose à faire.
— Exact, acquiesce Fany. On s'est donné rendez-vous chez Natasha, dit-elle en désignant une grande brune qui a de nombreux boutons.
— Mais alors, comment il a réussi à vous kidnapper toutes les sept ?
— On s'était commandé un Macdo par uber eat, murmure Juliette. Maintenant que j'y pense, c'était bizarre que le livreur n'ait pas la veste de l'enseigne.
— Il a dû se faire passer par notre ami qui attendait la livraison, décrète Fany.
Je réfléchis à la scène et ne comprend toujours pas comment il a pu s'y prendre. Je note l'incohérence de leur récit et les questionne.
— Comment a-t-il su que vous prendriez à manger à emporter ? m'entends-je demander.
— Ça aussi, on en avait convenu sur le blog... murmure Natasha en levant ses yeux au ciel. Et pour trouver le lieu du rendez-vous, il a dû partir du nom de la ville et chercher la maison qui lui ressemblait. Il y a des photos de moi devant cette maison aussi, ça se trouve on voit même le numéro de l'adresse. Mais qu'est-ce que je suis stupide !
— On a toutes mises nos informations personnelles, soupire Fany.
— J'aurais jamais pensé que quelqu'un d'autre que nous regardait ça.
Je laisse les filles se complaindre et se lamenter sur leur stupidité. Je ne peux savoir comment Thomas a pu trouver leur blog, peut-être même qu'il guette cette opportunité depuis longtemps. Mais moi aussi, je suis dépassée par les évènements et je n'arrive pas à leur en vouloir de n'avoir pas été assez prudentes. Je suis exactement comme elles.
— Et que s'est-il passé ensuite ? demandé-je à Sophia.
— Toujours est-il qu'il nous a donné notre uber eat avant de partir. Sauf qu'après avoir mangé et bu, on s'est toutes senties hyper bizarres. Nous étions joyeuses, puis fatiguées et nous avons perdu tout contrôle. Quand j'ai repris mes esprits, j'étais ligotée dans l'arrière de son van avec les filles.
— Oh, je vois, murmuré-je. Il a dû droguer vos boissons, comme il l'a fait avec moi...
Cette expérience commune semble immédiatement nous rapprocher et chacune partage ses derniers souvenirs clairs avant que la drogue n'ait fait effet.
— Et Natasha, il n'y a pas de caméras dans ton quartier où dans ta maison ?
— Non, rien. En plus là bas, c'est assez isolé...
— Alors il y a peu de chance que quelqu'un l'ai aperçu ou que qui que ce soit ait pu noter la plaque, c'est ça ?
Elle hoche la tête et un soupir collectif s'abat sur le chai. Il y a peu de chance que leur enlèvement incrimine Thomas, ni que la police parvienne à retrouver leur trace. Découragée par ces nouvelles, je réfléchis à une autre issue possible, pour qu'on puisse toutes sortir de là. Les idées me fuient malheureusement, et mes épaules se voûtent par désespoir. Nous avons l'avantage du nombre, mais à part ce maigre avantage, que nous reste-t-il ?
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